Chouette tachetée (sous-espèce caurina) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

Biologie

La Chouette tachetée du Nord est l’un des oiseaux les plus étudiés d’Amérique du Nord. Ce prédateur de haut niveau aux besoins spécialisés en matière d’habitat se trouve au sommet de la chaîne trophique dans certains écosystèmes de forêt de conifères aux stades avancés de succession de la côte ouest de l’Amérique du Nord. La Chouette tachetée du Nord de la Colombie-Britannique s’est adaptée à des conditions climatiques plus rudes; elle aurait donc une capacité génétique d’adaptation aux conditions changeantes supérieure à celle des populations du sud et pourrait jouer un rôle important dans la conservation de l’espèce si des changements environnementaux survenaient à grande échelle (SOMIT, 1997a). La plupart des connaissances sur la biologie de la Chouette tachetée du Nord proviennent de l’étude des populations des États-Unis. Toute l’information décrite à la présente section est tirée de sources américaines, sauf lorsque la Colombie-Britannique est mentionnée.

Cycle vital et reproduction 

La Chouette tachetée est généralement monogame, bien que certaines observations suggèrent une faible incidence de séparation des couples, peut-être en raison de la concurrence d’une autre Chouette tachetée ou d’un faible succès de reproduction (Forsman et al., 2002b). La première reproduction a généralement lieu à l’âge de deux ou trois ans, mais certains individus se reproduisent dès l’âge de un an. À la fin de l’hiver et au début du printemps, les Chouettes tachetées commencent à percher ensemble près du nid quatre à six semaines avant la ponte, la copulation survenant généralement deux à trois semaines avant la nidification (Forsman et al., 1984). La taille moyenne des couvées est de deux œufs, mais il n’est pas rare qu’un seul œuf soit pondu. La période d’incubation est estimée à 30 +/-2 jours (Forsman et al., 1984). Les femelles incubent les œufs et couvent les oisillons pendant que les mâles fournissent la nourriture à la femelle et aux juvéniles (Forsman et al., 1984). La plupart des juvéniles quittent le nid à l’âge de 34 à 36 jours.

On ne dispose d’aucune donnée sur la taille des couvées en Colombie-Britannique, mais la plupart des nids actifs observés (2002-2005) contenaient deux oisillons (deux oisillons dans six nids, un oisillon dans trois nids, nombre inconnu dans deux nids) (Hobbs, 2002, 2004, 2005). Les juvéniles quittent le nid entre le 9 et le 26 juin en Colombie-Britannique (Hobbs, 2005). Le succès de l’envol a été observé dans 14 nids en Colombie-Britannique entre 2002 et 2006 : dans neuf nids, au moins un juvénile a pris son envol, deux nids ont été attaqués par un prédateur, un a été abattu par le vent et on ignore le succès de l’envol dans les deux autres (Hobbs, 2002, 2004, 2005; tableau 1). Après l’envol, les juvéniles demeurent près du nid en août et jusqu’à la fin de septembre avant de se disperser. En Colombie-Britannique, la dispersion a été observée entre le 10 et le 21 septembre (Hobbs, 2005) et aussi tard que le 30 septembre (I. Blackburn, comm. pers. dans Hobbs, 2005).

Le taux de reproduction annuel des populations dépend surtout du nombre de couples qui se reproduisent chaque année (peu d’individus se reproduisant lors des « mauvaises » années et la plupart des individus se reproduisant lors des « bonnes » années), plutôt que de la productivité des couples reproducteurs (Franklin et al., 2002). La majorité des Chouettes tachetées du Nord ne se reproduisent pas chaque année (Gutierrez et al., 1995). Dans une zone d’étude en Oregon, le pourcentage annuel de femelles reproductrices s’élevait en moyenne à 56 p. 100 (entre 18 et 82 p. 100), durant la période de 1985 à 2002 (Forsman et al., 2002b). Aux États-Unis, le nombre annuel moyen de juvéniles prenant leur envol par femelle territoriale adulte était de 0,372 entre 1985 et 2003 (Anthony et al., 2006). En Colombie-Britannique, la plupart des nids ayant fait l’objet d’un suivi (57 p. 100; n=14) entre 2002 et 2005 ont produit des juvéniles jusqu’à l’envol (tableau 1). Dans la plupart des nids qui ont produit un juvénile jusqu’à l’envol, deux juvéniles ont pris leur envol (56 p. 100; n=9) (tableau 1).

Tableau 1. Nombre de juvéniles qui ont pris leur envol dans des nids ayant fait l’objet d’un suivi en Colombie-Britannique entre 2002 et 2006. Données de Hobbs (2002, 2004, 2005) et de J. Hobbs, comm. pers.
Année Nbre de nids Nbre de juvéniles à l’envol
2002 1 2
2002 2 2
2003 1 1
2003 2 2
2003 3 2
2003 4 Échec
2004 1 2
2004 2 Prédation
2004 3 1
2004 4 1 (+1 encore dans le nid)
2005 1 1
2005 2 Prédation
2006 1 0
2006 2 ?
Total 14 14

Un faible pourcentage seulement de Chouettes tachetées du Nord âgées de un an (1,5-8,4 p. 100) et de deux ans (2,6-33,3 p. 100) se reproduisent. Le pourcentage d’individus en couple dépasse celui des individus reproducteurs (20-83 p. 100 pour les individus de un an et 57-74 p. 100 pour les individus de deux ans) (Forsman et al., 2002a), et il semble que la reproduction soit reportée de un an ou plus après la formation du couple. En Oregon, l’âge moyen de formation des couples était de 2,4 ans pour les mâles et de 1,9 an pour les femelles, tandis que l’âge moyen de première reproduction était de 3,9 ans pour les mâles et de 3,4 ans pour les femelles (Forsman et al., 2002b).

Physiologie, recherche de nourriture et alimentation 

La Chouette tachetée a trois adaptations pour la prédation nocturne : une vision aiguë, une ouïe fine et des plumes modifiées pour voler sans faire de bruit (USDI, 1992). La Chouette tachetée du Nord se nourrit principalement de rongeurs arboricoles et semi-arboricoles qu’elle chasse la nuit, généralement en se perchant et en attendant de détecter sa proie par la vue ou l’ouïe (Gutiérrez et al., 1995). Dans la partie nord de son aire de répartition, l’analyse du pourcentage de fréquence des boules régurgitées indique que les principales sources de nourriture sont le grand polatouche (Glaucomys sabrinus, 32 p. 100), le campagnol à longue queue (12 p. 100), la souris sylvestre (Peromyscus spp., 10 p. 100), le campagnol rouge et le campagnol des champs (Clethrionomys/Microtus spp., 10 p. 100) et le rat à queue touffue (Neotoma cinerea, 7 p. 100) (Gutiérrezet al., 1995).

Une récente étude dans trois secteurs de l’ouest de l’État de Washington a confirmé que le grand polatouche était la proie la plus fréquemment capturée (de 29 à 54 p. 100 du nombre de proies) et représentait la plus grande proportion de la diète par poids (de 45 à 59 p. 100 de la biomasse) dans l’habitat humide. Parmi les autres proies d’importance, on comptait le lièvre d’Amérique (Lepus americanus), le rat à queue touffue, le campagnol à dos roux et les souris (Forsman et al., 2001). On croit que les différences observées entre les années et les régions sont principalement dues aux variations dans l’abondance des espèces de proies (Forsman et al., 2001).

En Colombie-Britannique, le grand polatouche, le rat à queue touffue et la souris sylvestre sont les proies de prédilection de la Chouette tachetée du Nord (Horoupian et al., 2000), une diète qui ressemble à celle dans l’État de Washington. Les écureuils représentent 64,6 p. 100 de la biomasse consommée. De cette biomasse, le grand polatouche compte pour 41,2 p. 100, alors que trois autres espèces d’écureuils (Tamiasciurus sp.) représentent 0,8 p. 100 de la diète, et des proies non identifiées de la taille d’un écureuil représentent un autre 22,6 p. 100. Les souris sylvestres apportent peu de calories en raison de leur petite taille. Selon Horoupian et al. (2000), le pourcentage des espèces de proies, en termes du nombre de proies consommées, ne diffère pas entre les forêts humides côtières et les forêts intérieures sèches de la Colombie-Britannique, mais les rats des bois représentent 99 p. 100 de la diète au moins dans certains nids de l’intérieur de la Colombie-Britannique (dans des sites plus secs) (J. Hobbs, comm. pers.). Les oiseaux sont rares dans la diète de la Chouette tachetée du Nord, mais Hobbs (2005) signale un cas de prédation d’un Junco ardoisé (Junco hyemalis).

Domaine vital

Le domaine vital est relativement grand pour un oiseau des forêts. La Chouette tachetée du Nord ne migre pas, et les adultes occupent généralement le même domaine vital à l’année longue (Gutiérrez et al., 1995). La superficie du domaine vital tend à augmenter en fonction de la latitude, de l’humidité de l’écosystème et de la fragmentation des peuplements vieux (Forsman et al., 1984, 2005; Thomas et al., 1990; Carey et al., 1990; Glenn et al., 2004). Il est également possible que le domaine vital soit plus vaste dans les régions où la principale proie de la Chouette tachetée est le grand polatouche (Forsmanet al., 2005). Le domaine vital est plus petit durant la saison de reproduction, car les individus concentrent leurs activités autour du nid pendant cette période (Carey et al., 1990; Forsman et al., 2005).

Les domaines vitaux de couples voisins se chevauchent généralement quelque peu (Thomas et al., 1990). En Oregon, des chouettes occupant des territoires adjacents partageaient en moyenne 12 p. 100 de leur domaine vital. Ces zones de chevauchement tendent à se situer en périphérie des domaines vitaux, dans des secteurs où les chouettes passent une petite proportion de leur temps (Forsman et al., 1984). Dans la péninsule Olympic de l’État de Washington, les domaines vitaux se chevauchent d’environ 70 p. 100 (Forsman et al., 2005). D’autres études menées dans l’État de Washington ont permis de constater des domaines vitaux d’une superficie de 2 100 à 4 000 ha (analyse dans Gutierrez et al., 1995).

Dans l’État de Washington, le domaine vital moyen annuel de couples de Chouettes tachetées est plus étendu dans les forêts humides de l’ouest (3 300 ha, 67 p. 100 d’habitat convenable) que dans les forêts plus sèches de l’est (2 700 ha, 71 p. 100 d’habitat convenable) (Hanson et al., 1993). La tendance se maintient probablement aussi en Colombie-Britannique. Dans cette province, la superficie estimée du domaine vital de trois couples de chouettes dans des écosystèmes secs était d’environ 1 400 à 4 600 ha, avec une proportion d’habitat convenable de 60 à 66 p. 100 (Blackburn et Godwin, 2003).En Colombie-Britannique, un mâle suivi par télémesure a été observé perché en présence d’une femelle et d’un juvénile à 1,5 km du nid, ce qui suggère un territoire d’au moins 700 ha pour l’élevage des petits (Blackburn et Godwin, 2003).

L’ECRCT a déterminé que les besoins en matière de domaine vital (superficie minimum d’habitat convenable requise par territoire et taille maximale possible du territoire) diminuent à mesure que l’habitat passe d’une sous-région côtière (maritime) à une sous-région intérieure (continentale). On estime à l’heure actuelle que la quantité moyenne d’habitat convenable requise pour un territoire est : sous-région maritime, 3 055 ha; sous-région sous-maritime, 2 211 ha; sous-région continentale, 1 912 ha (Chutter et al., 2007).

Comportement

La Chouette tachetée du Nord est un oiseau facile d’approche qui semble relativement « apprivoisé » pour une espèce aussi rare et solitaire. Cependant, la Chouette tachetée peut défendre activement son nid et ses petits contre les prédateurs et les biologistes qui s’en approchent trop (Forsman, 1976; Gutiérrezet al., 1995).

La Chouette tachetée du Nord souffre facilement de la chaleur et tend à choisir son habitat de perchoir de manière à réguler sa température (Barrows, 1981). Les chouettes réagissent aux variations de température en se déplaçant dans le couvert forestier vers des microclimats plus favorables. Dans les chaleurs de l’été, les perchoirs sont habituellement situés en des endroits frais et ombragés. Une hypothèse veut que leur étroite fenêtre de tolérance à la température ambiante soit l’une des raisons pour lesquelles l’espèce privilégie fortement les habitats de peuplements matures et vieux (Gutiérrez et al., 1995).

Des données de radiotélémesure recueillies en Colombie-Britannique auprès de trois juvéniles en dispersion ont démontré que les chouettes réagissent à une accumulation de neige de quelques centimètres en se déplaçant sur de longues distances en peu de temps (Hobbs, 2004), probablement à cause d’un stress thermique ou d’une diminution de la disponibilité des proies. Ce comportement n’a pas été observé chez deux individus munis de radio-émetteurs en 2004-2005, période où les accumulations de neige n’ont pas persisté ni atteint de profondeur supérieure à quelques pouces (Hobbs, 2005). Hobbs (2005) a observé un comportement remarquable lors d’un grand feu de forêt près de Lillooet : un mâle, une femelle et deux juvéniles après l’envol sont demeurés calmement perchés à environ 50 m d’une forêt en flammes produisant une épaisse fumée, même au moment où le site était bombardé d’eau par des hélicoptères.

Survie et recrutement

Le taux de survie annuel des adultes est relativement élevé (0,750-0,886) et les adultes sont longévifs; certains individus sauvages ont plus de 17 ans (Gutierrez et al., 1995). Les adultes ont un taux de survie plus élevé que les individus de un an (0,415-0,860) ou de deux ans (0,626-0,886) (Anthony et al., 2006). Le taux de survie des juvéniles est bas et il est généralement considéré comme le principal facteur limitatif au recrutement dans la population (Gutiérrez et al., 1995). Environ 50 p. 100 (Forsman et al., 2002a) à 70 p. 100 (Blakesley et al., 2001) des juvéniles meurent après l’envol, avant ou pendant la dispersion, et environ 25 p. 100 seulement survivent à leur premier hiver (Gutiérrez et al., 1995).

En Colombie-Britannique, six des sept juvéniles munis de radio-émetteurs entre 2002 et 2005 sont morts : quatre sont morts de faim, un a été tué par un prédateur et un est mort de cause inconnue (Hobbs, 2005; Hausleitner, 2006). Le sort du septième individu est inconnu puisque son radio-émetteur était défaillant (Hobbs, 2005).

Le recrutement dans la population de la Colombie-Britannique est essentiellement nul depuis que le suivi a commencé durant les années 1990; un seul juvénile a pris son envol en 2005 et aucun en 2006 (Hausleitner, 2006).

Prédation et compétition 

L’Autour des palombes (Accipiter gentilis), l’Épervier de Cooper (Accipiter cooperi), la Buse à queue rousse, le Grand-duc d’Amérique (Bubo virginianus) (Johnson, 1992; Forsman et al., 2002a) et la Chouette rayée (Leskiw et Gutiérrez, 1998) sont les oiseaux prédateurs de la Chouette tachetée du Nord. Le Grand-duc d’Amérique occupe un habitat en bordure des forêts et il semble être le principal prédateur de la Chouette tachetée du Nord (Forsman et al., 1984; Carey et al., 1992). La prédation représente le principal facteur de mortalité des juvéniles (68,0 p. 100), et la majorité est attribuable aux oiseaux prédateurs (81 p. 100), le Grand-duc d’Amérique étant le principal suspect (Forsman et al., 2002a). Certains mammifères, comme le pékan (Martes pennanti), peuvent se nourrir d’œufs et de juvéniles (Gutiérrez et al., 1995), et dans un cas, on soupçonne qu’une Chouette tachetée juvénile aurait été l’objet de la prédation par un ours noir (Ursus americanus) (J. Hobbs, comm. pers.).

En Colombie-Britannique, l’un des deux seuls nids actifs en 2005 a été détruit par un prédateur inconnu qui a tué la femelle adulte et les oisillons dans le nid (Hobbs, 2005). En 2004, un oisillon aurait été tué par un Autour des palombes et un autre par un Grand-duc d’Amérique (Hobbs, 2005).

Il semble aller de soi que la prédation par le Grand-duc d’Amérique, la Chouette rayée et la Buse à queue rousse augmentera à mesure qu’augmente la fragmentation de l’habitat, puisque ces espèces sont plus abondantes dans les forêts plus fragmentées. Ces relations n’ont toutefois pas encore été démontrées (Courtney et al., 2004).

Il existe des occurrences connues de Chouettes rayées (Strix varia) et de Grands-ducs d’Amérique (Bubo virginianus) à l’intérieur de l’aire de répartition de la Chouette tachetée du Nord, et ces strigidés lui font compétition pour la nourriture (Gutiérrez et al., 1995) et l’espace (Kelly et al., 2003). Le Grand-duc d’Amérique et la Chouette rayée peuvent vivre dans une grande variété d’habitat forestier, contrairement à la Chouette tachetée du Nord qui est beaucoup plus spécialisée en matière d’habitat. Les Chouettes tachetées du Nord vivant dans un paysage fragmenté ont un domaine vital plus grand que les individus vivant dans un habitat plus contigu (Forsman et al., 1984), ce qui se traduit par un plus grand chevauchement avec l’habitat utilisé par les Grands-ducs d’Amérique et les Chouettes rayées et, par conséquent, augmente le risque de compétition.

La compétition avec la Chouette rayée est une menace largement reconnue pour la Chouette tachetée du Nord, en raison de la compétition accrue pour l’espace et les proies, ainsi que de la prédation et de l’hybridation accrues (Wilcove, 1987; Careyet al., 1992; SOMIT, 1997a). D’autres études ont démontré un effet négatif de la présence de Chouettes rayées sur la survie de la Chouette tachetée (Anthony et al., 2006). On a observé de forts comportements de défense territoriale entre des Chouettes rayées et des Chouettes tachetées du Nord, et on sait que la Chouette rayée peut déloger la Chouette tachetée du Nord aux États-Unis (Hamer, 1988; Hamer et al., 2001; Kelly, 2002; Kelly et al., 2003; Herter, 2004). Les études de Kelly ont démontré que les Chouettes rayées délogeaient parfois les Chouettes tachetées du Nord de leur territoire lorsqu’une Chouette rayée était présente à moins de 0,8 km du centre du territoire d’une Chouette tachetée du Nord. Les Chouettes tachetées du Nord qui n’avaient pas été délogées maintenaient leur taux de reproduction normal, mais le taux de reproduction à l’échelle régionale diminuait car le nombre de Chouettes tachetées du Nord avait diminué (Kelly, 2002). À l’inverse, une autre étude menée en Oregon a révélé que des Chouettes rayées délogeaient certaines Chouettes tachetées du Nord, mais que la population de ces dernières n’avait pas subi de déclin (Forsman et al., 2002b).

La compétition pour la nourriture entre la Chouette rayée et la Chouette tachetée du Nord semble probable, puisque leurs diètes se recoupent beaucoup (76 p. 100 selon une étude menée dans l’ouest de l’État de Washington), la nourriture est un facteur limitatif certaines années, et des Chouettes rayées ont envahi une bonne partie de l’aire de répartition de la Chouette tachetée du Nord (Hamer et al., 2001).

La compétition avec la Chouette tachetée est un phénomène relativement nouveau puisque les deux espèces étaient auparavant séparées géographiquement. Durant les années 1960, la Chouette rayée a étendu son aire de répartition vers l’ouest et le sud de sorte qu’elle chevauche aujourd’hui celle de la Chouette tachetée du Nord en Colombie-Britannique (Campbell et al., 1990; Dunbar et al., 1991) et aux États-Unis (Hamer, 1988; Gutiérrez et al., 1995). L’expansion de l’aire de répartition est probablement attribuable à la fragmentation de l’habitat des forêts de conifères et aux changements climatiques dans la forêt boréale.

L’ampleur de la compétition potentielle en Colombie-Britannique est illustrée par la constatation, au début des années 1990, que la Chouette rayée était quatre fois plus abondante que la Chouette tachetée du Nord à l’intérieur de l’aire de répartition de cette dernière (Dunbar et Blackburn, 1994). Ce phénomène a été récemment confirmé (2004-2005) par des relevés de la Chouette tachetée dans son habitat convenable en Colombie-Britannique, dans le cadre desquels la fréquence de réponse aux appels était de trois à six fois plus élevée chez la Chouette rayée que chez la Chouette tachetée du Nord (Hobbs, 2004, 2005; Keystone, 2004). Il ne fait aucun doute que la Chouette rayée est aujourd’hui relativement commune dans l’ensemble de l’habitat de la Chouette tachetée du Nord en Colombie-Britannique.

Déplacements et dispersion

La nature de la dispersion a été bien documentée par des études récentes menées dans l’État de Washington et dans l’Oregon. Après l’envol, les juvéniles se dispersent à partir de leur lieu de naissance dans des directions aléatoires, en septembre et en octobre, effectuant une série de déplacements rapides avant de s’installer dans un domaine vital temporaire à la fin d’octobre et en novembre. En Colombie-Britannique, les juvéniles demeurent avec leurs parents au plus tard le 30 septembre (I. Blackburn, comm. pers.). La dispersion peut être influencée par des obstacles comme des terrains de haute altitude, de grands plans d’eau et de grands espaces ouverts d’habitat non convenable (Thomas et al., 1990, Miller et al., 1997, Forsman et al., 2002a). Une deuxième dispersion a lieu de février à avril, de nombreux juvéniles parcourant des distances considérables avant de s’installer dans un territoire estival. Par la suite, certains individus de un an demeurent dans ce deuxième territoire, alors que d’autres se déplacent encore et occupent un domaine vital temporaire ou plus avant de s’installer dans un territoire permanent à l’âge de deux à cinq ans.

Après la première dispersion, les individus continuent de se disperser dans des directions aléatoires. Les distances de dispersion finales (du lieu de naissance au territoire permanent) varient entre 0,6 à 111 km, la distance moyenne étant d’environ 14 km chez les mâles et de 24 km chez les femelles. Seulement 8,7 p. 100 des individus se dispersent à plus de 50 km (Forsman et al., 2002a). Dans l’ouest de l’Oregon, la distance moyenne de dispersion est de 32 ± 14 km (Miller et al., 1997). Une faible proportion (~ 6 p. 100) de non-juvéniles se dispersent également. Ces individus sont généralement des femelles, des individus jeunes et des individus qui n’avaient pas de compagnon l’année précédente ou qui ont perdu leur compagnon (Forsman et al., 2002a).

La qualité de l’habitat de dispersion joue probablement un rôle important dans la survie des individus qui se dispersent. Ces derniers utilisent autant des peuplements vieux continus qu’une mosaïque fragmentée de forêts d’âges variés, de coupes à blanc, de routes et de terrains non boisés (Forsmanet al., 2002a). Les grandes vallées non boisées constituent un obstacle connu à la dispersion dans l’ouest de l’Oregon entre les montagnes côtières et la chaîne des Cascades, mais une certaine dispersion a néanmoins lieu dans les vastes contreforts forestiers entre ces chaînes de montagnes (Forsman et al., 2002a). Bien que les juvéniles en dispersion choisissent autant les forêts peu fragmentées que très fragmentées, la distance nette de dispersion est inversement proportionnelle à la fréquence des coupes à blanc, ce qui suggère que celles-ci pourraient représenter un obstacle partiel à la dispersion (Miller et al., 1997).

En Colombie-Britannique, il ne semble actuellement y avoir aucune dispersion ni aucune colonisation de nouveaux territoires par des Chouettes tachetées du Nord juvéniles, puisque aucun nouvel individu n’est apparu dans les sites faisant l’objet d’un suivi, de nombreux individus adultes seuls demeurent sans compagnon et aucun juvénile suivi par radiotélémesure n’a survécu au-delà du premier hiver (Hobbs, 2002, 2004, 2005). Hobbs (2005) a pu suivre un juvénile qui a traversé un grand lac et s’est déplacé sur une grande distance durant la dispersion d’automne.

Maladies et parasites 

Thomas et al. (2002) ont diagnostiqué une spirochétose septicémique aiguë chez un mâle adulte mort dans l’État de Washington. Le pathogène a été identifié comme un membre du genre Borrelia, dont l’espèce la plus proche parente serait le B. hermsii, un organisme causant des fièvres récurrentes chez l’humain dans l’ouest des États-Unis. Il s’agissait du premier signalement d’une infection par un Borrelia causant des fièvres récurrentes chez un oiseau sauvage (Thomas et al., 2002). On a également signalé un cas de choléra aviaire chez un individu mort (Forsman et al., 2002a).

Le virus du Nil occidental est une maladie préoccupante, compte tenu de la petite taille de la population canadienne de Chouettes tachetées du Nord. À l’origine, le virus du Nil occidental ne sévissait qu’en Afrique, dans l’ouest de l’Asie et au Moyen-Orient. Le virus a été isolé pour la première fois dans l’hémisphère occidental à New York en 1999, et s’est depuis répandu rapidement en Amérique du Nord (Centre canadien coopératif de la santé de la faune, 2003). Certains oiseaux infectés par le virus du Nil occidental peuvent contracter la maladie ou mourir, mais la plupart des individus infectés survivent et deviennent porteurs (Centers for Disease Control and Prevention, 2003). Aucun cas d’infection au virus du Nil occidental n’a été signalé chez des Chouettes tachetées du Nord sauvages.

Divers parasites sont omniprésents chez des populations d’espèces sauvages, et leurs effets sur le taux de survie dépendent probablement de l’étendue de l’infestation. Les parasites constituent une menace de moindre ampleur que certaines maladies comme le virus du Nil occidental. Les parasites connus de la Chouette tachetée du Nord comprennent les parasites du sang (hématozoaires), les helminthes (nématodes, cestodes et acanthocéphales) et les hippoboscidés (Gutiérrez et al., 1995). Sur 105 individus échantillonnés appartenant aux trois sous-espèces, tous étaient infectés par des parasites hématozoaires, et les infections multiples étaient fréquentes (Gutiérrez et al., 1995). La majorité des chouettes mortes examinées par Forsman et al. (2002a) étaient infestées de parasites du sang ou des intestins.

Adaptabilité

La Chouette tachetée du Nord est adaptée à des conditions écologiques très spécifiques. Elle semble incapable de s’adapter à une fragmentation élevée de l’habitat et à une augmentation de la prédation et de la compétition d’espèces mieux adaptées aux paysages fragmentés.

En Colombie-Britannique, la Chouette tachetée du Nord est davantage adaptée aux conditions climatiques plus rigoureuses du nord que les populations du sud; elle disposerait donc d’une capacité génétique d’adaptation aux conditions changeantes supérieure et pourrait jouer un rôle important dans la conservation de l’espèce si des changements environnementaux survenaient à grande échelle (SOMIT, 1997a).

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