Chouette tachetée (sous-espèce caurina) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

Avant 1985, les spécimens de musée constituaient l’essentiel des connaissances sur la Chouette tachetée du Nord au Canada. À cette date, il n’existait que 28 enregistrements de la sous-espèce, indiquant qu’il s’agissait d’un résident très rare et localisé dans son aire de répartition canadienne (Campbell et Campbell, 1984, Dunbar et al., 1991, Dunbar et Blackburn, 1994; Fraser et al., 1999). À la suite du premier rapport du COSEPAC rédigé par Campbell et Campbell (1984), des inventaires de la Chouette tachetée ont été entrepris en 1985. Entre 1992 et 2002, des relevés plus intensifs et standardisés ont été menés dans 147 zones des districts forestiers de Chilliwack et de Squamish. Parmi ces zones de relevé, 40 ont ensuite été choisies et utilisées pour évaluer les tendances démographiques. Seules les zones de relevé qui ont été occupées au moins une fois par une Chouette tachetée territoriale durant l’étude ont été retenues. Les activités de recherche ont varié d’une année à l’autre, de sorte que certaines zones n’ont pas fait l’objet d’un relevé chaque année. Les relevés ont été menés la nuit en faisant la lecture d’enregistrements du cri de la Chouette tachetée à des stations le long de transects dans chaque zone de relevé (Blackburn et al., 2002; Harestad et al., 2004).

Une distribution de la fréquence cumulative a été dérivée pour calculer les activités de recherche requises pour détecter la première Chouette tachetée chaque année dans chacune des 40 zones de relevé entre 1992 et 2002. Cette distribution a servi à déterminer un critère d’estimation de la probabilité d’absence de Chouettes tachetées dans les autres zones de relevé. Le critère choisi était un minimum de 13 heures d’activité de recherche nocturne sans détection d’individu pour déterminer une probabilité de 90 p. 100 que la zone de relevé soit vacante (Blackburn et al., 2002; Harestad et al., 2004). Les méthodes employées pour calculer l’intensité adéquate des activités de recherche devraient suffire à convaincre tous les lecteurs que les données de relevé de la période de 1992 à 2002 et par la suite sont raisonnablement précises.

À compter de 2002, des relevés intensifs ont été initiés dans d’autres secteurs susceptibles de contenir de l’habitat convenable pour la Chouette tachetée du Nord (tableau 2), menant à la découverte de sept nouveaux sites jusqu’en 2004 (Hobbs, 2005, Keystone, 2004). Quatre de ces sites étendaient l’aire de répartition de la Chouette tachetée du Nord plus au nord qu’on ne le croyait auparavant (Hobbs, 2004). Les activités de relevé du gouvernement de la Colombie-Britannique étaient environ 50 p. 100 plus intensives en 2005 qu’en 2004 (tableau 2) et ont mené à la découverte de cinq nouveaux sites. Les activités de relevé du Ministry of Environment ont diminué de 80 p. 100 (860 heures) en 2006 par rapport à 2005, et cinq sites actifs en 2005 n’ont pas été étudiés de façon satisfaisante. En 2006, seulement 14 sites actifs ont été trouvés (Hausleitner, 2006).

Dans ces circonstances, l’une des premières recommandations de l’ECRCT (Chutter et al., 2004) est de veiller à ce que toutes les Chouettes tachetées du Nord vivant en Colombie-Britannique soient découvertes, et des efforts considérables ont été consacrés pendant plusieurs années pour y parvenir. Les relevés des dernières années ont été concentrés sur les secteurs où la probabilité de découvrir de « nouvelles » chouettes était la plus élevée. Bien qu’il soit possible que certaines chouettes n’aient pas été encore découvertes, il ne fait aucun doute que pratiquement tous les secteurs les plus susceptibles d’abriter la sous-espèce aient fait l’objet d’un relevé.

Abondance

Avant la colonisation européenne, la population canadienne de Chouettes tachetées comptait probablement 500 couples nicheurs (Blackburn et al., 2002). Cette estimation est fondée sur la quantité d’habitat convenable qui aurait existé à l’époque et sur la densité de Chouettes tachetées du Nord que l’on observe dans des paysages relativement non fragmentés. La population canadienne a été estimée à moins de 100 couples en 1991, d’après le faible taux de réponse (0,03 couple/km) durant les inventaires sur le terrain menés entre 1985 et 1988 (Dunbar et al., 1991; Dunbar et Blackburn, 1994). En 2002, on estimait que la population canadienne comptait moins de 50 couples (Blackburn et al., 2002), mais celle-ci était probablement de moins de 30 couples (I. Blackburn, comm. pers., 2003; Cooper, 2006) ou de 33 couples (Harestad et al., 2004). À l’heure actuelle, le Ministry of Environment estime que la population de la province compte entre 16 et 60 individus (CDC, 2007), mais il est probable que les effectifs se rapprochent davantage du chiffre inférieur (19 individus étaient observés en 2007).

Tableau 2. Activités de relevé de la Chouette tachetée du Nord en Colombie-Britannique, 2002-2006. Données tirées de Beauchesne (2003), Hobbs (2004, 2005), Keystone (2004) et Hausleitner (2006).
Année 2002 2003 2004 2005 2006
Zones de relevé > 17 411 1493 149 33
Transects > 17 ? 2854 249 ?
Stations de lecture de l’enregistrement du cri ? > 852 3 1395 3 342 577
Nombre d’heures consacrées aux relevés ? ? 7546 835 158

1 32 par le gouvernement de la Colombie-Britannique, 9 par MCA.
2 85 par MCA.
3 91 par le gouvernement de la Colombie-Britannique, 58 par Keystone.
4 155 par le gouvernement de la Colombie-Britannique, 130 par Keystone.
5 2 112 par le gouvernement de la Colombie-Britannique, 1 027 par Keystone.
6 452 par le gouvernement de la Colombie-Britannique, 302 par Keystone.

Entre 1985 et 2002, 71 sites ont été documentés en Colombie-Britannique (Hobbs, 2005); on en comptait 79 en 2006 (J. Hobbs, comm. pers.). En 2002 et en 2003, 15 et 10 sites actifs de Chouettes tachetées du Nord, respectivement, ont été confirmés (Hobbs, 2004); mais les sites n’ont pas tous fait l’objet d’un relevé. En 2004, 17 sites actifs et 25 chouettes adultes (9 individus seuls et 8 couples) ont été confirmés (tableau 3). La reproduction a été confirmée chez 4 des 8 couples seulement (Hobbs, 2005). Sur les 17 sites, seulement 10 figuraient parmi les 71 sites connus avant 2002, et 7 sites étaient nouveaux depuis 2002 (Hobbs, 2005). En 2005, le nombre total de Chouettes tachetées du Nord en Colombie-Britannique était de 23, soit 6 couples et 11 adultes seuls (Hobbs, 2005; tableau 3) mais leur nombre avait diminué à 21 à la fin de cette même année, alors qu’une femelle adulte avait été tuée par un prédateur au nid et qu’un adulte seul avait été trouvé mort en décembre (Hobbs, 2005).

En 2006, les effectifs ont diminué à 17 individus de plus de un an dans 14 sites actifs (3 couples et 11 individus seuls) (Hausleitner, 2006). Cinq sites abritant 6 individus documentés en 2005 n’ont pas fait l’objet d’un relevé en 2006; on présume que certains de ces individus auraient été vivants en 2006. Une Chouette tachetée du Nord adulte a été trouvée blessée (et est morte plus tard; article du Vancouver Sun) sur la route 3 à l’est de Hope en octobre 2006. Cet individu se trouvait à environ 13 km d’un site connu de Chouettes tachetées du Nord abritant un couple en 2005, et occupé par un mâle (on ignore s’il avait attiré une femelle) en 2006. On ignore si l’individu mort provenait de ce site (J. Hobbs, comm. pers.). En 2007, on comptait 14 sites actifs abritant 5 couples et 9 individus seuls (J. Hobbs, comm. pers.).

La population mondiale de Chouettes tachetées du Nord était estimée à 3 778 couples au début des années 1990 (Gutiérrezet al., 1995). Une estimation plus récente, fondée sur des données d’inventaire plus fiables, porte les effectifs à environ 6 000 couples (2 300 dans le nord de la Californie, 2 900 en Oregon, 860 dans l’État de Washington et 30 en Colombie-Britannique) (Forsman, 2003). La population canadienne représentait peut-être autrefois environ 10 p. 100 de la population mondiale, mais elle en représente aujourd’hui moins de 0,02 p. 100.

Tableau 3. Nombre de sites actifs connus, de couples, d’adultes seuls et de tentatives de reproduction par des Chouettes tachetées en Colombie-Britannique, de 2002 à 2007. Données tirées de Hobbs (2004, 2005) et de J. Hobbs (comm. pers.). Les variations dans le nombre d’individus, de couples et de nids sont attribuables à des activités de relevé inégales entre 2002 et 2003, et à des activités de recherche moins intensives en 2002-2003 comparativement à 2004-2005.
Année 2002 2003 2004 2005 2006 2007
Sites actifs 15 10 17 17 144 14
Couples 2 4 8 71 3 5
Adultes seuls 13 6 9 102 11 9
Couples ayant tenté de se reproduire 2 4 4 2 2  
Nombre total d’adultes 17 14 25 233 17 19

1 Nombre réduit à 6 couples après la mort d’une femelle adulte au nid.
1 Nombre réduit à 9 après qu’un adulte seul fut trouvé mort en décembre 2005.
1 Nombre réduit à 22 dès décembre 2005.
1 Cinq sites actifs en 2005 n’ont pas fait l’objet de relevés en 2006.

Fluctuations et tendances

Avant la colonisation européenne, la Chouette tachetée occupait probablement la plupart des forêts matures et des peuplements vieux du Pacifique Nord-Ouest (USDI, 1992). Aujourd’hui, les populations de Chouettes tachetées du Nord sont en déclin dans l’ensemble de leur aire de répartition au Canada et aux États-Unis. Aux États-Unis, la Chouette tachetée du Nord a fait l’objet de la plus grande analyse de dynamique des populations menée chez les rapaces. Entre 1985 et 1989, les études démographiques ont démontré que la population de femelles territoriales avait connu un déclin annuel de 3,9 p. 100 à l’intérieur de 15 zones d’étude dans les États de Washington, de l’Oregon et de la Californie (Franklin et al., 1999). Une méta-analyse plus récente de 14 zones d’étude dans ces trois mêmes États a révélé un déclin annuel de 3,7 p. 100 entre 1985 et 2003 (Anthony et al., 2006). Les variations entre les zones d’étude sont toutefois considérables. On a enregistré un déclin annuel de 7 p. 100 dans une zone du centre de l’État de Washington entre 1992 et 2002 (Forsman et al., 2002b), alors que les populations dans une zone d’étude de l’Oregon sont demeurées relativement stables entre 1985 et 2002 (Forsman et al., 2002b).

En Colombie-Britannique, l’inventaire mené entre 1992 et 2002 dans 40 des 147 zones de relevé indiquait que la population canadienne avait chuté d’environ 67 p. 100 pendant cette période, pour un taux annuel moyen de - 10,4 p. 100 (figure 6; Blackburn et al., 2002; Harestad et al., 2004). Un déclin total semblable (- 70 p. 100) durant une période comparable (de 1990 à 2003) a été signalé chez une population dans l’État de Washington voisin, au centre de la chaîne des Cascades (Herter, 2004). En se fondant sur les faibles effectifs de 2002, on projetait que la Chouette tachetée du Nord disparaîtrait probablement du Canada en cinq à dix ans (soit entre 2007 et 2012; Blackburn et al., 2002), ou en 2009 (Cooper, 2006), si le taux de déclin démographique se maintenait (figure 5). En l’absence d’une protection de l’habitat et d’une augmentation directe de la population, la disparition du pays semble aujourd’hui inévitable et se produira probablement d’ici 2012.

Immigration de source externe

Une immigration naturelle d’individus provenant de l’État de Washington est possible, puisque l’habitat et les populations de la Chouette tachetée de la Colombie-Britannique et de l’État de Washington sont contigus. Cependant, cette probabilité est réduite car la vallée du bas Fraser est aujourd’hui hautement urbaine et agricole et représente probablement un obstacle important à l’émigration, puisque la Chouette tachetée ne traverse normalement pas d’aussi grands espaces ouverts. À l’heure actuelle, seul un étroit corridor passant par la chaîne des Cascades pourrait permettre une telle immigration naturelle vers le Canada. Les possibilités d’immigration depuis l’État de Washington sont encore plus compromises par le fait que les populations de Chouettes tachetées y sont également en déclin; ce déclin est plus lent qu’au Canada mais plus rapide qu’en Oregon et en Californie (Anthony et al., 2006).

Figure 5. Nombre estimé de zones de relevé occupées parmi les 40 zones ayant fait l’objet d’un relevé entre 1992 et 2002 (avec I.C. 90 %). Figure tirée de Cooper (2006), adaptée de Blackburn et Godwin (2003).

Figure 5. Nombre estimé de zones de relevé occupées parmi les 40 zones ayant fait l’objet d’un relevé entre 1992 et 2002 (avec I.C. 90 %). Figure tirée de Cooper (2006), adaptée de Blackburn et Godwin (2003)

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