Raie tachetée (Leucoraja ocellata) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Rapport de situation du COSEPAC
sur la
raie tachetée
Leucoraja ocellata
au Canada

Population du sud du golfe du Saint-Laurent
Population de l'est du plateau néo-écossais
Population du banc Georges, de l'ouest du plateau néo-écossais et de la baie de Fundy
Population du nord du Golfe et de Terre-Neuve

2005

Information sur l'espèce

Nom et classification

La raie tachetée (Leucoraja ocellata [Mitchill, 1815]) est un poisson de la famille des Rajidés, de l’ordre des Rajiformes, de la sous-classe des Élasmobranches (Sélaciens), de la classe des Chondrichthyens (figure 1). En anglais, on la désigne par plusieurs noms : winter skate, big skate, eyed skate et spotted skate.


Figure 1 : Raie tachetée (Leucoraja ocellata)

Figure 1 : Raie tachetée (Leucoraja ocellata).

Dessin tiré de Scott et Scott [1988].


Description

Il existe plus de 200 espèces de raies dans le monde; elles sont réparties entre tous les océans, où elles vivent dans les eaux peu ou très profondes. Au Canada, on en rencontre 13 espèces dans l’Atlantique, 7 dans le Pacifique, 1 dans l’Arctique et 3 à la fois dans l’Arctique et l’Atlantique (Coad, 1995). Les raies se reconnaissent à leur forme arrondie et aplatie : la tête, le tronc ainsi que les pectorales, très développées, sont fortement déprimés, formant un disque rhomboïde ou subcirculaire (Coad, 1995). La bouche ainsi que les fentes branchiales, au nombre de cinq, s’ouvrent sur la face ventrale. Les spiracles, ou évents, s’ouvrent sur la face dorsale; ils servent à amener l’eau sur les branchies pour la respiration. La queue est longue, légèrement déprimée et pourvue de plis latéraux longitudinaux; elle se termine par une ou deux petites nageoires caudales (Scott et Scott, 1988). Les deux dorsales sont petites, à peu près de même taille et de même forme, et insérées tout près de l’extrémité de la queue. Les deux pelviennes ressemblent à des membres; elles sont en forme d’éventail chez la femelle, tandis que chez le mâle elles se sont transformées pour devenir les ptérygopodes (Whitehead et al., 1984). La face dorsale est généralement brun pâle à brun foncé, et la face ventrale, blanche à grisâtre (Whitehead et al., 1984).

Une combinaison des caractères suivants permet de distinguer la raie tachetée de toutes les autres raies présentes dans le golfe du Maine, à l’exception de la raie hérisson (Leucoraja erinacea) : la raie tachetée a le museau très arrondi, se terminant par un angle obtus; le milieu du dos et de la queue porte trois rangées d’épines, parfois plus, allant de la région de l’épaule et jusqu’à la naissance de la première dorsale, la rangée médiane disparaissant durant la croissance; la face dorsale présente des taches arrondies foncées et, le plus souvent, un ou plusieurs ocelles situés dans la région du bord postérieur de chaque pectorale (Collette et Klein-MacPhee, 2002). Cependant, les jeunes (< 35 cm) chez qui les ocelles font défaut sont pratiquement impossibles à distinguer de la raie hérisson par un simple examen visuel. (Il importe de souligner que cela n’a aucune incidence sur les estimations des tendances démographiques du présent rapport, puisque celles-ci portent uniquement sur la population adulte de l’espèce, à l’exclusion des sujets dont la taille est inférieure à 35 cm.) Le nombre de rangées de dents sur la mâchoire supérieure, variable selon la taille du sujet, est plus élevé chez la raie tachetée que chez la raie hérisson. Le nombre d’épines de la rangée médiocaudale est également plus élevé chez la raie tachetée (généralement > 21) que chez la raie hérisson (Collette et Klein-MacPhee, 2002). La raie tachetée se distingue en outre par son profil antérieur cunéiforme, l’absence d’épines bien développées derrière les épaules et sur la partie postérieure de la queue et la présence de denticules densément distribués sur la face inférieure de la queue (sauf l’extrémité) (Scott et Scott, 1988). La face dorsale est brun pâle, et la face ventrale est généralement blanchâtre, parfois avec des taches brunâtres de forme irrégulière dans la partie postérieure du disque et sous la queue (Scott et Scott, 1988).


Unités désignables

Il y a plusieurs raisons de croire que pour obtenir une juste évaluation de la situation de la raie tachetée en eaux canadiennes, il faut considérer séparément les différentes populations de l’espèce. En effet, bien que la raie tachetée soit manifestement en déclin dans le sud du golfe du Saint-Laurent et dans l’est du plateau néo-écossais, il n’en est pas de même pour la population vivant plus au sud. De plus, on observe entre les populations des différences importantes quant au cycle vital des individus, différences intimement liées à l’adaptation des individus à leur environnement et ayant, par conséquent, une incidence sur la croissance des populations. Par ailleurs, on observe des discontinuités dans la répartition spatiale de l’espèce.

La répartition de la raie tachetée en eaux canadiennes est caractérisée par la concentration d’individus dans trois secteurs disjoints, entre lesquels aucun individu n’a été capturé lors des relevés de recherche effectués indépendamment des pêches commerciales (figure 2). Ces concentrations se trouvent dans le sud du golfe du Saint-Laurent, dans l’est du plateau néo-écossais et dans la baie de Fundy, l’ouest du plateau néo-écossais (en particulier le banc Browns) et la partie canadienne du banc Georges. Très peu de spécimens ont été capturés dans les eaux intermédiaires. Les distances séparant ces trois secteurs de concentration se situent entre 330 et 450 km environ, ce qui dépasse largement la distance de dispersion maximale enregistrée pour l’espèce et pour une espèce étroitement apparentée. Des raies tachetées marquées dans le golfe du Maine avant 1950 ont été repérées à, au plus, 190 km du lieu de leur remise à la mer (Whitehead et al., 1984). Une etude sur la raie bouclée (Raja clavata) réalisée récemment dans la mer du Nord, où des sujets ont été marqués selon des techniques classiques et électroniques, a montré que le cycle des migrations annuelles de cette espèce, apparentée à la raie tachetée, se déroule dans une zone couvrant un degré de latitude et un degré de longitude (environ 110 km x 110 km) (Hunter et al., présenté). On peut donc penser que les distances séparant les différentes concentrations de raies tachetées en eaux canadiennes dépassent les distances probables de dispersion de l’espèce.


Figure 2 : Carte composite montrant la répartition de la raie tachetée (Leucorajaocellata) dans l’Atlantique Ouest, d’après la base de données du PESCEAN

Projet d'évaluation stratégique de la côte est de l'Amérique du Nord (PESCEAN)
Répartition de la raie tachetée (Raja ocellata)

Figure 2 : Carte composite montrant la répartition de la raie tachetée (Leucorajaocellata) dans l’Atlantique Ouest, d’après la base de données du Projet d'évaluation stratégique de la côte est de l'Amérique du Nord.

Projection conique conforme de Lambert  


Image d'un drapeau canadien.
Secteur des sciences, Ministère des Pêches et des Océans (Canada)
Logo de la National Oceanic and Atmospheric Administration des États-Unis (NOAA).
Nombre de prises par trait de chalut Nombre de traits de chalut
1 - 10 3 852
11 - 100 1 581
101 - 1 000 131
1 001 - 10 000 0
> 10 000 0
Statistiques
  1975-1979 1980-1984 1985-1989 1990-1994
Nombre total de traits de chalut 9 486 11 732 14 167 13 498
p. 100 de traits avec prises de l'espèce 9 % 11 % 9 % 10 %
Prises moyennes / trait 8 13 17 20


D’après les données dont nous disposons, il y aurait, entre ces trois concentrations disjointes de raies tachetées, des différences significatives quant aux caractères héréditaires du cycle vital. Le caractère le plus convaincant pour appuyer l’hypothèse de populations distinctes est la différence de taille et d’âge à la maturité. En règle générale, la raie tachetée acquiert la maturité à 75 cm de longueur (Simon et al., 2003); dans le sud du golfe du Saint-Laurent, la maturité arrive plutôt vers 50 cm de longueur, et l’espèce n’atteint jamais la taille maximale observée chez les autres populations (McEachran et Martin, 1977). Les données d’âge limitées dont nous disposons pour la population de l’est du plateau néo-écossais indiquent que la moitié des individus acquièrent la maturité à 7 ou 8 ans; la longévité maximale pour cette population se situerait entre 20 et 30 ans (Simon et Frank, 2000; Sosebee et Terceiro, 2000). Une étude menée dans le golfe du Maine indique que, dans ces eaux, l’espèce acquiert la maturité à 12 ou 13 ans et que sa longévité maximale serait de 18 à 19 ans (Sulikowski et al., 2003).

Qui plus est, la population du sud du golfe du Saint-Laurent semble se distinguer des autres populations canadiennes de l’espèce par certains caractères morphologiques, dont la taille de l’animal, les dimensions des mâchoires et le nombre de rangées de dents. Cependant, il n’a pas été formellement établi que ces caractères sont réellement distinctifs (McEachran et Martin, 1977). Aucune étude génétique n’a été entreprise pour comparer les différentes populations canadiennes de raies tachetées.

En dernier lieu, les données disponibles sur les tendances démographiques des populations (voir plus loin) indiquent que la situation de la raie tachetée n’est pas uniforme dans toute son aire canadienne. Dans le sud du golfe du Saint-Laurent et dans l’est du plateau néo-écossais, l’espèce a connu un déclin brutal depuis le début des années 1970, tandis que, à la limite sud de l’aire de répartition canadienne, elle semble avoir été relativement stable durant la période pour laquelle il existe des données.

Ainsi, en raison d’une répartition discontinue, de différences dans le cycle vital, d’un potentiel limité de dispersion (observé ou supposé) et de différences dans les tendances démographiques, l’effectif canadien de la raie tachetée peut se répartir entre quatre unités désignables, correspondant à des zones de pêche définies par l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (OPANO) (figure 3) : 1) la population du sud du golfe du Saint-Laurent (division 4T de l’OPANO), 2) la population de l’est du plateau néo-écossais (division 4VW), 3) la population du banc Georges, de l’ouest du plateau néo-écossais et de la baie de Fundy (divisions 4X5Ze), 4) la population du nord du golfe du Saint-Laurent et de Terre-Neuve (divisions 3NOP4RS) (figure 4). La quatrième unité correspond à la limite septentrionale de l’aire de l’espèce, où les individus sont rares, plutôt qu’à des différences, connues ou supposées, dans le cycle vital ou d’ordre biologique ou comportemental.


Figure 3 : Divisions spatiales établies par l’OPANO pour faciliter la gestion des stocks de poissons pélagiques et démersaux de l’Atlantique Nord-Ouest

Figure 3 : Divisions spatiales établies par l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest pour faciliter la gestion des stocks de poissons pélagiques et démersaux de l’Atlantique Nord-Ouest.


Figure 4 : Limites des quatre unités désignables de l’effectif canadien de la raie tachetée

Figure 4 : Limites des quatre unités désignables de l’effectif canadien de la raie tachetée. Les limites sont indiquées par un trait large. La courbe isobathe correspond à 200 mètres de profondeur.

Les limites sont indiquées par un trait large. La courbe isobathe correspond à 200 mètres de profondeur.

 

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