Musaraigne de Bendire (Sorex bendirii) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 3

Nom et classification

Le Sorex bendirii (Merriam, 1884) appartient à l’ordre des insectivores et à la famille des Soricidés. Jackson (1928) a assigné le S. bendirii au sous-genre Atophyrax (le seul membre de ce groupe), mais actuellement la plupart des taxinomistes (Findley, 1955) considèrent cette espèce comme un membre du sous-genre Otiosorex, qui inclut certaines espèces de musaraignes nord-américaines. En se fondant sur la morphologie, Findley (1955) considérait le S. bendirii et les musaraignes palustres (Sorex palustris) comme des espèces sœurs. Les données alloenzymatiques (George, 1988) et de l’ADN mitochondrial (ADNmt) (Demboski et Cook, 2001; O’Neill et al., 2005) appuient également la reconnaissance de S. bendirii et de S. palustris comme taxons frères. Bien que la couleur de leur pelage et leur morphologie crânienne et dentaire diffèrent, la divergence génétique (gène cytochrome b) entre ces deux espèces est d’environ 3,1 p. 100, donc dans la plage de divergence interspécifique de la plupart des espèces de musaraignes(Fumagalli et al., 1999). Une analyse cladistique (O’Neill et al., 2005) comparant le S. bendirii avec des échantillons de S. palustris de l’île de Vancouver (S. p. brooksi), de la Cordillère de l’Alaska, du Yukon, de la Colombie-Britannique et de l’Utah (S. p. navigator), ainsi que du nord de l’Alberta (S. p. palustris) ont révélé que le S. bendirii, le S. p. brooksi et le S. p. navigator partagent un ancêtre commun et que leur ascendance est distincte de celle du S. p. palustris. Ces modèlesphylogéographiquesont été attribués à la vicariance et à l’isolement dans plusieurs refuges pendant le Pléistocène.

Traditionnellement, trois sous-espèces sont reconnues : S. b. albiventer (presqu’île Olympic de l’État de Washington), S. b. bendirii (Californie, Oregon, Washington et Colombie-Britannique) et S. b. palmeri (côte de l’Oregon et nord de la Californie). Elles présentent des différences minimes quant à la couleur du pelage ventral et à la taille (Jackson, 1928; Hoffmann, 1971). Les données de l’ADNmt soulèvent des doutes relativement à la validité de ces sous-espèces. L’étude génétique d’O’Neill et al. (2005) incluait des échantillons de S. b. bendirii de la Colombie-Britannique et de S. b. palmeri de l’Oregon. Trois arbres phylogénétiques calculés par O’Neill et al. (2005) ne montraient pas que deux clades ou groupes concordaient avec ces taxons.

Le nom commun français de cette espèce est musaraigne de Bendire. Les noms communs anglais sont Pacific Water Shrew, Bendire Shrew et Marsh Shrew.

Description morphologique

La musaraigne de Bendire est la plus grande espèce de Sorex d’Amérique du Nord. Son pelage dorsal varie de brun foncé à noir; le dessous est brun foncé (figure 1). La queue est unie et d’un brun foncé. Les grands pieds postérieurs sont munis d’une frange rigide de poils mesurant jusqu’à 1 mm de longueur, très visible chez les jeunes. Selon Maser (1975), de petites projections charnues sont présentes sur la bordure extérieure de chaque naseau. Le crâne est robuste avec un rostre courbe de profil. La formule dentaire est la suivante : incisives 1/1, unicuspides 5/1, prémolaires 1/1 et molaires 3/3. Parmi les traits dentaires distinctifs, on trouve : une troisième unicuspide supérieure plus petite que la quatrième, une grande pointe médiale sur la face antérieure de la première incisive supérieure et deux crêtes sur la surface occlusale de la quatrième prémolaire inférieure (Carraway, 1995; Nagorsen, 1996).

Figure 1. Musaraigne de Bendire (Sorex bendirii). Photo de Ronn Altig.

Figure 1. Musaraigne de Bendire (Sorex bendirii). Photo de Ronn Altig.

Les mensurations (fourchettes de mesures entre parenthèses) des individus canadiens sont les suivantes : longueur totale, 154 mm (137-176) n = 95; vertèbre caudale, 70 mm (61-81) n = 94; pied arrière, 19 mm (17-21) n = 93; oreille, 8 mm (7-9) n = 3; et masse corporelle, 10,6 g (10,0-17,2) n = 13 (Nagorsen, 1996).

Sa grande taille (longueur totale > 130 mm; pied arrière > 18 mm; longueur du crâne > 19,0 mm; longueur palatine > 8,2 mm) et sa frange de poils sur le pied arrière distinguent le S. bendirii de toutes les autres espèces canadiennes de musaraignes, à l’exception de la musaraigne palustre(S. palustris), qui peut être identifiée par son pelage de gris à noir, son ventre argenté, sa queue bicolore ayant un revers pâle, ainsi qu’un crâne plus petit avec un rostre non courbé vers le bas. Bien que les deux espèces puissent facilement être distinguées de près, l’identification exacte d’individus vivants en liberté est difficile.

Description génétique

Il n’existe pas de données sur la structure de la population de cette musaraigne au Canada. En Colombie-Britannique, le Fraser constitue le seul obstaclegéographique potentiel; il s’agit d’un important plan d’eau dont on s’attendrait à ce qu’il restreigne le flux génétique entre les musaraignes de Bendire habitant des côtés nord et sud du fleuve. Les analyses de la variation de l’ADNmt (cytochrome b) d’O’Neill et al. (2005) effectuées sur cinq individus de la Colombie-Britannique constituent les seules données sur la variation génétique. Les valeurs de divergence génétique chez ces individus ont varié de 0,3 à 1,0 p. 100, ce qui suggère une certaine variation génétique. Toutefois, la variation n’a pas montré de structure géographique claire ni de preuve de divergence génétique des côtés nord et sud du Fraser. Leur cladogramme a mis en évidence l’existence de deux groupes de S. bendirii – l’un composé d’individus de la montagne Sumas et l’autre d’individus des environs d’Aldergrove et de la rivière Seymour sur la rive nord du Fraser. Il sera nécessaire de mener une étude génétique appliquant d’autres marqueurs génétiques, tels que l’ADN microsatellite, afin d’évaluer la structure génétique ainsi que le possible effet d’isolement du Fraser.

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