Méné à grande bouche (Notropis dorsalis) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 10

Facteurs limitatifs

Tompkins (1987) a conclu que le méné à grande bouche ne peut tolérer que des perturbations anthropiques mineures. L’eutrophisation due au développement riverain dans le lac Oneida, dans l’État de New York, a été la cause probable de la diminution des populations de ménés à grande bouche (Clady, 1976). Cependant, il semble que le méné à grande bouche a profité de modifications des caractéristiques hydrologiques de cours d’eau dues aux activités humaines pendant la colonisation de l’Amérique du Nord. Comme on l’a déjà mentionné, Pflieger (1971) a exprimé l’avis que la canalisation de cours d’eau des prairies a créé au Kansas des habitats favorables au méné à grande bouche, et Scarnecchia (1988) a constaté que les populations de ménés à grande bouche étaient nettement plus abondantes dans les tronçons de cours d’eau canalisés que dans les tronçons non canalisés. De plus, non seulement cette espèce est le méné le plus largement répandu et le plus abondant en Iowa, mais elle semble étendre son aire de répartition du fait de la transformation de cours d’eau en milieux fluviaux peu profonds dont la largeur, la profondeur et le courant sont homogènes. Le méné à grande bouche est l’une des quelques espèces observées sur les substrats sableux apparemment stériles qui sont communs dans les petits et les moyens cours d’eau en Iowa (Iowa Department of Natural Resources – site Web, 2003).

Starrett (1951) a également observé que le méné à grande bouche était moins vulnérable aux crues que ne l’étaient les espèces coexistantes, parce qu’il quittait les petits cours d’eau pour gagner la rivière Des Moines en Iowa, évitant ainsi d’être piégé dans des bras morts. Aucun changement dans l’abondance n’a été observé. La reproduction pourrait être touchée par les hauts niveaux d’eau au printemps, à cause de leur incidence sur les habitats préférés, les sources de nourriture et les frayères. Selon Fedoruk (1970), les niveaux de turbidité élevés observés dans la rivière Rouge ont probablement empêché une dispersion plus importante au Manitoba. Depuis le premier rapport de situation, le méné à grande bouche a été signalé à de nombreux endroits dans le bassin hydrographique de la rivière Assiniboine. Selon le moment de la dispersion dans ces secteurs, il se pourrait que le méné à grande bouche ait été obligé d’emprunter la rivière Rouge pour gagner le réseau de la rivière Assiniboine. Ainsi, à moins que les niveaux de turbidité dans la rivière Rouge n’aient été moins élevés pendant la période de dispersion qu’ils ne le sont maintenant, il est possible que le méné à grande bouche tolère davantage les eaux troubles qu’on ne l’avait constaté antérieurement, du moins pour sa dispersion. Stewart comm. pers., affirment que le méné à grande bouche peut être observé au Manitoba dans des eaux modérément troubles à troubles.

En Ohio, le déclin de certaines populations de ménés à grande bouche a été attribué à la compétition avec une espèce envahissante, le Notropis buccatus (silverjaw minnow) (Trautman, 1981). Aucun Cyprinidé envahissant apparu récemment dans le bassin hydrographique de la baie d’Hudson ne partage l’habitat du méné à grande bouche aussi étroitement que ne le fait le Notropis buccatus. Le méné bleu (Cyprinella spiloptera), avec lequel le méné à grande bouche forme souvent un assemblage incluant aussi le méné paille et le méné émeraude (Notropis atherinoides) au Wisconsin (Mendelson 1975), a été capturé pour la première fois dans la rivière Roseau en 1988 et, en juillet 1990, il s’était dispersé jusque dans le bief aval du déversoir de Portage la Prairie sur la rivière Assiniboine (annexe 1 dans McCulloch et Franzin, 1996). Ce déversoir, constituant très probablement un obstacle à la dispersion du méné bleu vers l’amont dans la rivière Assiniboine, est situé en aval de tous les endroits où le méné à grande bouche a été récolté sur la rivière Assiniboine et en aval de l’embouchure de la rivière Cypress. Le méné bleu préfère les rivières de moyenne à grande taille et de turbidité modérée à élevée, où on le trouve sur des substrats sableux, graveleux ou pierreux (Gilbert et Burgess, 1980). Mendelson (1975) a observé en aquarium que parmi le méné à grande bouche, le méné bleu et le méné paille, dans les diverses combinaisons de paires d’individus intraspécifiques et interspécifiques possibles, c’était le méné à grande bouche qui montrait le plus grand « intérêt » pour l’autre poisson – de même espèce ou non - présent dans l’aquarium (coordination la plus marquée des déplacements avec ceux de l’autre poisson, comme dans un banc de poissons). Toujours selon Mendelson (1975), chaque espèce semble dans la nature pouvoir coexister avec les autres grâce à des adaptations morphologiques différentes.

L’agriculture et l’exploitation forestière sont deux utilisations des terres pratiquées à grande échelle dans l’aire de répartition actuelle du méné à grande bouche au Manitoba. La présence de bétail dans les cours d’eau peut accélérer l’érosion des rives et accroître l’envasement, deux facteurs pouvant avoir des effets néfastes sur l’habitat du poisson. Aux fins des activités forestières, plusieurs traverses de cours d’eau peuvent être aménagées chaque année, selon les plans d’exploitation annuels des sociétés forestières. Les ponceaux mal installés peuvent empêcher le passage des poissons et accroître l’envasement des cours d’eau soit directement, soit à cause des sédiments provenant des eaux de ruissellement de l’infrastructure routière.

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