Woodsie à lobes arrondis (Woodsia obtusa) évaluation et rapport de situation du COSEPAC: chapitre 6

Biologie

La majeure partie des connaissances actuelles sur la biologie générale du Woodsia obtusa est contenue dans la monographie de Brown (1964). Depuis la publication de cette monographie du genre Woodsia, des recherches ont été faites sur les caractéristiques de l’habitat des populations canadiennes du W. obtusa et sur la disponibilité de milieux pouvant convenir à cette espèce. Les résultats de ces recherches ont été publiés par Wild (2003) ainsi que par Wild et Gagnon (2005). Dans le cadre de la préparation de sa thèse de doctorat, M. Wild mène actuellement des recherches sur divers aspects de la biologie de l’espèce, notamment sur la production de spores, sur la viabilité et la capacité de dispersion des spores ainsi que sur les taux d’établissement des gamétophytes et de survie des sporophytes.

Cycle vital et reproduction

Le Woodsia obtusa est une fougère vivace isosporée. On ne connaît pas la longévité exacte des individus de cette espèce, mais ils peuvent sans doute vivre plusieurs dizaines d’années. La production de spores survient chaque année, vers la fin de l’été et le début de l’automne. On sait que la plante est capable de produire un grand nombre de spores; en Iowa, Peck et al. (1990) ont estimé ce nombre à 60 millions de spores par individu. Des études en cours devraient permettre de quantifier la production de spores et la viabilité des spores dans les populations canadiennes, mais de grands nombres d’individus ont déjà été obtenus à partir de frondes individuelles ou de spores contenues dans le sol, ce qui indique que les spores présentent au moins une certaine viabilité. En culture, les spores mettent 6 à 15 jours à germer, et la production de sporophytes prend 3 à 5 mois (Brown, 1964). Aucune reproduction asexuée n’a jamais été observée chez le W. obtusa, mais (comme pour la plupart des ptéridophytes isosporées) la spore peut donner un gamétophyte bisexué capable de s’autoféconder, ce qui produit un sporophyte entièrement homozygote. La polyploïdie constitue un autre facteur important pour le W. obtusa. En effet, on estime que les polyploïdes présentent une vigueur accrue, une meilleure tolérance au froid et une plus grande capacité de colonisation que les diploïdes (Rabe et Haufler, 1992). Soltis et Soltis (2000) présentent les résultats de plusieurs études sur la capacité d’autofécondation intragamétophytique des fougères polyploïdes et en concluent, malgré le peu d’indices en ce sens dans le cas des fougères, que la dépression de consanguinité est sans doute réduite chez les polyploïdes. Par ailleurs, il est très probable que les populations isolées de W. obtusa qui se trouvent au Canada résultent chacune de l’arrivée d’une seule spore et qu’elles sont donc entièrement homozygotes, mais il semble possible que les effets négatifs de l’endogamie, comme la dépression de consanguinité et l’expression connexe de gènes délétères, soient contrés par la nature polyploïde des individus composant ces populations, comme l’avancent Soltis et Soltis (2000).

Herbivores

Il semble que beaucoup moins d’insectes phytophages s’attaquent aux fougères (seulement 465 espèces répertoriées, soit environ 1 espèce d’insecte pour 19 espèces de fougères) qu’aux plantes à fleurs (plus de 357 000 espèces répertoriées, soit plus de 1 espèce d’insecte pour chaque espèce de plante à fleurs) (Hendrix, 1980). Les animaux brouteurs ne semblent pas attirés par les fougères (Page, 1979). Dans les sites canadiens du Woodsia obtusa, aucun indice de broutement n’a été observé chez des individus de cette espèce, même dans les secteurs à forte densité de cerf de Virginie (M. Wild, obs. pers.).

Physiologie

Certains indices portent à croire que le Woodsia obtusa serait naturellement envahissant (Brown, 1964). Il est fort possible que les populations canadiennes de l’espèce soient limitées en grande partie par les conditions de sécheresse de leur habitat. Bryan et O’Kelley (1967) ont montré qu’un manque de calcium dans le substrat où croît le W. obtusa inhibe la formation d’archégones, d’anthéridies et de sporophytes, ce qui confirme que l’espèce a besoin d’un substrat riche en calcium.

Dispersion

En général, les fougères produisent une grande quantité de spores, qui sont de petite taille, si bien que la capacité de dispersion est rarement un facteur limitatif. Des études récentes (Wild, données inédites) révèlent qu’on peut trouver de grandes quantités de spores du Woodsia obtusa dans le sol (> 100 spores / 10 ml de sol) jusqu’à une distance relativement grande (50 m) des individus producteurs. Sachant que les spores de nombreuses espèces de fougères demeurent viables dans le sol pendant des années, il est raisonnable de penser qu’en principe, la capacité de dispersion n’est pas un facteur limitatif pour le W. obtusa. Cependant, il est possible que le milieu entourant les sites actuels de l’espèce ne puisse être colonisé par elle en raison d’un manque d’humidité.

Relations interspécifiques

La compétition interspécifique pourrait avoir une incidence sur les sporophytes comme sur les gamétophytes du Woodsia obtusa (Page, 1979). Toutefois, dans des milieux pauvres en espèces tels que les milieux à substrat calcaire où se trouvent les sites canadiens du W. obtusa, la compétition interspécifique a probablement une incidence négligeable. En fait, les données recueillies dans les sites canadiens révèlent que dans l’entourage immédiat du W. obtusa, la diversité et la couverture des espèces vasculaires et non vasculaires sont faibles (Wild, 2003; Wild et Gagnon, 2005).

Adaptabilité

Une expérience en cours (Wild, données inédites) a montré que les individus obtenus à partir de spores qui sont maintenus en serre pendant six mois, puis transplantés in situ, ont un taux de survie assez élevé (environ 30 p. 100 après 2 ans).

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