Saumon coho (Oncorhynchus kisutch) évaluation et rapport de situation du COSEPAC: chapitre 10

Facteurs limitatifs et menaces

Divers facteurs anthropiques et naturels peuvent limiter les populations de saumons cohos. La croissance démographique humaine a entraîné une augmentation de la demande en eau et de la quantité de déchets à éliminer, de même qu’une dégradation de l’habitat causée par la modification de l’utilisation des terres. Comme nombre d'entre eux fréquentent le milieu marin littoral, les cohos sont vulnérables aux changements naturels et anthropiques apportés à l'écosystème marin. Les impacts des activités humaines sur les populations de saumons sont toutefois souvent difficiles à quantifier, notamment dans les écosystèmes littoraux, où les interrelations entre les processus physiques et biologiques sont encore mal comprises. En revanche, diverses études ont documenté le rôle du changement climatique dans l'altération de l'écosystème marin et établi un lien entre ce phénomène et les changements observés dans la survie des saumons en mer (voir par exemple Beamish et al., 1999a, b; Coronado et Hilborn, 1998).

Comme les cohos passent une année entière en eau douce, ils sont aussi vulnérables à la dégradation de l’habitat dulcicole. Bradford et Irvine (2000b) ont établi un lien entre la vitesse du déclin de certaines populations de cohos et l'intensité des activités humaines observées dans les bassins où s'effectue leur remonte. L'hypothèse testée était que la vitesse moyenne de déclin (entre 1988 et 1998) au sein des populations individuelles était positivement corrélée à l'utilisation des terres dans le bassin en question. On posait que toutes les populations de géniteurs étaient touchées de la même façon par la pression halieutique et la mortalité en mer de façon à pouvoir relier la variabilité entre les effectifs à la productivité en eau douce. Bradford et Irvine ont montré que la vitesse du déclin dans chaque remonte était liée à l'utilisation agricole des terres, à la densité du réseau routier et à un indice qualitatif du statut de l'habitat lotique (figure 10).8


Figure 9 : Échappées prévues de cohos femelles de la Thompson Nord en présence des conditions de survie optimale (3,21 recrues/géniteur), moyenne (1,47) et médiocre (0,96), en posant le maintien des faibles taux actuels de prélèvement par la pêche (7 p. 100)

Figure 9 :  Échappées prévues de cohos femelles de la Thompson Nord en présence des conditions de survie optimale (3,21 recrues/géniteur), moyenne (1,47) et médiocre (0,96), en posant le maintien des faibles taux actuels de prélèvement par la pêche (7 p. 100).

Les lignes horizontales indiquent les limites entre les catégories d'abondance.

Les changements d’affectation des terres pourraient expliquer en partie pourquoi l'abondance des géniteurs a décliné plus rapidement dans la Thompson Sud que dans la Thompson Nord au cours des 25 dernières années (Irvine et al., 2000). L’impact des activités humaines est en effet plus lourd dans les bassins hydrographiques de la Thompson Sud; les scores moyens obtenus pour les trois mesures de l'utilisation des terres corrélées au déclin des cohos (figure 10) y étaient notamment plus élevés que dans le bassin versant de la Thompson Nord.

Les habitats dulcicoles productifs peuvent aider à soutenir les populations de saumons lorsque les conditions marines sont défavorables (ou en période de surpêche), car il permettent de maximiser le nombre de smolts par géniteurs. L'analyse de Bradford et Irvine (2000b) montre que les populations reproductrices courent plus de risques lorsque le bassin est modifié en profondeur par les humains. En effet, ce sont les populations des bassins en bon état qui ont le moins décliné et qui sont susceptibles de se reconstituer le plus rapidement lorsque les conditions marines s'améliorent. La mise en place d’un programme équilibré de protection de l'habitat et de restauration des bassins hydrographiques devrait donc favoriser le rétablissement et accroître la viabilité des cohos.

Pour avoir une idée du rôle de la pêche dans le déclin des saumons cohos du Fraser intérieur, on a calculé les taux de capture qui auraient permis de maintenir l'abondance des géniteurs sauvages à des niveaux semblables à ceux des échappées de la génération antérieure, en utilisant les estimations annuelles moyennes de r pour les bassins des rivières Thompson Nord et Sud :

h* = 1 - e -ran

où h* = 0 si r ≤ 0 (Bradford et Irvine 2000b). Pour les années où r > 0, h* aurait permis de maintenir les populations à des niveaux stables (c.-à-d. St = S t-3), en posant que tous les autres facteurs de mortalité demeurent constants. La pêche a contribué au déclin de l'abondance lorsque les prélèvements dépassaient h*.


Figure 10 : Relations entre trois mesures de l'utilisation des terres et la productivité du saumon coho (c.-à-d. r) dans 40 affluents de la Thompson

Figure 10 : Relations entre trois mesures de l'utilisation des terres et la productivité du saumon coho (c.-à-d. r) dans 40 affluents de la Thompson

D'après Bradford et Irvine, 2000b : a) proportion des terres de chaque bassin versant consacrées à des usages agricoles ou urbains; b) densité des forêts, des terres agricoles et des routes en dur dans chaque bassin versant; c) indice de dégradation de l’habitat. Les points vides représentent les cours d'eau où des programmes d'écloserie sont en cours.

Lorsqu'on compare les taux de prélèvement réels aux estimations de h*, on constate que les taux de récolte ont été excessifs de 1989 à 1998 (figure 11). En 1999 et en 2000, les prélèvements par la pêche ont été assez faibles pour permettre aux populations de dépasser le seuil de renouvellement.


Figure 11 : Différences entre les taux de prélèvement par la pêche qui auraient permis de maintenir la production des cohos au niveau des échappées des jeunes de l'année (soit h*; St = St-3) et les taux de prélèvement calculés pour les agrégats des cours d'eau indicateurs des bassins des rivières Thompson Nord et Sud

Figure 11 : Différences entre les taux de prélèvement par la pêche qui auraient permis de maintenir la production des cohos au niveau des échappées des jeunes de l'année (soit h*; St = St-3) et les taux de prélèvement calculés pour les agrégats des cours d'eau indicateurs des bassins des rivières Thompson Nord et Sud.

Les valeurs négatives indiquent que les populations ont été surpêchées.




Notes de bas de page

8 Noter que dans la figure 7, ran est la moyenne annuelle des deux séries chronologiques des cours d'eau indicateurs (de 1978 à 1998), tandis que dans la figure 10, les valeurs de r de chaque cours d'eau sont données pour 40 cours d'eau dont les moyennes ont été établies pour la période de 1988 à 1998.

 

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