Ours blanc (Ursus Maritimus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC: chapitre 5

5. Biologie

5.1 Cycle vital et reproduction

La capacité reproductive des ours blancs varie selon les sous-populations. La première reproduction peut avoir lieu dès l’âge de 4 ans, les taux de production de portée chez les ourses âgées de 6 ans de la plupart des sous-populations étant relativement élevés (tableau 3). Les âges les plus tardifs à la première reproduction ont été relevés près de la limite septentrionale de l’aire de répartition de l’espèce (tableau 3), dans le bassin de Kane (âge 6) et la baie Norwegian (âge 7).

Les mâles atteignent la maturité physiologique à l’âge de 5 ou 6 ans probablement. Les concentrations de spermatozoïdes pleinement formés sont faibles dans les testicules des ours âgés de 2 à 4 ans; elles atteignent une asymptote à l’âge de 5,8 ans (Rosing-Asvid et al., 2002). Les jeunes mâles ayant atteint la maturité physiologique ont peu de chances de se reproduire s’il y a dans les environs des mâles plus âgés, ces derniers les empêchant de le faire. Saunders (2005) a récemment démontré par analyse de paternité que les mâles adultes âgés produisent un nombre d’oursons disproportionné avec leur représentation dans la population. Il semble que la plupart des mâles ne commencent à se reproduire que vers l’âge de 8 à 10 ans (Ramsay et Stirling, 1988; Derocher et Stirling, 1998; Saunders, 2005).

Tableau 3. Moyennes estimées (et erreurs-types entre parenthèses) de la taille des portées après sortie des tanières et des probabilités de production de portée (PRP) par âge pour les ourses seules ou les ourses avec oursons en dispersion (âgés de 2 ans) (comme le cycle reproducteur est de trois ans, les ourses avec jeunes de l’année ou jeunes âgés de 1 an ne peuvent s’accoupler et ne sont donc pas incluses dans le calcul de la PRP). On ne dispose pas encore des données de recrutement pour les autres sous-populations.
Sous-population
(source principale des données)
Taille des portées
(oursons d’âge 0)
PRP à l’âge 4 PRP à l’âge 5 PRP à l’âge 6 PRP à l’âge 7+
Baie de Baffin (Taylor et al., 2005) 1,587 (0,073) 0,096 (0,120) 0,881 (0,398) 1,000 (0,167) 1,000 (0,167)
Golfe de Boothia (Taylor et al., 2008c) 1,648 (0,098) 0,000 (0) 0,194 (0,178) 0,467 (0,168) 0,965 (0,300)
Bassin de Kane (Taylor et al., 2008a) 1,667 (0,083) 0,000 (0) 0,000 (0) 0,357 (0,731) 0,978 (0,085)
Détroit de Lancaster (Taylor et al., 2008b) 1,688 (0,012) 0,000 (0) 0,107 (0,050) 0,312 (0,210) 0,954 (0,083)
Détroit de M'Clintock (Taylor et al., 2006) 1,680 (0,147) 0,000 (0) 0,111 (0,101) 0,191 (0,289) 0,928 (0,334)
Nord de la mer de Beaufort (CTOB, 2007) 1,756 (0,166) 0,118 (0,183) 0,283 (0,515) 0,883 (0,622) 0,883 (0,622)
Baie Norwegian (Taylor et al., 2008b) 1,714 (0,081) 0,000 (0) 0,000 (0) 0,000 (0) 0,689 (0,534)
Sud de la mer de Beaufort (Regehr et al., 2006)Note de tableaua 1,750 (0,170) 0,000 (0) 0,470 (0,090) 0,470 (0,090) 0,470 (0,090)
Sud de la baie d'Hudson (CTOB, 2007)Note de tableaub 1,575 (0,116) 0,087 (0,202) 0,966 (0,821) 0,967 (0,022) 0,967 (0,022)
Détroit du Vicomte-Melville (Taylor et al., 2002) 1,640 (0,125) 0,000 (0) 0,623 (0,414) 0,872 (0,712) 0,872 (0,712)
Ouest de la baie d'Hudson (IUCN/SSC [2006] et CTOB [2007])Note de tableauc 1,540 (0,110) 0,000 (0) 0,257 (0,442) 0,790 (0,180) 0,790 (0,180)

La période de l’œstrus s’étend de mars à juin, avec un maximum à la fin d’avril et au début de mai (Palmer et al., 1988; Amstrup, 2003). L’ovulation est déclenchée par le coït (Wimsatt, 1963; Ramsay et Dunbrack, 1986), et l’implantation de l’embryon n’a lieu qu’en octobre (Palmer et al., 1988). Les taux de gravidité semblent varier fortement entre sous-populations, la proportion d’ourses adultes (> 5 ans) disponibles pour l’accouplement (c’est-à-dire sans oursons ou avec des oursons sur le point d’être sevrés) qui produisent des oursons l’année suivante variant de 50 p. 100 (p. ex. dans le bassin de Kane; tableau 3) à 100 p. 100 (baie de Baffin; tableau 3).

Les ourses gravides pénètrent dans les tanières de mise bas vers la fin d'octobre et les oursons, normalement au nombre de 1 ou 2, naissent entre novembre et le début de janvier (Harington, 1968; Derocher et al., 1992); toutefois, selon les connaissances traditionnelles inuites, le moment de la mise bas varie selon la latitude. Les tanières sont généralement creusées dans la neige (les tanières dans la terre ou la tourbe gelée sont cependant communes dans le sud [Clark et al., 1997]), puis recouvertes et fermées par des accumulations de neige. Elles sont souvent situées sur des îles ou sur la terre ferme tout près du littoral et de secteurs où les densités de phoques sont élevées au printemps (Harington, 1968; Brice-Bennett, 1977, Stirling et Andriashek, 1992; Messier et al., 1994; Kalxdorff, 1997; Ferguson et al., 2000b; Van de Velde et al., 2003; Lewis et al., 2006), mais en Ontario et au Manitoba, on trouve des zones de tanières situées sur la terre ferme jusqu’à 120 km du littoral (Kolenosky et Prevett, 1983; Ramsay et Stirling, 1990; Lunn et al., 2004; Richardson et al., 2005). Amstrup et Gardner (1994) ont observé que la présence de tanières de mise bas sur la banquise dérivante est commune dans la mer de Beaufort, ce qui devrait cependant être inhabituel pour une bonne partie du reste de l’Arctique canadien. Toutes les tanières observées sur la glace par Messier et al. (1994) et Ferguson et al. (2000b) ont été classées comme des abris temporaires plutôt que comme des tanières de mise bas. Fischbach et al. (2007) ont récemment établi que dans le sud de la mer de Beaufort, la proportion de tanières sur la banquise est passée de 62 p. 100 (de 1985 à 1994) à 37 p. 100 (de 1998 à 2004), et que cette baisse était liée à des changements et à des réductions de la glace de mer.

À la naissance, les oursons pèsent environ 0,6 kg. Ils sont allaités à l'intérieur de la tanière jusqu'à une période située entre la fin de février et le milieu d'avril, selon la latitude; ils pèsent alors entre 10 et 12 kg (Ramsay et Stirling, 1988; Derocher et Stirling, 1995a). Comme c’est le cas chez l’ours brun (Ferguson et McLoughlin, 2000), la taille des portées varie peu selon les sous-populations (tableau 3).

Lentfer et al. (1980) et Taylor et al. (1987) ont estimé que les ourses prennent en moyenne environ 3,6 ans pour avoir une nouvelle portée. La sous-population de l'ouest de la baie d'Hudson fait exception : au début des années 1980, jusqu'à 40 p. 100 des ourses sevraient leurs petits à l'âge de 1 an (Ramsay et Stirling, 1988); ce pourcentage a toutefois diminué depuis (Derocher et Stirling, 1995a).

La durée d’une génération chez l’ours blanc a été peu étudiée, malgré que cette variable soit essentielle à l’établissement des catégories de risque des espèces en péril par des organismes comme la Commission de la sauvegarde des espèces (CSE, de l’anglais Species Survival Commission [SSC]) de l’Union mondiale pour la nature (UICN) et le COSEPAC (c.-à-d. le pourcentage de déclin sur trois générations). Le groupe de spécialistes de l’ours blanc de la CSE de l’UICN (IUCN/SSC Polar Bear Specialist Group, 2006 : p. 31) a pris en considération que la durée d’une génération chez l’ours blanc était de 15 ans, soit l’âge de la maturité (5 ans) plus la moitié de la durée de la période de reproduction dans la vie complète d’un individu (10 ans, soit 0,5 × 20 ans). Pour le COSEPAC, la durée d’une génération est « l’âge moyen des parents d’une cohorte (c’est-à-dire des nouveau-nés dans la population) ». Il existe peu de données indiquant l’âge moyen des ourses avec jeunes de l’année au printemps dans un échantillon aléatoire d’ours de tous âges. L’article de Regehr et al. (2006) nous permet de calculer cette variable pour les ours du sud de la mer de Beaufort (à partir des proportions présentées dans le tableau 3 de Regehr et al. [2006]). Pour la période de 1967 à 1989, en posant de façon prudente que tous les ours de la classe d’âge 20 + sont âgés de 25 ans, l’âge moyen des ourses avec nouveau-nés se trouve estimé à 9,9 ans. Pour la période de 1990 à 2006, on arrive à une moyenne de 11,7 ans. Pour l’ouest de la baie d’Hudson, les données sur la mortalité des femelles en fonction de l’âge établies par Regehr et al. (2007a) laissent penser que la moyenne est de 12,7 ans pour les femelles de 5 ans ou plus. Par conséquent, on suppose dans le présent rapport que la durée d’une génération est de 12 ans chez l’ours blanc.

Comme d’autres Ursidés, l’ours blanc présente des taux de survie assez élevés, et on peut généralement établir les taux de survie selon l’âge ou le stade vital. Généralement, les chercheurs évaluent les taux de survie pour les catégories suivantes : jeunes de l’année, individus âgés de 1 an et subadultes (âges 1 à 4), adultes dans la force de l’âge (âges 5 à 20), et adultes sénescents (âges 21+). On estime souvent que l’âge maximum chez l’ours blanc est de 30 ans dans la nature, mais il paraît courant que des ours en captivité vivent plus longtemps. La tendance générale est que les taux de survie des jeunes de l’année et des individus de 1 an sont plus faibles que ceux des subadultes et des adultes dans la force de l’âge, et les adultes sénescents montrent des taux de survie inférieurs à ceux des adultes dans la force de l’âge. On distingue les taux de survie globaux (tableau 4) des taux de survie naturels (tableau 5), qui ne tiennent compte que des ours morts de causes naturelles. Les mâles présentent souvent des taux de survie globaux inférieurs à ceux des femelles parce qu’ils sont à dessein davantage ciblés par la chasse et qu’ils ontplus tendance à causer des problèmes aux humains.

Tableau 4. Moyennes (erreurs-types entre parenthèses) des taux de survie annuels globaux (récoltes prises en compte) par sexe et classe d’âge dans des sous-populations canadiennes d’ours blancs. Des taux de survie globaux n’ont pas été rapportés pour les autres sous-populations.
Sous-population
(source principale des données)
Mâles
Taux de survie global
0
Mâles
Taux de survie global
1
Mâles
Taux de survie global
2–4
Mâles
Taux de survie global
5–20
Mâles
Taux de survie global
> 20
Femelles
Taux de survie global
0
Femelles
Taux de survie global
1
Femelles
Taux de survie global
2–4
Femelles
Taux de survie global
5–20
Femelles
Taux de survie global
> 20
Baie de Baffin (Taylor et al., 2005) 0,538 (0,094) 0,879 (0,049) 0,879 (0,049) 0,923 (0,024) 0,874 (0,062) 0,600 (0,096) 0,901 (0,045) 0,901 (0,045) 0,940 (0,021) 0,913 (0,047)
Golfe de Boothia (Taylor et al., 2008c) 0,817 (0,201) 0,875 (0,085) 0,875 (0,085) 0,935 (0,040) 0,935 (0,040) 0,817 (0,201) 0,875 (0,085) 0,875 (0,085) 0,935 (0,040) 0,935 (0,040)
Bassin de Kane (Taylor et al., 2008a) 0,308 (0,172) 0,617 (0,180) 0,617 (0,180) 0,957 (0,046) 0,957 (0,046) 0,374 (0,180) 0,686 (0,157) 0,686 (0,157) 0,967 (0,043) 0,967 (0,043)
Détroit de LancasterNote de tableaud (Taylor et al., 2008b) 0,633 (0,123) 0,790 (0,073) 0,790 (0,073) 0,892 (0,030) 0,653 (0,085) 0,749 (0,105) 0,879 (0,050) 0,879 (0,050) 0,936 (0,019) 0,758 (0,054)
Détroit de M’Clintock (Taylor et al., 2006a) 0,620 (0,15) 0,900 (0,04) 0,900 (0,04) 0,880 (0,04) 0,880 (0,04) 0,620 (0,15) 0,900 (0,04) 0,900 (0,04) 0,900 (0,04) 0,900 (0,04)
Nord de la mer de Beaufort (Stirling et al., 2007)Note de tableaue 0,487 (0,173) 0,248 (0,124) 0,826 (0,073) 0,818 (0,071) 0,581 (0,104) 0,605 (0,170) 0,348 (0,147) 0,895 (0,046) 0,89 (0,044) 0,713 (0,079)
Baie NorwegianNote de tableaud (Taylor et al., 2008b) 0,633 (0,123) 0,790 (0,073) 0,790 (0,073) 0,892 (0,030) 0,653 (0,085) 0,749 (0,105) 0,879 (0,050) 0,879 (0,050) 0,936 (0,019) 0,758 (0,054)
Sud de la mer de Beaufort (Regehr et al., 2006) 0,430 (0,110) 0,920 (0,040) 0,920 (0,040) 0,920 (0,040) 0,920 (0,040) 0,430 (0,110) 0,920 (0,040) 0,920 (0,040) 0,920 (0,040) 0,920 (0,040)
Sud de la baie d’Hudson (Obbard et al., 2007)Note de tableauf 0,492 (0,143) 0,485 (0,143) 0,812 (0,076) 0,811 (0,076) 0,293 (0,143) 0,645 (0,135) 0,640 (0,136) 0,893 (0,052) 0,892 (0,052) 0,444 (0,148)
Détroit du Vicomte-Melville (Taylor et al., 2002) 0,448 (0,216) 0,774 (0,081) 0,774 (0,081) 0,774 (0,081) 0,774 (0,081) 0,693 (0,183) 0,905 (0,026) 0,905 (0,026) 0,905 (0,026) 0,905 (0,026)
Ouest de la baie d’Hudson Note de tableaug,Note de tableauh
(Regehr et al., 2007a)
0,620 (0,020) 0,620 (0,020)

0,810 (0,015)

0,720 (0,020)

0,900 (0,005)

0,750 (0,020)

0,650 (0,031)

0,700 (0,020) 0,700 (0,020)

0,860 (0,015)

0,780 (0,020)

0,930 (0,005)

0,810 (0,015)

0,720 (0,031)

Tableau 5. Moyennes (erreurs-types entre parenthèses) des taux de survie annuels naturels (récoltes non prises en compte) par sexe et classe d’âge dans des sous-populations canadiennes d’ours blancs. On ne dispose pas des taux de survie naturels ou de données qui permettraient de les calculer pour les autres sous-populations.
Sous-population
(source principale des données)
Mâles
Taux de survie naturel
0
Mâles
Taux de survie naturel
1
Mâles
Taux de survie naturel
2–4
Mâles
Taux de survie naturel
5–20
Mâles
Taux de survie naturel
>20
Femelles
Taux de survie naturel
0
Femelles
Taux de survie naturel
1
Femelles
Taux de survie naturel
2–4
Femelles
Taux de survie naturel
5–20
Femelles
Taux de survie
naturel
>20
Baie de Baffin
(Taylor et al., 2005)
0,570 (0,094) 0,938 (0,045) 0,938 (0,045) 0,947 (0,022) 0,887 (0,060) 0,620 (0,095) 0,938 (0,042) 0,938 (0,042) 0,953 (0,020) 0,919 (0,050)
Golfe de Boothia
(Taylor et al., 2008c)
0,817 (0,201) 0,907 (0,084) 0,907 (0,084) 0,959 (0,039) 0,959 (0,039) 0,817 (0,201) 0,907 (0,084) 0,907 (0,084) 0,959 (0,039) 0,959 (0,039)
Bassin de Kane
(Taylor et al., 2008a)
0,345 (0,200) 0,663 (0,197) 0,663 (0,197) 0,997 (0,026) 0,997 (0,026) 0,410 (0,200) 0,756 (0,159) 0,756 (0,159) 0,997 (0,026) 0,997 (0,026)
Détroit de LancasterNote de tableaui(Taylor et al., 2008b) 0,634 (0,123) 0,838 (0,075) 0,838 (0,075) 0,974 (0,030) 0,715 (0,095) 0,750 (0,104) 0,898 (0,005) 0,898 (0,005) 0,946 (0,018) 0,771 (0,054)
Détroit de M’Clintock
(Taylor et al., 2006a)
0,619 (0,151) 0,983 (0,034) 0,983 (0,034) 0,977 (0,033) 0,977 (0,033) 0,619 (0,151) 0,983 (0,034) 0,983 (0,034) 0,921 (0,046) 0,921 (0,046)
Nord de la mer de Beaufort
(Stirling et al., 2007)Note de tableauj
0,489 (0,173) 0,928 (0,080) 0,906 (0,073) 0,940 (0,071) 0,859 (0,104) 0,607 (0,170) 0,931 (0,080) 0,956 (0,046) 0,929 (0,044) 0,730 (0,079)
Baie NorwegianNote de tableaui
(Taylor et al., 2008b)
0,634 (0,123) 0,838 (0,075) 0,838 (0,075) 0,974 (0,030) 0,715 (0,095) 0,750 (0,104) 0,898 (0,005) 0,898 (0,005) 0,946 (0,018) 0,771 (0,054)
Sud de la mer de Beaufort (Regehr et al., 2006) 0,430 (0,11) 0,930 (0,040) 0,930 (0,040) 0,930 (0,040) 0,930 (0,040) 0,430 (0,11) 0,930 (0,040) 0,930 (0,040) 0,930 (0,040) 0,930 (0,040)
Sud de la baie d’Hudson
(Obbard et al., 2007)Note de tableauk
0,492 (0,143) 0,517 (0,143) 0,929 (0,076) 0,892 (0,076) 0,556 (0,143) 0,645 (0,135) 0,645 (0,136) 0,973 (0,052) 0,951 (0,052) 0,523 (0,148)
Détroit du Vicomte-Melville
(Taylor et al., 2002)
0,448 (0,216) 0,924 (0,109) 0,924 (0,109) 0,924 (0,109) 0,924 (0,109) 0,693 (0,183) 0,957 (0,028) 0,957 (0,028) 0,957 (0,028) 0,957 (0,028)
Ouest de la baie d’HudsonNote de tableaul,Note de tableaum
(Regehr et al., 2007a)
0,710 0,710 0,940

0,780
0,940 0,820

0,680
0,730 0,920 0,920

0,820
0,930 0,820

0,720

5.2 Prédateurs

L’ours blanc n’a aucun prédateur naturel. La prédation intraspécifique pourrait cependant limiter la croissance de la population. Il n’est pas rare que des oursons soient tués pour faire entrer les femelles en œstrus ou que des oursons et des adultes soient tués à des fins alimentaires chez les Ursidés, dont l’ours blanc (Taylor et al., 1985; Derocher et Taylor, 1994; Taylor, 1994; Derocher et Wiig, 1999; Dyck et Daley, 2002). Les conflits intraspécifiques liés au stress nutritionnel devraient être plus élevés quand les densités d’ours (en rapport avec la capacité limite du milieu) augmentent. Par conséquent, là où les changements climatiques ont pour effet de réduire la capacité limite du milieu, on peut s’attendre à un accroissement des conflits intraspécifiques, les déclins des effectifs apparaissant un certain temps après la baisse de la capacité limite du milieu (p. ex. dans le sud de la mer de Beaufort [Amstrup et al., 2006]). L’incidence possible de la prédation intraspécifique sur les effectifs de l’ours blanc est traitée plus en détail à la section 6.3.

5.3 Physiologie 

L’aspect le plus remarquable de la physiologie de l’ours blanc, dans le contexte de l’évaluation de la situation de l’espèce et de l’attribution d’un statut à celle-ci, est sa capacité de jeûne prolongé quand il est forcé de demeurer sur la terre ferme durant la saison d’eau libre, où il n’a pas accès aux phoques (cela est le cas de 50 p. 100 à 60 p. 100 des ours blancs du Canada). Quand les ours sont sur la terre ferme, la nourriture se fait rare, et ils doivent vivre sur leurs réserves de graisse jusqu’à ce que la glace de mer reprenne à la fin de l’automne (Ramsay et Hobson, 1991; Derocher et al., 1993; Atkinson et Ramsay, 1995). Les ourses gravides doivent aussi attendre que leurs petits naissent et qu’ils soient assez vigoureux pour être sortis de la tanière avant de pouvoir cesser leur jeûne; il peut ainsi leur arriver de ne pas manger durant huit mois, tout en devant satisfaire les exigences énergétiques de la gestation et de l’allaitement (Atkinson et Ramsay, 1995). Les ours blancs adultes perdent environ 1 kg par jour durant leurs jeûnes (Derocher et Stirling, 1995a; Polischuk et al., 2002), et les ourses gravides peuvent perdre jusqu’à 43 p. 100 de leur masse corporelle (Atkinson et Ramsay, 1995). Étant donné que la masse corporelle des petits est étroitement liée à la quantité de graisse corporelle des femelles (Atkinson et Ramsay, 1995), le succès de la reproduction est vraisemblablement fonction du poids des femelles au début, et surtout à la fin, de leurs périodes de jeûne.

En tant que prédateur se trouvant au sommet des chaînes alimentaires de l’écosystème marin arctique, l’ours blanc peut se trouver exposé à divers contaminants de l’environnement pouvant avoir un effet sur sa survie et sa reproduction (Amstrup, 2003). La section 6.3 traite des principaux contaminants auxquels l’ours blanc est exposé et de leurs effets négatifs possibles sur l’ours blanc.

5.4 Domaines vitaux, déplacements et dispersion 

Les ours blancs se déplacent sur des distances beaucoup plus grandes que d’autres mammifères terrestres (Ferguson et al., 1999), le seul moyen permettant de retracer leurs déplacements étant la télémétrie satellitaire (voir Messier et al., 2001). Le radioémetteur est habituellement monté sur un collier que l’on met aux femelles adultes seulement, étant donné qu’il est difficile de bien faire tenir le collier sur les mâles (la circonférence de leur cou est souvent plus grande que celle de leur tête); on connaît donc mal les habitudes de déplacement des mâles. Les ourses occupent des domaines vitaux annuels de grande superficie, variant de 940 km² à 540 700 km² ( = 125 500 km², écart-type = 113 795, n = 93; Ferguson et al., 1999). Les domaines vitaux des ours blancs varient en fonction de plusieurs facteurs, dont la localisation de divers éléments importants pour eux, comme les polynies (Ferguson et al. 1999; Messier et al., 2001). Ferguson et al. (1999) ont montré que le ratio entre superficie terrestre et superficie marine à l’intérieur des domaines vitaux et la variation saisonnière du couvert glaciel expliquaient jusqu’à 66 p. 100 de la variation de la taille des domaines vitaux qu’ils ont étudiés. Les ours qui vont sur la terre ferme durant la saison d’eau libre ont des domaines vitaux plus étendus que ceux des ours qui ont accès à de la glace toute l’année, tout comme les ours dont les domaines vitaux présentent une plus grande variation saisonnière du type de couvert glaciel (Ferguson et al., 1999).

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Les observations des habitudes de déplacement à l’intérieur des domaines vitaux montrent bien à quel point la glace de mer est importante dans l’écologie des ours blancs. Comme le laisse penser la grande taille de leurs domaines vitaux, les taux de déplacement des ours blancs sont très élevés par rapport à ceux d’autres mammifères terrestres, la plupart des estimations moyennes des vitesses de déplacement sur la glace de mer publiées se situant entre 0,5 et 2,1 km/h (Larsen et al., 1983; Durner et Amstrup, 1995; Born et al., 1997; Amstrup et al., 2000; Ferguson et al., 2001). Le niveau d’activité le plus élevé est observé en mai, en juin et en juillet, est fonction des conditions de glace de mer, et coïncide avec la disponibilité de phoques nouveau-nés (Pasitschniak-Arts et Messier, 1999; Amstrup, 2003). Mauritzen et al. (2003) ont observé que les taux de déplacement des ours blancs augmentaient en raison inverse de l’épaisseur de la glace de mer. Dans le Haut-Arctique, le niveau d’activité est le plus bas durant l’hiver, peut-être à cause du mauvais temps, de l’accès limité aux phoques, et de la nécessité pour les ours de conserver leur énergie durant les mois les plus froids (Messier et al., 1992; idem, 1994).

Les ourses gravides cessent de se déplacer après leur entrée dans les tanières de mise bas à la fin de l’automne (section 5.1), mais les femelles non gravides et les mâles s’abritent aussi dans des tanières de neige pour 0,5 à 4 mois durant l’hiver (Harington, 1968) et jeûnent d’une manière qui, au plan physiologique, rappelle l’état de torpeur des périodes de pénurie alimentaire (Watts et Hansen, 1987). Cependant, l’utilisation d’abris varie avec les conditions de glace de mer et la latitude, et elle est plus fréquente dans le Haut-Arctique (Ferguson et al., 2000b). Dans le sud de l’Arctique, où la glace de mer fond, les ours peuvent se trouver forcés de passer plusieurs mois sur la terre ferme, dans l’attente de la reprise de la glace. Ce phénomène est très marqué dans la partie sud de l’aire de répartition canadienne de l’espèce, particulièrement dans la baie d’Hudson et la baie James (Stirling et al., 1977; Derocher et Stirling, 1990), dans l’est de l’île de Baffin (Stirling et al., 1980; Ferguson et al., 1997; Taylor et al., 2005), et dans le détroit de Davis (M.K. Taylor, ministère de l’Environnement, gouvernement du Nunavut, obs. pers.). Une fois confinés sur la terre ferme pour l’été, les ours se déplacent beaucoup moins qu’ils ne le font sur la glace de mer, et ils passent la majeure partie de leur temps à se reposer ou, dans le cas des ourses gravides, à chercher un endroit propice pour leur tanière (Ferguson et al., 1997; idem, 1998; Lunn et al., 2004).

On sait peut de choses de la dispersion chez les ours blancs, en grande partie parce qu’on piste rarement les subadultes au moyen d’un collier émetteur. En effet, bien qu’on marque les subadultes quand on les capture, on ne les munit habituellement pas d’un collier émetteur, qui pourrait rapidement devenir trop serré à cause du fort taux de croissance de ces animaux. Des cas de dispersion ont cependant déjà été répertoriés à l’aide d’analyses génétiques (Crompton, 2004; Saunders, 2005). Les résultats concernant des ours du golfe de Boothia et du détroit de M’Clintock (Saunders, 2005) ainsi que de l’ouest de la baie d’Hudson, du sud de la baie d’Hudson, du bassin de Foxe et du détroit de Davis (Crompton, 2004) laissent penser que les ours en dispersion peuvent franchir les frontières des sous-populations identifiées, et qu’ils le font effectivement. La dispersion au-delà des frontières des sous-populations – frontières établies initialement sur la base des déplacements d’adultes marqués ou munis d’un collier émetteur (Taylor et Lee, 1995; Bethke et al., 1996) – pourrait en partie expliquer l’absence de différences génétiques marquées entre les sous-populations (tableaux 1 et tableau2).

5.5 Relations interspécifiques

L’ours blanc est un prédateur obligatoire des phoques qui se reproduisent sur la glace de mer, au nombre desquels figure tout particulièrement le phoque annelé. La coévolution du phoque annelé et de l’ours blanc ainsi que l’effet des changements possibles de la répartition des phoques annelés (et d’autres Phocidés qui se reproduisent sur la glace de mer) sur la répartition des ours blancs sont traités dans les sections 3, section4 et section6.

5.6 Adaptations comportementales

En plus d’être physiologiquement adaptés à la stochasticité environnementale et à la disette prolongée, les ours blancs ont des adaptations comportementales qui leur permettent de survivre dans des conditions environnementales extrêmes ou variables. Les participants à des collectes récentes de CTA menées à Gjoa Haven, à Cambridge Bay et à Taloyoak (Atatahak et Banci, 2001; Keith et al., 2005) ont indiqué que les ours blancs adaptent facilement leurs déplacements aux conditions environnementales et à la répartition de leurs proies, mais qu’ils peuvent aussi être vulnérables à l’activité humaine. Toutefois, on sait que les ours blancs sont attirés par des sources non naturelles de nourriture (p. ex. les ordures) et qu’ils peuvent en venir à ne pas craindre la présence des humains, même quand ils se trouvent exposés à des perturbations anthropiques (p. ex. le harcèlement visant à les éloigner), s’ils peuvent espérer se mettre quelque chose sous la dent. La curiosité des ours blancs les expose particulièrement à être abattus pour la protection des personnes et des biens. Les ours blancs sont aussi attirés par des substances apportées par l’homme et peuvent en consommer (p. ex. des produits pétroliers ou l’éthylèneglycol [antigel]), substances qui peuvent nuire à leur santé ou les tuer (Stirling, 1988b; Amstrup et al., 1989; Derocher et Stirling, 1991). Les observations inuites d’ours blancs consommant des sacs de plastique et de l’huile à moteur se sont apparemment accrues au cours des années 1990 (McDonald et al., 1997), et les observateurs inuits d’ours blancs dans la région de la baie de Baffin signalent que les ours se sont mis à consommer de nouveaux types d’aliments ces dernières années (Dowsley, 2005), comme des œufs d’oiseaux marins et la viande se trouvant dans des caches de viande inuites. Comme le décrit la section 4.1, l’alimentation de l’ours blanc peut comprendre plusieurs espèces de mammifères et d’oiseaux, la viande se trouvant dans des caches inuites et des végétaux (petits fruits notamment); l’ours blanc demeure toutefois essentiellement un prédateur de phoques obligatoire, qui chasse ses proies de prédilection sur la glace de mer.

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