Programme de rétablissement du morse de l'Antique (Odobenus rosmarus rosmarus) population de l'Atlantique Nord-Ouest au Canada (Proposition) 2007

Morse de l'Atlantique. J. Domm pour Pêches et Océans Canada

Novembre 2007

Déclaration
Autorités responsables
Auteurs
Énoncé d'évaluation environnementale stratégique
Résidence
Avant-propos

La LEP est la loi fédérale qui constitue l'une des pierres d'assise de l'effort national commun de protection et de conservation des espèces en péril au Canada. Elle est en vigueur depuis 2003 et vise, entre autres, àpermettre le rétablissement des espèces qui, par suite de l'activité humaine, sont devenues des espèces disparues du pays, en voie de disparition ou menacées.

Dans le contexte de la conservation des espèces en péril, le rétablissement est le processus par lequel le déclin d'une espèce en voie de disparition, menacée ou disparue du pays est arrêté ou inversé et par lequel les menaces à sa survie sont éliminées ou réduites de façon à augmenter la probabilité de survie de l'espèce à l'état sauvage. Une espèce sera considérée comme rétablie lorsque sa survie à long terme à l'état sauvage aura été assurée.

Un programme de rétablissement est un document de planification qui identifie ce qui doit être réalisé pour arrêter ou inverser le déclin d'une espèce. Il établit des buts et des objectifs et indique les principaux champs des activités à entreprendre. La planification plus élaborée se fait à l'étape du plan d'action.

L'élaboration de programmes de rétablissement représente un engagement de toutes les provinces et de tous les territoires ainsi que de trois organismes fédéraux -- Environnement Canada, l'Agence Parcs Canada et Pêches et Océans Canada -- dans le cadre de l'Accord pour la protection des espèces en péril. Les articles 37 à 46 de la LEP décrivent le contenu d'un programme de rétablissement publié dans la présente série ainsi que le processus requis pour l'élaborer.

Selon le statut de l'espèce et le moment où elle a été évaluée, un programme de rétablissement doit être préparé dans un délai de un à deux ans après l'inscription de l'espèce à la Liste des espèces en péril de la LEP. Pour les espèces qui ont été inscrites à la LEP lorsque celle-ci a été adoptée, le délai est de trois à quatre ans.

Dans la plupart des cas, un ou plusieurs plans d'action seront élaborés pour définir et guider la mise en oeuvre du programme de rétablissement. Cependant, les recommandations contenues dans le programme de rétablissement suffisent pour permettre la participation des collectivités, des utilisateurs des terres et des conservationnistes à la mise en oeuvre du rétablissement. Le manque de certitude scientifique ne doit pas être prétexte à retarder la prise de mesures efficientes visant à prévenir la disparition ou le déclin d'une espèce.

Cette série présente les programmes de rétablissement élaborés ou adoptés par le gouvernement fédéral dans le cadre de la LEP. De nouveaux documents s'ajouteront régulièrement à mesure que de nouvelles espèces seront inscrites à la Liste des espèces en péril et que les programmes de rétablissement existants seront mis à jour.

Pour en savoir plus sur la Loi sur les espèces en péril et les initiatives de rétablissement, veuillez consulter le Registre public de la LEP et le site Web du Secrétariat du rétablissement (http://www.especesenperil.gc.ca/recovery/).

Ministère des Pêches et des Océans. 2007. Programme de rétablissement du morse de l’Atlantique (Odobenus rosmarus rosmarus), population de l’Atlantique Nord-Ouest, au Canada [proposé]. Série de Programmes de rétablissement de la Loi sur les espèces en péril. Ministère des Pêches et des Océans. Ottawa. ix + 12 p.

Des exemplaires supplémentaires peuvent être téléchargés à partir du site Web du Registre public de la LEP.

Illustration de la couverture: J. Domm pour Pêches et Océans Canada

Also available in English under the title:

“Department of Fisheries and Oceans. 2007. Recovery Strategy for the Atlantic walrus (Odobenus rosmarus rosmarus), Northwest Atlantic population, in Canada [Proposed]”.

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Pêches et des Océans, 2007. Tous droits réservés.

ISBN : ISBN à inclure par l'organisme responsable de l'application de la LEP

Numéro de catalogue : Nº catalogue à inclure par l'organisme responsable de l'application de la LEP

Le contenu du présent document (sauf l'illustration de la couverture) peut être utilisé sans permission, à condition que la source en soit dûment mentionnée.

Le présent Programme de rétablissement du morse de l'Atlantique (population de l'Atlantique Nord-Ouest) a été préparé en collaboration avec les autorités responsables de l'espèce indiquées dans l'avant-propos. Pêches et Océans Canada (MPO) a examiné le document et l'a accepté comme Programme de rétablissement du morse de l'Atlantique (population de l'Atlantique Nord-Ouest) conforme à la Loi sur les espèces en péril.

Pour le moment, le rétablissement du morse de l'Atlantique (population de l'Atlantique Nord-Ouest) au Canada par des moyens assistés est impossible tant sur le plan technique que sur le plan biologique. La population a disparu du pays et n'est donc plus présente à l'état sauvage au Canada, mais on observe encore occasionnellement dans son aire de répartition historique des individus, provenant sans doute de populations voisines, qui pourraient éventuellement servir de recolonisateurs. Par conséquent, les efforts de rétablissement d'autres espèces de la même région géographique ou qui font face à des menaces semblables et les programmes généraux de conservation dans la même région géographique contribueraient à créer des conditions favorables au rétablissement de cette population par des moyens naturels.

La faisabilité du rétablissement sera évaluée à nouveau lorsqu'un changement de conditions ou de nouvelles connaissances le justifieront et systématiquement tous les cinq ans dans le cadre du rapport obligatoire sur la mise en œuvre du Programme de rétablissement.

C'est Pêches et Océans Canada qui est l'autorité responsable du morse de l'Atlantique en vertu de la Loi sur les espèces en péril.

Le présent document a été rédigé par Howard Powles (Université d'Ottawa) et a bénéficié de révision par des fonctionnaires fédéraux et provinciaux.

Conformément à la Directive du Cabinet sur l'évaluation environnementale des projets de politiques, de plans et de programmes, l'évaluation environnementale stratégique (EES) vise à intégrer les considérations environnementales à l'élaboration des projets de politiques, de plans et de programmes publics pour faire en sorte que les décisions qui seront prises soient respectueuses de l'environnement.

La planification du rétablissement a pour but de favoriser les espèces en péril et la biodiversité en général. Il est cependant reconnu qu'au-delà des avantages prévus, des programmes peuvent, par inadvertance, avoir des effets environnementaux. Le processus de planification fondé sur des lignes directrices nationales tient directement compte de tous les effets environnementaux, notamment des incidences possibles sur les espèces ou les habitats non ciblés. Les répercussions environnementales du présent Programme sont résumées ci-dessous.

Étant donné que le morse de l'Atlantique (population de l'Atlantique Nord-Ouest) a disparu du Canada et que son rétablissement est jugé impossible, aucune mesure de rétablissement n'est jugée pertinente pour le moment. Par conséquent, le présent Programme de rétablissement n'aura aucun effet environnemental.

La LEP définit la résidence comme suit : Gîte – terrier, nid ou autre aire ou lieu semblable – occupé ou habituellement occupé par un ou plusieurs individus pendant tout ou partie de leur vie, notamment pendant la reproduction, l'élevage, les haltes migratoires, l'hivernage, l'alimentation ou l'hibernation (LEP, paragraphe 2[1]).

La protection de la résidence est une exigence de la LEP distincte de l'élaboration d'un programme de rétablissement, car elle se rapporte aux interdictions générales prévues dans la Loi (article 33). Pour faciliter la protection, les descriptions de la résidence ou les raisons pour lesquelles le concept de résidence ne s'applique pas à une espèce donnéesont publiées dans le Registre public de la LEP. L'interdiction d'endommager ou de détruire la résidence (article 33 de la LEP) ne s'applique pas à une espèce qui est disparue du Canada et dont le Programme de rétablissement ne recommande pas qu'elle y soit réintroduite à l'état sauvage.

À l'origine (aussi bien en avril 1987 qu'en mai 2000), le COSEPAC estimait qu'il existait deux populations distinctes de morse de l'Atlantique au Canada : la population de l'est de l'Arctique (qui n'est pas en péril) et la population du Canada atlantique (disparue du pays). Récemment (en avril 2006), le COSEPAC a réévalué la situation de l'espèce dans l'ensemble de son aire de répartition au Canada, traitant celle-ci comme une seule unité désignable, et il la considère maintenant comme préoccupante. Toutefois, comme c'est la population de l'Atlantique Nord-Ouest qui figure sur la Liste des espèces en péril (annexe 1 de la LEP) établi par le gouvernement fédéral, un programme de rétablissement est nécessaire pour cette population.

Pêches et Océans Canada a dirigé l'élaboration du présent Programme de rétablissement du morse de l'Atlantique (population de l'Atlantique Nord-Ouest) disparu du pays, ce qui a nécessité : i) la préparation d'une ébauche répondant aux exigences de la LEP en matière de Programmes de rétablissement des espèces disparues du Canada; ii) la diffusion de l'ébauche à d'autres instances au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador aux fins d'examen et de commentaires; iii) des consultations publiques sur l'ébauche de programme par l'intermédiaire du Registre public de la LEP et iv) la production de la version finale du Programme.

La conclusion selon laquelle le rétablissement est impossible, y compris la justification de cette conclusion, a été examinée dans le cadre du processus de consultation et d'examen visant le Programme de rétablissement. La responsabilité de la décision finale et de sa formulation appartenait au MPO, qui l'a exercée en prenant en considération les commentaires reçus.

Le morse est un grand mammifère marin grégaire, qui se distingue de tous les autres mammifères marins par ses défenses, qui sont des canines supérieures hypertrophiées, et par sa moustache composée de vibrisses en aiguillons. La taille et le poids vont jusqu'à environ 315 et 1 100 kg, respectivement, chez le mâle et 280 et 800 kg chez la femelle. Celle-ci atteint la maturité à l'âge de 5 à 10 ans, tandis que le mâle parvient à ce stade à l'âge de 7 à 13 ans. Le morse peut vivre au-delà de 35 ans.

Le morse se nourrit surtout d'organismes vivant sur le fond marin, comme les myes et les oursins, mais on sait qu'il mange aussi à l'occasion des poissons, des encornets et même des phoques annelés et des phoques barbus. Il préfère comme habitat les eaux peu profondes (de 80 m tout au plus) dont le substrat de fond renferme une communauté productive de mollusques, qui offrent la présence rassurante d'eaux libres au-dessus des aires d'alimentation et des échoueries, sur la glace ou la terre ferme à proximité, où ils peuvent se hisser, parfois en vastes troupeaux.

L'aire de répartition du morse de l'Atlantique s'étendait historiquement depuis le centre de l'Arctique canadien jusqu'à la mer de Kara (en Russie) vers l'est, à Svalbard au nord et à la Nouvelle-Écosse au sud. La population de morses de l'est de l'Arctique qui existe encore dans les eaux canadiennes (et qui a été subdivisée par le ministère des Pêches et des Océans [MPO] en quatre populations pour des raisons de gestion [COSEPAC 2006]) occupe la région qui s'étend depuis l'île de Bathurst et l'île du Prince-de-Galles, à l'ouest, au détroit de Davis, à l'est, et de la baie James, au sud, au bassin Kane, au nord. Une cinquième population de l'Atlantique Nord-Ouest occupait la région qui s'étend le long de la côte du Labrador jusqu'au golfe du Saint-Laurent, à Terre-Neuve et à la Nouvelle-Écosse. Le présent Programme de rétablissement repose sur la séparation des populations établie dans le rapport original du COSEPAC (sous presse), qui, aux fins de désignation, identifie deux populations canadiennes, soit une population canadienne de l'est de l'Arctique qui existe encore et une population de l'Atlantique Nord-Ouest qui est disparue du pays. C'est cette population de l'Atlantique Nord-Ouest qui est inscrite sur la Liste des espèces en péril (annexe 1 de la LEP) établie par le gouvernement fédéral et à l'égard de laquelle est établie le présent Programme de rétablissement.

La population de l'Atlantique Nord-Ouest, dont on pensait initialement qu'elle se chiffrait à des dizaines de milliers d'individus, a été lourdement exploitée pendant au moins cent ans aux XVIIe et XVIIIe siècles, si bien qu'elle avait disparu du pays dès la fin du XIXe siècle. La principale menace pour la population de morses encore existante est la chasse de subsistance pratiquée par les Autochtones. Le bruit et les perturbations dus aux navires, aux aéronefs et aux activités humaines, comme la prospection pétrolière et gazière, la contamination par les déversements d'hydrocarbures, l'empêtrement dans les engins de pêche et la perturbation ou la capture des proies, représentent des menaces possibles à une population de morses qui serait reconstituée dans le sud-est du Canada. Il est peu probable que la chasse nuirait à une population de l'Atlantique Nord-Ouest reconstituée.

Pour le moment, le rétablissement de la population de morses de l'Atlantique Nord-Ouest disparue du pays est jugé impossible sur les plans tant technique que biologique. On observe épisodiquement des individus dans l'aire de répartition historique de l'espèce dans la région, qui proviennent probablement de la population de l'est de l'Arctique, au nord, mais ces individus égarés n'ont pas jusqu'ici contribué à un rétablissement naturel. Pour ce qui est de réintroduire des individus venant d'ailleurs afin d'établir une population viable, il y a peut-être un habitat convenable à cette fin, mais il serait nécessaire de réduire les interactions avec les humains par un choix d'endroits propices ou par une bonne gestion. Les menaces pourraient probablement être atténuées. Il n'est pas certain qu'on puisse prélever un nombre suffisant d'individus adultes dans les populations existantes pour soutenir la reconstitution de la population disparue. De plus, les problèmes que pose le transport d'animaux vivants des régions nordiques éloignées où ils se trouvent à d'autres régions éloignées situées dans le sud du Canada sont tels qu'ils rendent le rétablissement impossible sur le plan technique. Par ailleurs, il est peu probable que la reproduction en captivité soit une option viable pour contribuer à la reconstitution de la population.

Bien qu'il n'y ait pas eu de rétablissement à partir des individus ayant migré depuis la population contiguë de l'est de l'Arctique, il subsiste une légère possibilité de rétablissement par la migration naturelle. Les mesures de conservation axées vers le maintien de milieux marins sains dans le sud-est du Canada, associées aux interdictions de tuer des individus de la population visée ici, qui est considérée comme « disparue du pays » aux termes de la Loi sur les espèces en péril, ou de nuire à ces individus, viendraient accroître la possibilité d'un rétablissement naturel. La faisabilité d'un rétablissement sera réévaluée au besoin en fonction des changements dans les conditions ou les connaissances et systématiquement tous les cinq ans dans le cadre du rapport obligatoire sur la mise en œuvre du Programme de rétablissement.

Date de l'évaluation : Mai 2000

Nom commun (population) : Morse de l'Atlantique – population de l'Atlantique Nord-Ouest

Nom scientifique : Odobenus rosmarus rosmarus

Désignation du COSEPAC : Disparue du pays

Raison de la désignation : Disparue du pays par exploitation

Présence au Canada : Québec, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador, océan Atlantique

Historique de la désignation : Disparue du pays alentour de 1850. Désignée comme disparue du pays en avril 1987. Désignation réexaminée et confirmée en mai 2000. Dernière évaluation fondée sur un Rapport de situation.

Le morse est un mammifère marin grégaire de grande taille dont les membres antérieurs et postérieurs se sont développés en nageoires. Bien qu'il soit apparenté aux phoques et aux otaries, le morse se distingue des autres espèces de mammifères marins par ses défenses, qui sont des canines supérieures hypertrophiées, et par sa moustache composée de vibrisses en aiguillons. Chez les adultes, les mâles sont plus gros que les femelles, et leurs défenses sont plus longues et plus larges. La peau, qui porte peu de poils, est d'un brun cannelle, mais elle peut prendre une teinte rosée les journées chaudes ou presque blanche après une longue plongée en eau froide. À la naissance, les morses de l'Atlantique mesurent 120 de long et pèsent 55 kg environ; les mâles atteignent environ 315 et 1 100 kg, et les femelles, environ 280 et 800 kg. Comme l'otarie, le morse peut se dresser sur ses nageoires antérieures.

Les morses sont polygynes (chaque mâle peut s'accoupler avec plusieurs partenaires) et les mâles se disputent les femelles à la période d'accouplement. Celui-ci a lieu dans l'eau de février à avril. La plupart des petits naissent en mai ou juin de l'année suivante et sont allaités jusqu'à l'âge de 25 à 27 mois. Les femelles sont très maternelles et l'ensemble du troupeau protège les petits, ce qui peut aboutir à de forts taux de survie des juvéniles. Les femelles mettent bas environ tous les trois ans.

Chez les morses, l'âge maximal peut dépasser 35 ans. Les femelles atteignent la maturité entre 5 et 10 ans et les mâles entre 7 et 13 ans. En raison du faible taux de reproduction (taux de reproduction annuel brut d'environ 10 %), les morses sont vulnérables à la mortalité due à des causes humaines, y compris à la chasse.

Les morses passent un certain temps hors de l'eau sur des « échoueries » situées sur la glace ou sur la terre, où ils se regroupent parfois en troupeaux abondants. Ils fréquentent ces échoueries pour se reposer, pour entretenir des rapports sociaux et pour mettre bas et nourrir leurs petits. Ils préfèrent s'échouer sur la glace, mais selon une hypothèse, les échoueries terrestres leur offrent l'avantage d'une température stable au niveau de la peau et des extrémités, ce qui favorise la régénération de la peau et la guérison des blessures. On connaît mal les besoins physiologiques du morse ou sa capacité d'adaptation aux variations dans la disponibilité de la nourriture ou dans les conditions environnementales.

Les morses ont une répartition circumpolaire arctique et subarctique discontinue, comprenant des sous-espèces distinctes dans l'Atlantique (Odobenus rosmarus rosmarus) et dans le Pacifique (O. r. divergens). L'aire de répartition traditionnelle des morses de l'Atlantique s'étend depuis le centre de l'Arctique canadien, à l'ouest, jusqu'à la mer de Kara (Russie), au nord, et depuis Svalbard (archipel de la mer de Barents situé au nord de la Norvège) jusqu'à la Nouvelle-Écosse, au sud. Il existe deux populations bien distinctes à l'intérieur de cette aire de répartition, l'une à l'est du Groenland et l'autre, à laquelle appartiennent tous les individus canadiens, à l'ouest du Groenland. Cette dernière peut être subdivisée en sous-populations canadiennes, décrites ci-après.

Au Canada, l'aire de répartition des morses de l'Atlantique s'étend depuis l'île Bathurst et l'île Prince-de-Galles, à l'ouest, jusqu'au détroit de Davis, à l'est, et depuis la baie James, au sud, jusqu'au bassin Kane, au nord. Autrefois, à l'époque où les non-autochtones ont rencontré l'espèce pour la première fois, l'aire de répartition du morse s'étendait, au sud, le long de la côte du Labrador jusqu'au golfe du Saint-Laurent, à Terre-Neuve et à la Nouvelle-Écosse (figure 1). Durant les périodes glaciaires, l'aire de répartition du morse a pu s'étendre au sud jusqu'à la Caroline du Nord, la Caroline du Sud et la Géorgie.

Figure 1. Aire de répartition historique approximative du morse de l'Atlantique au Canada. (Source : COSEPAC sous presse.)

Aire de répartition historique approximative du morse de l'Atlantique au Canada. Celle-ci inclut le sud et l'est de la baie d'Hudson, le nord de la baie d'Hudson et du détroit de Davis, le bassin Foxe et la baie de Baffin dans l'Extrême-Arctique.

On a reconnu qu'il existait au Canada cinq populations de morses de l'Atlantique, réparties entre la Nouvelle-Écosse et l'Extrême-Arctique. Aux fins de la gestion, le MPO considère actuellement qu'il y a quatre populations existantes, se distinguant par leur répartition géographique, les variations dans leur abondance, les teneurs en contaminants et les rapports et signatures des isotopes du plomb. Il s'agit des populations 1) du sud et de l'est de la baie d'Hudson; 2) du nord de la baie d'Hudson et du détroit de Davis; 3) du bassin Foxe et 4) de la baie de Baffin (dans l'Extrême-Arctique) (COSEPAC 2006). On ne sait pas dans quelle mesure ces populations sont génétiquement isolées les unes des autres, et chacune d'elles pourrait être constituée de sous-unités qui ne se mélangent pas du tout ou pratiquement pas.

Une cinquième population, celle de l'Atlantique Nord-Ouest, occupait autrefois la région qui comprend l'île de Sable, la côte est de la Nouvelle-Écosse et le golfe du Saint-Laurent. Cette population, dont on pensait initialement qu'elle se chiffrait à des dizaines de milliers d'individus, a été lourdement exploitée pendant au moins cent ans aux XVIIe et XVIIIe siècles, si bien qu'elle avait disparu du pays dès le milieu du XIXe siècle.

Il est possible que la répartition de toutes les populations canadiennes aient déjà été continue. Le morse est capable de parcourir de longues distances, en nageant ou en dérivant, mais on sait peu de choses sur l'ensemble de ses migrations.

Bien qu'on reconnaisse actuellement cinq populations de morses de l'Atlantique au Canada (COSEPAC 2006), le présent Programme de rétablissement s'appuie sur le document du COSEPAC (sous presse), qui reconnaît deux populations canadiennes aux fins de désignation, soit une population existante, celle de l'Arctique, et une population disparue du pays, celle de l'Atlantique Nord-Ouest. C'est cette population de l'Atlantique Nord-Ouest qui figure sur la Liste des espèces en péril (annexe 1 de la LEP) établie par le gouvernement fédéral et qui est visée par le présent Programme de rétablissement.

Toute l'information présentée sur les besoins biologiques et les besoins en matière d'habitat du morse de l'Atlantique est fondée sur ce qu'on sait de la population qui existe encore dans l'est de l'Arctique.

Les morses de l'Atlantique ont besoin de grandes étendues d'eau relativement peu profondes (80 m ou moins) dont le substrat de fond renferme une communauté productive de bivalves, d'eaux généralement libres à la surface de ces aires d'alimentation et d'échoueries où ils peuvent se hisser sur la glace ou la terre ferme à proximité. Au nord, ils restent sur la banquise mouvante presque toute l'année, mais lorsque la glace devient insuffisante en été et en automne, ils tendent à se rassembler dans quelques échoueries terrestres situées en des endroits prévisibles. À terre, l'espèce trouve un habitat propice sur les rivages bas et rocheux aux zones sublittorales escarpées ou en escalier qui offrent aux animaux un accès facile à la mer.

Les morses de l'Atlantique se nourrissent principalement de proies benthiques (vivant au fond de la mer) à des profondeurs de 10 à 80 m. Certaines de leurs plongées peuvent durer 24 minutes. Les morses détectent leurs proies à l'aide de leurs moustaches sensibles; d'après l'état des sédiments de fond, on croit qu'ils trouvent leurs proies en fouillant avec le museau puis les délogent du substrat en envoyant des jets d'eau par la bouche.

Bien que les mollusques bivalves soient leur proie favorite, on a aussi trouvé dans les estomacs des morses des gastéropodes, des concombres de mer, des oursins, des vers polychètes, des crustacés amphipodes et isopodes, des brachiopodes et des priapulides. En 97 heures, un morse de l'Atlantique mâle de 1 200 kg a plongé à 412 reprises et mangé en moyenne 53 bivalves par plongée. Cela correspond à l'ingestion de 57 kg, en poids humide, de biomasse de bivalves par jour. On sait aussi que les morses de l'Atlantique peuvent manger des phoques annelés, des phoques barbus, des poissons et des encornets, ainsi que des oiseaux de mer.

Le morse de l'Atlantique est un important prédateur d'invertébrés benthiques, en particulier de mollusques bivalves. La sous-espèce du Pacifique, qui lui est étroitement apparentée, est actuellement beaucoup plus abondante qu'elle (environ 200 000 individus dans la mer de Béring et les régions adjacentes) et on estime qu'elle joue un grand rôle dans l'écosystème marin et influence fortement la productivité et l'écologie en se nourrissant d'invertébrés benthiques, en perturbant les sédiments du fond et en facilitant le flux des nutriments du fond à la colonne d'eau (Ray et al. 2006). On pense que les morses du Pacifique accroissent de deux ordres de grandeur le flux de nutriments depuis l'eau des sédiments du fond à la colonne d'eau.

On ne sait pas si la concurrence avec d'autres animaux pour les ressources a été dans le passé un important facteur écologique.

En raison de la faible capacité intrinsèque de la population à s'accroître, attribuable surtout à la production peu fréquente de petits (tous les trois ans), le morse de l'Atlantique est particulièrement vulnérable à la mortalité supplémentaire découlant d'activités humaines.

La principale menace qui pèse contre les populations de morse existantes est la chasse pratiquée par les humains. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, c'est à cause de la chasse (pour la viande, l'huile et les peaux) que la population de morses de l'Atlantique Nord-Ouest a disparu du pays. Toutefois, la chasse ne constituerait peut-être plus une grande menace éventuelle pour une population de morses qui aurait été reconstituée dans le sud-est du Canada. La capture commerciale du morse de l'Atlantique est interdite au Canada depuis 1928 et il n'y a pas eu par le passé, que l'on sache, de capture par les Autochtones dans le sud-est du Canada (COSEPAC 2006); mais étant donné que la population a disparu du pays depuis longtemps, il se peut que certains renseignements probants à cet égard aient été perdus ou n'aient pas été recueillis.

Les perturbations de source humaine (bruit causé par le trafic maritime et aérien, prospection du pétrole et du gaz, établissements humains et autres activités humaines) risqueraient de menacer une population de morses qui aurait été reconstituée dans le sud-est du Canada. Les perturbations amenant les morses à abandonner leurs échoueries peuvent influer sur la dynamique des populations en occasionnant des mouvements de panique (et une mortalité juvénile connexe), en interrompant la recherche de nourriture, en accroissant les dépenses énergétiques, en masquant les communications, en nuisant à la thermorégulation et en accroissant le niveau de stress. Les déversements d'hydrocarbures pourraient constituer une menace importante pour les troupeaux de morses, compte tenu du fait que ceux-ci ont besoin d'un habitat situé au bord de l'eau.

L'empêtrement dans les engins de pêche, en particulier dans les filets maillants, risquerait d'être une menace pour une population de morses reconstituée dans le sud-est du Canada. La pêche des espèces-proies préférées des morses ou les perturbations occasionnées par la pêche dans l'habitat des proies pourraient aussi constituer des menaces possibles. Toutefois, ces menaces seraient vraisemblablement d'une importance limitée, puisqu'il n'y a pas actuellement au Canada atlantique de pêche des mollusques (palourdes, myes et pétoncles) vivant dans les sédiments benthiques des zones infralittorales aux profondeurs auxquelles les morses recherchent leur nourriture. Ce qui pourrait être plus inquiétant, cependant, ce serait la perception des morses comme concurrents dans la pêche et l'octroi de permis de chasse de phoques (mammifères marins) nuisibles.

On sait que dans le nord, les morses, probablement surtout les jeunes, sont la proie des ours polaires et des orques, mais cette prédation est vraisemblablement limitée par le comportement protecteur des troupeaux envers les petits et par la grande taille des adultes. Il a pu exister autrefois une prédation par les orques dans la population de l'Atlantique Nord-Ouest, mais on ne sait pas à quel degré. La prédation ne serait probablement pas un facteur limitatif du rétablissement de la population de l'Atlantique Nord-Ouest à l'heure actuelle, parce que les orques sont rares dans le golfe du Saint-Laurent. Toutefois, on en observe au large de Terre-Neuve et, compte tenu des changements que les variations climatiques pourraient occasionner dans la répartition des orques, de l'abondance future de leur effectif et des incertitudes au sujet du nombre d'orques qui serait nécessaire pour exercer une prédation conséquente parmi le stock de morses, on ne saurait sous-estimer l'importance éventuelle d'une telle prédation.

Les effets possibles du changement climatique sur les morses ou sur la répartition des floes sont probablement limités. Il est difficile de prédire les incidences d'un réchauffement ou d'un refroidissement des températures sur une population de morses qui aurait été reconstituée dans le sud-est du Canada, mais elles pourraient comprendre des effets directs sur le comportement et la physiologie aussi bien que des effets indirects comme une vulnérabilité accrue à la chasse et à la prédation. Des températures estivales extrêmes pourraient constituer un facteur limitatif à la fréquentation des échoueries dans les eaux du sud. Cela dit, la population de l'Atlantique Nord-Ouest maintenant disparue du pays a vraisemblablement survécu à l'absence de glace pendant une partie de l'année, puisque dans sa zone de répartition la couverture de glace n'était présente qu'en hiver.


1 Sauf indication contraire, l'information présentée dans cette partie est extraite de COSEPAC (sous presse) et de COSEPAC(2006).

Il y a une population autonome de morses de l'Atlantique dans l'est de l'Arctique, qui jouxte l'aire de répartition historique de la population de l'Atlantique Nord-Ouest maintenant disparue du pays. On observe épisodiquement des individus, probablement des égarés des eaux nordiques, dans l'aire de répartition historique de la population de l'Atlantique Nord-Ouest, mais il n'y a pas eu de rétablissement naturel de la population au sud, malgré la cessation de la principale menace (la chasse) depuis plus de 200 ans (COSEPAC 2006).

Par conséquent, toute tentative de rétablissement à court terme de cette population disparue du pays nécessiterait la réintroduction d'individus provenant d'une autre région en vue d'établir une population viable.

Le rétablissement de la population de morses de l'Atlantique Nord-Ouest n'est pas jugé possible pour le moment. Conformément à la définition de « disparue du pays » donnée par le COSEPAC, cette population n'est plus présente à l'état sauvage au Canada et par conséquent son rétablissement à quelque niveau que ce soit nécessiterait l'introduction d'individus non indigènes et un examen des critères d'évaluation à appliquer à ces individus introduits. Indépendamment de cet aspect administratif de la question, un examen exhaustif des considérations liées à la faisabilité d'un rétablissement est présenté dans les pages qui suivent.

Pour parvenir à un rétablissement, il faudrait disposer d'individus permettant de reconstituer une population viable. Les populations de morses de l'Atlantique au Canada ont été évaluées comme « préoccupantes » dans le cadre d'une seule unité désignable par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC 2006). Les estimations de leur abondance actuelle sont imprécises, mais il ressort de l'information disponible que l'effectif total des morses dans le nord du Canada serait de l'ordre de 10 000 individus (COSEPAC 2006). Toutefois, on n'est pas certain que ces populations soient capables de soutenir les prélèvements actuels et on connaît mal les quantités capturées présentement. Les captures moyennes récentes ont pu être de l'ordre de 560 individus par an, ce qui n'est peut-être pas viable dans certaines régions, voire dans l'ensemble de l'aire de répartition (COSEPAC 2006).

D'après les critères d'évaluation du risque utilisés par le COSEPAC (COSEPAC 2004) qui s'appliqueraient à une évaluation subséquente, les populations de moins de 250 individus adultes sont considérées comme étant « en voie de disparition ». Par conséquent, d'un point de vue hypothétique, il serait nécessaire d'introduire dans la région bien plus d'une centaine d'individus adultes, voire au moins 250, pour former la base de la reconstitution d'une population de morses de l'Atlantique qui se situerait au-delà du seuil d'une population en voie de disparition. La reconstitution de la population sur une période de 5 ans permettrait aux individus de forger des liens sociaux et de former une population viable. Selon ces hypothèses, il faudrait capturer de 20 à 50 individus par an et les transporter au lieu de réintroduction. Quoique cette quantité de prélèvements ne représenterait pas, à elle seule, une menace pour la conservation, l'ajout de ces prélèvements aux captures existantes accroîtrait les risques qui pèsent contre les populations nordiques existantes. Par conséquent, il n'est pas certain que le prélèvement, parmi la population qui existe encore, d'individus destinés à la réintroduction ne serait pas préjudiciable à la situation de cette population, même s'il était bien géré. De plus, les captures en vue de la reconstitution d'une population de l'Atlantique Nord-Ouest devraient être gérées de concert avec les captures de subsistance des Autochtones. L'espèce est importante pour la subsistance des Autochtones et les prélèvements effectués à cette fin sont conséquents. Les droits de capture des Autochtones sont garantis par la Constitution du Canada et par l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, mais les besoins de la conservation ont toutefois priorité sur ces droits.

Le morse de l'Atlantique est présent également à l'ouest et à l'est du Groenland ainsi qu'à l'ouest de la Russie, mais en raison de la situation de ces populations sur le plan de la conservation, des prélèvements parmi elles aux fins de réintroduction dans le sud du Canada sont peu plausibles. La population de l'ouest du Groenland est jugée appauvrie et en baisse, et elle fait l'objet de captures de subsistance. La population de l'est du Groenland fait, elle aussi, l'objet de captures de subsistance, dont la quantité pourrait fort bien ne pas être soutenable. Quant à la population de l'ouest de la Russie, l'information à son sujet est très incertaine (NAMMCO 2005).

Pour soutenir la reconstitution de la population de morses de l'Atlantique Nord-Ouest, il faudrait qu'un habitat suffisant soit disponible ou soit rendu disponible par des mesures de gestion ou de restauration. Il existe probablement des habitats convenables, combinant des eaux relativement peu profondes et des communautés productives d'invertébrés benthiques, dans la région de l'Atlantique Nord-Ouest autrefois habitée par le morse de l'Atlantique, puisqu'on y trouve des étendues relativement vastes d'habitats relativement intacts. Toutefois, les établissements humains et les activités humaines sont maintenant largement répandus dans cette région, autrefois inhabitée, et les perturbations en découlant représenteraient un important facteur limitatif de l'habitat possible.

Il faudrait choisir très soigneusement les endroits où réintroduire la population. Il devrait s'agir d'endroits comptant le moins possible d'établissements humains (pour réduire les perturbations), d'activités humaines (comme la pêche, la navigation maritime et les activités récréatives dans les zones côtières) ainsi que de pêches des invertébrés benthiques, et offrant des eaux relativement exemptes de pollution (pour réduire la contamination et la mortalité connexes chez les invertébrés benthiques). On pourrait envisager de choisir des endroits situés dans des zones côtières protégées et il conviendrait d'intégrer à toute initiative de réintroduction des mesures pour restreindre les interactions entre les humains et les morses.

L'évaluation de la faisabilité du rétablissement doit également tenir compte du potentiel d'atténuation ou d'élimination des menaces importantes pesant sur l'espèce ou sur son habitat. Les dispositions interdisant de nuire à une espèce disparue du pays inscrite sur la Liste établie en vertu de la Loi sur les espèces en péril peuvent représenter de bons moyens de réduire au minimum les menaces pouvant poser contre une population réintroduite.

Il est peu probable que la capture du morse représente une menace grave dans le sud du Canada, puisque seule celle que pratique les Autochtones à des fins de subsistance est autorisée dans la population de morses encore existante dans l'Arctique. Bien qu'il ne soit pas certain que des droits autochtones de capture à des fins de subsistance n'y seraient pas exercés, rien ne semble dénoter l'existence d'une capture du morse par les Autochtones dans le sud. Les Cris de l'est de la baie James et de la baie d'Hudson capturent occasionnellement des morses pour nourrir leurs chiens (COSEPAC 2006) et il est possible que cette pratique ait eu cours également dans le sud du Canada à l'époque où on y trouvait des morses. Comme c'est le cas pour les phoques et les baleines, l'empêtrement dans les engins de pêche est une menace possible qu'il faudrait gérer dans toute zone où l'espèce serait réintroduite. On pourrait vraisemblablement réduire les perturbations humaines en choisissant pour la reconstitution de la population des endroits éloignés des établissements humains ou situés dans une zone protégée existante.

Les interactions avec d'autres espèces pourraient influer sur le rétablissement, mais il est impossible d'en évaluer les effets. La prédation ne poserait sans doute pas de problème, étant donné qu'elle est apparemment rare même dans le nord et que son incidence est réduite par le comportement des troupeaux. Une abondance et une productivité suffisantes des espèces-proies seraient des facteurs déterminants dans le choix d'un endroit pour la réintroduction.

Il faudrait disposer de techniques de rétablissement éprouvées pour réussir à reconstituer la population considérée. Le transport aérien de morses est faisable, comme on l'a vu lors d'expéditions individuelles de morses entre des zoos et des aquariums (Brookfield Zoo n.d.). Toutefois, il semble peu probable que le transport du grand nombre de morses qui serait nécessaire pour reconstituer une population viable soit possible à court terme, compte tenu de l'éloignement des régions sources, de la taille des animaux adultes, du nombre d'individus requis, des grandes distances à parcourir et de l'incertitude au sujet de la survie des animaux déplacés. Comme les morses ne sont présents que dans les régions nordiques éloignées des services de transports aériens normaux, le transport d'animaux vivants depuis ces régions poserait de très grands problèmes de logistique. Ces dernières années, les morses sont devenus moins abondants près des agglomérations et on les trouve surtout maintenant à une certaine distance des établissements humains (COSEPAC 2006), ce qui ajoute aux difficultés de transport à l'état vivant. De plus, puisqu'il faut que la réimplantation se fasse dans des endroits où il y a le moins possible de perturbations humaines, il serait nécessaire d'amener les morses vers les parties de leur aire de répartition qui sont les plus lointaines, ce qui accroîtrait encore la distance de transport et la complexité de celui-ci.

Tel qu'indiqué plus haut, il faudrait transporter chaque année de 20 à 50 individus sur 5 ans ou plus pour former la base d'une reconstitution de la population. Chaque opération de transport d'un individu nécessiterait : a) la capture d'un morse adulte vivant dans une région éloignée de l'Arctique; b) le maintien de cet individu en captivité en attendant son transport; c) le transport, probablement par la voie maritime, jusqu'à un aéroport local; d) le transport par un petit aéronef (Twin Otter) depuis l'aéroport local jusqu'à celui d'Iqaluit ou à un autre aéroport capable d'accueillir des grands aéronefs; e) le transport vers le sud par jet; f) le transport jusqu'à un grand aéroport situé dans la zone où l'animal sera lâché et g) le transport par petit aéronef, véhicule routier ou bateau jusqu'au lieu du lâcher. On pourrait réaliser un gain d'efficacité en capturant et transportant plusieurs animaux à la fois. Toutefois, compte tenu de la logistique complexe de ces opérations, on peut largement douter de la faisabilité d'une réintroduction à grande échelle.

Il est peu probable que la reproduction en captivité soit un moyen viable de contribuer à la reconstitution de la population. S'il est possible de garder des morses en captivité – on en dénombre actuellement 25 individus dans 9 zoos d'Amérique du Nord – les naissances en captivité sont très rares (Indianapolis Zoo n.d.). Peu de jeunes ont été élevés par leur mère en captivité; en revanche, il est possible que des jeunes soient élevés par des humains, avec l'apport d'une alimentation composée (COSEPAC 2006). Le taux intrinsèque annuel d'accroissement des morses dans la nature serait d'environ 5 %, d'après des estimations du niveau soutenable de capture et des renseignements sur des espèces qui présentent des caractéristiques de reproduction similaires (grandes baleines). Un taux d'accroissement annuel de 5 % se traduit par un doublement de la population tous les 14,4 ans. Même en partant d'une population captive de 10 individus, il faudrait que cette population double 4 fois (ce qui prendrait 56 ans) pour produire un effectif de l'importance nécessaire à l'établissement d'une population viable (160 individus). Cette stratégie comporterait divers risques et incertitudes, par exemple des doutes quant à la capacité d'adaptation d'individus élevés en captivité aux conditions naturelles, la nécessité de disposer d'installations vastes et d'un personnel nombreux pendant une longue période pour élever de grands nombres d'individus en captivité et en prendre soin, et des incertitudes quant au succès de la reproduction en captivité. Comme il est nécessaire de nourrir à la main les jeunes et de supprimer les défenses des animaux en captivité, la capacité d'adaptation au milieu naturel s'en trouverait réduite et le taux de croissance de la population en captivité serait probablement inférieur à celui sur lequel on peut tabler dans la nature, ce qui accroîtrait le temps nécessaire pour obtenir l'effectif requis.

Le rétablissement de la population de morses de l'Atlantique Nord-Ouest n'est pas jugé réalisable actuellement, que ce soit d'un point de vue biologique ou d'un point de vue technique. Il y a beaucoup d'incertitude quant à la probabilité qu'une population viable puisse être reconstituée même si i) on disposait d'un nombre suffisant d'individus aux fins de réintroduction et ii) on pouvait gérer les interactions entre les morses et les humains de manière à assurer un habitat propice à la réintroduction. En outre, on ne sait pas au juste dans quelle mesure les morses seraient capables de bien s'adapter – par rapport aux conditions qu'ils ont connues dans le milieu nordique où la glace est présente une bonne partie de l'année – à une région où la glace n'est présente qu'en hiver et cela uniquement dans une partie de l'aire de répartition historique. Le choix des endroits où reconstituer la population serait crucial; bien qu'on connaisse certaines des caractéristiques de l'endroit idéal (endroit présentant le moins possible de perturbations humaines, une abondance de mollusques benthiques à de faibles profondeurs et un bon habitat côtier pouvant servir d'échoueries), on ne saurait garantir le succès de la réintroduction à quelque endroit que ce soit. On est parvenu à réintroduire des loutres de mer dans des régions d'où elles avaient disparu, mais contrairement au morse, la loutre est une espèce qui a un fort taux d'accroissement intrinsèque de sa population. Compte tenu du faible taux d'accroissement des morses, il faudrait probablement poursuivre sur au moins dix ans les opérations de reconstitution d'une population de l'Atlantique Nord-Ouest et il pourrait falloir plusieurs décennies pour déterminer si elles ont réussi.

La faisabilité biologique du rétablissement associée à la disponibilité du nombre d'individus nécessaire pour reconstituer une population est incertaine. L'effectif des populations qui existent encore est bas et les captures des Autochtones à des fins de subsistance sont un facteur hautement prioritaire dans la gestion de ces populations. Bien que la réintroduction puisse être considérée comme une mesure de conservation, il pourrait être difficile, en raison des risques et des incertitudes associés à la réussite possible d'une telle réintroduction dans le sud, de faire valoir que la capture aux fins de réintroduction a priorité sur la capture pratiquée par les Autochtones aux fins de subsistance. Sur le plan technique, on peut douter aussi de la faisabilité du transport du grand nombre de morses qui serait nécessaire pour reconstituer une population viable, compte tenu des nombreuses opérations que nécessiterait le transport entre les régions nordiques lointaines d'où proviendraient les animaux adultes vivants et les régions du sud éloignées où ils seraient réimplantés. Les coûts et la logistique associés à une vaste entreprise de rétablissement, combinés aux incertitudes au sujet de la survie des individus déplacés et de la réussite de la reconstitution à un niveau quelconque d'une population, portent à conclure que le rétablissement est impossible pour le moment.

Parce que la population de morses de l'Atlantique Nord-Ouest est disparue du pays et qu'il n'y a pratiquement pas d'information sur son écologie ou sur son utilisation de l'habitat par le passé, il est présentement impossible d'identifier son habitat essentiel.

Bien que le rétablissement ne soit pas jugé réalisable pour le moment, il subsiste une très légère possibilité de rétablissement naturel par la migration d'individus provenant de la population qui existe encore dans l'est de l'Arctique. Les morses observés dans les eaux de l'est du Canada, qui sont probablement des individus égarés originaires de la population de l'est de l'Arctique, n'ont pas jusqu'ici contribué à un rétablissement naturel et, compte tenu de l'apparente diminution de l'abondance de cette population de l'est de l'Arctique, il semble peu probable que les migrations à partir de cette dernière soient suffisantes pour permettre le rétablissement d'une population dans le sud, mais c'est une possibilité qui existe néanmoins. De bonnes mesures de conservation de la population de l'est de l'Arctique seraient essentielles pour optimiser le potentiel de rétablissement de la population de l'Atlantique Nord-Ouest par les migrations.

Comme la population de morses de l'Atlantique Nord-Ouest est inscrite comme « disparue du pays » sur la Liste de l'annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril, il est interdit de tuer des individus de cette population ou de leurnuire. Ces interdictions en vertu de la LEP contribueraient à un rétablissement naturel de cette population.

Les mesures de conservation axées vers le maintien de milieux marins et côtiers sains dans l'est du Canada aideraient à créer des conditions favorables au rétablissement de la population de morses de l'Atlantique Nord-Ouest, si la migration naturelle suffisait à reconstituer cette population.

Que la population considérée se rétablisse ou non, il est encore possible et important de sensibiliser la population canadienne aux espèces que nous avons perdues, comme le morse de l'Atlantique (population de l'Atlantique Nord-Ouest).

Brookfield Zoo n.d. Zoo Express. (consulté le 17 janvier 2007)

COSEPAC sous presse. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur le morse de l'Atlantique Odobenus rosmarus rosmarus au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa vi + _p. Remarque : ce rapport documente l'évaluation du morse de l'Atlantique (population de l'Atlantique Nord-Ouest) qui désigne cette population comme étant « disparue du pays ».

COSEPAC 2004. Processus et critères d'évaluation du COSEPAC.

COSEPAC 2006. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur le morse de l'Atlantique Odobenus rosmarus rosmarus au Canada – Mise à jour. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. ix + 72 p.

Indianapolis Zoo n.d. Project Walrus. http://www.indyzoo.com/content.aspx?cid=348

NAMMCO 2005. North Atlantic Marine Mammal Commission, Scientific Committee, Report of the Thirteenth Meeting, 25-27 October 2005. 138 pp. (consulté le 20 janvier 2007, Format PDF, 796KB, disponible en anglais seulement)

Ray, G. C., J. McCormick-Ray, P. Berg and H. E. Epstein. 2006. Pacific walrus: benthic bioturbator of Beringia. J. Exp. Mar. Biol. Ecol. 330: 403-419.

Remarque : Le présent document est fondé sur l'évaluation de 2000 (COSEPAC, sous presse) pour ce qui concerne l'information sur la disparition du pays de la population de l'Atlantique Nord-Ouest. Il est aussi fondé sur cette évaluation ainsi que sur le document COSEPAC 2006 pour ce qui se rapporte à la biologie et à la dynamique de population de l'espèce. En cas de différence entre ces deux sources, le document COSEPAC (2006), qui contient l'information la plus récente sur la biologie de l'espèce, a été privilégié.

Détails de la page

Date de modification :