Chabot de profoundeur (Myoxocephalus thompsonii), diverses populations : évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Le chabot de profondeur est un poisson de fond qui ne se trouve que dans les eaux douces, froides et profondes de toute la partie septentrionale de l’Amérique du Nord (Stewart et Watkinson, 2004). Au contraire de la répartition géographique de nombre d’autres chabots dulcicoles, celle du chabot de profondeur est éparse et strictement limitée à des environnements lacustres profonds. Cette fragmentation, qui est naturelle, est attribuable aux besoins actuels de l’espèce en matière d’habitat, mais aussi à sa dispersion historique par les passages entre lacs glaciaires (Dadswell, 1974). D’une façon générale, le chabot de profondeur cohabite avec les crustacés relictuels de l’ère glaciaire que sont le Mysis relicta et les Diporeia spp. (Scott et Crossman, 1973; Dadswell, 1974).

Pendant tout l’été 2004, des mesures ont été effectuées sur l’habitat du chabot de profondeur dans 20 lacs intérieurs canadiens (T. Sheldon, données inédites). Dans chacun de ces lacs, on a mesuré certains paramètres à l’endroit exact où des chabots de profondeur avaient été pris. Les fourchettes, les moyennes et les intervalles supérieur et inférieur de confiance figurent au tableau 3. Les données donnent à penser que le chabot de profondeur a besoin d’une eau froide et très oxygénée (T. Sheldon, données inédites). Quand la plus grande profondeur de ces lacs oligotrophes dépasse 50 m, on y trouve ordinairement le chabot de profondeur à une profondeur allant de 50 m à la profondeur maximale du lac. Dans les lacs de moins de 50 m de profondeur, les chabots de profondeur n’ont été capturés, la plupart du temps, que dans les 20 p. 100 du lac où la profondeur est la plus grande (T. Sheldon, données inédites). Avec l’augmentation de la latitude, cette relation semble décroître, et il n’est pas rare alors de trouver aussi ces chabots à des profondeurs moins grandes (McPhail et Lindsey, 1970).

 

Tableau 3 : Mesures des paramètres de l’habitat de 20 lacs intérieurs où des chabots de profondeur ont été capturés pendant l’été 2004
  Profondeur
(m)
Temp.
oC
PDS
(m)
Oxygène
(mg/L)
Cond. sp.
(mS/cm)
Fourchette 18,6-285 3,15-6,93 3,5-13,5 6,74-14,44 0,019-0,383
Moyenne 85,377 4,699 6,36 10,629 0,139
IC supérieur 95 % 97,169 4,854 6,755 10,997 0,156
IC inférieur 95 % 73,584 4,544 5,965 10,261 0,121
Écart-type 67,692 0,887 2,267 2,112 0,103

 

Tableau 3 (cont.) : Mesures des paramètres de l’habitat de 20 lacs intérieurs où des chabots de profondeur ont été capturés pendant l’été 2004
  pH
(surface/fond)
Salinité
(ppt)
Résistivité
(Kohm.cm)
MDT
(g/L)
Eh
(mV)
Fourchette 7,24-9,04/7,21-8,9 0,01-0,180 4,25-85,3 0,012-0,249 207-407
Moyenne 8,294/8,356 0,065 22,176 0,093 286,45
IC supérieur 95 % 8,371/8,435 0,074 25,911 0,105 294,857
IC inférieur 95 % 8,218/8,278 0,057 18,44 0,082 278,042
Écart-type 0,439/0,451 0,049 21,443 0,065 48,259

Les données ont été recueillies en utilisant une bouteille de prélèvement à l’endroit géographique et bathymétrique où les spécimens ont été pris. Profondeur –profondeur de la capture; Temp – température; PDS –profondeur au disque de Secchi; Oxygène – oxygène dissoute; MDT – matières dissoutes totales; Eh – potentiel d’oxydoréduction. Cond. sp. = Conductivité spécifique

PDS = Profondeur au disque de Secchi
MDT = Matières dissoutes totales
Eh = Potentiel d’oxydoréduction

Dans les Grands Lacs, les adultes se trouvent ordinairement à une profondeur de 60 m à 150 m. Dans le lac Ontario, par exemple, leur abondance est maximale de profondeur de 90 m à 110 m (figure 5) (J. Casselman, données inédites). Dans le lac Supérieur, le chabot de profondeur se rencontre le plus souvent à des profondeurs de plus de 70 m et on en a trouvé jusqu’à 407 m (Selgeby, 1988). Des larves à la dérive, dont on a supposé qu’elles provenaient d’une population relativement abondante du sud du lac Huron, ont été recueillies dans la rivière St. Clair, en 1990, et à une profondeur de 2 m à 5 m (faible profondeur probablement atypique pour l’espèce et le stade de vie) de l’extrémité ouest du lac Érié en 1995 (Roseman et al., 1998).


Figure 5 : Carte bathymétrique du lac Ontario montrant la bande de l’habitat du chabot de profondeur définie par les profondeurs de 90 m à 110 m

Figure 5 : Carte bathymétrique du lac Ontario montrant la bande de l’habitat du chabot de profondeur définie par les profondeurs de 90 m à 110 m .

Les lignes signalant les profondeurs de 60 m et 150 m apparaissent également.

Carte fournie par J.M. Casselman, département de biologie de l’université Queen’s, Kingston (Ontario).

D’après sa répartition dans le lac Ontario, le chabot de profondeur semble préférer les températures de < 5 °C (J. Casselman, données inédites). Dans le lac Huron, on trouve rarement des chabots de profondeur à des profondeurs inférieures à 55 m, bien que la température puisse être de < 4 °C à de telles profondeurs (J. Schaeffer, données inédites).


Tendances en matière d’habitat

Le lac Heney et le lac des Îles, dans le sud-ouest du Québec, deux plans d’eau où l’on a déjà trouvé des chabots de profondeur, se sont beaucoup eutrophisés au cours des deux dernières décennies. En 2004, des concentrations d’oxygène dissous de 3,18 et de 6,07 mg/L ont été enregistrées pendant le mois d’août dans le lac Heney et le lac des Îles, respectivement (Sheldon, données inédites). Ces mesures ont été prises au fond des lacs, près de leur point le plus profond, où le chabot de profondeur se trouve le plus souvent. Dans les deux cas, ces chiffres sont inférieurs aux fourchettes normales, et nettement au-dessous de la moyenne, des concentrations d’oxygène dissous mesurées dans les eaux où ont été pris des chabots de profondeur pendant l’étude de 2004, ce qui indique que l’habitat favorable au chabot de profondeur de ces lacs risque d’avoir disparu ou, à tout le moins, qu’il est en déclin. On n’a trouvé de chabot de profondeur dans aucun de ces lacs lors de l’étude.

Comme le chabot de profondeur n’a pas la capacité d’exploiter de nouveaux habitats en raison de ses limites de dispersion, et comme les habitats propices peuvent décliner dans certains lacs de la partie est de leur aire de répartition en raison de l’eutrophisation anthropique, il s’est produit une légère baisse générale des habitats accessibles au chabot de profondeur.


Protection et propriété

Au Canada, le chabot de profondeur se trouve surtout dans des eaux appartenant au domaine public, et tous les habitats du poisson situés dans ces eaux sont protégés par la Loi sur les pêches, qui est de compétence fédérale. Le chabot de profondeur se retrouve également dans le lac Waterton Supérieur, dans le parc national des lacs Waterton, dans la partie sud-ouest de l’Alberta. Ainsi, son habitat peut bénéficier de la protection supplémentaire assurée aux parcs nationaux par la Loi sur les parcs nationaux.

 

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