Troncille pied-de-faon (Truncilla donaciformis) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Le troncille pied-de-faon vit dans des rivières moyennes et grandes à débit modéré à faible, à des profondeurs variant de moins de 1 m à plus de 5 m; il peut aussi s’adapter à des milieux à faible débit tels que les lacs et les réservoirs (Clark, 1981; Parmalee et Bogan, 1998). L’espèce est généralement associée à des substrats sableux ou vaseux (Clark, 1981; Parmalee et Bogan, 1998), mais on la trouve parfois sur des substrats plus grossiers (Howells et al., 1996). Les populations restantes du Canada vivent habituellement dans les tronçons inférieurs de grandes rivières, sur du sable fin ou du gravier.

Tendances en matière d’habitat

Le plus important changement dans l’habitat du troncille pied-de-faon est dû à l’invasion par les moules du genre Dreissena (Dreissena polymorpha et D. bugensis) au milieu des années 1980. Les Dreissenidés entrent en compétition avec les Unionidés indigènes pour l’espace et la nourriture, et, en se fixant directement sur la coquille des moules indigènes, ils compromettent la capacité de ces dernières à s’alimenter, à respirer et à se déplacer normalement (voir la section « Facteurs limitatifs et menaces »). Dix ans environ après la première invasion, les Unionidés indigènes avaient pratiquement disparu des lacs Sainte-Claire et Érié et des rivières Detroit et Niagara (Schloesser et Nalepa, 1994; Nalepa et al., 1996; Schloesser et al., 2006). Plus de 80 p. 100 des mentions historiques du troncille pied-de-faon dans la base de données sur les Unionidés des Grands Lacs inférieurs proviennent d’endroits affectés par les Dreissenidés et représentent les endroits où les Unionidés sont maintenant considérés comme des espèces essentiellement disparues. Malgré ces effets catastrophiques, il existe encore des endroits, par exemple le delta de la rivière Sainte-Claire, où les Dreissenidés sont en densités suffisamment faibles pour permettre aux Unionidés de coexister (Zanatta et al., 2002). Selon les résultats des récents travaux de Strayer et Malcom (2007), il y aurait possibilité de coexistence continue dans ces endroits où l’incidence des Dreissenidés est plus liée à la compétition pour la nourriture (p. ex., la rivière Hudson dans l’État de New York) qu’au bioencrassement.

Les tendances de l’habitat des populations fluviales sont difficiles à évaluer, car l’on dispose de très peu de mentions historiques. L’analyse qui suit résume la situation générale des Unionidés dans les bassins hydrographiques.

La rivière Sydenham coule dans une région agricole importante du sud-est de l’Ontario. Plus de 85 p. 100 des terres du bassin hydrographique sont cultivées, et 60 p. 100 sont drainées par tuyaux enterrés (Dextrase et al., 2003). De vastes portions de la rivière n’ont que très peu de végétation riveraine; il n’y reste que 12 p. 100 seulement du couvert forestier initial. Strayer et Fetterman (1999) ont désigné les charges élevées de sédiments et de nutriments ainsi que la présence de substances chimiques toxiques provenant de sources non ponctuelles, principalement les activités agricoles, comme les plus grandes menaces pour les moules dans les cours d’eau. Les terres agricoles, en particulier celles avec peu de végétation riveraine et de nombreux tuyaux enterrés, favorisent les apports considérables de sédiments dans les cours d’eau. Dans le cas des terres drainées par tuyaux enterrés, les sédiments sont souvent très fins et peuvent obstruer les branchies des moules, réduisant ainsi l’efficacité de l’alimentation, la respiration et la croissance. La rivière Sydenham présente de fortes teneurs en nutriments : les concentrations de phosphore total dépassent toujours les seuils assurant la qualité de l’eau ces 30 dernières années, tandis que les concentrations de chlorure ont affiché de récentes hausses dues à l’utilisation accrue de sels de voirie (Dextrase et al., 2003). Les pressions qu’exerce la population humaine dans le bassin versant sont faibles étant donné que la population est de moins de 90 000 et que la moitié vit en milieu urbain. Bien que le bassin ne soit pas très peuplé, la portion inférieure de la rivière est sujette aux activités de navigation commerciale qui tendent à fluctuer en fonction des conditions économiques.

Le bassin du cours inférieur de la Thames, dans la région où vit le troncille pied-de-faon, subit d’intenses pressions agricoles. Quatre-vingt-huit pour cent des terres dans le bassin inférieur sont cultivées, et il reste moins de 5 p. 100 du couvert forestier initial (Taylor et al., 2004). Malgré ces pressions exercées par l’utilisation des terres, le cours inférieur de la Thames demeure l’un des plus grands réseaux fluviaux non aménagés du sud de l’Ontario. Il n’y a aucun obstacle ou barrage sur environ 200 km, soit de l’embouchure de la rivière à la ville de London, centre urbain le plus grand dans le bassin, qui compte environ 330 000 habitants. La population de la ville de London a décuplé au cours du siècle dernier. Bien que la ville soit située en amont des aires de répartition historique et actuelle du troncille pied-de-faon, on verra probablement les répercussions d’un tel centre urbain (p. ex., rejets d’eaux usées des usines d’épuration) et de son expansion en aval, aux endroits où vit l’espèce.

Les communautés de moules dans la rivière Grand sont parmi les mieux étudiées du Canada, et de nombreuses données indiquent qu’elles ont subi un important déclin suivi d’un rétablissement au cours des 35 dernières années (Kidd, 1973; Mackie, 1996; Metcalfe-Smith et al., 2000b). Quand Kidd (1973) a échantillonné la rivière (115 sites entre 1970 et 1972), il a observé seulement 17 des 31 espèces connues dans la rivière. Il a attribué cette perte en grande partie à la perturbation de la qualité de l’eau due aux activités agricoles et à la fragmentation des habitats causée par l’aménagement des barrages. Mackie (1996) a indiqué que les stress anthropiques, particulièrement en aval des centres urbains, expliquaient probablement le déclin des espèces. Metcalfe-Smith et al. (2000b) ont inventorié 94 sites pendant une période de 4 ans et trouvé 25 espèces, ce qui représente une augmentation de 50 p. 100 de la richesse spécifique par rapport aux résultats que Kidd (1973) avait obtenus 25 années plus tôt. Morris (2006b) rapporte que la rivière Grand est maintenant réputée abriter l’une des deux populations canadiennes les plus grandes de lampsiles fasciolées (Lampsilis fasciola), espèce en voie de disparition. Quand Mackie (1996) a inventorié 70 sites il y a 10 ans, aucune lampsile fasciolée n’avait été répertoriée. Metcalfe-Smith et al. (2000b) explique la meilleure situation des communautés de moules de la Grand en grande partie par l’amélioration de la qualité de l’eau, l’ajout de passes migratoires favorisant le déplacement des poissons (qui permettent la dispersion des moules grâce à l’activité des hôtes) et la reconnexion de portions de l’habitat autrefois fragmenté.

Protection et propriété

La Loi sur les pêches constitue un outil important pour la protection de l’habitat des espèces aquatiques. Aux termes de cette loi fédérale, les moules sont considérées comme des mollusques et entrent donc dans la définition de « poissons », et leur habitat est donc protégé contre la détérioration, la destruction ou la perturbation, sauf dans des circonstances autorisées par le ministre des Pêches et des Océans ou par son délégué. La Loi sur l’aménagement des lacs et des rivières de l’Ontario interdit l’endiguement ou la dérivation d’un cours d’eau si l’envasement peut en découler, alors que le programme volontaire d’aménagement du territoire agricole II (Land Stewardship II) du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario vise à réduire l’érosion des terres agricoles. Le développement riverain en Ontario est régi par une réglementation sur les plaines inondables mise en œuvre par les offices de protection de la nature. Une majorité des terres adjacentes aux rivières abritant des troncilles pied-de-faon sont privées; toutefois, le fond des rivières appartient généralement à la Couronne. La portion la plus en amont de la population de la Thames est adjacente au territoire de la Première Nation Munsee-Delaware, tandis que la partie en amont de la population de la rivière Grand s’étend jusqu’à l’aire de conservation de l’île Byng, laquelle appartient à l’office de protection de la nature de la rivière Grand. La seule population lacustre qui reste se trouve dans le delta de la rivière Sainte-Claire, dans les eaux à la limite du territoire de la Première Nation de Walpole Island.

Détails de la page

Date de modification :