Ptychomitre à feuilles incurvées (Ptychomitrium incurvum) programme de rétablissement : chapitre 1


1. Contexte

1.1 Évaluation de l'espèce par le COSEPAC

Date de l'évaluation : Novembre 2002

Nom commun : Ptychomitre à feuilles incurvées

Nom scientifique : Ptychomitrium incurvum

Statut selon le COSEPAC : Disparue du pays

Justification de la désignation : Une petite mousse largement répartie dans les forêts décidues orientales de l'Est de l'Amérique du Nord et dont la fréquence d'occurrence s'atténue vers la partie nord de son aire de répartition. Au Canada, la seule localité connue de l'espèce provient d'une unique observation sur un bloc rocheux du sud de l'Ontario en 1828. En dépit de collectes effectuées pendant de nombreuses années dans cette région, l'espèce n'a jamais été revue.

Présence au Canada : Ontario

Historique du statut selon le COSEPAC : Espèce désignée « disparue du pays » en novembre 2002. Évaluation fondée sur un nouveau rapport de situation.

1.2 Description

Le ptychomitre à feuilles incurvées est une petite mousse peu visible qui pousse en touffes sur des substrats rocheux. Cette mousse acrocarpe1 pousse habituellement en touffes de 2 à 6 mm de haut (COSEPAC, 2002). À l'état sec, les feuilles vert noirâtre sont crispées, alors qu'elles sont dressées, étalées et incurvées à l'état humide (COSEPAC, 2002). Les feuilles sont étroites et concaves, d'une longueur moyenne de 2 mm. La marge foliaire est entière et érigée, avec une nervure médiane sur toute la longueur de la feuille (COSEPAC, 2002). Les capsules sont ovoïdes et lisses. Le péristome2 est constitué de 16 dents étroites, non réunies en paires, garnies de papilles aiguës,3 et soudées près de leur base (COSEPAC, 2002).

On confond parfois le ptychomitre à feuilles incurvées avec des espèces similaires, comme Ptychomitrium leibergii, qui possède des feuilles bistratifiées plus longues et plus larges4, ainsi que des soies et des capsules plus longues5 (COSEPAC, 2002).

1.3 Populations et répartition

Considéré comme étant « apparemment non en péril » à l'échelle mondiale (G4), le ptychomitre à feuilles incurvées présente une répartition mondiale dans les zones tempérées, les populations se trouvant principalement dans l'est de l'Amérique du Nord. Toutefois, cette espèce existe également dans quelques régions montagneuses de l'Europe (COSEPAC, 2002). Même si le ptychomitre à feuilles incurvées est relativement répandu dans l'est des États-Unis, sa distribution est plus concentrée dans les États du Sud. L'occurrence historique au Canada était à la limite septentrionale de l'aire de répartition de l'espèce. Les limites de cette répartition semblent avoir changé au cours du siècle dernier, et s'être déplacées vers le sud de l'État de New York (COSEPAC, 2002). La liste sur la situation des mousses rares de l'État de New York indique que l'espèce aurait été historiquement présente dans cet État (COSEPAC, 2002). Aux États-Unis, le ptychomitre à feuilles incurvées s'est vu octroyé la cote d'espèce historique (SH) dans l'État de New York, et celle d'espèce gravement en péril, en péril et vulnérable (S1S2 à S3) au Delaware et au Tennessee; elle n'a pas été classée dans quatre autres États (Géorgie, Indiana, Michigan et Virginie) (NatureServe 2006; Annexe 1).

Il existe une seule mention canadienne du ptychomitre à feuilles incurvées (Ireland et Ley, 1992; COSEPAC, 2002). Cette mention se fonde sur un spécimen récolté par Drummond en 1828 sur une roche près des chutes Niagara, en Ontario (COSEPAC, 2002; figure 1). Une certaine incertitude entoure le lieu exact de la récolte, si bien qu'on ne sait pas si le spécimen a vraiment été récolté en sol canadien (COSEPAC, 2002). L'existence d'un site près des chutes Niagara est cependant plausible, étant donné la proximité des sites historiques signalés dans l'État de New York, en Ohio, en Pennsylvanie, au Vermont et au Michigan (COSEPAC, 2002).

L'espèce n'a pas été observée au Canada depuis cette récolte de Drummond. Étant donné que le sud de l'Ontario a été relativement bien exploré, il semble peu probable que l'espèce ait échappé aux recherches pendant presque 200 ans (COSEPAC, 2002). J. Doubt, une bryologue du Musée canadien de la nature, a effectué un inventaire de reconnaissance en 2001, lequel n'a pas permis de repérer l'espèce (COSEPAC, 2002).

Il existe des mentions de l'espèce au Québec (NatureServe, 2006); les experts pensent toutefois que les spécimens de ces mentions ont été mal identifiés (A. Branchaud, comm. pers., 2006).

Aucune cote N nationale n'a été octroyée au ptychomitre à feuilles incurvées au Canada. En Ontario, l'espèce a reçu la cote SX (disparue) en Ontario.

Figure 1 : Emplacement approximatif de la seule occurrence historique du ptychomitre à feuilles incurvées (Ptychomitrium incurvum) au Canada

Figure 1 : Emplacement approximatif de la seule occurrence historique du ptychomitre à feuilles incurvées (Ptychomitrium incurvum) au Canada

1.4 Besoins du ptychomitre à feuilles incurvées

1.4.1 Besoins biologiques et besoins en matière d'habitat

À l'échelle mondiale, le ptychomitre à feuilles incurvées est essentiellement une espèce de la zone tempérée (COSEPAC, 2002). Au Canada, elle se rencontre habituellement dans la région de la forêt décidue carolinienne. Elle pousse à la surface et dans les petites fissures de blocs rocheux de composition chimique variée dans des forêts claires de feuillus. Plus rarement, on la rencontre à la base d'arbres ou sur des troncs d'arbres au sol, et on l'a aussi observée sur des substrats d'origine anthropique comme des murs de pierre et des pierres tombales (COSEPAC, 2002).

On ne sait presque rien sur les besoins biologiques précis de l'espèce. La mousse est une espèce autoïque6, ce qui signifie que l'autofécondation est possible (COSEPAC, 2002). On pense que la dispersion de l'espèce est probablement en grande partie assurée par les spores, car les propagules asexuées sont relativement rares.

Le ptychomitre à feuilles incurvées possède une capacité d'adaptation supérieure à celle d'autres espèces de bryophytes (COSEPAC, 2002). Il fait en effet preuve de souplesse à l'égard des substrats sur lesquels il peut pousser, et il possède deux modes de reproduction, par sporophytes et par propagules asexuées (COSEPAC, 2002).

1.4.2 Facteurs limitatifs

Il est probable que le principal facteur limitatif menaçant la survie de cette espèce soit le climat (COSEPAC, 2002). « (…) il est peu probable que son mode de reproduction limite sa répartition davantage que ne le font les facteurs climatiques » (COSEPAC, 2002). Il semble y avoir eu un changement inexpliqué de la répartition de l'espèce au cours du siècle dernier, ce qui pourrait expliquer sa disparition de la partie septentrionale de son aire de répartition, y compris dans l'État de New York (COSEPAC, 2002).

1.5 Menaces

On ne connaît pas les menaces qui pèsent sur le ptychomitre à feuilles incurvées au Canada. Comme l'emplacement de la seule occurrence n'a pu être retrouvé depuis sa découverte en 1828, il est impossible de cerner les menaces qui auraient pu peser sur cette population et les causes qui auraient finalement mené à sa disparition.

L'activité humaine est une menace probable, comme pour beaucoup d'autres espèces végétales rares de la forêt carolinienne; toutefois, le ptychomitre à feuilles incurvées reste très répandu dans le sud-est des États-Unis, et ce, dans des zones fortement peuplées. Les précipitations acides et le déboisement dans le sud de l'Ontario risquent également d'avoir une incidence sur la survie de l'espèce, si elle devait être réintroduite (COSEPAC, 2002).

1.6 Mesures déjà achevées ou en cours

Aucune mesure de rétablissement visant cette espèce n'a été prise jusqu'à aujourd'hui. Un relevé de reconnaissance d'une journée a été effectué en 2001 dans la zone d'occurrence de la mention historique dans le cadre de la collecte de données relative au rapport de situation du COSEPAC.

1.7 Lacunes dans les connaissances

On ne sait que très peu de choses sur le ptychomitre à feuilles incurvées dans son aire de répartition en Amérique du Nord, et les connaissances sont encore plus lacunaires pour ce qui est de la seule et unique mention canadienne. Dans l'éventualité où l'on procéderait à une tentative de rétablissement, il serait nécessaire d'effectuer des recherches sur ses besoins biologiques et écologiques, ses exigences en matière d'habitat et les menaces à sa survie, de manière à mieux comprendre l'espèce et sa niche écologique dans la région des chutes Niagara.

Il faudrait de même prévoir des recherches sur les techniques de réintroduction.

1 Avec un gamétophyte produisant un sporophyte au sommet d'une tige ou d'une branche principale. Les mousses acrocarpes poussent habituellement dressées en touffes (plutôt qu'en tapis) et n'ont que peu ou pas de branches (Missouri Botanical Gardens, 2006).

2 Une couronne de dents entourant l'ouverture de la capsule du sporophyte (Missouri Botanical Gardens, 2006).

3 Couvert de papilles; une papille est un ornement cellulaire ou une protubérance solide microscopique (Missouri Botanical Gardens, 2006).

4 Constitué de deux couches de cellules (Missouri Botanical Gardens, 2006).

5 Partie allongée du sporophyte située entre la capsule et le pied (la tige) (Missouri Botanical Gardens, 2006).

6 Le cycle de vie complet se produit sur un seul hôte (Raven et al., 1992).

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