Chevêche des terriers (Athene cunicularia) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Biologie

Reproduction

En été, la Chevêche des terriers réside dans la moitié nord de son aire de nidification, dont les provinces des Prairies canadiennes. Certains individus lâchés en Colombie-Britannique dans le cadre de programmes de réintroduction d’oiseaux élevés en captivité ne migrent pas, mais cela est vraisemblablement un effet de l’élevage en captivité. La Chevêche des terriers arrive dans son aire de nidification des prairies en avril et en mai, pond en moyenne une couvée de 9 œufs, dont 3 à 5 petits se rendent jusqu’à l’envol, puis amorce sa migration automnale vers la fin août ou septembre (Wellicome, 1997; Wellicome, 2000; Todd et al., 2003). La plupart des couples sont monogames (Wellicome, 2005), bien qu’on signale à l’occasion des cas de polygamie (Haug, 1985).

En règle générale, le mâle défend un site de nidification et envoie des signaux visuels aux femelles à la recherche de partenaires (Haug et al., 1993). Il peut arriver que les oiseaux des deux sexes aménagent et entretiennent le terrier de nidification, mais seule la femelle couve les œufs et élève les petits. Le mâle approvisionne la femelle en nourriture pendant la période d’incubation de 28 à 30 jours et pendant que les petits sont au nid (Haug et al., 1993; Poulin, 2003). Les petits restent au nid environ 44 jours (Landry, 1979), après quoi ils se dispersent vers des terriers satellites situés à proximité (Green, 1983; Todd, 2001b). Normalement, une seule couvée est élevée, mais le couple peut nicher de nouveau lorsqu’il y a échec de la première couvée au début de la saison (Haug et al., 1993).


Survie

Les estimations de la survie des adultes varient entre 37 et 51 % sur six ans en Saskatchewan (James et al., 1997), 47 et 58 % en Alberta (données inédites citées dans Haug et al., 1993), et 24 et 40 % durant un déclin démographique au Manitoba (De Smet, 1997). Dyer (cité dans Haug et al., 1993) fait état d’un taux de retour de 37 % des adultes en Colombie-Britannique. Les taux de survie des jeunes sont plus faibles, mais sont difficiles à estimer vu la moins grande fidélité des jeunes au site (De Smet, 1997; Wellicome et al., 1997). Dyer (loc. cit.) a relevé un taux de retour de 14 % chez les jeunes chevêches en Colombie-Britannique, tandis que Hoyt et al. (2001) l’ont établi à 6 % en Saskatchewan, et De Smet (1997) à 3,5 % au Manitoba. Johnson (1997) a calculé un taux minimum de survie des jeunes de 23 % en Californie, mais ces taux étaient plus faibles au Colorado, où seulement 5 % des jeunes à l’envol ont été revus l’année suivante (Lutz et Plumpton, 1999). De toute évidence, ces taux de retour sous-estiment les taux de survie, vu que de nombreux adultes et jeunes se dispersent normalement des aires de nidification et de naissance (voir la section Déplacements et dispersion, plus bas). En l’absence de mesures précises des taux de survie des adultes et des jeunes, il est difficile de prévoir avec exactitude la viabilité de la population locale (McDonald et al., 2004).

La mortalité des jeunes après l’envol varie apparemment avec la pression de prédation et la disponibilité locale de nourriture. En Saskatchewan, une étude a permis d’établir que 42 % des jeunes oiseaux munis de transpondeurs mouraient en moyenne durant la période séparant l’envol de la migration les années normales, mais qu’aucun n’était mort lors d’une année où la nourriture était abondante (Todd et al., 2003). En Alberta, la survie des jeunes après l’envol variait entre 45 % en 1995-1996 (n = 21; Clayton et Schmutz, 1999) et 61 % en 1999-2000 (n = 52; Shyry, 2005). En outre, la mortalité des jeunes était généralement plus élevée dans les parcelles d’habitat fragmentées (Todd, 2001a), ce qui semble indiquer que la fragmentation de l’habitat pourrait avoir une incidence négative sur la survie dans les habitats des grandes plaines (voir également Clayton et Schmutz, 1999).


Déplacements et dispersion

Il est difficile de déterminer dans quelle mesure les Chevêches des terriers adultes et jeunes sont fidèles aux sites de nidification (et de naissance) étant donné que les réobservations d’oiseaux bagués dans des zones d’étude précises pourraient sous-estimer la dispersion. Cependant, l’analyse des isotopes stables évoque une dispersion et des échanges génétiques importants entre populations voisines (Duxbury, 2004).

En Alberta, l’observation de jeunes chevêches marquées de retour au lieu de naissance a montré que celles-ci aménageaient leurs nids à une distance de 300 m à 30 km de ce lieu, les femelles s’établissant plus loin que les mâles (J. Schmutz, cité dans Haug et al., 1993). Dans la plaine de Regina, la dispersion depuis le lieu de naissance variait de 0 à 295 km (Wellicome et al., 1997). Au Manitoba, De Smet (1997) note que les jeunes de retour nichent à une distance de 1 à 77 km de leur lieu de naissance.

Les déplacements des adultes d’une année à l’autre étaient beaucoup moins marqués. Dans la plaine de Regina, ces déplacements variaient de 0 à 45 km pour les femelles, et étaient nuls (soit une fidélité totale au site) pour les mâles (Wellicome et al., 1997). Au Manitoba, les mâles adultes se déplaçaient en moyenne de 3,0 km selon les années, et les femelles de 10,9 km.

D’après les données sur la récupération des Chevêches des terriers baguées au Canada, il semble que la plus grande partie de la population des prairies migre directement au sud par les grandes plaines et hiverne dans le centre du Mexique (James, 1992; Hjertaas, 1995; Duxbury, 2004).


Relations interspécifiques

À part les observations anecdotiques de Chevêches des terriers attaquées par des oiseaux chanteurs (voir par exemple Martell, 1990), on n’observe guère de relations interspécifiques sauf dans le cadre d’événements de prédation.

Les chevêches jeunes et adultes sont la proie d’un large éventail de prédateurs, dont les plus fréquents sont les rapaces et les blaireaux (Taxidea taxus) (Wellicome et al., 1997; Todd et al., 2003; McDonald et al., 2004). La prédation est mentionnée comme une importante cause de mortalité dans des populations locales. Par exemple, la totalité d’une population hivernant dans l’île Santa Barbara, en Californie, a été éliminée par des Effraies des clochers (Tyto alba; Drost et McCluskey, 1992). En Colombie-Britannique, les activités de réintroduction ont été gênées par la forte prédation par le Busard Saint-Martin (Circus cyaneus), le Grand-Duc d’Amérique (Bubo virginianus), la Buse à queue rousse (Buteo jamaicensis) et les coyotes (Canis latrans; Leupin et Low, 2001). En Alberta et en Saskatchewan, la prédation aviaire est à l’origine de près de la moitié des cas de mortalité des jeunes chevêches entre la période de l’envol et celle de la migration (Clayton, 1997; Todd, 2001). Les blaireaux figurent parmi les principaux prédateurs de la Chevêche des terriers en Saskatchewan (Wellicome et al., 1997), en Oregon (Green, 1983) et au Nebraska (Desmond, 1991). Enfin, près des habitations humaines, les chats et les chiens domestiques sont reconnus pour s’en prendre aux œufs et aux jeunes oiseaux (Haug, 1985; Millsap et Bear, 1988; Sleno, 2000).


Adaptabilité

La Chevêche des terriers tolère en général un faible niveau de perturbation humaine autour du site de nidification. Dans de nombreux secteurs de son aire de répartition, l’espèce est souvent victime de programmes d’abattage visant les chiens de prairie (James et Espie, 1997). Même lorsque ces programmes ne visent pas la Chevêche, ils nuisent en général au succès de sa reproduction (Woodard, 2002).

La plupart des études sur le comportement de quête de nourriture de la Chevêche des terriers font état de la souplesse de son régime alimentaire selon l’heure du jour, la saison et les fluctuations locales des différentes espèces proies (McDonald et al., 2004). Dans les prairies canadiennes, les campagnols (Microtus spp.), les souris (Peromyscus spp.), les criquets (Acrididae) et les coléoptères sont des proies courantes (Haug et al., 1993). En été, la Chevêche se nourrit en général d’insectes autour de son nid le jour, et de petits mammifères dans les prairies avoisinantes la nuit (Schmutz et al., 1991; Haug et al., 1993; Sissons et al., 2001). En Saskatchewan, durant la saison de nidification, plus de 90 % de la biomasse de proies sont composés de petits mammifères, généralement capturés la nuit (Poulin, 2003). Le ratio insectes-mammifères est semblable en hiver au Mexique (Valdez Gomez et al., 2002).

 

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