Chevêche des terriers (Athene cunicularia) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 9

Taille et tendances des populations

Les estimations des tendances des populations de Chevêches des terriers proviennent de diverses sources, notamment : 1) des relevés à grande échelle des oiseaux nicheurs effectués par des bénévoles sur des parcours définis au Canada et aux États-Unis; 2) des dénombrements visant spécifiquement la Chevêche des terriers effectués par les provinces (AB, SK, MB) à l’appui des programmes provinciaux de conservation; 3) des relevés effectués par les propriétaires participants à l’Operation Grassland Community (AB) et à l’Opération Chevêche des terriers (SK); et 4) des relevés effectués par des spécialistes de la Chevêche des terriers dans la plaine de Regina, le parc national des Prairies et d’autres sites de recherche dans les provinces des Prairies. Vu les différences de méthodologies, d’échelles et d’activités d’observation, les quatre types de relevés n’ont pas les mêmes forces et faiblesses. Le relevé des oiseaux nicheurs et les relevés faits par les propriétaires donnent des résultats sur de vastes échelles, mais sont aussi davantage sujets aux erreurs liées à l’observateur ou à l’échantillonnage. Les relevés visant spécifiquement la Chevêche des terriers effectués par les biologistes provinciaux et fédéraux peuvent donner des résultats plus exacts, mais ont nécessairement une portée plus limitée. Ensemble, toutefois, ces quatre méthodes de relevé donnent vraisemblablement une idée relativement juste de la taille et des tendances à long terme des populations au Canada.


Canada

Au Canada, les rapports antérieurs du COSEPAC sur la situation de la Chevêche des terriers faisaient état d’effectifs comptant 2 000 couples en 1977 (Wedgwood, 1978), 2 540 couples en 1991 (Haug et Didiuk, 1991) et de 1 010 à 1 685 couples en 1995 (Wellicome et Haug, 1995). D’après les données de 2004, la taille minimale totale de la population serait de 795 individus au Canada : 498 en Saskatchewan, 288 en Alberta et 9 en Colombie-Britannique (National Burrowing Owl Recovery Team, 2004). Ce chiffre sous-estime presque certainement la population canadienne totale étant donné que des superficies relativement importantes d’habitat potentiellement convenable n’ont encore fait l’objet d’aucune prospection en Alberta et en Saskatchewan; la population réelle pourrait ainsi atteindre les 1 600 individus (National Burrowing Owl Recovery Team, 2006). Toutefois, ce chiffre provient d’une année (2004) où certaines populations locales se sont accrues de près de 73 % par rapport à l’année précédente (D. Todd, comm. pers., décembre 2004). Il faut par ailleurs souligner que chaque rapport de situation du COSEPAC utilisait une méthode différente pour estimer la taille des populations, ce qui complique l’analyse des tendances à long terme.

On observe des Chevêches des terriers sur un nombre trop peu élevé de parcours du Relevé canadien des oiseaux nicheurs pour dégager des tendances démographi­ques significatives. Les données récentes des relevés visant spécifiquement l’espèce au Canada mettent toutefois en évidence une nette diminution du nombre d’oiseaux depuis la fin des années 1980.


Manitoba

Au Manitoba, on est passé de 76 nids en 1982 à 0 nid en 1997 (figure 3); un seul nid a été trouvé en 1999. Depuis, on n’a confirmé la présence que de un seul couple nicheur dans la province (2001), et on n’y a trouvé aucun nid en 2004 (De Smet, 1997; mises à jour de K. De Smet, septembre 2004). Il est sans doute trop tôt pour affirmer que l’espèce a disparu de la province, mais il est presque certain qu’elle n’y niche plus que de façon irrégulière aujourd’hui (probablement < 10 couples).


Figure 3 : Tendance du nombre de couples de Chevêches des terriers nichant au Manitoba depuis 1982

Figure 3 : Tendance du nombre de couples de Chevêches des terriers nichant au Manitoba depuis 1982 (mise à jour de De Smet, 1997; K. De Smet, comm. pers., septembre 2004).

Mise à jour de De Smet, 1997; K. De Smet, comm. pers., septembre 2004).


Alberta

En Alberta, des relevés normalisés ont été effectués près de Hanna (104 quarts de section) et de Brooks (128 quarts de section), lieux qui abritent de vastes blocs d’habitat convenable et qui avaient respectivement fait l’objet de relevés à la fin des années 1980 et au début des années 1990 (Wellicome, 1997). Dans la région de Hanna, le nombre de nids de Chevêches des terriers a chuté d’un sommet de plus de 30 en 1991 à 2 ou moins depuis 2001 (figure 4). Dans la région de Brooks (figure 5), le déclin est moins prononcé, mais on n’a quand même trouvé que 5 nids/100 km2 en 2002 et en 2004. À plus grande échelle, les données de l’Operation Grassland Community (OGC) en Alberta mettent également en évidence une tendance négative à long terme (figure 6). Ensemble, les données des relevés normalisés et celles de l’OGC en Alberta évoquent d’importantes diminutions de la densité des Chevêches des terriers nicheuses dans la province. Les données de l’OGC font notamment ressortir un déclin d’environ 240 nids en 1991, à environ 25 en 2001.


Figure 4 : Tendance du nombre de nids/100 km2 dans les blocs de relevé près de Hanna, en Alberta

Figure 4 : Tendance du nombre de nids/100 km carré dans les blocs de relevé près de Hanna, en Alberta.

La tendance négative est statistiquement significative (Rs = - 0,89, P = 0,01, n = 9).


Figure 5 : Tendance du nombre de nids/100 km2 dans les blocs de relevé près de Brooks, en Alberta

Figure 5 : Tendance du nombre de nids/100 km carré dans les blocs de relevé près de Brooks, en Alberta.

Noter qu’aucun relevé n’a été effectué en 1996 et en 2003, et qu’un relevé incomplet a été réalisé en 1993. Les données proviennent de Russell (2002) et de la réunion de l’équipe de rétablissement de la Chevêche des terriers (2004).


Figure 6 : Tendance du nombre de Chevêches des terriers signalées par les propriétaires participant à l’Operation Grassland Community en Alberta entre 1989 et 2004

Figure 6 : Tendance du nombre de Chevêches des terriers signalées par les propriétaires participant à l’Operation Grassland Community en Alberta entre 1989 et 2004.

Données inédites fournies par L. Tomyn, Operation Grassland Community.


Saskatchewan

En Saskatchewan, les relevés effectués par l’Opération Chevêche des terriers (OCT) couvrent une bonne proportion de l’aire historique de l’espèce dans la province. Par contre, ils n’incluent que les données des propriétaires participants et doivent donc être considérés comme une approximation grossière de la tendance actuelle des populations dans la province.

La figure 7 illustre la tendance du nombre de Chevêches des terriers signalées par les propriétaires participant à l’OCT en Saskatchewan. Les données font ressortir une nette diminution du nombre estimatif des couples nicheurs, qui est passé de 1 000 couples à la fin des années 1980 à moins de 100 depuis 2000.


Figure 7 : Tendance des populations de Chevêches des terriers dans les sites couverts par l’Opération Chevêche des terriers (OCT) en Saskatchewan entre 1987 et 2004

Figure 7 : Tendance des populations de Chevêches des terriers dans les sites couverts par l’Opération Chevêche des terriers (OCT) en Saskatchewan entre 1987 et 2004.

Données inédites fournies par K. Dohms, Opération Chevêche des terriers.

Depuis 1987, on exerce un suivi de l’état des populations de Chevêches des terriers et de leur succès reproductif dans le cadre d’études réalisées dans la plaine de Regina. La figure 8 illustre la tendance démographique à long terme de l’espèce dans la plaine de Regina; on peut y noter le déclin sensible des effectifs entre 1987 et 1999 ainsi que le petit nombre de couples nicheurs depuis ce temps.


Figure 8 : Tendances du nombre de Chevêches des terriers recensées durant les relevés effectués dans la région de la plaine de Regina, dans le centre-sud de la Saskatchewan

Figure 8 : Tendances du nombre de Chevêches des terriers recensées durant les relevés effectués dans la région de la plaine de Regina, dans le centre-sud de la Saskatchewan.

Les zones d’étude ayant fait l’objet de relevés au début depuis 1987 (P. C. James) et depuis 1994 (T. I. Wellicome) sont des sous-ensembles géographiques entièrement renfermés dans la zone d’étude plus vaste prospectée depuis 1997 (R. G. Poulin et L. D. Todd).

Enfin, le nombre de couples nicheurs a augmenté dans le parc national des Prairies et le ranch Dixon qui lui est adjacent depuis 1998 (figure 9), mais on ignore dans quelle mesure cette augmentation est attribuable à l’amélioration des méthodes de dénombrement et à la couverture accrue des relevés (G. Holroyd, comm. pers., octobre 2004). Le succès de la nidification dans la région du parc national des Prairies a beaucoup varié selon les années (entre 1 et 4 jeunes par tentative; figure 9), mais ce genre de variation annuelle est normal et le succès global de la reproduction de l’espèce dans le parc semble se comparer ou même être légèrement supérieur à celui qu’on observe dans les États des grandes plaines aux États-Unis (McDonald et al., 2004).


Figure 9 : Succès de la reproduction (graphique de gauche) et nombre de couples reproducteurs dans le parc national des Prairies (PNP) et au ranch Dixon en Saskatchewan

Figure 9 : Succès de la reproduction (graphique de gauche) et nombre de couples reproducteurs dans le parc national des Prairies (PNP) et au ranch Dixon en Saskatchewan.

Données inédites fournies par G. Holroyd, Service canadien de la faune.

En somme, d’après les divers ensembles de données provenant de la Saskatchewan, il y aurait une baisse sensible à long terme du nombre de Chevêches des terriers dans la province, une petite population stable vivant dans le parc national des Prairies, dans l’extrême sud. On explique les légères augmentations des populations de ces dernières années par la bonne productivité de l’espèce; les données de 2005 pour la plaine de Regina mettent toutefois en évidence une nouvelle tendance à la baisse à la suite de la faible productivité observée en 2004 (figure 8).


Colombie-Britannique

La Chevêche des terriers a disparu de la Colombie-Britannique dans les années 1980 (J. Surgenor, comm. pers., 2004). On a tenté de rétablir l’espèce dans la province en lâchant des oiseaux élevés en captivité dans la région de Thompson-Nicola en 1983 et en introduisant des familles transplantées de Washington au sud de la vallée de l’Okanagan entre 1983 et 1988 (Dyer, 1990). Bien qu’on ait ainsi réussi à établir un petit nombre d’oiseaux élevés en captivité qui sont arrivés à se reproduire et à migrer dans la nature, on n’a recensé que 9 individus au cours des relevés réalisés en 2004 dans le sud de la province, dont 4 étaient des oiseaux nés à l’état sauvage, 2 des oiseaux élevés en captivité de retour sur les lieux, et 3 des oiseaux d’origine inconnue (J. Surgenor, comm. pers., octobre 2004). Apparemment, il faudra lâcher un plus grand nombre d’oiseaux (p. ex. > 50 oiseaux/an) pour rétablir une population nicheuse autosuffisante en Colombie-Britannique.


Sommaire des relevés en saison de reproduction

Les données des relevés effectués dans les provinces des Prairies qui sont analysées plus haut mettent en évidence une diminution de la population, qui est passée d’environ 1 315 couples (AB, 240; SK, 1 000; MB, 75) à 125 (25; 100; 0) au cours des années 1990. Cette chute représente un déclin décennal d’environ 91 %. D’après les mêmes sources de données, cette tendance aurait ralenti à environ 57 % au cours des 10 dernières années (de 1994 à 2004) (d’env. 325 couples à env. 140 couples; figures figure3, figure6 et figure7).


Aire d’hivernage

On sait que les Chevêches des terriers des Prairies canadiennes migrent par les États des grandes plaines (James, 1992) et hivernent vraisemblablement surtout au Mexique (G. Holroyd, données inédites). Dans la portion nord de son aire d’hivernage, la Chevêche des terriers apparaît dans certains recensements des oiseaux de Noël (RON). Ces recensements effectués dans toute l’Amérique du Nord sont des relevés d’une journée à rayon fixe, réalisés chaque année à la fin décembre ou au début janvier. L’analyse de la tendance à long terme du nombre de Chevêches des terriers recensés lors des RON effectués au Texas (où quelques chevêches canadiennes peuvent passer l’hiver) indique un déclin statistiquement significatif depuis 1960 (voir la figure 10; coefficient de corrélation de Spearman Rs = - 0,42, n = 43, P < 0,01). Ces données doivent toutefois être interprétées avec prudence, car les Chevêches des terriers qui hivernent au Texas sont pour la plupart d’origine inconnue (c.-à-d. qu’on ignore au juste dans quelle mesure les chevêches des prairies canadiennes hivernent au Texas). Une analyse semblable des données des RON effectués en Californie, où hiverneraient des chevêches de la Colombie-Britannique, fait état d’un déclin marqué statistiquement significatif entre 1960 et 2003 (figure 10; Rs = - 0,66, n = 43, P < 0,001).

Bref, depuis 1995, les populations de Chevêches des terriers ont continué de décliner dans toutes les régions du Canada, et l’espèce ne figure plus parmi les nicheurs confirmés au Manitoba et dans certaines parties du sud-est de la Saskatchewan.

 

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