Couleuvre à nez plat (Heterodon platirhinos) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

Biologie

Alimentation

La couleuvre à nez plat semble détecter ses proies principalement par olfaction, et se nourrit de crapauds, de grenouilles et de lézards (Platt, 1969). Des insectes, d’autres amphibiens, des mollusques, des oiseaux, des crustacés, des tortues, des lombrics et des araignées (Hamilton et Pollack, 1956; Mills et Yeomans, 1993) font également partie de l’alimentation du Heterodon platirhinos aux États-Unis, mais les crapauds (Bufo americanus et B. fowleri) sont les seules proies dont on a vu se nourrir les adultes vivant à l’état sauvage au Canada (J. Rouse et G. Cunnington, comm. pers.). Les juvéniles se nourrissent de proies de plus petite taille, comme les crapauds juvéniles, les salamandres rayées (Plethodon cinereus), les rainettes crucifères (Pseudacris crucifer) ou les invertébrés (Michener et Lazell, 1989). On ignore si certaines des proies invertébrées susmentionnées ont été ingérées de manière secondaire, ou si la différence entre l’alimentation des populations canadiennes et américaines est due à la disponibilité des proies ou à des préférences dans le choix des proies. Les H. platirhinos en captivité sont peu enclins à ingérer toute autre nourriture que des crapauds vivants, et on doit généralement les gaver pour y arriver (Schueler, 1997). On peut toutefois arriver, dans certains cas, à attiser l’appétit de la couleuvre pour d’autres animaux (p. ex. des souris) en frottant ceux-ci contre un crapaud (S. Gillingwater, comm. pers.).

En Ontario, des observations d’Heterodon platirhinos sauvages se nourrissant ont été récemment signalées et décrites. Une fois que la couleuvre a détecté la trace olfactive d’un crapaud et a repéré celui-ci visuellement, elle charge sa proie le plus rapidement possible, la gueule ouverte. Après que la couleuvre ait capturé sa proie, elle a souvent des débris dans sa gueule, comme des bouts de tiges ou des feuilles (G. Cunnington, comm. pers.). Si le crapaud se gonfle pendant que la couleuvre essaie de l’avaler, celle-ci peut le dégonfler en le perçant avec ses crochets arrières, qui sécrètent également un liquide légèrement venimeux par les glandes de Duvernoy (Young, 1992). On a décrit la couleuvre à nez plat comme un chasseur lent et maladroit; celle-ci pourrait donc éprouver des difficultés à capturer des proies plus vives comme les grenouilles et les petits mammifères (G. Cunnington, comm. pers.). L’apparente tolérance de la couleuvre à nez plat aux toxines des crapauds n’a pas été étudiée, mais elle pourrait offrir à celle-ci une protection contre ses propres prédateurs (Greene, 1997).

Cycle vital et reproduction

Selon Harding (1997), l’Heterodon platirhinos atteint la maturité à l’âge de 2 ou 3 ans et peut vivre jusqu’à 11 ans en captivité, bien que les observations portent sur des spécimens des États-Unis. L’Ontario étant située dans la partie nord de l’aire de répartition de l’espèce, l’âge d’atteinte de la maturité des individus vivant au Canada peut être de 4 ou 5 ans (Seburn, 2005). La durée de génération (DG) peut être estimée comme suit : DG = âge à 50 p. 100 de maturité + 1/M; où M = taux de mortalité naturelle. Ainsi, DG = 4 + 1/0,40 = 6,5 ans.

Dans le cadre d’une étude menée en 2005 au parc provincial Wasaga Beach, la plupart des copulations ont été observées entre le 7 août et le 17 septembre, mais un couple a été observé copulant dès le 14 mai (Cunnington et Cebek, 2005). Selon cette même étude, les mâles cherchent activement des femelles et les suivent pendant des heures tout en manifestant un comportement nuptial; les mâles se frottent le long du corps de la femelle et, si celle-ci est réceptive, le couple peut rester en copulation jusqu’à trois jours durant. En septembre, on a aperçu une femelle copulant avec cinq des neuf mâles lui ayant fait la cour, les copulations étant distancées de un à six jours. Des accouplements ont également été observés entre le 7 août et le 18 septembre chez une population située près de Parry Sound (Rouse, 2006). La plupart des copulations observées chez cette population du Bouclier canadien ont eu lieu à la fin d’août et en septembre, bien que des copulations aient été signalées au printemps dans d’autres régions (Harding, 1997; S. Gillingwater, comm. pers.), en particulier aux États-Unis.

La couleuvre à nez plat est ovipare; les femelles pondent leurs œufs dans des nids creusés jusqu’à 20 cm sous la surface d’un sol sablonneux (Platt, 1969; Cunnington et Cebek, 2005), ou sous du bois flotté, partiellement enfouis dans le sable (S. Gillingwater, obs. pers.). L’oviposition peut survenir en tout temps durant une période de 2 ou 3 semaines commençant à la fin de juin (Cunnington et Cebek, 2005; J. Rouse, comm. pers.). Au Canada, dans la partie nord de l’aire de répartition de l’espèce, les femelles peuvent être obligées de creuser un nid dans les endroits suffisamment ensoleillés pour que les conditions thermiques conviennent à l’incubation des œufs (Cunnington et Cebek, 2005). Par conséquent, les femelles choisissent minutieusement leur site d’oviposition en tâtant le sol avec le bout de leur museau et abandonnent souvent le site qu’elles sont en train de creuser si elles rencontrent des conditions défavorables (Cunnington et Cebek, 2005). Des nids communautaires ont été observés une seule fois chez cette espèce (dans le parc provincial Wasaga Beach, Cunnington et Cebek, 2005). Comme le soulignent Magnusson et Lima (1984), la nidification en communauté chez les couleuvres pourrait être la conséquence d’un nombre insuffisant de sites d’oviposition convenables et être déclenchée par des messages chimiques produits par des conspécifiques pour signaler un site convenable. Bien que le nombre de nids communautaires observés soit faible, cela semble une explication vraisemblable dans la région de Wasaga, car il existe peu de l’habitat d’oviposition convenable dans le parc provincial Wasaga Beach (seulement 1,3 p. 100 de la superficie totale disponible). Les couleuvres à nez plat du Bouclier canadien pondent parfois leurs œufs dans des nids de sable, mais on les a également observées nidifiant dans des cavités sous des pierres (J. Rouse, comm. pers.). En outre, la couleuvre à nez plat manifeste une fidélité élevée à ses sites de nidification d’une année à l’autre (selon des observations dans le parc provincial Wasaga Beach, G. Cunnington, comm. pers.). Dans un ancien champ agricole restauré (dans South Walsingham), cependant, jusqu’à 20 couleuvres à nez plat auraient niché sur une période de deux jours en juin 2006 (M. Gartshore, comm. pers.), vraisemblablement attirées par le sol sablonneux fraîchement labouré.

Dans toute l’aire de répartition de l’espèce, sauf en Ontario, la taille des nichées varie de 19 à 23 œufs en moyenne (Schueler, 1997). Les données sur les nids naturels en Ontario ne proviennent que de quatre nids dans le parc provincial Wasaga Beach, qui comptaient 7, 12, 27 et 28 œufs (Cunnington et Cebek, 2005), et d’un petit nombre de nids à Parry Sound, comptant entre 17 et 37 œufs (J. Rouse, comm. pers.). En Ontario, chez les individus en captivité, par contre, la taille moyenne de 10 nichées s’élevait à 35,5 œufs, et la moitié des nichées comptaient 40 œufs ou plus (Schueler, 1997). D’ailleurs, la couleuvre de Parry Sound ayant produit une nichée de 37 œufs avait pondu ses œufs avant d’être remise en liberté, après avoir passé 3 jours en captivité. Le grand écart entre le nombre d’œufs pondus en milieu naturel et en captivité n’est ni expliqué ni discuté dans la documentation scientifique. Selon K. Bériault (hypothèse personnelle), ces couleuvres pondraient plus d’une nichée à l’état sauvage, et les conditions de captivité les obligeraient à pondre tous leurs œufs au même endroit.

Il existe peu d’information sur le succès d’éclosion des œufs du Heterodon platirhinos en Ontario. La seule étude sur le sujet a révélé que le succès d’éclosion de 3 nids en milieu naturel se chiffrait à 33,3 p. 100, 57,1 p. 100 et 74,1 p. 100, alors que le succès d’éclosion d’une nichée incubée en laboratoire s’élevait à 85,7 p. 100 (Cunnington et Cebek, 2005). Le succès d’éclosion des œufs d’une femelle ayant pondu ses œufs dans un sac a été de 100 p. 100; ces œufs avaient d’ailleurs été incubés en laboratoire. La durée moyenne d’incubation des œufs en milieu naturel est de 58 jours (n = 3; Cunnington et Cebek, 2005), et les œufs éclosent à la fin d’août et au début de septembre.

Les couleuvres à nez plat n’hibernent probablement pas en communauté, creusent parfois leur site d’hibernation selon la disponibilité des sites préexistants appropriés, comme des terriers (Plummer, 2002), et sont parfois fidèles à leur site d’hibernation. De plus, ce dernier peut constituer une cause de mortalité naturelle si la température ambiante tombe sous le point de congélation, car la température corporelle des couleuvres approche celle du site d’hibernation (Plummer, 2002). Une étude menée en Ontario a relevé que l’espèce hiberne d’octobre à avril (Cunnington, 2004a).

Prédateurs

La couleuvre à nez plat connaît probablement un taux élevé de mortalité par prédation, car elle est un prédateur actif et de nature très vagile. Le taux annuel de prédation de la population adulte a été estimé à 40 p. 100 (Cunnington, 2006; J. Rouse, comm. pers.). Les principaux prédateurs des nids sont les mustélidés, les renards et d’autres mammifères de taille moyenne, comme les ratons-laveurs. Les oiseaux de proie et le Dindon sauvage (voir la figure 6) sont des prédateurs des juvéniles et des adultes. Les chats et les chiens domestiques et féraux sont également au nombre des prédateurs probables (S. Gillingwater, comm. pers.), quoiqu’en certains endroits de nombreuses mortalités de couleuvres sont attribuables à l’humain.

La couleuvre à nez plat a développé une adaptation singulière à la prédation qui consiste en un comportement de défense complexe. À l’approche d’un prédateur, la couleuvre tend à dilater son cou comme un cobra, siffle et attaque, généralement la gueule fermée, puis défèque et se couvre d’excréments nauséabonds (par rapport à d’autres excréments d’odeur tolérable), roule sur le dos (voir la figure 6), ouvre la gueule et sort la langue, et peut même exsuder du sang de la gueule et/ou du cloaque (Harding, 1997). Cela semble une piètre stratégie et en est certainement une dans le cas où la menace est un humain. Par contre, il est possible que les couleuvres, en ingérant les toxines des crapauds dont elles se nourrissent, développent une protection contre les prédateurs, soit par la présence des toxines elles-mêmes, soit en reproduisant les signaux olfactifs qui repoussent les prédateurs des crapauds (R. Brooks, comm. pers.). Cette stratégie rappelle celle de certains mollusques qui incorporent à leurs propres défenses les tentacules urticants (nématocystes) des cnidaires dont ils se nourrissent.

Figure 6. Exemples des phases du comportement de défense de la couleuvre à nez plat. (photos avec la permission de Scott Gillingwater).

  • En haut – dilatation du cou
  • au milieu – intimidation la gueule ouverte
  • en bas – simulation de mort, permettant entre autres d’apercevoir des blessures infligées par un Dindon sauvage (Meleagris gallopavo)
Exemples des phases du comportement de défense de la couleuvre à nez plat: dilatation du cou
Exemples des phases du comportement de défense de la couleuvre à nez plat: intimidation la gueule ouverte
Exemples des phases du comportement de défense de la couleuvre à nez plat: simulation de mort

Physiologie

La température moyenne d’incubation des trois nids observés dans le parc provincial Wasaga Beach était de 24,8 °C, l’un d’entre eux ayant présenté les températures minimale et maximale record (13,0 °C et 37,8 °C; n = 3, Cunnington et Cebek, 2005). La femelle dotée d’un thermocouple émetteur avait une température corporelle moyenne de 30,5 °C (± 1,0 °C) durant toute l’oviposition.

Les couleuvres à nez plat utilisent probablement les habitats de graminées et les amoncellements de sable davantage que les forêts et les terres humides (Rouse, 2006) pour réguler leur température corporelle et pour trouver des proies.

Relations interspécifiques

Il n’existe aucun document scientifique sur les relations du Heterodon platirhinos avec des organismes autres que les crapauds, mais des parasites non identifiés ont été observés dans la gueule de certains individus, et la couleuvre peut également être infestée par des acariens (S. Gillingwater, obs. pers.). En outre, on a aperçu des couleuvres à nez plat dans des abris en compagnie de scinques pentalignes (Eumeces fasciatus) au parc provincial Rondeau, et l’espèce peut partager des réseaux de tunnels souterrains avec des souris et des couleuvres fauves (Elaphe gloydi) dans le parc provincial Long Point (S. Gillingwater, obs. pers.). Historiquement, la couleuvre à nez plat occupait tous les sites où l’on trouvait le crapaud de Fowler (Bufo fowleri) le long du lac Érié, en Ontario (Schueler, 1997). À la pointe Pelée et sur l’île Pelée, d’où le crapaud de Fowler semble maintenant être disparu (Green, 1989), les populations de couleuvres à nez plat sont également disparues, même si le Bufo americanus y demeure répandu (Schueler, 1997).

On a avancé que la distribution spatiale et temporelle de l’espèce dans divers types d’habitat (riverain, forestier des hautes terres, etc.) s’expliquerait par les déplacements saisonniers de sa seule source d’alimentation, les crapauds (G. Cunnington, comm. pers.). Si cette relation existait et que son étude était approfondie, elle pourrait fournir de l’information importante pour appliquer la meilleure approche de conservation du Heterodon platirhinos.

Adaptabilité

La couleuvre à nez plat survit dans divers habitats, bien que ceux-ci se trouvent toujours à proximité d’amoncellements de sable ouverts (J. Rouse, comm. pers.). Elle semble également survivre en milieu urbain, mais ces populations souffrent d’un taux de mortalité élevé et pourraient avoir un ratio des sexes favorisant les mâles (G. Cunnington, comm. pers.). Les données sur cette espèce indiquent que le taux annuel de mortalité des adultes est de 40 p. 100 (Rouse, 2006; J. Rouse, comm. pers.; Cunnington, 2006; G. Cunnington, comm. pers.), ce qui s’approche du taux de 50 p. 100 calculé par Plummer et Mills (2000) chez une population des États-Unis. Dans le parc provincial Wasaga Beach, 38 p. 100 des mortalités sont d’origine humaine (G. Cunnington, comm. pers.).

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