Couleuvre à nez plat (Heterodon platirhinos) évaluation et mise à jour du rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

En Ontario, peu de régions ont été recensées exhaustivement et activement pour y déceler la présence de couleuvres à nez plat. Celles qui l’ont été sont : le parc provincial Wasaga Beach, un secteur situé à 30 km au sud de Parry Sound qui a été récemment traversé par le prolongement de l’autoroute 400, le parc provincial Long Point, le parc provincial Rondeau, la station forestière St. Williams et le bassin hydrographique du cours supérieur de la rivière Thames. De nombreux secteurs du comté de Norfolk sont également recensés sporadiquement, mais généralement chaque année, par des naturalistes et des herpétologistes à la recherche d’espèces en péril, dont la couleuvre à nez plat. Au cours des deux dernières décennies, des couleuvres à nez plat ont été observées à l’occasion par des personnes effectuant des relevés de tortues ponctuées (Clemmys guttata) et de massasaugas (Sistrurus catenatus) sur des îles et sur la terre ferme dans la région de la baie Twelve Mile, au sud de MacTier, en Ontario (J. Litzgus, comm. pers.).

Les échantillonnages les plus complets ont été effectués à l’intérieur des limites de la municipalité de Wasaga, où on a mené une étude quinquennale de capture-recapture (Cunnington, 2004a; idem, 2004b; idem, 2006; G. Cunnington, comm. pers.). Ces activités de recherche ont permis d’estimer la taille de la population et le nombre d’individus par hectare d’habitat convenable.

Durant l’été 2005, un recensement a été mené près de la voie navigable Trent-Severn par l’intermédiaire de Parcs Canada. Ce recensement a été exécuté par 4 ou 5 personnes ayant de l’expérience en recherche du Heterodon platirhinos; ces personnes ont parcouru 32 occurrences d’éléments de la base de données du CIPN. Aucune couleuvre à nez plat n’a été découverte, mais 7 des 32 occurrences d’éléments ont été décrites comme un bon habitat. Le reste des occurrences d’éléments se trouvaient dans un habitat de mauvaise à moyenne qualité (G. Cunnington, comm. pers.).

Abondance

Il est difficile d’estimer l’abondance des couleuvres à nez plat au Canada, car très peu de recherches ont été menées sur cette espèce au Canada et les données sur les tendances et la taille des populations sont rares. Il semble toutefois que la densité des populations de couleuvres à nez plat soit presque toujours faible, peu importe l’endroit (Schueler, 1997). Schueler (1997) cite de nombreux rapports ontariens de la région de la baie Georgienne, du comté de Peterborough, du centre de l’Ontario en général et du comté d’Oxford indiquant que l’espèce est rare. Par contre, certains rapports indiquent que l’espèce était commune dans le parc national Pointe-Pelée et dans d’autres secteurs du sud-ouest de l’Ontario au début du XXe siècle (Schueler, 1997). L’étude quinquennale d’une population canadienne du parc provincial Wasaga Beach a permis d’estimer une densité d’environ 0,04 individu par hectare (G. Cunnington, comm. pers.), ce qui est d’un ordre de grandeur inférieur aux densités rapportées par Platt (1969) dans le centre des États-Unis. Le nombre d’individus vivant à l’intérieur des limites de la municipalité de Wasaga est d’environ 58 adultes (IC 95 p. 100 = 42 - 67; G. Cunnington, comm. pers.). Dans une étude triennale (de 2003 à 2005) menée au sud de Parry Sound, on a relevé la présence d’environ 20 couleuvres à nez plat dans un territoire d’environ 10 km x 5 km (J. Rouse, comm. pers.), ce qui correspond à une densité de 0,004 individu par hectare, soit un ordre de grandeur inférieur à la densité mesurée par Cunnington. Ces trois estimations peuvent refléter une corrélation entre la densité et la latitude, mais il n’existe aucune preuve concluante à cet égard.

Toute estimation du nombre de couleuvres à nez plat adultes vivant au Canada ne peut être qu’approximative. On compte actuellement 126 occurrences d’éléments récemment confirmées en Ontario, et bon nombre d’entre elles sont des observations uniques (Oldham et Ben-Oliel, 2001). Cela suggère que certaines occurrences représentent de petites populations (Oldham et Ben-Oliel, 2001) ou des vestiges de populations écologiquement disparues. Dans la partie nord de la zone d’occurrence de l’espèce, la longueur moyenne de l’aire de répartition (c.-à-d. la distance entre les deux points les plus éloignés du domaine vital) du Heterodon platirhinos a été estimée à 2 180 m (de 116 m à 4 971 m; Rouse, 2006). Ainsi, pour estimer l’abondance des couleuvres à nez plat, toutes les observations connues de la base de données du CIPN (c.-à-d. seulement les occurrences d’éléments confirmées à partir de 1990) ont été superposées à une grille de 3 km par 3 km (d’après la superficie du domaine vital indiquée dans Cunnington [2004b] et Rouse [2006]), et tous les carrés renfermant des observations ont été additionnés pour calculer la zone d’occupation totale. On a ensuite multiplié la zone d’occupation totale par la densité de 0,04 individu par hectare. D’après ce calcul, on compterait 7 524 couleuvres à nez plat en Ontario. De toute évidence, cela est un chiffre approximatif, mais plusieurs considérations suggèrent que cette estimation est vraisemblable.

Étant donné que bon nombre des occurrences d’éléments du CIPN correspondent à des observations uniques, dont certaines de juvéniles, il est peu probable que la population dépasse 10 000 adultes. Par ailleurs, si toutes les occurrences d’éléments du CIPN étaient incluses dans le calcul (c.-à-d. si l’on postule qu’il existe encore des individus à tous les emplacements où ils n’ont pas été signalés depuis 1990), alors la population estimée dépasserait 10 000 individus. La plupart des occurrences d’éléments qui sont historiques (c.-à-d. où l’espèce n’a pas été revue depuis 1990) se trouvent dans la région du nord de la baie Georgienne (voir la figure 2), où la densité (0,004 par ha) semble beaucoup plus faible que dans le sud. Bon nombre de ces sites abritent encore probablement des couleuvres à nez plat, mais, en raison de leur faible densité, ils ne pèsent pas lourd dans le calcul de l’abondance de la population totale. Par contre, la plupart des sites historiques de la région carolinienne le sont probablement réellement (c.-à-d. que la couleuvre est disparue de ces sites), en raison de la perte et de la dégradation incessantes de l’habitat, de la densité du réseau routier et de la petite taille des aires protégées et des parcelles d’habitat convenable restantes (voir la figure 5), sans compter le nombre relativement élevé d’observateurs et la parade remarquable de cette couleuvre qui font de sa découverte une expérience mémorable. La même conclusion peut être tirée concernant un grand nombre d’occurrences d’éléments à l’est et aux alentours de la région de Wasaga/Port Severn/Honey Harbour, dans le Bouclier canadien. Cette conclusion est corroborée par le fait qu’une équipe de recherche n’a découvert aucune couleuvre à nez plat dans 32 occurrences d’éléments le long de la voie navigable Trent-Severn en 2005, et que, dans bon nombre d’entre elles, l’habitat n’était plus convenable (G. Cunnington, comm. pers.). Enfin, en ignorant ces incertitudes et en observant la carte du CIPN (figure 2), on constate que, depuis peu, la couleuvre à nez plat semble largement confinée à 3 ou 4 zones isolées du sud-ouest de l’Ontario, aux alentours de Honey Harbour-Wasaga Beach dans le district de Muskoka et à la limite sud-ouest du Bouclier canadien, une région très achalandée (voir également Schueler, 1997). Il est donc raisonnable de conclure que la population totale de l’Ontario compterait moins de 7 500 adultes (voir la section suivante).

Fluctuations et tendances

Toute l’information dont on dispose pointe vers une tendance au déclin dans le nombre d’individus, compte tenu de la perte de l’habitat disponible et de la disparition ou du déclin abrupt du nombre de couleuvres à nez plat dans plusieurs régions, y compris dans certaines parties des parcs Trent-Severn et Algonquin (Brooks et al., 2003), des parcs provinciaux Long Point (R. Bolton, comm. pers., 2007) et Pinery (A. MacKenzie, comm. pers., 2007) et des parcs nationaux de l’Île-Pelée et de la Pointe-Pelée. Schueler (1997) mentionne que l’espèce a disparu ou est passée de commune à rare ou inexistante dans plusieurs autres régions, dont le lac Boshkung, le comté de Haliburton, Big Creek, des parties du comté de Haldimand-Norfolk, le comté d’Essex et la région de Toronto. Le CIPN a déterminé que la couleuvre à nez plat a disparu d’au moins 8 p. 100 des occurrences d’éléments en Ontario (Oldham et Austen, 1998). De plus, 35 des occurrences d’éléments sont classifiées comme historiques ou non confirmées au cours des 20 dernières années (Oldham et Austen, 1998). Cependant, l’espèce vit sans aucun doute toujours dans de nombreux sites septentrionaux, car les recherches ont été peu intenses et l’espèce y est difficile à déceler et peu répandue. À long terme, toutefois, la diminution de l’habitat disponible, l’expansion du réseau routier et l’augmentation concomitante du trafic dans le centre-sud de l’Ontario de même que la menace de la persécution humaine auront pour conséquence inévitable un déclin de l’abondance de l’espèce (S. Gillingwater, comm. pers.).

Dans la région carolinienne, l’existence d’un nombre viable de couleuvres à nez plat ne semble probable qu’aux environs du parc provincial Pinery et dans certaines parties du comté de Haldimand-Norfolk (figures 2 et figure 55). Hors de ces régions, on ne trouve que des petites populations isolées de l’espèce. La couleuvre à nez plat n’existe qu’en faibles densités et est très vagile, deux facteurs qui, ensemble, augmentent sa vulnérabilité à l’urbanisation, à la fragmentation de l’habitat et à la mortalité sur les routes. Dans ce dernier cas, l’accroissement de la mortalité est une conséquence inévitable de la mobilité élevée des individus, toutes choses étant égales par ailleurs (Bonnet et al., 1999; Shine et al., 2004; Rouse, 2006).Les routes augmentent ces risques, car la couleuvre à nez plat est petite et lente. Ainsi, une couleuvre vagile est peu mobile par comparaison, par exemple, à un canidé vagile. Pour les couleuvres vagiles, les routes représentent des barrières linéaires que celles-ci peuvent, d’une part, tenter de franchir au risque d’être écrasées ou, d’autre part, éviter de traverser et demeurer de ce fait confinées et isolées (Gibbs, 1998; Cunnington, 2004a; idem, 2004b; idem, 2006; Hawbaker et al., 2006; Rouse, 2006). La mobilité et la capacité de dispersion élevée sont des traits qui ont déjà été identifiés comme des facteurs de mortalité sur les routes pour l’herpétofaune (Gibbs, 1998; Bonnet et al., 1999; Carr et Fahrig, 2001). Selon Roe et al., (2004, 2006), la notion selon laquelle les espèces qui migrent régulièrement ou qui se dispersent sur de longues distances sont exposées à un risque plus élevé de déclin dans un paysage fragmenté s’oppose à l’opinion largement répandue voulant que ces espèces soient plus résistantes à la fragmentation de l’habitat.En effet, si l’on tient compte des coûts (p. ex. la mortalité) associés à la dispersion ou à la migration, ce qui pourrait constituer un trait bénéfique pour coloniser de nouvelles parcelles d’habitat ou utiliser des ressources très dispersées constitue en fait un handicap dans les paysages modifiés par des réseaux routiers.

Immigration de source externe 

Malgré la présence du Heterodon platirhinos aux États-Unis directement dans le sud et l’ouest de l’Ontario, les populations de la partie sud de l’aire de répartition canadienne sont séparées des populations des États-Unis par les Grands Lacs. Étant donné qu’on a rarement signalé des cas de couleuvres à nez plat se déplaçant à la nage (Tyning, 1990), rien n’indique que celles-ci traverseraient de grands plans d’eau, et donc toute immigration à partir de populations des États-Unis est peu probable. De plus, l’H. platirhinos est actuellement désigné comme espèce vulnérable (S3) au Michigan, en Ohio et en Pennsylvanie, ce qui réduit d’autant les chances d’échanges entre les populations.

L’immigration d’une population de l’Ontario à l’autre est également fort peu probable, car les couleuvres à nez plat sont peu enclines à traverser les routes, et celles qui le tentent courent un risque élevé d’être écrasées (Rouse, 2006).

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