Esturgeon blanc (Acipenser transmontanus) programme de rétablissement : chapitre 2

7. Rétablissement

En 2003, l'esturgeon blanc, dont on compte six populations importantes à l'échelle nationale, a été évalué par le COSEPAC comme étant en voie de disparition. Le gouverneur en conseil a inscrit quatre de ces populations (celles de la rivière Nechako, du haut Fraser, du haut Columbia et de la rivière Kootenay) à l'annexe 1 de la LEP en 2006, mais il a refusé d'inscrire les deux autres (celles du bas Fraser et du mi-Fraser). Le présent document contient le programme de rétablissement des quatre populations inscrites en vertu de la LEP ainsi que des renseignements à l'appui du rétablissement des populations du bas Fraser et du mi-Fraser (annexe B).

7.1 Approche et échelle recommandées pour le rétablissement

Dans le présent programme de rétablissement, on se sert d'une approche axée sur une seule espèce (plutôt que d'une approche écosystémique) parce qu'elle permet d'aborder les populations bien distinctes d'une seule unité taxonomique. Compte tenu du cycle biologique unique de l'esturgeon blanc et de son habitat dans les grands fleuves, les occasions de partager les ressources avec les efforts de rétablissement visant d'autres espèces ne seront pas nombreuses; également, aucune occasion apparente de combiner les différents efforts de rétablissement déployés au sein de l'aire de répartition de l'esturgeon blanc, même si les études générales et les renseignements sur le rétablissement dans une zone devraient tout de même pouvoir éclairer les efforts dans les autres zones. On pourrait avoir l'occasion de combiner les efforts de rétablissement dans des zones géographiques moins étendues; il faut saisir de telles occasions quand elles se présentent.

7.2 But du rétablissement

Le but du rétablissement de l'esturgeon blanc est d'assurer la durabilité de chacune des populations dans son aire de répartition naturelle et son autonomie grâce à la reproduction naturelle, ainsi que d'augmenter ou de rétablir les utilisations bénéfiques dans la mesure du possible.

Pour atteindre ce but, on a déterminé une série d'objectifs en matière de population et de répartition, de même que des activités générales, telles que des mesures de rétablissement précises, de la recherche et une surveillance continue. Les objectifs et les échéanciers, tout comme les priorités, seront réévalués à mesure que l'on recueillera de nouveaux renseignements. Ci-dessous figurent les activités et les objectifs pour les populations inscrites en vertu de la LEP; pour les populations non inscrites, se reporter à l'annexe B.

7.3 Faisabilité du rétablissement

Dans le cadre du processus en vertu de la LEP, le ministre compétent doit déterminer la faisabilité du rétablissement de chaque espèce en péril sur le plan biologique et technique. Par souci de normalisation, on propose et commente quatre directives portant sur les populations d'esturgeon blanc inscrites en vertu de la LEP (projet de politique sur la faisabilité du rétablissement, Loi sur les espèces en péril janvier 2005). Il est important de signaler que l'application de ces directives pourrait se heurter à des difficultés considérables, qui sont décrites plus en détail ci-dessous le cas échéant.

7.3.1 Population du haut Fraser

  • Des individus de l'espèce sauvage capables de se reproduire sont présents à l'heure actuelle, ou le seront dans un avenir rapproché, pour maintenir la population ou accroître son abondance.

La population du haut Fraser est actuellement autonome ou proche des niveaux d'abondance historiques. Toutefois, l'effectif de la population naturelle est réduit (185 poissons adultes) et sa viabilité à long terme demeure un motif d'inquiétude.

  • Il existe suffisamment d'habitats propices à l'espèce, sinon on pourrait en augmenter la surface grâce à des activités de gestion ou de rétablissement de l'habitat.

La surface d'habitat propice pour la population du haut Fraser atteint les niveaux historiques ou en est proche.

  • Les principales menaces auxquelles fait face l'espèce ou son habitat (y compris à l'extérieur du Canada) peuvent être évitées ou atténuées.

La population du haut Fraser se trouve exclusivement au Canada et n'est pour l'instant pas menacée par les activités humaines.

  • Pour atteindre le but de rétablissement, il existe des techniques de rétablissement, sinon on pourrait en développer rapidement.

Le rétablissement de la population du haut Fraser n'exige pas de techniques spéciales, mais plutôt la gestion efficace des menaces futures afin de maintenir l'abondance et l'habitat. On peut contribuer à assurer la viabilité à long terme en augmentant la taille effective de la population; cela peut se faire en favorisant de manière artificielle la migration (le flux génétique) contrôlée en provenance de populations plus diverses.

7.3.2 Populations du fleuve Columbia et des rivières Nechako et Kootenay

La faisabilité du rétablissement des populations du fleuve Columbia et des rivières Nechako et Kootenay touchées par des barrages dépend surtout de la réversibilité de l'échec prolongé du recrutement naturel. Par conséquent, en dépit de leurs différences, ces populations sont traitées ensemble en raison de leurs similitudes et dans un souci de simplification. Les directives 2 à 4 posent des difficultés particulières, car elles sont subordonnées aux résultats de programmes de recherche en cours.

  • Des individus de l'espèce sauvage capables de se reproduire sont présents à l'heure actuelle, ou le seront dans un avenir rapproché, pour maintenir la population ou accroître son abondance.

Chaque population compte un nombre suffisant d'adultes pour devenir autonome si les conditions sont favorables au recrutement naturel. Entre-temps, on a lancé des programmes d'aquaculture pour la conservation de chaque population afin de disposer d'un nombre approprié de poissons à court terme.

  • Il existe suffisamment d'habitats propices à l'espèce, sinon on pourrait en augmenter la surface grâce à des activités de gestion ou de rétablissement de l'habitat.

L'habitat actuel ne suffit pas à assurer la survie des premiers stades du cycle biologique (œufs, larves vésiculées et larves) des esturgeons blancs du fleuve Columbia et des rivières Nechako et Kootenay. On peut rendre les conditions plus propices en mettant en place des activités de gestion de l'habitat et de rétablissement. Dans le cas de la rivière Kootenay, l'habitat de frai se trouve aux États-Unis et les efforts de rétablissement au Canada se bornent à la restauration de cet habitat. Par conséquent, la restauration de l'habitat de frai de la rivière Kootaney exige un effort coordonné du Canada et des États-Unis.

  • Les principales menaces auxquelles fait face l'espèce ou son habitat (y compris à l'extérieur du Canada) peuvent être évitées ou atténuées.

Selon les hypothèses et les preuves dont on dispose, il serait possible d'atténuer les menaces. Toutefois, les mécanismes hypothétiques qui expliqueraient l'échec du recrutement sont toujours à l'étude; ce sont eux qui détermineront les mesures d'atténuation nécessaires pour réduire les menaces. Par exemple, la gestion de l'eau pour produire de l'électricité et prévenir les inondations représenterait la principale menace pour les populations du fleuve Columbia et des rivières Nechako et Kootenay. Le Traité du fleuve Columbia réglemente la gestion globale de l'eau aux États-Unis et au Canada; dans la rivière Nechako, le débit au Canada est régulé par des ententes à l'échelle provinciale et fédérale. Les États-Unis et le Canada ont chargé une Commission mixte internationale de la gestion de l'eau de la rivière Kootenay. La gestion de ces menaces et des autres passe par la collaboration de tous les intervenants au Canada et aux États-Unis. Pour déterminer la faisabilité des différentes mesures d'atténuation, il faudra d'abord clarifier le mécanisme principal responsable de l'échec du recrutement, ce qui permettra de mettre au point des mesures plus ciblées et efficaces.

  • Pour atteindre le but de rétablissement, il existe des techniques de rétablissement, sinon on pourrait en développer rapidement.

Des programmes d'aquaculture pour la conservation ont déjà été lancés au profit des populations du fleuve Columbia, de la rivière Kootenay et de la rivière Nechako (en ce moment) dans le but d'éviter leur disparition avant que l'on puisse rétablir le recrutement. La recherche se poursuit pour déterminer les facteurs qui limitent le recrutement naturel et mettre au point des méthodes appropriées pour le rétablir. On examine actuellement les mesures de rétablissement de l'habitat dans le fleuve Columbia et les rivières Nechako et Kootenay; on ne sait toujours pas si ces efforts ont réussi.

À l'heure actuelle, l'esturgeon blanc est une espèce en péril dans une grande partie de son aire de répartition. Compte tenu de la grande longévité d'une génération et de la gravité de certaines menaces, on peut s'attendre à ce que l'esturgeon blanc demeure une espèce en péril pendant un certain temps. Les mesures de rétablissement pour toutes les populations viseront à maintenir et à améliorer les conditions actuelles de l'habitat, à surveiller les populations et les différentes menaces ainsi qu'à entreprendre les travaux de recherche nécessaires. Avec l'appui des gouvernements, des Premières Nations, de l'industrie, des groupes d'utilisateurs et du public en général, on considère le rétablissement comme faisable sur le plan technique et biologique. Étant donné que les populations de la rivière Kootenay et du fleuve Columbia se répartissent des deux côtés de la frontière, la coopération entre le Canada et les États-Unis est d'une importance capitale.

7.4 Objectifs en matière de population et de répartition

Les objectifs en matière de population et de distribution ci-dessous ont été revus dans l'évaluation du potentiel de rétablissement de l'esturgeon blanc du MPO (Wood et al. 2007); ces objectifs ont aussi subi de légères modifications par rapport à ceux des versions préliminaires du programme de rétablissement. Le seul objectif en matière de population directement applicable à la population du haut Fraser est l'objectif 1, car on considère que la population se trouve à son niveau historique, ou pas très loin. Tous les autres objectifs en matière de population et de répartition s'appliquent aux trois autres populations inscrites en vertu de la LEP.

  1. Empêcher la disparition des quatre populations d'esturgeon blanc en prévenant la perte nette de potentiel de reproduction.
  2. Entreprendre, au cours des 5 prochaines années, des études pilotes pour restaurer le recrutement naturel au sein de chaque population touchée par des barrages. Au cours des 10 prochaines années, déterminer, pour chaque population, les méthodes dont l'application a le plus de chances de restaurer le recrutement jusqu'aux niveaux requis pour pouvoir réaliser les autres mesures énumérées ci-après.
  3. Atteindre ou dépasser les cibles suivantes en matière de population et de répartition pour assurer la survie ou le rétablissement dans un délai de 50 ans :
    1. 1 000 poissons adultes et un sex-ratio de 1:1 pour les adultes.
    2. Présence dans l'ensemble de l'aire de répartition naturelle, à l'exception du réservoir Duncan et du lac Slocan , du cours inférieur de la rivière Kootenay entre les barrages Corra LInnet Brilliant et du fleuve Columbia en amont du lac Revelstoke6;
    3. Recrutement naturel soutenu permettant d'atteindre les autres cibles.
  4. Atteindre ou dépasser les cibles de population et de répartition en matière d'utilisation bénéfique dans les délais précisés. À mesure que l'on atteindra les cibles biologiques de rétablissement, on établira et ajustera les cibles et les délais de l'utilisation bénéfique. Ces cibles peuvent varier d'une population à l'autre.

7.4.1 Justification des objectifs en matière de population

Dans cette section, on trouvera une analyse approfondie des cibles générales de rétablissement de la population et une justification des cibles fixées pour l'esturgeon blanc. L'évaluation du potentiel de rétablissement de l'esturgeon blanc du MPO (Wood et al. 2007) a fait le point sur la justification et la faisabilité de ces cibles.

La viabilité à long terme de l'espèce constitue la meilleure mesure de rendement d'un programme de conservation. Le programme de rétablissement reprend la définition d'une population viable donnée par McElhany et al. (2000), à savoir une population pour laquelle « les menaces liées à la variation démographique (aléatoire ou directionnelle), à la variance environnementale locale, aux variations de la diversité génétique (aléatoires ou directionnelles) ne posent qu'un risque de disparition négligeable sur une période de 100 ans. » La viabilité sur des périodes plus longues est un but de conservation louable, mais qui s'inscrit dans le cadre général de la gestion des espèces plutôt que dans celui des efforts de rétablissement proprement dits, pour autant que les buts du rétablissement et ceux de la gestion ne soient pas incompatibles. Une fois que l'on a atteint une viabilité suffisante, les efforts de rétablissement cèdent la place à la gestion générale des espèces

En évaluant la viabilité selon la définition ci-dessus, McElhany et al. (2000) indiquent qu'il est nécessaire de prendre en considération l'abondance, le taux de croissance de la population, la structure et la diversité de la population; ils signalent que ces quatre paramètres afficheraient des valeurs plus réduites ou une fonctionnalité amoindrie au sein d'une population en voie de disparition par rapport à une population viable.

7.4.2 Objectifs démographiques

7.4.2.1 Abondance

L'abondance est une composante essentielle de la viabilité d'une population car, tous les autres facteurs étant égaux, le risque d'extinction est plus élevé chez les populations réduites. Plusieurs processus ont une incidence particulière sur la dynamique de la population des populations réduites (McElhany et al. 2000) : la dépendance à la densité, la variance environnementale, les processus génétiques, la stochasticité démographique, les rétroactions écologiques et les catastrophes. Selon McElhany et al. (2000) 7, pour qu'une population soit viable, son abondance doit être suffisamment importante pour satisfaire aux critères suivants :

  • probabilité élevée de survivre à la variance environnementale (passée ou future).
  • résilience aux perturbations environnementales et anthropiques;
  • maintien de la diversité génétique à long terme.

Pour établir les cibles d'abondance pour la conservation, il faut tenir compte des menaces externes qui pèsent sur la population et de sa vulnérabilité inhérente. Les menaces externes tendent à avoir une incidence sur les indices vitaux moyens (variations des indices vitaux sur plusieurs années ou saisons) et sur la capacité de charge. Par exemple, la fécondité et la survie peuvent baisser, en moyenne, sous l'action de la pollution; la capacité de charge peut être faible sous l'effet de la destruction de l'habitat et la pêche peut avoir une incidence sur l'abondance de poissons adultes. Ces facteurs sont clairement importants et il faut les aborder pour atteindre les cibles de conservation des espèces menacées ou en voie de disparition. La section 4 (Menaces) analyse plusieurs menaces qui pèsent sur l'esturgeon blanc. Les stratégies d'atténuation sont présentées à la section 7.5 (Activités de recherche et de gestion nécessaires pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition). Cependant, lorsque l'on établit des cibles de population pour la viabilité à long terme, on doit également tenir compte des facteurs qui influencent la variabilité temporelle des indices vitaux. Autant les populations naturelles que les populations menacées sont confrontées à la variabilité temporelle des indices vitaux, mais cette variabilité soulève en général plus d'inquiétude quand l'abondance est faible. Certaines années (ainsi que les individus, habitats, etc.) sont meilleures que d'autres et cela peut avoir des répercussions considérables sur les trajectoires des populations et sur les probabilités globales de rétablissement d'une population.

La variabilité temporelle des indices vitaux s'explique par de multiples causes, qui relèvent de trois catégories : la stochasticité démographique, environnementale et génétique. La stochasticité démographique est la variation temporelle de la croissance de la population liée à des variations aléatoires du sort des individus d'une année à l'autre (Morris et Doak 2002). Les effets de la stochasticité démographique sont déterminés par l'effectif de la population et constituent un motif d'inquiétude si l'abondance se réduit à quelques centaines de reproducteurs.

La stochasticité environnementale se définit comme une variation des indices vitaux au cours de l'année causée par des facteurs environnementaux. Les analyses de viabilité de population (AVP) ont tendance à se focaliser sur les effets de la stochasticité environnementale sur la survie et les taux de reproduction ainsi que sur les processus à l'échelle des populations, comme la dépendance à la densité, car ce sont les principaux responsables de la variabilité temporelle qui caractérise la vulnérabilité de la population à court et à moyen termes. Parmi les cas spéciaux de stochasticité environnementale, on peut citer les tendances à long terme des facteurs environnementaux (p. ex., le changement climatique) et les années exceptionnellement bonnes ou catastrophiques qui se situent en dehors de l'amplitude normale des variations. Les cibles de population qui tiennent compte de la stochasticité environnementale sont invariablement plus élevées que celles qui prennent en considération la stochasticité démographique, et s'y substituent donc; on peut donc faire abstraction de la stochasticité démographique si la cible tient correctement compte de la stochasticité environnementale.

Les changements génétiques aléatoires peuvent s'accumuler dans des populations réduites et contribuer à la vulnérabilité de la population. L'élevage en consanguinité augmente avec la dérive génique à un taux inversement proportionnel à 2Ne, où Ne correspond au nombre de reproducteurs dans une population idéale d'une taille constante caractérisée par l'absence de migration et de sélection naturelle, des générations bien distinctes qui ne se chevauchent pas et des taux de reproduction individuels dont la variance suit une distribution de Poisson. Pour évaluer l'importance des effets génétiques sur des populations réelles, on estime, à partir de la taille de la population recensée, la taille effective de la population (Ne), la taille d'une population idéale avec les mêmes caractéristiques génétiques. Pour maintenir les changements génétiques aléatoires à des niveaux acceptables, on applique la règle pratique 50:500 selon laquelle une Ne > 50 individus éliminerait le risque d'élevage en consanguinité à court terme, et une Ne > 500 permettrait de maintenir l'hétérozygotie à long terme. D'après des études récentes, ces seuils devraient être bien plus élevés (une Ne minimale de 1 000) pour assurer l'évolution de l'espèce à long terme (Lynch et Lande 1998, , Allendorf and Ryman 2002). La conversion des valeurs de Ne en valeurs de N peut se faire directement ou à partir des ratios Ne/N, qui se situent autour de 0,1 pour de nombreuses espèces sauvages (Frankham 1995). Pour une Ne = 1 000, l'objectif de population devrait se situer autour de 10 000 poissons ayant atteint la maturité reproductive.

Étant donné que l'on dispose de peu de données sur les indices vitaux des différentes populations d'esturgeon blanc, il est utile de se servir de quelques règles pratiques qui apparaissent dans la littérature scientifique. Le rapport entre la variabilité des populations et la persistance de la population a été étudié, entre autres, par Thomas (1990) qui a conclu qu'une population de « 1 000 était appropriée pour des espèces ayant une variabilité normale et qu'une population de 10 000 devait assurer la persistance à moyen et long termes de la plupart des oiseaux et des mammifères qui ont une variabilité élevée ». Un examen formel des résultats des AVP par Reed et al. (2003) a révélé que les populations minimales viables (PMV) des vertébrés se situent entre 1 000 et 10 000 couples reproducteurs pour les populations fermées uniques. Ils signalent qu'une cible de population de 7 000 adultes est appropriée pour assurer la persistance à long terme. Il existe souvent de bonnes raisons pour viser des cibles de rétablissement au-delà des PMV, par exemple pour tenir compte d'une répartition géographique restreinte ou de coefficients de sécurité pour compenser les menaces.

Les cibles de population pour l'esturgeon blanc ont surtout tenu compte de la stochasticité environnementale; on considère qu'il s'agit d'une cible provisoire appropriée pour le rétablissement, au moins pendant les 10 prochaines années. On ne dispose pas de renseignements suffisants pour mener une AVP complète des populations d'esturgeon blanc au Canada. À mesure que l'on obtiendra plus de données, il faudra peut-être revoir les cibles. On estime que les cibles sont suffisantes pour la planification du rétablissement de l'esturgeon blanc au cours des 10 prochaines années.

Une cible d'abondance provisoire de 1 000 adultes (âgés de 25 ans ou plus) a été fixée pour chaque population d'esturgeon blanc inscrite en vertu de la LEP, à l'exception de la population du haut Fraser. D'après la littérature scientifique existante, cette cible devrait permettre d'atténuer la variabilité due à la stochasticité environnementale et démographique (mais pas aux catastrophes) et de maintenir la diversité génétique au cours des 100 prochaines années. On considère que la cible de population de 1 000 poissons adultes n'est que provisoire parce que l'abondance requise pour maintenir la variabilité génétique indéfiniment pourrait être supérieure. Il est important de noter que certaines caractéristiques de l’esturgeon blanc, comme la longévité, la maturité tardive, le mode de frai intermittent et la fidélité au site de frai, combinés à la nature polyploïdique de son génome, atténuent naturellement la perte de matériel génétique (Drauch Schreier et al. 2011). Ces caractéristiques, associées aux déclins relativement récents du recrutement (une génération), permettent d’affiner en permanence les protocoles des écloseries afin de pouvoir saisir et maintenir la diversité génétique de la population sauvage pendant les premières décennies du rétablissement de l’esturgeon blanc. On croit que la population réduite du bas Fraser se maintient aux niveaux historiques d'à peine 200 poissons adultes et qu'elle est probablement limitée naturellement par son habitat propice. C'est pourquoi la cible d'abondance pour cette population est de maintenir l'abondance actuelle de poissons adultes, ce qui veut dire que seul le premier objectif de population s'applique. La viabilité à long terme d'une population aussi réduite est un motif de préoccupation pour des raisons génétiques; entre autres solutions, on pourrait établir, par exemple, un flux génétique avec une autre population importante par transfert artificiel. Il est cependant important d’élaborer des directives précises afin d’intégrer les données génétiques dans les décisions de gestion visant le rétablissement des populations (Welsh et al. 2010).

7.4.2.2 Taux de croissance de la population

Relié clairement à l'abondance de la population, le taux de croissance de la population permet de déterminer la santé d'une population. McElhany et al. (2000) indiquent que, pour être viable, une population de salmonidés doit satisfaire aux critères suivants en matière de croissance de la population :

  1. la productivité naturelle (c.-à-d. sans apport de poissons d'élevage) devrait être suffisamment élevée pour maintenir l'abondance au-dessus du seuil de viabilité;
  2. la population ne devrait pas connaître de déclin soutenu de l'abondance;
  3. la population ne devrait pas afficher des tendances ou des variations de ses caractères laissant présager des déclins du taux de croissance de la population;
  4. les évaluations de l'état de la population devraient prendre en compte l'incertitude dans les estimations du taux de croissance de la population et des paramètres liés à la productivité.

Les cibles suivantes ont été établies pour le taux de croissance de toutes les populations d'esturgeon blanc inscrites en vertu de la LEP :

  • recrutement naturel soutenu, complété par l'aquaculture de conservation au besoin;
  • tendance de l'abondance à la hausse pour toutes les populations en dessous de la cible d'abondance.

L'objectif à long terme est que toutes les populations soient autonomes, mais l'aquaculture de conservation peut s'avérer nécessaire dans certains cas à titre de mesure provisoire. Pour satisfaire la cible de 1 000 poissons adultes, on calcule des cibles de recrutement minimal à partir d'un simple modèle de population qui pose un taux de survie de 20 % la première année après la libération des poissons (âgés de 1 à 2 ans) et de 92 % pour les âges plus avancés (Golder Associates Ltd. 2005a). Selon ces présupposés, il faut environ 4 000 poissons au minimum pour le recrutement de la classe d'âge de 1 an chaque année. À ce rythme, on atteindrait la cible d'abondance de 1 000 poissons adultes dans 40 ans. Un recrutement plus élevé ou l'ajout de poissons d'écloserie permettrait d'atteindre la cible d'abondance plus tôt, mais il ne faut pas oublier la limite inférieure de 25 ans imposée par la maturation tardive de l'espèce.

7.4.2.3 Structure de la population

Il existe six populations bien distinctes d'esturgeon blanc au Canada (voir la section 2.4 : Aire de répartition). Les populations sont séparées géographiquement et bien distinctes sur le plan génétique; la séparation génétique indique l'absence de mélange depuis longtemps (Smith et al. 2002). Les différences entre les populations indiquent qu'il est raisonnable de les envisager comme des populations distinctes et de gérer leur viabilité séparément. Cette logique est corroborée par le rapport de situation établi par le COSEPAC en 2003, qui a reconnu les six populations, et la décision de 2006 concernant l'inscription en vertu de la LEP, qui a considéré chaque population séparément. De nouvelles données semblent indiquer que la population du fleuve Columbia serait en fait composée d'au moins deux populations isolées sur le plan reproductif (Nelson et McAdam 2012), bien que Drauch Schreier et al. (2013) n’aient pas trouvé de déffirence génétique décelable. Compte tenu de cette incertitude dans les connaissances actuelles, il n’est pas possible de tenter de différencier des subdivisions supplémentaires entre les populations dans le présent document de planification du rétablissement. La réévaluation par le COSEPAC de la situation de l'esturgeon blanc en 2012 distinguait quatre unités désignables de l'espèce, conformément aux lignes directrices récentes (COSEPAC 2011), même si actuellement la gestion des espèces et les efforts de rétablissement restent concentrés au niveau de la population.

Les cibles suivantes ont été établies pour la structure de la population en ce qui concerne les populations d'esturgeon blanc inscrites en vertu de la LEP :

  • sex-ratio naturel (actuellement défini à 1:1);
  • structure par âge naturelle.

On peut définir la structure par âge au moyen du même modèle que celui décrit dans le paragraphe précédent. Selon ce scénario, la répartition stable selon l'âge est très asymétrique : la majorité des poissons appartiennent aux classes d'âges immatures et l'on compte environ 1 000 poissons âgés de 25 ans ou plus.

7.4.3 Justification de l'objectif en matière de répartition

McElhany et al. (2000) signalent que la viabilité à long terme d'une espèce tient, en partie, à sa capacité de réagir aux changements environnementaux; cette capacité est conditionnée, à son tour, par le maintien de la diversité génotypique et phénotypique. On peut maintenir la diversité de la population en assurant la présence, dans le temps et l'espace, d'un éventail suffisant de types d'habitats, en garantissant que la répartition dans ces habitats n'est pas modifiée et que les processus généraux à l'origine de la diversité sont maintenus. Fondé en grande mesure sur le besoin de maintenir la diversité de la population, l'objectif en matière de répartition porte sur la plupart de l'aire de répartition naturelle de l'esturgeon blanc au Canada.

7.4.3.1 Objectif en matière de répartition

La cible fixée pour assurer la diversité de l'espèce est sa répartition dans son aire de répartition naturelle. Le réservoir Duncan et les lacs Slocan et Revelstoke sont exclus de la répartition, car le rétablissement des populations de ces plans d'eau relativement petits est jugé irréalisable; le réservoir Kinbasket est également exclu en raison du manque de données permettant de déterminer si l'établissement d'une population autonome dans cette zone serait faisable ou recommandable. En ce moment, on ne dispose pas de données suffisantes sur cette question pour proposer des cibles significatives, au-delà de la présente cible en matière de répartition.

7.5 Activités de recherche et de gestion nécessaires pour atteindre les objectifs en matière de population et de répartition

Tableau 5. Activités et mesures recommandées pour réaliser les objectifs des populations inscrites sur la liste de la LEP en matière de population et de répartition. Le tableau comporte les quatre colonnes suivantes, de gauche à droite : Priorité, Stratégie, Activités et Mesure du rendement. La note de bas de tableau correspondant à Priorité se lit comme suit : La priorité a été classée, à partir du jugement professionnel de l'équipe nationale de rétablissement, dans l'un des trois groupes suivants, du plus élevé au plus faible : nécessaire, important, secondaire. La note de bas de tableau correspondant à Mesure du rendement se lit comme suit : L'esturgeon blanc étant une espèce à croissance lente, à maturité tardive et à grande longévité, on a défini des mesures de rendement qui peuvent être prises de manière répétée pendant tout le processus de rétablissement. Elles tracent donc les progrès réalisés vers l'atteinte des objectifs fixés. Elles sont présentées ici sous forme de questions dont les réponses peuvent servir à surveiller les progrès réalisés au fil du temps.

Juste en dessous des en-têtes des colonnes se trouvent sept rangées. De gauche à droite, voici le contenu des différentes rangées :

Rangée 1 : Nécessaire, Atteindre ou dépasser les objectifs de rétablisssement de l'espèce dans les délais impartis.
1. Mettre en place une aquaculture pour la conservation au besoin. 2. Surveiller les tendances de la population. 3. Définir les paramètres des utilisations bénéfiques. Les cibles ont-elles été atteintes? Rangée 2 : Nécessaire, Protéger les habitats essentiels, 1. Déterminer les besoins en matière d'habitat pour tous les stades biologiques. 2. Définir l'habitat essentiel (y compris les processus écologiques connexes). 3. Déterminer les habitats essentiels à désigner et à protéger. 4. Protéger, maintenir et renforcer l'habitat essentiel de l'esturgeon blanc. 5. Assurer la diversité, la connectivité et la productivité de l'habitat. 6. Collaborer pour élaborer les plans de protection de l'habitat. L'habitat essentiel a-t-il été désigné? Rangée 3 : Nécessaire, Rétablissement du recrutement naturel, 1. Déterminer la précision de la série chronologique des indices de recrutement. 2. Déterminer les corrélations temporelles entre les changements importants intervenus dans le recrutement (pics ou creux) et la dégradation de l’environnement. 3. Examiner le mécanisme potentiel de l'effet du recrutement. 4. Mener des essais sur le terrain à la méso-échelle. 5. Mener des essais sur le terrain à plus grande échelle.6. Concevoir et mettre en œuvre un programme de restauration à plus long terme. 7. Déterminer les exigences en matière d'habitat pour la mise en valeur ou le rétablissement des populations touchées par un barrage. 8. Entreprendre, au cours des 5 prochaines années, des études pilotes pour restaurer le recrutement naturel au sein de chaque population touchée par les barrages. 9. Au cours des 10 prochaines années, déterminer, pour chaque population, les méthodes dont l'application a le plus de chances de restaurer le recrutement jusqu'aux niveaux requis pour pouvoir réaliser les autres mesures énumérées ci-après. Des essais expérimentaux ont-ils été lancés en vue de restaurer le recrutement naturel? Les résultats des essais expérimentaux ont-ils montré qu'il est possible de restaurer le recrutement naturel aux niveaux nécessaires? Le recrutement a-t-il été restauré? Rangée 4 : Nécessaire, Préciser et atténuer les menaces, 1. Préciser les menaces suivantes et leurs risques relatifs : a. pêche; b. pollution; c. prédation; 2. Préciser les menaces pour : a. les sources de nourriture; b. l'habitat (y compris les effets de la régulation du débit); 3. Prendre des mesures précises pour contrer les risques : a. protéger, maintenir et renforcer l'habitat essentiel; b. lutter contre la pêche illégale; c. minimiser les prises accessoires et atténuer les impacts des pêches en mettant en place des règlements et des meilleures pratiques; d. limiter et contrer les rejets de polluants et la charge en contaminants, surtout dans les endroits adjacents à des habitats importants ou essentiels; e. protéger, maintenir et améliorer la qualité de l'eau; f. atténuer es interactions des esturgeons blancs avec les structures et activités industrielles; g. gérer les risques liés aux introductions faites par les écloseries dans un but de conservation; h. mieux comprendre, maintenir et améliorer la disponibilité de la nourriture pour tous les stades biologiques de chaque population. 4. Surveiller les indicateurs des menaces et les tendances des populations. 5. Collaborer pour élaborer les plans visant à atténuer les menaces qui pèsent sur l'esturgeon blanc. Ces menaces sont-elles suffisamment atténuées? Rangée 5 : Important, Combler les lacunes dans les données qui limitent la conservation de l'esturgeon blanc, 1. Combler les lacunes dans les données biologiques fondamentales (voir la liste des priorités à la section 6 : Lacunes dans les connaissances et à l'Annexe A : Études visant à combler les lacunes relevées dans les connaissances sur l'esturgeon blanc). Les lacunes dans les données ont-elles été comblées? Rangée 6 :Important, Sensibiliser davantage les intervenants et le public en général à l'esturgeon blanc et à ses besoins en matière de conservation. 1. Maintenir et, si possible, accroître la sensibilisation et la gérance dans l'aire de répartition naturelle de l'esturgeon blanc. 2. Mener des actions efficaces pour informer le public au sujet de l'espèce et de ses besoins en matière de conservation. 3. Appuyer l'apprentissage et la communication entre tous les groupes de travail. 4. Demander la participation des collectivités et des experts techniques. A-t-on accru la sensibilisation à la conservation de l'esturgeon? Rangée 7 : Secondaire, Maintenir et, si nécessaire, restaurer les fonctions des écosystèmes importantes pour l'esturgeon blanc. 1. Intégrer les besoins des populations saines d'esturgeon blanc dans la gestion de ses espèces de proies, notamment du saumon et des poissons résidents visés par la pêche sportive. 2. Tenir compte des besoins des autres espèces pendant le rétablissement de l'esturgeon blanc. 3. Gérer étroitement les espèces de poissons prédateurs non indigènes. 4. Dialoguer avec les organismes de réglementation qui ont de l'influence ou qui sont responsables des espèces de proies de l'esturgeon blanc. L'écosystème est-il « sain » pour l'esturgeon blanc?

Tableau 5. Activités et mesures recommandées pour réaliser les objectifs des populations inscrites sur la liste de la LEP en matière de population et de répartition.
Priorité8 Stratégie Activités Mesure du rendement 9
Nécessaire Atteindre ou dépasser les objectifs en matière d'effectifs dans les délais précisés.
  1. Mettre en place une aquaculture de conservation au besoin.
  2. Surveiller les tendances démographiques.
  3. Établir les paramètres de l'utilisation bénéfique.
Les objectifs ont-ils été atteints?
Nécessaire Protéger les habitats essentiels.
  1. Déterminer les besoins en matière d'habitat pour tous les stades biologiques.
  2. Définir l'habitat essentiel (y compris les processus écologiques connexes).
  3. Déterminer les habitats essentiels à désigner et à protéger.
  4. Protéger, maintenir et renforcer l'habitat essentiel de l'esturgeon blanc.
  5. Assurer la diversité, la connectivité et la productivité de l'habitat.
  6. Collaborer pour élaborer les plans de protection de l'habitat.
L'habitat essentiel a-t-il été désigné?
Nécessaire Restaurer le recrutement naturel.
  1. Déterminer la précision de la série chronologique des indices de recrutement.
  2. Déterminer les corrélations temporelles entre les changements importants intervenus dans le recrutement (pics ou creux) et la dégradation de l'environnement.
  3. Examiner le mécanisme potentiel de l'effet du recrutement.
  4. Mener des essais sur le terrain à la méso-échelle.
  5. Mener des essais sur le terrain à plus grande échelle.
  6. Concevoir et mettre en œuvre un programme de restauration à plus long terme.
  7. Déterminer les exigences en matière d'habitat pour la mise en valeur ou le rétablissement des populations touchées par un barrage.
  8. Entreprendre, au cours des 5 prochaines années, des études pilotes pour restaurer le recrutement naturel au sein de chaque population touchée par des barrages.
  9. Au cours des 10 prochaines années, déterminer, pour chaque population, les méthodes dont l'application a le plus de chances de restaurer le recrutement jusqu'aux niveaux requis pour pouvoir réaliser les autres mesures énumérées ci-après.
Des essais expérimentaux ont-ils été lancés en vue de restaurer le recrutement naturel?
Les résultats des essais expérimentaux ont-ils montré qu'il est possible de restaurer le recrutement naturel aux niveaux nécessaires?
A-t-on restauré le recrutement des populations touchées par des barrages?
Nécessaire Préciser et atténuer les menaces.
  1. Préciser les menaces suivantes et leurs risques relatifs :
    1. pêche;
    2. pollution;
    3. prédation;
  2. Préciser les menaces pour :
    1. les sources de nourriture;
    2. l'habitat (y compris les effets de la régulation du débit)
  3. Prendre des mesures particulières pour contrer les risques :
    1. protéger, maintenir et renforcer l'habitat essentiel;
    2. lutter contre la pêche illégale;
    3. minimiser les prises accessoires et atténuer les impacts des pêches en mettant en place des règlements et de meilleures pratiques;
    4. limiter et contrer les rejets de polluants et la charge en contaminants, surtout dans les endroits adjacents à des habitats importants ou essentiels;
    5. protéger, maintenir et améliorer la qualité de l'eau;
    6. atténuer les interactions des esturgeons blancs avec les structures et activités industrielles;
    7. gérer les risques liés aux introductions de poissons d'écloserie dans un but de conservation;
    8. mieux comprendre, maintenir et améliorer la disponibilité de la nourriture pour tous les stades biologiques de chaque population.
  4. Surveiller les indicateurs des menaces et les tendances des populations.
  5. Collaborer pour élaborer des plans visant à atténuer les menaces qui pèsent sur l'esturgeon blanc.
Les menaces les plus graves ont-elles été définies?
Ces menaces sont-elles suffisamment atténuées?
Important Combler les lacunes dans les données qui limitent la conservation de l'esturgeon blanc
  1. Combler les lacunes dans les données biologiques fondamentales (voir la liste des priorités à la section 6 : Lacunes dans les connaissances et à l'Annexe A : Études visant à combler les lacunes relevées dans les connaissances sur l'esturgeon blanc).
Les lacunes dans les données ont-elles été comblées?
Important Sensibiliser davantage les intervenants et le public en général à l'esturgeon blanc et à ses besoins en matière de conservation.
  1. Maintenir et, si possible, accroître la sensibilisation et la gérance dans l'aire de répartition naturelle de l'esturgeon blanc
  2. Mener des actions efficaces pour informer le public au sujet de l'espèce et de ses besoins en matière de conservation.
  3. Appuyer l'apprentissage et la communication entre tous les groupes de travail.
  4. S'assurer de la participation de la collectivité et des experts techniques.
A-t-on accru la sensibilisation à la conservation de l'esturgeon?
Secondaire Maintenir et, si nécessaire, restaurer les fonctions des écosystèmes importantes pour l'esturgeon blanc.
  1. Intégrer les besoins des populations saines d'esturgeon blanc dans la gestion des espèces de proies de l'esturgeon blanc, notamment du saumon et des poissons résidents visés par la pêche sportive.
  2. Tenir compte des besoins des autres espèces pendant le rétablissement de l'esturgeon blanc.
  3. Gérer étroitement les espèces de poissons prédateurs non indigènes.
  4. Dialoguer avec les organismes de réglementation qui ont de l'influence ou qui sont responsables des espèces de proies de l'esturgeon blanc.
L'écosystème est-il « sain » pour l'esturgeon blanc?

8. Habitat essentiel

L'habitat essentiel des quatre populations d'esturgeon blanc inscrites en vertu de la LEP a été désigné, dans la mesure du possible, à partir de la meilleure information disponible. L'habitat essentiel ainsi défini comporte les zones géospatiales qui présentent les fonctions, les caractéristiques et les paramètres biophysiques nécessaires à la survie ou au rétablissement de l'espèce. On présente également les activités pouvant détruire ces habitats, les lacunes dans les données et les sources des données. Des cartes des zones d'habitat essentiel sont fournies pour chaque bassin hydrographique. Chacune de ces cartes indique les limites des unités d'habitat essentiel. On fournit également les coordonnées géographiques de l'habitat essentiel et son emplacement en kilomètres de rivière (s'il y a lieu). Le calendrier des études donne un aperçu de la recherche nécessaire pour déterminer l'habitat essentiel supplémentaire (s'il y a lieu), recueillir davantage de données sur l'habitat essentiel désigné ou améliorer la description de l'habitat essentiel afin de mieux le protéger.

Combiné à un recrutement efficace au sein de chaque population, l'habitat essentiel désigné dans le présent programme de rétablissement devrait permettre d'atteindre les objectifs en matière de population et de répartition de l'espèce. Bien que des incertitudes demeurent au sujet de facteurs comme la fonctionnalité et le moment précis de certains des habitats essentiels identifiés dans le présent rapport, la plus grande incertitude concerne la cause de l'échec persistent du recrutement et la détermination d'une méthode possible de rétablissement. Ces incertitudes se manifestent dans les lacunes dans les données relevées par le programme de rétablissement, qui servira de guide pour les prochaines études portant sur le diagnostic de l'échec du recrutement et le rétablissement de ce dernier. Par conséquent, l'accent est mis sur les études qui visent à mieux comprendre la fonctionnalité de l'habitat et le rétablissement du recrutement dans les habitats essentiels. Même si certaines études menées sur les caractéristiques biologiques et les déplacements de l'espèce peuvent fournir davantage de renseignements sur la définition de certains habitats essentiels, elles ne doivent pas se substituer à des études sur l'échec du recrutement et son rétablissement; en effet, une telle pratique ne serait peut-être pas dans l'intérêt supérieur de l'espèce.

8.1 Information et méthodes utilisées pour désigner l'habitat essentiel

Dans la LEP, l'habitat essentiel est défini comme suit : « l'habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d'une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d'action élaboré à l'égard de l'espèce ». [paragr. 2(1)]

La LEP décrit également l'habitat d'une espèce aquatique en péril : « [...] les frayères, aires d'alevinage, de croissance et d'alimentation et routes migratoires dont sa survie dépend, directement ou indirectement, ou aires où elle s'est déjà trouvée et où il est possible de la réintroduire. » [paragr. 2(1)]

Une méthode raisonnable pour déterminer l'habitat essentiel d'une espèce en péril consiste à établir l'étendue et le type d'habitat dont l'espèce a besoin pour atteindre et maintenir sa cible de rétablissement; il s'agit d'une approche dont la validité a été corroborée par des documents d'orientation existants, y compris ceux du MPO (Pêches et Océans Canada 2012). Compte tenu de la faible abondance de toutes les populations d'esturgeon blanc, on ne peut pas déterminer de rapport quantitatif entre l'habitat et la taille de la population; aux niveaux de population actuels, les zones très utilisées sont désignées comme constituant un habitat essentiel. À mesure que les populations augmenteront vers les niveaux visés par les cibles de rétablissement, il faudra peut-être ajouter de nouveaux habitats essentiels à ceux qui ont déjà été désignés.

Les efforts de rétablissement devraient se focaliser sur le rétablissement du recrutement dans chacune des populations touchées par des barrages. Les recherches en cours (en particulier les études sur les causes de l'échec du recrutement) répondront aux besoins concernant le maintien et la restauration de l'habitat essentiel, ce qui contribuera à son tour à la protection de l'habitat essentiel. À mesure que les efforts de rétablissement progresseront, des études viseront à désigner d'autres habitats essentiels ou à mieux préciser les fonctions, les caractéristiques et les paramètres de l'habitat essentiel.

Dans la mesure du possible, la désignation de l'habitat essentiel était fondée sur les associations d'habitats établies à partir de travaux empiriques détaillés. En l'absence d'études approfondies ou concluantes, on a eu recours à l'avis des spécialistes et à une approche de précaution, comme le prescrivent les documents d'orientation du MPO (p. ex., Pêches et Océans Canada 2012). Selon l'approche de précaution, s'il existe une menace de dommage grave ou irréversible causé à l'espèce, le manque de certitude scientifique ne devrait pas servir de prétexte pour retarder l'adoption de mesures rentables permettant de prévenir la disparition ou la décroissance de l'espèce. Cette approche a permis de désigner l'habitat essentiel de populations moins bien connues, telles que celle du haut Fraser, ainsi que l'habitat essentiel des premiers stades biologiques dans des zones touchées par l'échec du recrutement.

En fonction de l'abondance et de la fréquentation, on a établi des catégories concernant l'utilisation de l'habitat (élevée, moyenne, faible) et le degré de certitude (utilisation confirmée, soupçonnée, inconnue). L'évaluation de l'utilisation de l'habitat a tenu compte de la taille relative de la population ou du groupe de poissons qui fréquentent la zone. Étant donné que les différents spécialistes ont évalué l'utilisation de l'habitat par chaque population selon leurs propres critères, les comparaisons entre les différents bassins hydrographiques doivent se faire avec une bonne dose de prudence.

Pour désigner l'habitat essentiel de l'esturgeon blanc, on a utilisé le document d'orientation suivant :

  • Lignes directrices opérationnelles pour la désignation de l'habitat essentiel des espèces aquatiques en péril (Pêches et Océans Canada 2012). Ce document donne un aperçu du processus à suivre pour définir l'emplacement géographique de l'habitat essentiel ainsi que les caractéristiques biophysiques de la zone et les paramètres qui permettent de remplir les fonctions nécessaires pour les processus vitaux qui assurent la survie ou le rétablissement de l'espèce en péril.
    • Au nombre des caractéristiques géographiques ou biophysiques de l'habitat essentiel, on peut mentionner : la végétation riveraine; les zones qui ne sont pas actuellement occupées ou dégradées, mais qui sont nécessaires pour le rétablissement; la présence de sources de nourriture; la profondeur de l'eau ou le débit; les structures physiques ou le substrat (p. ex., comme refuge ou pour le frai, l'alevinage et la recherche de nourriture), etc.
  • Le document du secteur des Sciences du MPO intitulé Documentation de l'utilisation de l'habitat par les espèces en péril et quantification de la qualité de l'habitat (Pêches et Océans Canada 2007) indique une série de principes directeurs à prendre en compte pour déterminer l'habitat essentiel d'une espèce en péril :
  • Fournir des descriptions fonctionnelles des caractéristiques ou des paramètres qu'un habitat d'une espèce aquatique doit posséder pour assurer le bon déroulement de tous les stades du cycle biologique.
    • Fournir de l'information sur l'étendue spatiale des zones qui sont susceptibles de présenter les caractéristiques et les paramètres recherchés.
    • Formuler un avis sur l'étendue géographique de l'habitat qui existe actuellement pour chaque qualité ou propriété.
    • Formuler un avis sur le rapport entre la disponibilité d'habitats appropriés et les besoins de l'espèce, tant pour le présent que pour l'avenir, c'est-à-dire lorsque seront atteintes les cibles de rétablissement fondées sur des critères biologiques, tels que l'abondance, l'aire de répartition et le nombre de populations.
    • Donner un avis indiquant dans quelle mesure les différentes menaces peuvent modifier la qualité de l'habitat disponible ou son étendue.
    • Formuler un avis sur la possibilité de restaurer des habitats s'il n'y aura pas d'habitats suffisants pour combler les besoins lorsque les cibles de rétablissement seront atteintes.

On s'est servi de ces orientations pour déterminer, dans la mesure du possible et d'après la meilleure information disponible, l'habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement de l'esturgeon blanc, les caractéristiques de cet habitat, les stades biologiques dont il assure la survie et les menaces auxquelles il fait face.

L'organe scientifique consultatif du MPO (le Comité d'examen des évaluations scientifiques du Pacifique [CEESP]) s'est réuni le 23 juin 2009. La Colombie-Britannique a participé à la réunion, ainsi que des employés du ministère de l'Environnement de l'Ontario et des spécialistes externes de l'esturgeon blanc, des Premières Nations, des organisations non gouvernementales de l'environnement (ONGE) et des intervenants de l'industrie susceptibles de fournir des avis techniques pertinents sur les désignations de l'habitat essentiel. En tant que ministère responsable, le MPO a évalué les opinions et les renseignements recueillis au cours de la réunion du CEESP et procédé à une désignation prudente des habitats essentiels de l'esturgeon blanc; des renseignements supplémentaires sont analysés dans le document de recherche du Secrétariat canadien de consultation scientifique intitulé Information scientifique en appui à l'identification de l'habitat essentiel des populations d'esturgeons blancs inscrites à la liste de la LEP au Canada : Nechako, Columbia, Kootenay et haut Fraser (2009) (Hatfield et al. 2012). Dans le présent programme de rétablissement, on a utilisé les renseignements scientifiques du document de recherche pour désigner l'habitat essentiel de l'esturgeon blanc, conformément aux directives opérationnelles du MPO. 10

8.2 Désignation de l'habitat essentiel

Dans les sections suivantes, on décrit, dans la mesure du possible, l'habitat essentiel de chaque population d'esturgeon blanc, à savoir les emplacements géographiques ainsi que les fonctions, les caractéristiques et les paramètres biophysiques de l'habitat essentiel désigné.

8.2.1 Fonctions, caractéristiques et paramètres biophysique

La désignation de l'habitat essentiel comprend la description des fonctions, des caractéristiques et des paramètres biophysiques nécessaires à la survie et au rétablissement de l'espèce. Une fonction est une propriété de l'habitat qui correspond à un besoin ou à un impératif biologique de l'espèce inscrite (frai, alevinage, croissance, nourriture et migration). Toute fonction résulte de caractéristiques uniques ou plurielles qui sont des éléments ou des conditions physiques de l'habitat essentiel comme des bancs, des étangs, des habitats riverains, etc. Les caractéristiques sont toujours liées à une fonction et décrivent comment l'habitat assure la fonction essentielle pour satisfaire les besoins de l'espèce. Les paramètres fournissent des renseignements sur une caractéristique qui expliquent comment la caractéristique assure la fonction nécessaire au processus vital de l'espèce; par exemple, parmi les paramètres d'une caractéristique comme un banc qui assure la fonction d'alevinage, on peut citer la taille du substrat, la vitesse de l'eau, sa composition chimique, les espèces de proies et la température.

Les sections 2.3 (Stades biologiques) et 3 (Description des besoins de l'espèce) fournissent des renseignements généraux sur les stades biologiques de l'esturgeon blanc ainsi que sur les fonctions, les caractéristiques et les paramètres biophysiques. Les tableaux 7 (haut Fraser), 10 (Nechako), 14 (haut Columbia, ALR), 15 (haut Columbia, zone transfrontalière) et 17 (Kootenay) fournissent des renseignements sur chaque population.

Ces tableaux résument la meilleure information disponible sur les fonctions, les caractéristiques et les paramètres de chaque stade biologique de l'esturgeon blanc (voir les références complètes dans les sections 2.3 et 3). Il convient de signaler que dans les tableaux 7, 10, 14, 15 et 17, tous les paramètres ne sont pas connus ou définis pour certaines caractéristiques désignées comme habitat essentiel; dans certains cas, les paramètres actuels de l'habitat décrits dans ces tableaux ne sont pas idéaux pour les fonctions actuelles qu'ils servent pour l'esturgeon. On considère les zones décrites dans les tableaux 7, 10, 14, 15 et 17 comme faisant partie de l'habitat essentiel de l'espèce, même si certains des paramètres décrits se situent pour le moment en dehors de la fourchette nécessaire pour assurer la fonction de l’habitat pour l’espèce. Les études en cours sur les raisons de l'échec du recrutement, de même que celles décrites dans le Calendrier des études (section 8.8) permettront d'éclairer cette section.

8.2.2 Désignation géographique de l'habitat essentiel

On trouvera les cartes des zones désignées comme habitat essentiel pour chaque population dans les sections 8.3 à 8.6. Les emplacements des fonctions, des caractéristiques et des paramètres de l'habitat essentiel ont été définis à l'aide de la méthode basée sur une parcelle d'habitat essentiel. D'après cette méthode :

« L'habitat essentiel correspond exactement à la zone comprise dans les limites déterminées et on sait que cette zone fournit les fonctions et les composantes nécessaires à la survie ou au rétablissement de l'espèce. »

Les zones désignées comme habitat essentiel abritent les fonctions, les caractéristiques et les paramètres biophysiques nécessaires pour atteindre le but de rétablissement de l'espèce et ses objectifs en matière de population et de répartition (section 7), ainsi que pour soutenir la survie et le rétablissement de l'espèce. Pour les points de coordonnées géographiques, leur frontière représente la ligne des hautes eaux annuelle (Hatfield et al. 2012).

6 Bien que le réservoir Duncan, et les lacs Slocan et Revelstoke  et le cours inférieur de la rivière Kootenay entre les barrags Corra Linn et Brilliant fassent partie de l'aire de répartition historique de l'esturgeon blanc, on a estimé que le rétablissement des populations dans ces plans d’eau relativement petits n'était pas réalisable. Il n'existe pas de données suffisantes sur le réservoir Kinbasket pour savoir si l'établissement d'une population autonome dans la zone est faisable ou recommandé.

7 McElhanyet al. (2000) étudiaient les populations de saumon du Pacifique (Oncorhynchus spp.). Leur analyse sert d'orientation générale, mais certains critères et définitions ont dû être modifiés pour le présent programme de rétablissement et adaptés à la biologie de l'esturgeon blanc.

8 La priorité a été classée, à partir du jugement professionnel de l'équipe nationale de rétablissement, dans l'un des trois groupes suivants, du plus élevé au plus faible : nécessaire, important, secondaire.

9 L'esturgeon blanc étant une espèce à croissance lente, à maturité tardive et à grande longévité, on a défini des mesures de rendement qui peuvent être prises de manière répétée pendant tout le processus de rétablissement. Elles tracent donc les progrès réalisés vers l'atteinte des objectifs fixés. Elles sont présentées ici sous forme de questions dont les réponses peuvent servir à surveiller les progrès réalisés au fil du temps.

10Deux limites de la zone de l'habitat essentiel dans le fleuve Columbia (Robson portée et canal de fuite Brilliant) ont été modifiées, par consensus de l'équipe nationale de rétablissement, en Février 2013 et Mars 2014, respectivement.

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