Carex tumulicole (Carex tumulicola) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Facteurs limitatifs et menaces

Étant donné l’état limité de nos connaissances sur les besoins en matière d’habitat et la dynamique des populations du Carex tumulicola, il est difficile de déterminer quels facteurs sont responsables de la faible abondance et de l’aire de répartition restreinte de l’espèce au Canada. La rareté du C. tumulicola au Canada est peut-être due à des facteurs intrinsèques comme une faible capacité compétitive, un pouvoir de dispersion limité, une spécificité élevée à l’égard de l’habitat ou un faible taux de recrutement ou de survie, à des facteurs extrinsèques comme des barrières géographiques ou des changements climatiques passés, à l’utilisation récente des terres (p. ex. la conversion de l’habitat, le pâturage, la suppression des incendies), ou à une combinaison de certains ou de la totalité de ces facteurs. Aucune des sept menaces énumérées ci-après n’a pu être associée empiriquement aux déclins actuels ou historiques de l’abondance ou de l’aire de répartition du C. tumulicola au Canada. Cela est peut-être simplement dû au fait que l’espèce n’a fait l’objet d’aucune étude depuis suffisamment longtemps dans son habitat canadien pour qu’on puisse documenter les effets néfastes associés à ces menaces. En l’absence de preuve directe du contraire, toutes les menaces mentionnées ci-après sont considérées comme imminentes, mais leurs incidences demeurent incertaines.

1. Empiètement des espèces envahissantes

À l’échelle mondiale, l’effet des espèces envahissantes est considéré comme la deuxième principale cause du déclin d’espèces, tout juste après la perte d’habitat (D’Antonio et Vitousek, 1992; Myers et Bazely, 2003). Les chênaies de Garry et les écosystèmes associés de la portion est de l’île deVancouver ont été envahis par des plantes non indigènes à un point tel que les espèces exotiques forment aujourd’hui 59 à 82 p. 100 du couvert herbacé total (Roemer, 1995, in Fuchs, 2001; Erickson, 1996). La proportion d’espèces introduites par rapport au nombre total d’espèces présentes dans les prés à chêne de Garry est passée de 25 p. 100, en1972, à 40 à 76 p. 100, en 1995 (Roemer, 1995, in Fuchs, 2001). Ces chiffres donnent à croire que ce processus d’envahissement accélère au lieu de ralentir. Si certaines espèces exotiques constituent des introductions fortuites, nombre d’entre elles ont été introduites délibérément dans la région comme plantes fourragères pour le bétail ou comme plantes ornementales ou pour freiner l’érosion du sol.

Plusieurs auteurs ont identifié les types de processus qui peuvent être altérés par les espèces végétales non indigènes. En général, on croit que les plantes envahissantes peuvent prendre possession des sites propices (sites permettant la germination des graines) et empêcher le recrutement des plantes indigènes, modifier la structure des peuplements végétaux, amplifier les déficits hydriques du sol, altérer les sols et les microclimats en favorisant l’accumulation de litière, accroître le risque d’incendie ainsi que l’étendue et la gravité des incendies en favorisant l’augmentation des charges de combustible, modifier les concentrations et la répartition des éléments nutritifs dans le sol et compétitionner directement avec les espèces indigènes pour l’espace, l’eau, la lumière et les éléments nutritifs (Bergelson, 1990; Facelli et Pickett, 1991, D’Antonio et Vitousek, 1992; Smith, 1994; Gordon,1998; Brown et Rice, 2000; MacDougall, 2002; Myers et Bazely, 2003). Les espèces introduites qui présentent un taux d’évapotranspiration plus élevé que les espèces indigènes peuvent altérer de façon permanente les régimes hydrologiques et provoquer un abaissement de la nappe aquifère et, de ce fait, altérer la répartition des espèces indigènes (Gordon, 1998).

Les dix populations existantes de Carex tumulicola se trouvent dans des milieux qui ont été gravement perturbés par la présence d’espèces végétales exotiques envahissantes. Diverses graminées exotiques (p. ex. dactyle pelotonné [Dactylis glomerata], houlque laineuse [Holcus lanatus], brome stérile [Bromus sterilis], flouve odorante [Anthoxanthum odoratum], crételle hérissée [Cynosurus echinatus] et ivraie vivace [Lolium perenne]) dominent le parterre herbacé dans la plupart des sites, et les arbustes introduits forment la composante principale du sous-étage à plusieurs endroits. Bien qu’elles soient plus intrusives dans les milieux où le sol a été perturbé, les espèces non indigènes envahissent également les sites relativement peu perturbés. Le genêt à balais est l’espèce arbustive exotique la plus répandue, et elle représente une des menaces les plus pernicieuses pour le C. tumulicola et son habitat. Introduit dans la région comme plante ornementale en 1850, il est depuis devenu une composante dominante de la communauté végétale de l’est de l’île de Vancouver. Dans de nombreux endroits, cette légumineuse arbustive forme des peuplements monospécifiques et élimine complètement la végétation indigène (Roemer,1972; Fuchs, 2001). Espèce fixatrice d’azote, le genêt à balais contribue à l’enrichissement des sols en azote et, de ce fait, accroît l’apport de cette ressource à l’écosystème (Parker et Haubensak, 2004). Il génère également de grandes quantités de combustible ligneux qui peuvent alimenter des incendies de grande intensité et ainsi altérer le régime de perturbation naturelle. L’ajonc d’Europe (Ulex europaeus) est une autre espèce arbustive fréquemment associée qui présente un cycle vital similaire et qui semble potentiellement aussi nuisible. Les espèces arbustives introduites suivantes représentent également une menace pour le Carex tumulicola à plusieurs sites : aubépine monogyne (Crataegus monogyna), ronce discolore (Rubus discolor), lierre commun (Hedera helix), daphné lauréole (Daphne laureola).

Comme les populations de Carex tumulicola font l’objet d’un suivi depuis seulement quelques années sur l’île de Vancouver, il est difficile d’évaluer quantitativement l’effet des espèces exotiques envahissantes sur la répartition de l’espèce et la dynamique de ses populations. Le fait que le C. tumulicola soit encore présent dans des milieux fortement colonisés et dominés par ces espèces envahissantes, parfois même directement sous le couvert d’espèces arbustives envahissantes, donne à croire qu’il peut, une fois établi, tolérer dans une certaine mesure la compétition exercée par ces espèces. Toutefois, les très faibles nombres de ramets observés dans la plupart des sites semblent indiquer que le recrutement est rare, voire nul. Bon nombre de ces petites colonies sont probablement relictuelles et sont vouées à disparaître à la mort des sujets établis.

Population nº 1

Vestige d’un complexe de chênaies de Garry, de prés et de mares printanières, le parc municipal qui abrite cette population est situé dans un quartier résidentiel, à quelques kilomètres du centre-ville de Victoria. LeCarex tumulicola s’y rencontre principalement dans des microsites mésiques de l’écotone dont la végétation est dominée par une espèce arbustive, la symphorine blanche (Symphoricarpos albus). Cet écotone sépare les prés humides qui se trouvent au milieu du parc des terres boisées avoisinantes, situées en terrain plus élevé. L’aubépine monogyne (qui à bien des endroits forme des peuplements monospécifiques denses), le genêt à balais, l’ajonc d’Europe, le daphné lauréole et la ronce discolore sont des éléments floristiques importants de cette zone (Collier et al., 2004). Le frêne commun (Fraxinus excelsior), espèce arborescente exotique introduite, domine dans une section de 0,5 ha du parc située à proximité du pré central, où se trouvent la majorité des individus de C. tumulicola. Cette espèce introduite y est représentée par plusieurs sujets produisant des graines d’environ 70 ans et des centaines de gaules établies dans les prés avoisinants, jusqu’à 150 mètres des individus matures vers l’est et l’ouest. Ces gaules devraient commencer à produire des graines dans les 15 prochaines années (Collier et al., 2004). Les semis de frêne, qui s’établissent habituellement sous un couvert herbacée-graminéen d’au moins 80 p. 100 et sous un couvert arbustif de moins de 10 p. 100, peuvent atteindre des densités de 5 à 25 semis/. Si rien n’est fait pour freiner sa prolifération, cette espèce continuera probablement d’envahir les secteurs avoisinants et compétitionnera avec les espèces indigènes pour l’eau, les éléments nutritifs et la lumière (Collier et al., 2004).

Diverses herbes non graminéennes comme l’ail des vignes (Allium vineale) et graminées vivaces introduites comme le dactyle pelotonné, la flouve odorante, le pâturin des prés (Poa pratensis), la houlque laineuse, l’ivraie vivace, l’agrostide stolonifère (Agrostis stolonifera) et la crételle hérissée sont au nombre des espèces ligneuses agressives qui se sont établies dans les sites occupés par le Carex tumulicola. Ces graminées livrent une compétition agressive pour l’eau et les éléments nutritifs et peuvent former des couches de litière denses qui interceptent la lumière et qui empêchent la régénération des plantes indigènes. Le risque d’incendie de grande intensité s’accroît avec l’accumulation de la litière générée par ces graminées (Garry Oak Ecosystems Recovery Team, 2003). En raison de son système racinaire étendu et de ses besoins importants en azote, le dactyle pelotonné est probablement l’espèce qui menace actuellement le plus la survie du C. tumulicoladans ce parc. Introduite délibérément dans les régions côtières de la Colombie-Britannique pour ses qualités fourragères, cette espèce est encore cultivée pour la production de foin et utilisée en mélange avec d’autres semences de graminées pour stabiliser les éclaircies et les tranchées de route.

Le genêt à balais, l’ajonc d’Europe, le daphné lauréole, l’aubépine monogyne, la ronce discolore, le dactyle pelotonné, la houlque laineuse, la flouve odorante et la crételle hérissée sont considérés comme faisant partie des dix plantes envahissantes les plus dommageables sur l’île de Vancouver, d’après l’ampleur de leur effet sur les chênaies de Garry et les écosystèmes associés, leur résistance aux mesures de lutte ou de gestion dont elles sont l’objet et l’urgence qui est associée à la mise en place de telles mesures (Murray, 2004).

Population nº 2

Cette population est dispersée dans plusieurs habitats différents, dont un vestige de pré à chêne de Garry, un accotement routier perturbé et un peuplement de seconde venue de sapin grandissime (Abies grandis). Le brome stérile (Bromus sterilis), une graminée envahissante, domine dans le microsite qui se trouve dans le pré. Autour, le genêt à balais est extrêmement abondant. Sur l’accotement routier perturbé, le Carex tumulicola doit compétitionner sur les bords d’un fourré à ronce discolore et à symphorine blanche avec le pâturin des prés, le chiendent commun (Elymus repens), l’agrostide blanche (Agrostis gigantea), le dactyle pelotonné et l’ivraie vivace. Les colonies les plus petites semblent toutefois celles qui sont associées au troisième habitat. Les quatre touffes de C. tumulicola y sont réparties sur une bande d’un mètre de largeur, entre un sentier de randonnée pédestre et le sous-étage d’une forêt dominé par le lierre commun, plante grimpante à feuilles persistantes qui infeste aujourd’hui une bonne partie du site. Deux de ces touffes, découvertes seulement en 2004 (tableau 1), étaient déjà en bonne partie envahies par le lierre commun. Introduit en Amérique du Nord comme plante ornementale, le lierre commun a envahi l’île de Vancouver à l’échelle de l’aire de répartition du chêne de Garry et même au-delà. En raison de son port dense et de son feuillage abondant, le lierre commun forme un couvert épais immédiatement au-dessus du sol, privant les autres plantes de la lumière dont elles ont besoin et les étouffant et prévenant la germination de leurs graines. En l’absence de mesures visant à prévenir sa propagation, le lierre anglais peut finir par déloger la plupart des autres espèces du tapis forestier (Garry Oak Ecosystems Recovery Team, 2003). Au site en question, le fauchage périodique de la végétation semble être le seul facteur qui peut empêcher le lierre d’étouffer complètement le C. tumulicola.

Population nº 3

Cette population est constituée d’une seule touffe établie sur le bord d’un sentier de randonnée pédestre et soumise à un fauchage périodique. Le site est partiellement envahi par un peuplement d’aubépine monogyne et de peuplier faux-tremble (Populus tremuloides), une espèce indigène. L’aubépine monogyne est une plante ornementale introduite qui est maintenant largement naturalisée dansles chênaies de Garry et les écosystèmes associés. Envahissant les prairies et y formant des arbustaies denses ou des peuplements arborescents de faible hauteur, elle y altère considérablement la structure verticale et la composition de la communauté végétale. Tel qu’il a été précédemment mentionné, cette espèce est au nombre des dix espèces envahissantes considérées comme les plus dommageables sur l’île de Vancouver, au vu de l’ampleur de son effet sur les écosystèmes du chêne de Garry et les écosystèmes associés (Murray, 2004).

Populations nos 4 à 6

Ces trois populations se trouvent dans des prés perturbés dominés par diverses graminées et herbes non graminéennes envahissantes, dont le pâturin des prés, l’ivraie vivace, l’agrostide blanche et la vesce. Une bonne partie de l’habitat existant du Carex tumulicola est envahi par le genêt à balais ou l’ajonc d’Europe.

Population nº 7

Cette population, constituée d’une seule touffe, se trouve à côté d’une grande aubépine monogyne (A. Ceska, comm. pers., 2004).

Population nº 8

Cette population se trouve dans une petite éclaircie. Le daphné lauréole, une espèce arbustive, domine maintenant le sous-étage adjacent à cette petite éclaircie et semble en voie de l’envahir. Introduction relativement récente en Colombie-Britannique, le daphné lauréole est déjà considéré comme extrêmement nuisible dans les chênaies de Garry et les écosystèmes associés. Il peut déloger les espèces indigènes en formant une strate arbustive là où il n’y en avait pas auparavant. Cette plante au feuillage dense empêche la lumière d’atteindre le sol et élimine ainsi les herbes non graminéennes en place, laissant le sol dénudé. Il semble que le daphné lauréole altère également la chimie et l’acidité du sol et qu’il empêche le rétablissement des espèces indigènes (Garry Oak Ecosystems Recovery Team, 2003). Tel qu’il a été précédemment mentionné, le daphné lauréole fait partie des dix espèces envahissantes considérées comme les plus dommageables sur l’île de Vancouver, au vu de l’ampleur de son effet sur les écosystèmes du chêne de Garry et les écosystèmes associés (Murray, 2004).

Population nº 9

Le site occupé par cette population a récemment fait l’objet de mesures visant à éliminer le genêt à balais, mais ce dernier devrait parvenir à se régénérer. On y trouve également d’autres espèces envahissantes, dont la houlque laineuse, le brome stérile, la crételle hérissée, le brome mou (Bromus hordeaceus) et le dactyle pelotonné. Toutes ces espèces peuvent nuire au Carex tumulicola en lui créant de l’ombre ou en compétitionnant avec lui pour l’eau au cours du printemps, réduisant ainsi l’éventuelle réserve de semences du Carex dans le sol. D’autres sous-populations sont menacées par la ronce laciniée (Rubus laciniatus) ou le chardon vulgaire (Cirsium vulgare).

Population nº 10

Cette population se trouve dans un pâturage abandonné comportant une composante importante de graminées et d’herbes non graminéennes envahissantes.

2. Succession secondaire induite par l’altération des régimes d’incendies

Avant l’arrivée des colons européens sur l’île de Vancouver, les incendies d’origine naturelle ou provoquées par les humains jouaient un rôle important dans le maintien des forêts sèches à douglas et des savanes à chêne de Garry dans la région (Turner et Bell, 1971; Roemer, 1972; MacDougall et al., 2004). L’intervalle de récurrence moyen des incendies dans la zone côtière à douglas est estimé à 100 à 300 ans (Agee, 1993), mais les tribus des Premières nations allumaient souvent des feux de faible intensité pour maintenir de bonnes conditions de chasse et garder les peuplements clairsemés afin de favoriser la croissance de plantes entrant dans leur alimentation de base comme les camassies (Camassia spp.) et d’autres plantes racines (Turner, 1999; Fuchs, 2001). Allumés de façon régulière, ces feux ralentissaient la succession des espèces arbustives indigènes (p. ex. la symphorine blanche, l’amélanchier à feuilles d’aulne [Amelanchier alnifolia], le rosier de Nootka) et des conifères comme le douglas (Pseudotsuga menziesii) tout en assurant la présence continue de sites propices à la germination et à l’établissement de plantes herbacées de pré. Les pratiques de gestion des incendies des Premières nations ont peut-être également joué un rôle important dans le développement et l’enrichissement des sols en permettant la libération soutenue d’éléments nutritifs organiques dans l’horizon supérieur du sol. Au cours des 150 dernières années, la suppression des incendies a permis à diverses espèces arbustives ligneuses et au douglas d’envahir des milieux anciennement dégagés et d’y altérer considérablement la composition et la structure des communautés végétales en place (Fuchs, 2001; Lea, 2002; MacDougall et al., 2004).

Population nº 1

L’application d’une politique agressive de suppression des incendies dans le parc résidentiel a entraîné localement une réduction substantielle de la superficie de l’habitat duCarex tumulicola en favorisant l’envahissement généralisé de cet habitat par le douglas et une augmentation spectaculaire de la couverture des espèces arbustives indigènes envahissantes comme la symphorine blanche, le rosier de Nootka et l’oemléria faux-prunier (Oemleria cerasiformis) (Collier et al., 2004). Même dans les secteurs boisés où le C. tumulicola était peut-être présent dans le passé, la symphorine blanche et diverses espèces d’arbustes exotiques mentionnées précédemment dominent maintenant le sous-étage. La densité du couvert formé par ces espèces limite considérablement la quantité de lumière qui parvient au sol et, par conséquent, la croissance de la strate herbacée. En outre, l’incursion d’arbustes et d’arbres dans les habitats dégagés adjacents pourrait déjà avoir commencé à altérer les régimes hydrologiques et les régimes de lumière en modifiant les régimes d’écoulement des eaux, en augmentant la compétition pour l’eau, en intensifiant l’ombrage et en favorisant l’accumulation de chaume générée par les graminées non indigènes. Si rien n’est fait pour le contrer, ce processus pourrait entraîner l’apparition de boucles de rétroaction susceptibles d’accélérer le taux global de succession secondaire.

Population nº 2

Le parc municipal dans lequelse trouve la sous-population nº 2f, comme celui abritant la population nº 1, est depuis longtemps assujetti à une politique de suppression des incendies. La seule touffe qui se trouve à ce site pousse dans une éclaircie entourée de peuplements denses de symphorine blanche et de rosier de Nootka. L’emplacement abritant la sous-population nº 2a se trouve à la périphérie d’un vestige de pré à chêne de Garry, dans un microsite qui est largement envahi par diverses espèces arbustives, dont la symphorine blanche. Les emplacements abritant les autres sous-populations se trouvent dans un peuplement de seconde venue de douglas et de sapin grandissime (Abies grandis) fortement ombragé qui, avant l’arrivée des colons européens, était probablement plus clairsemé (Lea, 2002). La symphorine blanche, avec le lierre commun d’origine exotique, y domine aujourd’hui le sous-étage.

Populations nos 4 à 6 et 9

Le cap côtier abritant ces populations a été fortement colonisé par des essences forestières et des espèces arbustives depuis l’arrivée des colons européens. Plusieurs colonies de Carex tumulicola y sont entourées d’arbustaies, et de grandes quantités de chaume se sont accumulées dans la plupart des emplacements. On ignore toutefois quel effet cette accumulation aura sur la germination du C. tumulicola et sur la structure du sol, le microclimat et les cycles des éléments nutritifs.

Population nº 8

L’évolution de la végétation à ce site demeure indéterminée. On y trouve actuellement une forêt composée de diverses espèces de conifères, d’arbustes et de chêne de Garry, mais, avant l’arrivée des colons européens, les incendies périodiques contribuaient probablement à y maintenir les peuplements plus ouverts. Au cours d’une tempête de pluie verglaçante survenue durant l’hiver 2004, plusieurs jeunes douglas établis dans une petite clairière abritant la population de Carex tumulicola sont tombés directement sur la colonie (alors en dormance). Cet événement a été découvert par pur hasard, et les arbres ont pu être déplacés avant qu’ils n’infligent des dommages à long terme au site ou aux carex. Cet incident démontre à quel point il est important de surveiller les populations de plantes rares, même lorsque l’habitat de ces plantes n’a pas subi de changements anthropiques manifestes récents.

3. Conversion de l’habitat (développement urbain)

Seulement un des sites actuellement occupés par une population connue de Carex tumulicola, à savoir la population nº 7, près de Nanaimo, semble directement menacé par la conversion de l’habitat. La disparition de cette population constituerait toutefois une perte importante, car celle-ci constitue l’occurrence la plus septentrionale de l’espèce (par environ 100 km) à l’échelle de son aire de répartition mondiale. Si cette population venait à disparaître, la zone d’occurrence de l’espèce au Canada chuterait d’environ 1 700 km² à environ 90 km². Ce site est un pré rocheux situé en terrain surélevé et suintant qui s’étend aux abords de Nanaimo, et il représente l’une des dernières parcelles de terrain non exploitées dans le district régional de Nanaimo. En 2003, un plan préliminaire a été déposé en vue de l’aménagement d’un parc de caravanes sur une section de cette propriété. Cette demande est aujourd’hui expirée, mais le propriétaire de cette propriété pourrait soumettre une nouvelle demande en tout temps (R. Lawrance, comm. pers., 2004). On ignore pour l’instant si ce projet de développement aurait une incidence directe sur la seule colonie existante de C. tumulicola (A. Ceska, comm. pers., 2004). Quoi qu’il en soit, l’expansion résidentielle dans cette région entraînerait inévitablement l’élimination d’un habitat susceptible de contribuer à la survie et au rétablissement de l’espèce.

4. Circulation de véhicules tout terrain (VTT)

Aux sites abritant les populations nos 1 et 7, la circulation de véhicules récréatifs tout terrain a laissé de profondes ornières longues à disparaître dans les mares printanières, les baissières et les prés. Au site nº7, cette activité a également provoqué une importante érosion de la mince couche de terre végétale dans les secteurs pentus situés en terrain plus élevé (Donovan, 2004; C. Thirkill, comm. pers., 2004). En dépit des mesures prises par le propriétaire pour bloquer l’accès au sentier (l’installation de blocs et l’excavation de fossés), les utilisateurs de véhicules récréatifs tout terrain, de 4x4 tout terrain et, dans une moindre mesure, de motocyclettes hors route continuent de circuler régulièrement dans le secteur (C. Thirkill, comm. pers., 2004). En plus d’altérer le régime hydrologique local, la circulation de véhicules hors route a perturbé et compacté le sol, favorisé la propagation d’espèces végétales envahissantes et directement compromis la survie d’au moins une espèce de plante désignée en péril à l’échelle nationale, le lotier à feuilles pennées (Lotus pinnatus), en provoquant l’écrasement d’un certain nombre d’individus (Donovan, 2004). Dans le cas du Carex tumulicola, le comportement négligent d’un seul conducteur de véhicule tout terrain pourrait causer des dommages irréparables à la population existante.

5. Altérations hydrologiques

Les altérations hydrologiques causées par le développement, le déboisement, l’excavation de fossés, le drainage, les travaux de pavage, la circulation de véhicules hors route et l’agriculture peuvent avoir une incidence sur les écosystèmes adjacents en modifiant les caractéristiques de la nappe aquifère, en augmentant le ruissellement annuel ainsi que la fréquence et la durée des inondations et en perturbant les régimes d’écoulement des eaux de surface et des eaux souterraines (Ward et al., 1998).

Population nº 1

Ce site fait l’objet, depuis plus d’un siècle, de travaux de drainage et d’excavation de fossés, et les conséquences pour les communautés végétales du parc sont considérables (Collier et al., 2004). La plupart des premiers travaux de dérivation de l’eau visaient à accroître la qualité des pâturages pour le bétail, mais la construction de réseaux de drainage pour les routes et les propriétés résidentielles adjacentes au parc ont également eu des répercussions permanentes sur le régime hydrologique local (Collier et al., 2004). Une voie de raccordement suburbaine achalandée divise le parc en deux près de son extrémité est. Au cours des années passées, la municipalité a déposé du gravier dans les baissières inondées au printemps afin d’effacer les ornières laissées par les pneus des véhicules d’entretien. Certains résidents de la région ont également demandé d’accroître le nombre de fossés afin de réduire les accumulations d’eau stagnante qui compromettent l’utilisation des sentiers de randonnée pédestre (R. Collier, comm. pers., 2004).

Population nº 3

Cette population est établie en bordure de la tourbière Rithet, vestige d’un milieu humide qui, au cours des 110 dernières années, a été utilisé comme pâturage et qui a fait l’objet de travaux d’excavation de fossés et de drainage à des fins d’exploitation agricole. À une certaine époque, un projet d’aménagement d’un terrain de golf a failli entraîner la disparition de la tourbière. Des travaux de drainage et la suppression des incendies ont permis à certaines espèces arbustives (p. ex. les saules [Salix spp.], cornouiller stolonifère [Cornus stolonifera]) d’envahir la portion centrale du milieu humide et d’y altérer encore davantage son hydrologie. Plus récemment, un projet de développement urbain immédiatement à côté de la tourbière a provoqué des fluctuations de l’apport en eau s’écoulant à travers la tourbière (Golinski, 1996).

La végétation du site occupé par le Carex tumulicola est actuellement dominée par l’aubépine monogyne et le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides), une espèce qui n’est généralement pas associée à l’habitat du C. tumulicola. Il est possible que le C. tumulicola ait déjà été plus largement réparti à ce site, mais qu’il ait été progressivement refoulé par la fermeture du couvert forestier en bordure de la tourbière. La poursuite du processus de succession forestière devrait entraîner la disparition de la majeure partie de l’habitat restant du C. tumulicola. La population actuelle est donc menacée de disparition à court terme, et son rétablissement futur à ce site pourrait être compromis.

Les travaux de remise en état des milieux humides réalisés à la tourbière Rithet ont débuté en 2001, dans le cadre d’un partenariat entre Ducks Unlimited, la Rithet’s Bog Conservation Society, Pêches et Océans Canada et la municipalité de Saanich. À ce jour, toutefois, aucun projet axé spécifiquement sur la gestion du Carex tumulicola dans son habitat d’origine n’a été proposé.

Population nº 7

Cette population se trouve à l’extrémité d’un terrain qui devient suintant au printemps. Tout changement important des régimes d’écoulement des eaux de surface et des eaux souterraines provoqué par un nouveau projet de développement résidentiel ou par l’altération du sol par des véhicules tout terrain pourrait compromettre fortement l’avenir de cette population.

6. Dommages dus au piétinement et au fauchage

Trois populations de Carex tumulicola (populations nos 1, 2 et 3) sont établies en bordure de sentiers de randonnée pédestre passablement achalandés, et les dommages dus au piétinement pourraient compromettre la survie et/ou la croissance de ces populations. La circulation des promeneurs et des chiens est particulièrement intense dans le parc abritant la population nº 1 (Collier et al.. 2004). À cet endroit, les pluies hivernales entraînent la formation de grandes mares au milieu de la plupart des sentiers, et les piétonniers se voient souvent forcés de circuler sur les bords des sentiers, là où se trouve la population de C. tumulicola. En été, bon nombre de ces mêmes sentiers sont fauchés. Des portions des populations nos 2, 3, 4 et 5 sont également soumises à un fauchage. L’effet à long terme de ces perturbations mécaniques sur la dynamique des populations de C. tumulicola demeure à déterminer. Le fauchage a vraisemblablement des effets bénéfiques en réduisant la compétition exercée par les espèces arbustives et les graminées exotiques envahissantes. En revanche, pendant la période normale de floraison et de fructification du C. tumulicola, il limite inévitablement le nombre d’occasions de reproduction pour cette espèce. Il se peut que les populations de Carex tumulicola établies sur l’île de Vancouver, à la limite nord de l’aire de l’espèce, tolèrent moins bien ce type de perturbations démographiques que les populations situées plus au sud.

7. Affaissement des berges

La bande littorale sur laquelle se trouve la sous-population nº 1 s’érode inéluctablement sous l’action des vagues, et certaines sections se sont déjà affaissées. Si rien n’est fait pour freiner ce processus, une bonne partie de la rive, y compris la portion actuellement occupée par le Carex tumulicola, pourrait disparaître au cours des quelques prochaines années, et la sous-population qui s’y trouve serait automatiquement exposée à un risque imminent de disparition.

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