Pic à tête rouge (Melanerpes erythrocephalus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

Le Relevé des oiseaux nicheurs (BBS) de l’Amérique du Nord consiste en un relevé à grande échelle qui permet de surveiller les tendances démographiques des oiseaux en Amérique du Nord (Sauer et al., 2005). Les relevés sont effectués par des ornithologues amateurs bénévoles qui effectuent 50 arrêts, de 3 minutes chacun, séparés par 0,8 km, le long d’un parcours de 39,4 km. À chaque arrêt, tous les oiseaux vus ou entendus dans un rayon de 400 mètres sont inventoriés (Downes et al., 2005). Ce relevé s’est avéré être un moyen relativement efficace pour surveiller les populations de Pics à tête rouge, étant donné que la majorité des parcours sont situés en milieux urbains et aux environs de ceux-ci, où cette espèce est habituellement présente (Sauer et al., 2005). De plus, l’espèce est très bruyante au cours de la période où se déroule le BBS et peut ainsi être facilement détectée pendant les relevés (Cadman et al., 1987; Smith et al., 2000).

Le Recensement des oiseux de Noël (CBC) est le plus important et le plus ancien programme de surveillance des populations d’oiseaux pendant l’hiver en Amérique du Nord (c.-à-d. de 1900 à 2004; Sauer et al., 1996). Chaque année, à la fin décembre, plus de 40 000 bénévoles inventorient toutes les espèces qu’ils rencontrent dans des cercles de 24 km de diamètre situés partout en Amérique du Nord (Sauer et al., 1996). Bien qu’il y ait un résumé des données de 1900 à 2004 (National Audubon Society, 2005), les analyses des tendances existent uniquement pour les années comprises entre 1958 et 1988 (Sauer et al., 1996). Les tendances sont redressées pour les activités de recherche en divisant le nombre d’oiseaux observés par le nombre d’heures consacrées par les observateurs (Sauer et al., 1996). Les données du CBC fournissent une évaluation des changements dans les effectifs des populations hivernantes de cette espèce au fil du temps.

L’Atlas des oiseaux nicheurs de l’Ontario de 1981 à 1985 (Cadman et al., 1987) et le projet du deuxième atlas de 2001 à 2005 sont des sources importantes de données pour estimer les tendances démographiques des Pics à tête rouge dans cette province. La comparaison de l’indice d’abondance (c.-à-d. le nombre de parcelles de 10 km sur 10 km par section de 100 km sur 100 km inventoriée où l’espèce a été observée, divisé par le nombre total de parcelles par section inventoriée) des deux périodes inventoriées fournit les tendances démographiques de l’espèce sur une période de vingt ans. La méthodologie utilisée dans ces travaux s’est avérée efficace pour la surveillance de l’espèce parce qu’elle est facilement identifiable par son chant pendant la saison de reproduction (Smith et al., 2000) et qu’elle est surtout présente dans les zones agricoles de la partie méridionale de la province, partie qui était très bien couverte au cours des relevés des deux atlas (Cadman et al., 1987).

Au Québec, les participants au programme SOS-POP inventorient les oiseaux en péril depuis 1994. Cette base de données est gérée par l’Association québécoise des groupes d’ornithologues et par le Service canadien de la faune (SCF). Les oiseaux en péril sont principalement surveillés par les membres des clubs d’ornithologie du Québec, qui remplissent des feuillets d’observation pour chaque visite afin d’identifier la présence des espèces (F. Shaffer, comm. pers., 2007). 

Le Réseau canadien de surveillance des migrations observe les populations de passereaux migrateurs aux stations de surveillance situées partout au Canada (Environnement Canada, 2004). Les activités principales ayant lieu à ces stations consistent à baguer les oiseaux et à effectuer le suivi visuel des oiseaux migrateurs. Les densités de Pics à tête rouge migrateurs au Canada sont probablement trop faibles pour que la plupart des stations puissent observer efficacement cette espèce. Actuellement, il existe neuf stations de surveillance dans l’aire de reproduction du Pic à tête rouge, dont l’une d’entre elles, l’Observatoire d’oiseaux de Long Point, dispose de données suffisantes pour estimer les tendances saisonnières à long terme (Études d’Oiseaux Canada, 2006).

Abondance

Rich et al. (2004) ont évalué la population nord-américaine de Pics à tête rouge à environ 2,5 millions d’individus reproducteurs (soit 1,3 million de couples reproducteurs). Cette estimation provient des dénombrements liés à l’abondance relative effectués sur les parcours du BBS, lesquels ont alors été convertis en estimations de la population fondées sur une distance de détection de 200 mètres jugée efficace pour le Pic à tête rouge. Il a été présumé qu’en moyenne un individu du couple situé à l’intérieur de la distance de détection était détecté à chaque dénombrement du BBS d’une durée de 3 minutes. Depuis le dernier rapport de situation du Pic à tête rouge, aucun nouveau relevé destiné à déterminer l’abondance de l’espèce au Canada n’a été effectué (Page, 1996). Les estimations de l’abondance dans le présent rapport sont surtout fondées sur les données provenant des estimations des tendances du BBS, ainsi que sur les connaissances des experts provinciaux et sur les résultats de divers travaux réalisés pour l’élaboration d’atlas provinciaux.

D’après les estimations de la population fondées sur le BBS, la population totale du Canada dans les années 1990 comptait environ 10 500 couples nicheurs (P. Blancher, données inédites), présents principalement en Ontario et au Manitoba. Dans l’hypothèse que la population canadienne a connu un déclin de 48 p. 100 depuis 1994, tel que suggéré par les indicateurs de tendance du BBS (voir ci-dessous), la population actuelle de Pics à tête rouge au Canada compterait environ 5 000 couples.

Les données du deuxième Atlas des oiseaux nicheurs de l’Ontario semblent indiquer une population minimale de 500 couples (selon la présence ou l’absence dans les parcelles de 10 km sur 10 km; M. Cadman, comm. pers., 2007) et une population maximale de 1 900 couples en Ontario (fondée sur les extrapolations effectuées à partir des dénombrements ponctuels de l’atlas; P. Blancher, comm. pers., 2007). Au Manitoba, l’estimation minimale de la population est de 200 couples (selon les connaissances des communautés; K. DeSmet, comm. pers., 2007; P. Taylor, comm. pers., 2007) et l’estimation maximale s’élève à 2 700 couples (d’après l’estimation de 5 800 couples faite dans les années 1990 à partir des dénombrements du BBS et la perte d’environ 53 p. 100 depuis lors [indicateurs des tendances du BBS]; P. Blancher, comm. pers., 2007). Le nombre de couples présents au Québec est estimé de 0 à 5 (F. Shaffer, comm. pers., 2005). Ensemble, ces estimations laissent entendre que les effectifs de la population de Pics à tête rouge au Canada pourraient varier d’un minimum de 700 couples, soit 1 400 individus matures, à un maximum de 5 000 couples, soit 10 000 individus.

Les estimations de la densité de cette espèce proviennent surtout des États-Unis. Dans le sud-est de ce pays, la densité de Pics à tête rouge varie de 2,3 couples/40 ha ±0,43 (n = 16) à 24 couples/40 ha (Kilham, 1983; Hamel, 1992 in Smith et al., 2000). Il est intéressant de remarquer qu’en Illinois, 5 couples/40 ha ont été signalés dans des régions qui n’avaient pas été touchées par les fortes épidémies de la maladie hollandaise de l’orme et de 24 couples/40 ha à 63,8 couples/40 ha ont été dénombrés à la suite d’une épidémie dans des régions où la densité en chicots était élevée (Kendeigh, 1982). 

Durant l’hiver, la densité varie de 8,4 individus/40 ha dans les forêts des zones sèches (Graber et Graber, 1979) à 34,2 individus/40 ha dans les forêts matures des plaines inondables (Graber et Graber, 1977 in Smith et al., 2000).

Fluctuations et tendances 

Tendances historiques et qualitatives

Amérique du Nord

Les populations de Pics à tête rouge ont grandement fluctué depuis l’arrivée des premiers colons européens en Amérique du Nord (Smith et al., 2000). L’espèce était abondante au XVIIIe et au XIXe siècles, période pendant laquelle elle profitait du défrichement à grande échelle des forêts de l’est et du centre des États-Unis (Smith et al., 2000). Toutefois, au début du XXe siècle, ces populations ont connu un déclin continu en raison de la disparition des vastes peuplements mûrs dominés par le chêne et le hêtre qui produisaient de grandes quantités de glands et de faines. Bien que les populations de Pics à tête rouge aient augmenté à nouveau entre les années 1950 et 1970 dans l’ensemble de leur aire de répartition après de la mort d’un grand nombre d’ormes et de châtaignier,causée par des maladies fongiques, s (Smith et al., 2000), elles semblent encore avoir diminué depuis les années 1980 (Page, 1996). Selon certains auteurs, ce déclin est attribuable à la coupe systématique des arbres morts pour le bois de chauffage et à l’effondrement naturel des chicots d’ormes atteints de la maladie hollandaise de l’orme dans les zones agricoles (Smith et al., 2000). Dans les milieux urbains, l’élimination des arbres morts et des branches mortes est considérée comme une cause importante de la perte de l’habitat de l’espèce (Smith et al., 2000).

Canada
Québec

Le Pic à tête rouge aurait été plus abondant au Québec pendant le XIXe siècle que durant la fin des années 1970 (Ouellet, 1974). Il semble également avoir été une espèce nicheuse régulière à certains endroits sur l’île de Montréal, comme le mont Royal, où il a niché pendant une longue période (de 1936 à 1968) (Ouellet, 1974). De 1960 à 1996, il fréquentait 29 sites, comparativement à seulement 7 sites, de 1997 à 2004 (SOS-POP, F. Shaffer, comm. pers., 2005). Il n’existe aucun enregistrement de reproduction au Québec pour 2002 ni pour 2003, ce qui laisse croire qu’il n’est maintenant qu’un nicheur sporadique dans cette province (SOS-POP, F. Shaffer, comm. pers., 2005).

Ontario

Même s’il n’existe aucune donnée historique sur le nombre de Pics à tête rouge en Ontario, cette espèce a déjà été considérée comme plus ou moins abondante dans les portions sud de la province (Macoun et Macoun ,1909; Taverner, 1919). L’espèce a cependant commencé à décliner au début des années 1900 et, dans les années 1960, ses effectifs avaient déjà décliné de façon alarmante dans de nombreuses parties de l’aire de répartition où elle était auparavant commune, comme à North Bay, au lac Nipissing, à Kingston et dans le parc national de la Pointe-Pelée (Peck et James, 1983; Page, 1996).

Manitoba

Bien que le Pic à tête rouge ait été considéré comme une espèce rare à peu commune dans les années 1800, ses populations ont augmenté rapidement au début des années 1900, atteignant un sommet dans les années 1960 environ (Manitoba Avian Research Committee, 2003). Au cours des années 1980, les populations de cette province semblaient décliner. Plusieurs populations locales ont disparu (P. Taylor, comm. pers., 2005) et d’autres ont connu un déclin d’au moins 50 p. 100 de leurs effectifs (Page, 1996).

Saskatchewan

Quelques données historiques pourraient servir à déceler une tendance à long terme pour la Saskatchewan. Le Pic à tête rouge aurait cependant été plus abondant avant l’introduction de l’Étourneau sansonnet (Smith, 1996).

Tendances récentes et quantitatives

Relevé des oiseaux nicheurs de l’Amérique du Nord

Selon les données à long terme du BBS sur l’aire de reproduction du Pic à tête rouge en Amérique du Nord, les populations de l’espèce auraient connu un déclin annuel important de 2,6 p. 100 entre 1966 et 2005 (P £0,001; n = 1 311 parcours; Sauer et al., 2005). Cela correspond à un déclin des populations de 66 p. 100 dans l’ensemble de l’Amérique du Nord depuis 1966. Le déclin est plus accentué dans le nord et dans le centre-ouest des États-Unis (figure 3).

Au Canada, les données à long terme du BBS montrent un déclin annuel considérable de l’espèce de 3,4 p. 100 (P < 0,05; n = 69) entre 1968 et 2005, ce qui équivaut à un déclin de la population de 70 p. 100. Les données à court terme du BBS indiquent un déclin annuel peu important de 0,70 p. 100 (P > 0,10; n = 36) entre 1995 et 2005 (figure 4; Downes et al., 2005). À cette vitesse, la population de Pics à tête rouge aurait décliné d’environ 7 p. 100 au cours de la dernière décennie.  

Figure 3. Variation en pourcentage de l’abondance du Pic à tête rouge en Amérique du Nord, selon le Relevé des oiseaux nicheurs (d’après Sauer et al., 2005).

Figure 3. Variation en pourcentage de l’abondance du Pic à tête rouge en Amérique du Nord, selon le Relevé des oiseaux nicheurs (d’après Sauer et al., 2005).
Figure 4. Indice annuel d’abondance du Pic à tête rouge au Canada, entre 1968 et 2005, selon le Relevé des oiseaux nicheurs (d’après Downes et al., 2005).
Figure 4. Indice annuel d’abondance du Pic à tête rouge au Canada, entre 1968 et 2005, selon le Relevé des oiseaux nicheurs (d’après Downes et al., 2005).
Recensement des oiseaux de Noël

Les indices d’abondance du Pic à tête rouge au Canada obtenus à partir des données du Recensement des oiseaux de Noël (CBC) entre 1960 et 2005 indiquent une tendance relativement stable, malgré des fluctuations entre 1960 et le milieu des années 1980, suivie d’une tendance à la baisse (figure 5). Les données du CBC de 1958 à 1988, période pendant laquelle les analyses des tendances ont été effectuées, montrent un déclin annuel de 1,0 p. 100 (taille d’échantillon normal; n = 1 107 individus; Sauer et al., 1996) dans l’ensemble de l’Amérique du Nord et une croissance annuelle de 0,3 p. 100 (taille d’échantillon normal; n = 41 individus; Sauer et al., 1996) en Ontario, la seule province où le nombre de cercles de relevés est suffisant pour déceler une tendance. 

Atlas des oiseaux nicheurs de l’Ontario

En Ontario, le pourcentage de parcelles occupées par le Pic à tête rouge entre les travaux des 2 atlas (c.-à-d. l’atlas de 1980 à 1985 et celui de 2000 à 2005) a diminué de 64 p. 100 (A. Darwin, données inédites), affichant de forts déclins dans la région carolinienne et la région de Simcoe-Rideau, l’aire de reproduction principale dans la province (adaptation des travaux : 47 p. 100 moins de parcelles dans la région carolinienne et 30 p. 100 moins de parcelles dans la région de Simcoe-Rideau; L. Friesen, comm. pers., 2007). Le déclin de l’espèce dans cette province est également visible à partir de la comparaison des indices d’abondance des 2 périodes (c’est-à-dire que le nombre de parcelles inventoriées où l’espèce a été observée a diminué dans 33 des secteurs inventoriés entre les 2 périodes et augmenté dans seulement 3 secteurs; test bilatéral de Wilcoxon pour observations appariées = - 4,5; P £0,001) (C. Savignac, données inédites).

Figure 5. Tendances démographiques du Pic à tête rouge au Canada, de 1961 à 2005, selon le Recensement des oiseaux de Noël (National Audubon Society, 2005).

Figure 5. Tendances démographiques du Pic à tête rouge au Canada, de 1961 à 2005, selon le Recensement des oiseaux de Noël (National Audubon Society, 2005).

Réseau canadien de surveillance des migrations

De 1961 à 2004, les dénombrements de Pics à tête rouge à l’Observatoire d’oiseaux de Long Point indiquaient des déclins annuels importants de 3,4 p. 100 pour les dénombrements printaniers et de 2,1 p. 100 pour les dénombrements automnaux (Études d’Oiseaux Canada, 2006). 

Effet d’une immigration de source externe

Au Canada, le Pic à tête rouge se trouve à la limite septentrionale de son aire de répartition et à la périphérie des populations plus nombreuses des États situés à la frontière américaine; l’immigration d’individus de ces populations est donc possible. Cette hypothèse s’appuie sur le fait qu’il est relativement fréquent d’observer des individus, en automne et en hiver, dans plusieurs provinces canadiennes où l’espèce ne niche pas. Toutefois, l’immigration provenant des États-Unis serait limitée, étant donné que les populations de Pics à tête rouge dans ce pays ont connu un déclin de 2,6 p. 100 par année entre 1966 et 2005 (voir ci-dessus), et que 42,3 p. 100 des États affichent des tendances négatives(Sauer et al., 2005).  

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