Sclérophore givré (Sclerophora peronella) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 4

Répartition

Aire de répartition mondiale

L’aire de répartition mondiale connue du Sclerophora peronella comprend l’Europe (Écosse, Allemagne, Moravie, Danemark, Suède, Finlande, Norvège, France, Autriche, Italie et Estonie), où l’espèce était autrefois considérée comme endémique (Tibell, 1994) ainsi que le Caucase russe (Titov, 1998), les États-Unis et le Canada (figures 2 et figure3).

Figure 2. Aire de répartition du Sclerophora peronellaen Europe.

Figure 2. Aire de répartition du Sclerophora peronellaen Europe.

Figure 3. Aire de répartition du Sclerophora peronella en Amérique du Nord.

Figure 3. Aire de répartition du Sclerophora peronellaen Amérique du Nord.

L’espèce est rare à extrêmement rare dans l’ensemble de son aire de répartition eurasienne. D’après Tibell (comm. pers.), le S. peronella « est rare – et se fait maintenant de plus en plus rare, particulièrement en Europe centrale ». Moins de 20 spécimens ont été récoltés par Eric Peterson et Jouko Rikkinen dans l’ouest de l’Orégon, dans la vallée de la Willamette (figure 5).

Aire de répartition canadienne

Au Canada, le S. peronella n’a été récolté que dans une localité de Colombie-Britannique, en 1991 (Goward et al., 1996), et dans deux localités de Nouvelle-Écosse, en 1998 (Selva, 1999). C’est en vain que S. Selva a récemment essayé de trouver l’espèce à l’Île-du-Prince-Édouard (Selva, 1998a) puis dans le cadre de travaux de terrain menés en 2001.

Compte tenu de la petite taille des apothécies du S. peronella et de l’apparente rareté de l’espèce dans l’ensemble de son aire de répartition mondiale, il n’est pas étonnant qu’elle n’ait été découverte que récemment au Canada. On peut en dire autant de sa découverte récente aux États-Unis et en Russie. Plusieurs des herborisateurs cités dans le présent rapport, par exemple Leif Tibell, Trevor Goward, Steve Selva, Eric Peterson et Jouko Rikkinen, ont participé à de nombreux et intensifs relevés des lichens au Canada et aux États-Unis et sont tous reconnus comme des spécialistes des champignons et lichens calicioïdes. Pourtant, ils n’ont découvert que relativement peu de spécimens de S. peronella. Le milieu privilégié par l’espèce est constitué d’un substrat et d’un microhabitat qui peuvent convenir à la majorité des taxons calicioïdes. En effet, le S. peronella a été récolté sur le duramen (bois de cœur) exposé et/ou l’écorce d’arbres offrant un habitat pour un grand nombre d’espèces calicioïdes. Or, le S. peronella ne peut être identifié avec certitude qu’en laboratoire, après un examen des spores et une exposition du thalle à divers réactifs chimiques. Cependant, le genre est facile à reconnaître sur le terrain, ce qui suffit aux chercheurs pour récolter un spécimen. En outre, tout relevé des lichens calicioïdes en général est suffisant pour confirmer la présence de l’espèce dans une localité, surtout qu’un de ses substrats, le duramen exposé, est facile à reconnaître. En d’autres termes, une recherche plus ciblée n’est pas nécessaire pour obtenir de bonnes données de relevé sur cette espèce.

S. Selva s’est rendu dans plusieurs herbiers en 2001 (voir la section « Collections examinées ») afin de prendre connaissance des spécimens existant et de leur lieu de récolte. Cependant, il n’a trouvé aucun spécimen de l’espèce dans les herbiers régionaux qu’il a visités.

L’apparente rareté du S. peronella en Colombie-Britannique est corroborée par la quantité considérable de données d’absence existant sur cette espèce (annexe 1), car la diversité des calicioïdes fait l’objet de recherches intensives depuis une trentaine d’années dans cette province. En 1972, Leif Tibell (Tibell, 1975) a entrepris une étude exhaustive de la diversité des espèces calicioïdes dans cinq localités du tiers sud de la province, depuis l’île de Vancouver jusqu’au parc national des Glaciers. Quelques années plus tard, Willa Noble a entrepris une étude intensive de la flore lichénique de la zone côtière à douglas du sud-est de l’île de Vancouver. Elle a récolté 5 500 spécimens dans le cadre de cette étude, et 12 espèces calicioïdes étaient représentées (Noble, 1982). En 1967, Irwin Brodo a entrepris une étude de la flore lichénique des îles de la Reine-Charlotte (Haida Gwaii), qui l’a amené à récolter environ 5 000 spécimens dans tous les coins de l’archipel et à relever neuf espèces calicioïdes (Brodo, liste inédite). Les travaux de Brodo ont été poursuivis par Tor Toensberg et Trevor Goward en 2003, mais ceux-ci n’ont trouvé aucune autre espèce calicioïde. En 1995, Steve Selva a récolté environ 500 spécimens de lichens calicioïdes dans la vallée de la Robson, dans le centre-est de la Colombie-Britannique. Enfin, plus récemment, Trevor Goward a entrepris un relevé de la diversité des lichens calicioïdes dans 21 localités de la moitié sud de la province; il a ainsi récolté quelque 6 000 spécimens, dont environ 1 500 étaient des lichens calicioïdes.

Toutes les localités mentionnées ci-dessus sont indiquées sur la carte de la figure 4 (voir également l’annexe 1). Bien que les localités elles-mêmes soient peu étendues, elles assurent ensemble un inventaire assez complet de la diversité des lichens calicioïdes dans la moitié sud de la Colombie-Britannique. De plus, comme ces lichens semblent moins diversifiés vers le nord (Tibell, 1994), il est peu probable que les régions nordiques de la province recèlent d’autres espèces. Par contre, au sud de la province, dans le nord-ouest des États-Unis, Eric Peterson (2000) et Jouko Rikkinen (2003) ont récolté respectivement 1 500 et 2 100 spécimens de lichens calicioïdes, en particulier dans le sud-ouest de l’État de Washington et le nord-ouest de l’Orégon.

Figure 4. Principaux lieux de récolte de lichens calicioïdes en Colombie-Britannique et dans les régions des États-Unis voisines. Les numéros correspondent aux localités énumérées à l’annexe 1. La localité 4 est le seul site connu du Sclerophora peronella en Colombie-Britannique.

Figure 4. Principaux lieux de récolte de lichens calicioïdes en Colombie-Britannique et dans les régions des États-Unis voisines. Les numéros correspondent aux localités énumérées à l’annexe 1.

D’autres travaux visant à trouver des lichens calicioïdes ont été entrepris dans la même région par le Service des forêts du département de l’Agriculture des États-Unis (J. Harpel, comm. pers., 2005; USDA Forest Service, 2003). Dans le cadre de deux études pilotes, les chercheurs ont examiné quelque 750 parcelles (figure 5) en ciblant un ensemble de bryophytes et de lichens intimement associés aux forêts anciennes. Les lichens calicioïdes faisaient partie des espèces ciblées. Bien qu’environ 20 000 spécimens de bryophytes et de lichens aient été récoltés dans le cadre de ce projet, aucun Sclerophora peronella n’a été découvert.

Figure 5. Position des 750 parcelles d’échantillonnage de bryophytes et de lichens visées par les études pilotes menées de 2000 à 2003 par le Bureau of Land Management du département de l’Intérieur des États-Unis. Les lichens calicioïdes faisaient partie des espèces recherchées. Les deux localités marquées d’un « X » sont celles où des spécimens de Sclerophora peronella avaient été récoltés par Eric Peterson en 1997 et en 1998, dans la vallée de la Willamette (spécimens EBP#2746 et EBP#2663).

Figure 5. Position des 750 parcelles d’échantillonnage de bryophytes et de lichens visées par les études pilotes menées de 2000 à 2003 par le Bureau of Land Management du département de l’Intérieur des États-Unis.

Les lichens calicioïdes ont également été recherchés de manière exhaustive et intensive dans le nord-est de l’Amérique du Nord, au cours des deux dernières décennies (figure 6). La grande majorité de ces travaux sont l’œuvre de Steve Selva, qui est ainsi devenu le principal expert nord-américain de la taxinomie et de l’habitat des champignons et lichens calicioïdes. Selva (2003) a effectué des relevés structurés et détaillés, exigeant en général six à huit heures de recherches sur le terrain dans chaque localité, dans 77 peuplements de forêt décidue nordique, de sapin et épinette, de pruche du Canada ou de thuya occidental, répartis entre les provinces Maritimes, le nord de l’État de New York et les États du nord de la Nouvelle-Angleterre. À titre d’indication de l’intensité de ces travaux, mentionnons qu’au moins 12 espèces calicioïdes par peuplement ont été découvertes dans 33 des localités du nord-est étudiées. Les deux peuplements de Nouvelle-Écosse où le S. peronella a été découvert présentaient les plus grandes diversités de lichens calicioïdes (21 et 20 espèces) parmi tous les peuplements de feuillus étudiés dans l’est de l’Amérique du Nord. Plus de 3 000 spécimens de lichens calicioïdes ont été récoltés dans la région par Selva et d’autres lichénologues.

Figure 6. Principaux lieux de récolte de lichens calicioïdes dans l’est du Canada et le nord-est des États-Unis, de 1985 à 2004. Les numéros correspondent aux localités énumérées à l’annexe 2. Les seuls spécimens de Sclerophora peronella de l’est de l’Amérique du Nord ont été récoltés dans les localités 44 et 45, qui sont trop près l’une de l’autre pour être distinguées sur la carte.

Figure 6. Principaux lieux de récolte de lichens calicioïdes dans l’est du Canada et le nord-est des États-Unis, de 1985 à 2004. Les numéros correspondent aux localités énumérées à l’annexe 2

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