Esturgeon jaune (Acipenser fulvescens) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Mise à jour
Rapport de situation du COSEPAC
sur
l’esturgeon jaune
Acipenser fulvescens
au Canada
2006

Information sur l'espèce

Nom et classification

Classe :
Actinoptérygiens
Ordre :
Acipensériformes
Famille :
Acipenséridés
Genre :
Acipenser
Nom scientifique :
Acipenser fulvescens Rafinesque 1817 (Nelson et al., 2004)
Nom commun
 Anglais :
Lake Sturgeon (Nelson et al., 2004)
 Français :
Esturgeon jaune (Nelson et al. , 2004)
Autres noms communs
 Anglais :
Rock, Common, Red, Ruddy, Ohio, Shell-back, Bony, Freshwater, Smooth-back, Rubbernose, Black, Dog Face, Bull-nosed et Great Lakes Sturgeon .
 Français:
Camus pour les adultes; escargot, maillé et charbonnier pour les juvéniles.

Bemis et al. (1997) ainsi que Choudhury et Dick (1998) ont examiné la phylogénie et la biogéographie de la famille des esturgeons (Acipenséridés). La famille compte 24 espèces, dont 5 vivent dans les eaux canadiennes (Scott et Crossman, 1998). De ces 5, 4 sont anadromes (c’est-à-dire qu’elles passent une partie de leur cycle vital dans l’eau douce et l’autre partie en milieu marin) et une, l’esturgeon jaune (figure 1), vit presque exclusivement en eau douce, où elle compte parmi les grandes espèces du Canada (l’esturgeon blanc, Acipenser transmontanus, peut atteindre une plus grande taille, mais certaines populations pourraient être anadromes). Roussow (1955a) a identifié 2 formes ou types morphologiques, soit A. fulvescens acutirostris et A. f. obtusirostris; cependant, les noms de ces sous-espèces ne sont pas valables puisqu’ils avaient déjà été utilisés pour nommer des formes de A. ruthenus Linneaus 1758 et ne sont donc pas disponibles pour nommer d’autres espèces (Eschmeyer, 2005).


Figure 1 : Esturgeon jaune, Acipenser fulvescens, 76 cm; fleuve Saint-Laurent, comté de Leeds, Ontario, les 19 et 20 mai 1968

Figure 1 : Esturgeon jaune, Acipenser fulvescens.

ROM 25887. Utilisation autorisée du dessin d’Anker Odum, tiré de Scott et Crossman (1973).


Description

Les esturgeons, en tant que groupe, ont peu changé par rapport à leur forme ancestrale. Ce sont des poissons cartilagineux, aplatis dans l’axe dorsoventral et démersaux. Les plaques osseuses externes sont évidentes et très proéminentes chez les larves et les juvéniles, mais moins chez les individus de plus grande taille, au fur et à mesure qu’elles s’incrustent dans la paroi corporelle. L’esturgeon jaune a une bouche ventrale, un museau effilé et quatre barbillons pendants servant d’organes sensitifs pour détecter la nourriture (Harkness et Dymond, 1961). Il se caractérise également par une queue hétérocerque et des écailles ganoïdes le long de la nageoire caudale (Scott et Crossman, 1998). En général, l’esturgeon jaune est brun foncé à brun pâle ou gris sur le dos et les flancs, avec un ventre légèrement plus pâle. Certains noms communs anglais fondés sur la coloration de l’animal comportent les couleurs rouge (red), roux (ruddy) ou noir (black). Chez les Aînés autochtones, le nom anglais black sturgeon équivaut souvent au river sturgeon. Les esturgeons jaunes plus âgés prennent généralement une coloration uniformément brune, alors que les individus plus jeunes peuvent porter des taches noires irrégulières sur fond brun. L’espèce est dotée d’une grande vessie natatoire aux parois épaisses, caractéristique qui l’aide à conserver sa flottabilité. Contrairement aux autres poissons, dont la vessie natatoire est développée quelques jours après l’éclosion, la formation de cet organe chez l’esturgeon jaune se prolonge jusqu’au soixantième jour après l’éclosion (T.A. Dick, Département de Zoologie, Université du Manitoba, Winnipeg, Manitoba, données inédites). À l’éclosion, les esturgeons jaunes ont l’extrémité de la tête arrondie et dépourvue de museau et de rostre, et ont une flottaison négative. Le rostre et des dents microscopiques se forment pendant le développement du museau (Dick, 1995).

Le plus grand esturgeon jaune connu a été pris dans la rivière Roseau au Manitoba. Il pesait 185 kg et sa longueur a été estimée à 4,6 m (Waddel, 1970; Stewart et Watkinson, 2004). Le plus vieil esturgeon jaune, pris dans le lac des Bois, en Ontario, était âgé de 154 ans et pesait 94 kg (Mackay, 1963). Aujourd’hui, les plus grands esturgeons jaunes capturés ont généralement un poids inférieur à 40 kg (Scott et Crossman, 1998).


Unités désignables

Les unités désignables de l’esturgeon jaune ont été définies d’après les quatre critères du COSEPAC (2003).


Critère 1) Sous-espèces ou variétés identifiées

Les esturgeons jaunes présentent des variations morphologiques, et certaines variantes de coloration ont été identifiées comme sous-espèces, mais ces sous-espèces ne sont pas considérées comme valables (Scott et Crossman, 1998). Plusieurs noms communs régionaux présupposent d’importantes variations phénotypiques, mais aucune étude scientifique n’a été menée à cet égard. L’observation a confirmé les connaissances traditionnelles des Aînés selon lesquelles les esturgeons noires sont plus communs dans les rivières et les phénotypes blanchâtres sont plus fréquents dans les lacs et les embouchures de rivières (H. Mackay, Aîné, Berens River, Manitoba, comm. pers.). D’après les Aînés, les phénotypes blanchâtres sont rares, et le phénotype blanc l’est encore plus, avec une fréquence d’un individu sur 20 000 (R. Bruch, Wisconsin Department of Natural Resources, Oshkosh, Wisconsin, comm. pers.). Aujourd’hui, ce phénotype est peut-être absent de nombreuses populations canadiennes en raison du déclin démographique, de la fragmentation et de la disparition de populations. Jusqu’à présent, ces rares phénotypes blancs n’ont été trouvés que dans les rivières Pigeon et Winnipeg (Dick, et al., 2003). Les connaissances traditionnelles et locales révèlent clairement que des différences phénotypiques existent depuis longtemps entre les populations des rivières et des grands lacs, mais elles sont probablement attribuables à des différences dans le cycle vital plutôt qu’à l’existence d’une réelle sous-espèce. Par conséquent, il n’existe aucun motif valable pour définir des unités désignables à partir du critère des sous-espèces.


Critère 2) Unités génétiquement distinctes

L’étude de la variation de l’ADN mitochondrial (ADNmt) chez l’esturgeon jaune a révélé une faible diversité d’haplotypes. Guénette et al. (1993) ont découvert 3 haplotypes sur des sites de restriction chez des esturgeons jaunes du Québec. La fréquence des haplotypes n’a pas varié significativement entre les sites du bassin du fleuve Saint-Laurent (fleuve Saint-Laurent, rivière des Outaouais, lac des Deux-Montagnes), ni entre ces sites et la rivière Waswanipi dans le bassin hydrographique de la baie James, peut-être parce que les échantillons étaient trop petits (de 8 à 12 individus par site). Ferguson et al. (1993) ont également découvert 2 haplotypes d’ADNmt dans le bassin de la rivière Moose (bassin hydrographique de la baie James) en Ontario. La fréquence des haplotypes n’a pas varié significativement entre les divers sites d’échantillonnage dans le bassin, soit les rivières Mattagami, Groundhog et Abitibi, mais a varié significativement dans la rivière des Français Nord, ce qui laisse supposer la présence d’une population distincte dans ce tributaire. Ferguson et Duckworth (1997) ont étudié les variations de l’ADNmt selon les mêmes méthodes dans une région beaucoup plus étendue, comprenant le bassin de la rivière Moose et la rivière Waswanipi (bassin hydrographique de la baie James), le cours inférieur de la rivière Nelson et la rivière à la Pluie (bassin hydrographique de la baie d’Hudson) et 10 sites dans le bassin hydrographique des Grands Lacs et du Saint-Laurent, allant de la rivière Sturgeon (lac Supérieur) à la ville de Québec. Encore une fois, 2 haplotypes ont caractérisé la grande majorité des échantillons; les populations méridionales comptaient presque exclusivement l’haplotype 1, alors que les 3 populations septentrionales (rivières Waswanipi, Moose et Nelson) présentaient un mélange des haplotypes 1 et 2. Les auteurs ont avancé que cette distribution des haplotypes découle d’une divergence dans la dispersion des esturgeons à partir de 2 refuges glaciaires, soit celui du Mississippi (haplotype 1) et celui du Missouri (haplotype 2).

L’analyse de la variation des loci microsatellites nucléaires a mis en lumière une diversité beaucoup plus importante au sein des populations d’esturgeons jaunes de même qu’entre celles-ci. Par exemple, l’étude récente des variations dans trois loci de microsatellites a révélé que les populations d’esturgeons jaunes des rivières à la Pluie, Saskatchewan, Nelson et Winnipeg étaient génétiquement distinctes (Robinson et Ferguson, 2001; M. Robinson, Département de Zoologie, Université de Guelph, Guelph, Ontario, comm. pers.). Les trois loci microsatellites présentaient un taux de polymorphisme modérément élevé, soit 7 à 10 allèles par locus et une hétérozygotie moyenne prévue de 0,60 à 0,74 parmi les échantillons d’une population. Des tests de différenciation par paires de populations fondés sur les fréquences géniques et génotypiques, ainsi que des tests de distance génétique (FST) par paires, ont révélé des différences significatives (p < 0,001) entre les systèmes riverains testés, mais non significatives entre les échantillons issus du même système (Robinson et Ferguson, 2001). Les FST estimées entre les paires de systèmes riverains ont varié de 0,016 (entre la rivière Nelson et la rivière Winnipeg) à 0,110 jusqu’à 0,178 (entre le lac des Bois et des sites de la rivière Saskatchewan) (tableau 1).

 

Tableau 1a : Caractéristiques génétiques des loci microsatellites analysés chez des esturgeons jaunes adultes provenant de rivières du Canada
Loci et caractéristiques Populations échantillonnées Totaux
Ontario Manitoba Saskatchewan
Lac des Bois Riv. à la Pluis Riv. Nelson Riv. Winnipeg Riv. Sask. Pas Riv. Torch Rap. Bigstone C. Angling La Fourche
AFU 68 - NPoisson 25 40 50 50 33 14 24 46 40 322
AFU 68 - NAllèles 4 6 5 5 4 4 6 5 5  
AFU 68 - Fourchette de dimensions (bp) 115-135 115-135 115-139 111-135 115-135 115-135 111-135 111-135 111-135 111-139
AFU 68 - HObs 0,1600 0,1429 0,3800 0,5000 0,6061 0,4286 0,6538 0,5200 0,5750  
AFU 68 - HEsp 0,3224 0,3176 0,5012 0,4800 0,6979 0,7064 0,6677 0,5800 0,7423  
AFU 68b - NPoisson 25 42 50 50 33 14 26 50 40 330
AFU 68b - NAllèles 6 7 7 8 7 5 7 8 6  
AFU 68b - Fourchette de dimensions (bp) 168-196 168-196 160-202 160-202 160-202 160-188 160-192 160-202 160-192 160-202
AFU 68b - HObs 0,7600 0,6667 0,8000 0,8000 0,6061 0,5000 0,5769 0,6600 0,5500  
AFU 68b - HEsp 0,7168 0,7443 0,7470 0,7762 0,7048 0,5293 0,5104 0,6074 0,5538  
SPL 120 - NPoisson 25 42 50 50 33 14 26 50 40 330
SPL 120 - NAllèles 7 6 8 6 5 5 5 5 5  
SPL 120 - Fourchette de dimensions (bp) 252-288 252-284 248-288 252-284 252-284 252-284 252-284 252-284 252-284 248-288
SPL 120 - HObs 0,8800 0,6667 0,8000 0,8000 0,8788 0,7857 0,8077 0,8200 0,6250  
SPL 120 - HEsp 0,7884 0,7236 0,7946 0,7412 0,7897 0,7007 0,7700 0,7900 0,7355  
Médiane - HObs 0,6000 0,4921 0,6600 0,7000 0,6970 0,5714 0,6795 0,6667 0,5833  
Médiane - HEsp 0,6092 0,5952 0,6809 0,6658 0,7308 0,6455 0,6494 0,6591 0,6787  

Les populations sont hydrographique de la rivière Saskatchewan. NPoisson représente le nombre d’individus analysés par locus et par population. HObs et HEsp représentent les fréquences d’hétérozygotes observées et espérées. Classées par province; tous les sites de la Saskatchewan se trouvent dans le système (tiré de Robinson et Ferguson [2001], reproduit avec autorisation).

 

Tableau 1b : F ST par paires de populations d’esturgeons
  RW SC FS SP RB LB RP
RN 0,0163* 0,0200* 0,0572* 0,0285* 0,0591* 0,0423* 0,0171*
RW - 0,0461* 0,0974* 0,0499* 0,0958* 0,0624* 0,0397*
SC - - 0,0146 0,0030 0,0081 0,1096* 0,0660*
FS - - - 0,0097 0,0004 0,1630* 0,1176*
SP - - - - 0,0064 0,1066* 0,0821*
RB - - - - - 0,1780* 0,1353*
LB - - - - - - 0,0062

Les codes des échantillons correspondent aux populations suivantes : RN = rivière Nelson, MB, UD3; RW = rivière Winnipeg, MB, UD5; SC = rivière Saskatchewan, Centre Angling, SK, UD2; FS = fourches de la rivière Saskatchewan, SK, UD2; SP = rivière Saskatchewan, The Pas, MB, UD2; RB = rivière Saskatchewan, rapides Bigstone, SK, UD2; LB = lac des Bois, ON, UD6; RP = rivière à la Pluie, ON, UD6 (tiré de Robinson et Ferguson [2001], reproduit avec autorisation).

* = Significatif à Bonferonni (Rice, 1989) ajusté p < 0,001786.

McQuown et al. (2003) ont analysé sept loci microsatellites d’esturgeons jaunes provenant de six sites dans la région du fleuve Saint-Laurent et des Grands Lacs et dans la rivière Mattagami (bassin de la baie d’Hudson). À l’aide de l’analyse factorielle multivariée de la distance génétique de Nei (1972), les auteurs ont identifié trois groupes distincts : 1) Mattagami; 2) Menominee et Wolf (lac Michigan-Wisconsin); 3) Saint-Laurent, des Prairies, Niagara et Érié (Grands Lacs inférieurs).

Welsh et McClain (2004) ont poursuivi les recherches de McQuownet al. (2003) en analysant les mêmes échantillons en plus d’échantillons provenant d’autres sites dans les lacs Supérieur, Huron et Érié, avec un total de 13 marqueurs microsatellites. Cette étude a révélé une structuration élevée des populations d’esturgeons; les individus de la plupart des sites présentaient des différences d’un site de frai à l’autre. Plusieurs grands groupes se dessinent nettement, bien que la parenté de certains groupes varie selon la méthode d’analyse employée. Les populations des rivières à la Pluie et Mattagami (bassin de la baie d’Hudson) semblent se différencier de toutes les populations du Saint-Laurent et des Grands Lacs (FST = 0,13 - 0,25). Les populations d’esturgeons du lac Supérieur semblent hautement diversifiées et subdivisées en trois groupes. Un groupe, celui des rivières Bad et White (sud du lac Supérieur), était relativement différent de toutes les autres populations des Grands Lacs (FST = 0,09 - 0,17). Les populations des trois tributaires du nord du lac Supérieur, soit les rivières Kaministiquia, Black Sturgeon et Pic, forment un groupe distinct lorsqu’on les compare par la méthode d’analyse factorielle de correspondance, mais présentent une faible parenté avec les groupes Mattagami-à la Pluie et Bad-White lorsqu’on les compare à l’aide d’une analyse du « neighbour-joining » (méthode de Saitou et Nei axée sur les liens de voisinage) fondée sur les distances d’accord (chord distances) de Cavalli-Sforza et d’Edwards (voir les figures 2 et 3). Les populations de deux autres rivières trébutaires du lac Supérieur, la Batchawana et la Goulais, forment un groupe avec les populations des autres Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent. À l’intérieur de ce dernier groupe, la différenciation génétique était moins prononcée (FST = 0,01 - 0,08) et non significative dans toutes les comparaisons par paires. En outre, on ne relève aucune relation constante entre la distance génétique et l’éloignement géographique des populations; par exemple, les échantillons du fleuve Saint-Laurent et de la rivière des Prairies (un tributaire du Saint-Laurent) forment un groupe avec ceux des rivières Wolf et Menominee du lac Michigan (figures 2 et 3).


Figure 2 : Arbre UPGMA montrant les groupes génétiquement apparentés d’après le calcul de la distance génétique non biaisée de Nei (1978)

Figure 2 : Arbre UPGMA montrant les groupes génétiquement apparentés d’après le calcul de la distance génétique non biaisée de Nei (1978).

L’échelle du haut représente l’indice de distance génétique. Les chiffres correspondent aux valeurs obtenues par la méthode bootstrap, soit le pourcentage des simulations (sur 1000) où l’embranchement correspondant dans l’arbre a été répliqué. Seules les valeurs bootstrap de plus de 50 p. 100 sont indiquées.


Figure 3 : Arbre phylogénique obtenu par analyse par groupes pairés (neighbour-joining) montrant les groupes génétiquement apparentés, ainsi que les distances d’accord (chord distances) de Cavalli-Sforza et Edwards (1967)

Figure 3 : Arbre phylogénique obtenu par analyse par groupes pairés (neighbour-joining) montrant les groupes génétiquement apparentés, ainsi que les distances d’accord (chord distances) de Cavalli-Sforza et Edwards (1967).

Cet arbre a été généré par une méthode similaire à celle de la figure 2 ci-dessus, avec des différences au niveau des mesures de la distance génétique et des hypothèses employées dans la configuration de l’arbre. Les chiffres correspondent aux valeurs bootstrap, soit le pourcentage des simulations (sur 1000) où l’embranchement correspondant dans l’arbre a été répliqué. Seules les valeurs bootstrap de plus de 50 p. 100 sont indiquées (adapté de Welsh et McLean, 2004).

Les études mentionnées plus haut ont fait usage de différents indicateurs génétiques et échantillonné différentes parties de l’aire de répartition de l’esturgeon jaune. Aucune étude par contre n’a comporté une analyse des esturgeons jaunes de tous les systèmes riverains ou de toutes les parties de l’aire de répartition de l’espèce à l’aide d’un indicateur génétique uniformisé. Des caractères héréditaires comme la morphologie, le cycle vital ou le comportement peuvent être employés pour étayer la définition d’une unité désignable d’après le présent critère. Malheureusement, il n’y a pas assez de recherches appropriées sur l’ensemble de l’aire de répartition de l’esturgeon jaune. Fortin et al. (1993) avancent néanmoins que les populations diffèrent probablement d’un bassin hydrographique à l’autre et que les populations sympatriques des grands bassins sont probablement différenciées elles aussi, hypothèse corroborée par les résultats des études génétiques mentionnées précédemment.

En raison de leur nature fragmentaire, les études génétiques menées à ce jour sur l’esturgeon jaune ne fournissent aucun argument valide à l’appui d’unités désignables au sein même de l’aire de répartition de l’espèce, mais elles laissent tout de même transparaître une généralité importante. Les populations occupant de grands bassins hydrographiques différents semblent toujours génétiquement distinctes les unes des autres. À l’intérieur des bassins, la situation est plus complexe. On relève des indices de populations génétiquement distinctes dans certains bassins (p. ex. rivière Moose, complexe des rivières Saskatchewan, Nelson, Winnipeg et à la Pluie, et lac Supérieur), mais peu ou pas de différenciation dans une région aussi vaste que les Grands Lacs inférieurs et le Saint-Laurent. Par conséquent, les unités désignables pourraient raisonnablement suivre les limites des principaux bassins, en gardant en mémoire que des sous-unités distinctes existent dans au moins une partie d’entre eux et que des analyses génétiques plus poussées pourraient mener à l’identification de nouvelles sous-unités ou à l’élévation de certaines sous-unités au rang d’unité désignable. Le point de vue diamétralement opposé serait d’affirmer que la différenciation de l’espèce sur le plan biologique se limite à une unité, ou tout au plus à deux unités (c.-à-d. l’espèce elle-même dans le premier cas et deux formes possibles issues de deux refuges glaciaires dans le second cas [voir Ferguson et Duckworth, 1997]), même si cette dernière possibilité n’est pas appuyée par des études définitives.


Critère 3) Unités isolées par des discontinuités importantes dans l’aire de répartition

Mis à part l’isolement régional dû à l’existence de bassins hydrographiques distincts, aucune discontinuité n’est apparente dans l’aire de répartition canadienne de l’esturgeon jaune (Scott et Crossman, 1998). Ce critère est donc inutilisable pour définir des unités désignables.


Critère 4) Unités considérées comme distinctes sur le plan biogéographique

On trouve des esturgeons jaunes dans 4des 14 écozones aquatiques (EA) d’eau douce du Canada (COSEPAC, 2003; figure 4), à savoir : EA 3 – sud de la baie d’Hudson et de la baie James, EA 4 – Saskatchewan-Nelson, EA 5 – ouest de la baie d’Hudson, EA 10 – Grands Lacs et haut Saint-Laurent.En fonction de ce seul critère, il existe au moins 4 unités désignables dans l’aire de répartition de l’esturgeon jaune.


Figure 4 : Écozones nationales d’eaux douces du COSEPAC (COSEPAC, 2003)

Figure 4 : Écozones nationales d’eaux douces du COSEPAC (COSEPAC, 2003).

Préparé par N.E. Mandrak, 2003.

Les données génétiques sur l’esturgeon jaune vont dans le sens d’une première séparation des unités désignables suivant le tracé des écozones et d’une subdivision plus fine de certaines unités à l’intérieur de plusieurs écozones. Le principal obstacle à la détermination d’unités désignables à l’intérieur d’une même écozone est le manque d’études appropriées qui comportent des échantillons provenant de sous-bassins distincts à l’intérieur des écozones. Les études disponibles sur le sujet révèlent généralement une hiérarchie de la différenciation à l’intérieur d’un même bassin riverain, les échantillons provenant d’emplacements proximaux présentant moins de différences que ceux provenant d’emplacements distants. Ces données corroborent les conclusions de recherches sur d’autres poissons d’eau douce plus étayées en termes d’échantillonnage et de couverture géographique. Malgré la possibilité de migrations sur de longues distances dans des systèmes riverains dépourvus d’obstacles, il existe probablement une forte structuration des populations d’esturgeons jaunes à l’intérieur de chacune des principales unités désignables indiquées ci-dessous. À la lumière de ce qui précède, huit unités désignables ont été définies (tableau 2, figures 5 et 6), même s’il en existe indubitablement d’autres :

  1. ouest de la baie d’Hudson;
  2. rivière Saskatchewan;
  3. rivière Nelson;
  4. rivière Rouge, rivière Assiniboine et lac Winnipeg;
  5. rivière Winnipeg et rivière English;
  6. lac des Bois et rivière à la Pluie;
  7. sud de la baie d’Hudson et de la baie James;
  8. Grands Lacs et haut Saint-Laurent.

 

Tableau 2 : Structure et composition des unités désignables d’esturgeons jaunes.
Critère de définition de l’écozone de l’UD UD (écozone + génétique)
Nom Composition Nom Composition Numéro de l’UD
A. Ouest de la baie d’Hudson Rivière Churchill et tout cours d’eau connexe du nord-ouest et du nord-est du Manitoba Ouest de la baie d’Hudson Rivière Churchill 1
B. Rivières Saskatchewan/Nelson/ Assiniboine/Rouge/ Churchill/lac Winnipeg Rivières Saskatchewan/Nelson/ Assiniboine/Rouge/Churchill, y compris tous les tributaires du lac Winnipeg et du lac des Bois et tous les tributaires de l’Ontario allant du sud vers le nord-ouest (rivières à la Pluie, Winnipeg, etc.) Rivière Saskatchewan Rivière Saskatchewan en amont du lac Winnipeg; tous les tributaires vers l’ouest jusqu’au centre est de l’Alberta 2
 B. Rivières Saskatchewan/Nelson/ Assiniboine/Rouge/ Churchill/lac Winnipeg Rivières Saskatchewan/Nelson/ Assiniboine/Rouge/Churchill, y compris tous les tributaires du lac Winnipeg et du lac des Bois et tous les tributaires de l’Ontario allant du sud vers le nord-ouest (rivières à la Pluie, Winnipeg, etc.) Rivière Nelson Rivière Nelson en aval du lac Winnipeg et tous les tributaires de la rivière Nelson 3
B. Rivières Saskatchewan/Nelson/ Assiniboine/Rouge/ Churchill/lac Winnipeg Rivières Saskatchewan/Nelson/ Assiniboine/Rouge/Churchill, y compris tous les tributaires du lac Winnipeg et du lac des Bois et tous les tributaires de l’Ontario allant du sud vers le nord-ouest (rivières à la Pluie, Winnipeg, etc.) Rivières Rouge et Assiniboine et lac Winnipeg Lac Winnipeg, rivières Rouge et Assiniboine et tous les tributaires de l’est du lac Winnipeg (sauf la rivière Winnipeg) 4
B. Rivières Saskatchewan/Nelson/ Assiniboine/Rouge/ Churchill/lac Winnipeg Rivières Saskatchewan/Nelson/ Assiniboine/Rouge/Churchill, y compris tous les tributaires du lac Winnipeg et du lac des Bois et tous les tributaires de l’Ontario allant du sud vers le nord-ouest (rivières à la Pluie, Winnipeg, etc.) Rivière Winnipeg - rivière English Rivière Winnipeg en amont jusqu’à Kenora et système des rivières English-Wabigoon 5
B. Rivières Saskatchewan/Nelson/ Assiniboine/Rouge/ Churchill/lac Winnipeg Rivières Saskatchewan/Nelson/ Assiniboine/Rouge/Churchill, y compris tous les tributaires du lac Winnipeg et du lac des Bois et tous les tributaires de l’Ontario allant du sud vers le nord-ouest (rivières à la Pluie, Winnipeg, etc.) Lac des Bois -rivière à la Pluie Toute la rivière à la Pluie et les tributaires du lac des Bois en amont jusqu’à Kenora 6
C. Sud de la baie d’Hudson et baie James Tous les tributaires du nord-ouest du Québec, de l’Ontario et du nord-est du Manitoba se jetant dans les baies d’Hudson et James Sud de la baie d’Hudson et baie James Tous les tributaires du Québec et du nord de l’Ontario se jetant dans les baies d’Hudson et James; rivières Gods et Hayes dans le nord-est du Manitoba 7
D. Grands Lacs/haut Saint-Laurent. Tous les tributaires des Grands Lacs, les Grands Lacs eux-mêmes et le lac Nipigon, ainsi que tous les tributaires du fleuve Saint-Laurent vers l’est. Grands Lacs - haut Saint-Laurent. Tous les tributaires des Grands Lacs, les Grands Lacs eux-mêmes et le fleuve Saint-Laurent 8

 


Figure 5 : Organigramme de prise de décision employé dans la définition des unités désignables (UD) de l’esturgeon jaune (Acipenser fulvescens)

Figure 5 : Organigramme de prise de décision employé dans la définition des unités désignables (UD) de l’esturgeon jaune (Acipenser fulvescens).

La case supérieure énonce les grands critères (A-C) de définition des UD selon la méthode par étapes de Taylor (2005), ainsi que les critères du Manuel des opérations et procédures du COSEPAC. NA = « sans objet » pour la prise de décision (aucune preuve ou aucune donnée disponible). Dans cet organigramme, les UD ont d’abord été déterminées par l’occupation par l’espèce d’écozones d’eaux douces distinctes (critère C), ce qui a permis de distinguer les UD 1, 2-6, 7 et 8. Ensuite, certaines UD (soit les UD 2, 3, 5 et 6) ont été séparées par l’existence d’une différenciation génétique importante au sein d’une écozone. L’UD4 a été considérée comme distincte de l’UD5 à cause de la présence de barrages près de l’endroit où la rivière Winnipeg se jette dans le lac Winnipeg, lesquels sont venus exacerber une séparation historique probable due à des rapides infranchissables – cette hypothèse doit cependant être confirmée par des analyses génétiques.

Remarques : La distinction génétique (critère D) est fondée sur des différences significatives par paires (P < 0,001, 3 loci) dans les fréquences alléliques de microsatellites d’ADN entre les UD 2, 3, 5 et 6. La taille de tous les échantillons à l’intérieur des UD est d’au moins 50 (Robinson et Ferguson, 2001). On trouvera plus de détails dans le présent rapport.


Figure 6 : Unités désignables employées dans le présent rapport

Figure 6 : Unités désignables employées dans le présent rapport. Les lignes foncées représentent les divisions entre les écozones employées par le COSEPAC.

Les lignes foncées représentent les divisions entre les écozones employées par le COSEPAC. Les lignes pâles représentent la subdivision des écozones en unités désignables, d’après les analyses génétiques disponibles. UD1 – ouest de la baie d’Hudson; UD2 – rivière Saskatchewan; UD3 – rivière Nelson; UD4 – rivières Rouge et Assiniboine et lac Winnipeg; UD5 – rivières Winnipeg et English; UD6 – lac des Bois et rivière à la Pluie; UD7 – sud de la baie d’Hudson et de la baie James; UD8 – Grands Lacs et haut Saint-Laurent.

Ces unités sont décrites comme suit.


UD1 – Ouest de la baie d’Hudson

En raison de leur occurrence dans l’écozone de l’ouest de la baie d’Hudson (critère 4, écozone aquatique 5 du COSEPAC), les esturgeons jaunes du système de la rivière Churchill dans le nord du Manitoba et de la Saskatchewan (figure 7) sont considérés comme une unité désignable distincte (UD1).


Figure 7 : Occurrences de l’esturgeon jaune en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba mentionnés dans le document

Figure 7. Occurrences de l’esturgeon jaune en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba mentionnés dans le document.

1. Rivière Saskatchewan-Sud; 2. Rivière Saskatchewan-Nord; 3. Fourches de la Saskatchewan; 4. Cumberland House, rivière Saskatchewan; 5. Baie Sandy, haute rivière Churchill; 6. Basse rivière Churchill; 7. Landing River, rivière Nelson; 8. Lac Sipiwesk, rivière Nelson; 9. Rivière Hayes; 10. Rivière Gods; 11. The Pas, rivière Saskatchewan; 12. Lac Winnipeg; 13. Rivière Poplar; 14. Rivière Berens; 15. Rivière Pigeon (lac Round); 16. Rivière Bloodvein; 17. Brandon, Manitoba; 18. Rivière Assiniboine; 19. Rivière Rouge; 20. Rivière Winnipeg. 8 mm ≈ 100 km.


UD2 – Rivière Saskatchewan

Les esturgeons occupant l’écozone Saskatchewan-Nelson constituent une unité distincte (critère 4, écozone aquatique 4 du COSEPAC); cependant, les analyses génétiques disponibles (Robinson et Ferguson, 2001) indiquent que les individus de la rivière Saskatchewan, en amont du barrage de Grand Rapids au lac Winnipeg (figure 7), représentent une population distincte (critère 2) qui englobe tous les tributaires immédiats de ce système dans l’ouest du Manitoba, le centre de la Saskatchewan et le centre-est de l’Alberta.


UD3 – Rivière Nelson

Les esturgeons de la rivière Nelson, en aval du lac Winnipeg jusqu’à la baie d’Hudson, constituent un groupe génétiquement distinct (Robinson et Ferguson, 2001) englobant tous les tributaires immédiats de ce système (figure 7) dans le nord-est du Manitoba (critère 2). Des études de télémétrie menées dans la rivière Nelson par Manitoba Hydro de 1986 à 1992 ont démontré que les esturgeons jaunes de la rivière sont assez sédentaires, leurs déplacements se limitant aux allers-retours entre les habitats de frai et d’alimentation (MacDonell, 1992).


UD4 – Rivière Rouge, rivière Assiniboine et lac Winnipeg

Même si les études génétiques menées jusqu’à présent (Robinson et Ferguson, 2001; Robinson, comm. pers.) n’ont pas comporté d’analyses d’échantillons provenant du centre-sud du Manitoba (principalement en raison de l’absence de populations existantes), les esturgeons jaunes du lac Winnipeg, y compris ses tributaires comme les rivières Bloodvein, Pigeon, Poplar et Berens (l’espèce n’a jamais été signalée dans les lacs Winnipegosis et Manitoba) et des rivières Rouge, Assiniboine et Roseau (figure 7), constituent ou constituaient probablement une unité désignable distincte de l’UD3, quoique la population de cette grande région diversifiée soit probablement structurée encore davantage, par exemple entre les formes lacustres et riveraines, dans la mesure où celles-ci se distinguent par leur cycle vital. La majorité de la grande population reproductrice autrefois associée à des secteurs distincts de cette région (p. ex. rivières Assiniboine, Rouge et Roseau) a disparu, et les récentes tentatives d’ensemencement et de rétablissement pourraient avoir mélangé des individus provenant de divers sous-bassins. Par conséquent, toute étude de structuration de la population visant à dégager des groupes potentiels dans l’UD4 est probablement irréalisable.


UD5 – Rivière Winnipeg et rivière English

Les esturgeons du système de la rivière Winnipeg dans le sud-est du Manitoba sont génétiquement distincts de ceux des rivières Saskatchewan et Nelson, et constituent donc une unité désignable (UD5). D’autres tributaires du sud et de l’est du lac Winnipeg sont inclus dans l’UD4, mais les esturgeons de la rivière Winnipeg, le plus grand tributaire du lac Winnipeg, étaient historiquement isolés de ceux du lac Winnipeg par les chutes Lower Pine et Great Falls (figures 7 et 8). En outre, une série de barrages (figure 8) ont fragmenté davantage la population, qui se mélange peu depuis près de 100 ans (W. Lysack, Manitoba Conservation, Winnipeg, Manitoba, comm. pers.).La rivière English est également segmentée par une série de rapides, de chutes et de barrages (figure 8).


Figure 8 : Ouvrages de retenue des eaux dans le bassin hydrographique de la rivière Winnipeg (cours inférieur)

Figure 8 : Ouvrages de retenue des eaux dans le bassin hydrographique de la rivière Winnipeg (cours inférieur).
Barrages hydroélectriques :
Pinawa
1906-1951
Pointe du Bois
1911
Great Falls
1923
Seven Sisters et Slave Falls
1931
Pine Falls
1951
McArthur
1954


UD6 – Lac des Bois et rivière à la Pluie

Au-delà de la différence génétique de cette population par rapport à celle de la rivière Winnipeg, les esturgeons du système de la rivière à la Pluie, en Ontario, se distinguent également sur le plan de la biologie, même si les eaux de ce système aboutissent dans la rivière Winnipeg. Les chutes et les barrages sur la rivière Winnipeg (figure 7), surtout le barrage Norman à l’embouchure de la rivière, gênent le passage des esturgeons du lac des Bois et tout déplacement vers l’amont (Martin Erickson, spécialiste de l’habitat des poissons, Gestion des ressources hydriques, division des Pêches, Winnipeg, Manitoba, comm. pers.). Selon McAughey (Scott McAughey, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, Kenora, Ontario, comm. pers.), il est peu vraisemblable que les rapides de Norman, avant la construction du barrage, empêchaient les esturgeons de passer. Cependant, cela était probablement le cas des chutes en aval du système.

Pour ces raisons, les esturgeons du système de la rivière à la Pluie dans le nord-ouest de l’Ontario (figures 7 à 9), y compris ceux occupant le lac des Bois, sont provisoirement inclus dans l’UD6. On ne dispose d’aucune donnée sur la génétique des populations d’esturgeons jaunes en amont de la rivière à la Pluie dans cette unité désignable (lac à la Pluie, rivière Seine, réservoir Namakan, rivière Namakan, lac Little Turtle, lac la Croix, lac Loon, lac Sturgeon, lac Russell, lac Tanner et rivière Maligne).


UD7 – Sud de la baie d’Hudson et de la baie James

L’aire de répartition des esturgeons de l’écozone du sud de la baie d’Hudson et de la baie James est constituée d’un vaste territoire comprenant plusieurs grands systèmes riverains dans le nord-est du Manitoba, le nord de l’Ontario et le nord-ouest du Québec (figure 9), et ces esturgeons sont distincts des ceux du bassin des Grands Lacs. L’UD7 comprend les esturgeons jaunes des rivières Gods et Hayes dans le nord-est du Manitoba, même si, d’après des études de marquage (Barth et MacDonnell, 1999), ces individus se mêlent probablement avec les esturgeons de la rivière Nelson dans l’estuaire que partagent ces cours d’eau. Les populations de ces trois cours d’eau ne sont toutefois pas très abondantes (consulter la section « Taille et tendances des populations » plus bas). Au Québec, la limite orientale de la répartition de l’esturgeon jaune dans ce bassin hydrographique coïncide avec la limite orientale de l’ancienne mer de Tyrell et du lac glaciaire Ojibway-Barlow. Des chutes naturelles et le gradient longitudinal des rivières ont probablement freiné la progression de l’espèce vers l’est au terme de la dernière glaciation.

Même s’il est probable qu’un bon nombre des populations propres à chaque rivière de cette écozone soient génétiquement distinctes les unes des autres, les données à l’appui de cette hypothèse sont rares. Les analyses génétiques menées à ce jour ont plutôt porté sur des échantillons provenant de tributaires d’un même bassin, et les écarts entre ces échantillons n’étaient pas statistiquement significatifs dans la plupart des cas. À défaut de données plus détaillées, tous les esturgeons jaunes de cette écozone sont donc inclus dans l’UD7.


UD8 – Grands Lacs et haut Saint-Laurent

Les esturgeons occupant l’écozone des Grands Lacs et du haut Saint-Laurent sont génétiquement distincts de ceux occupant les bassins du sud de la baie d’Hudson (figure 9), et le sont probablement aussi de ceux occupant les bassins ouest, quoique cette dernière hypothèse n’ait pas été vérifiée expérimentalement. D’après les données disponibles, il y aurait plusieurs unités désignables dans cette écozone. Les esturgeons du lac Supérieur, y compris ceux du lac Nipigon et de tous les bassins connexes, sont généralement distincts des populations des Grands Lacs inférieurs; cependant, deux populations du lac Supérieur (Batchawana et Goulais) forment un groupe avec les populations du lac Huron et des Grands Lacs inférieurs et du fleuve Saint-Laurent. Par conséquent, les populations de l’écozone des Grands Lacs et du haut Saint-Laurent sont considérées comme une seule unité désignable.Des analyses génétiques plus poussées sont requises pour établir, d’un point de vue biologique, la structuration de la population de cete écozone, lesquelles mèneront probablement à l’identification de nouvelles unités désignables.


Figure 9 : Occurrences de l’esturgeon jaune en Ontario et au Québec mentionnées dans le document

Figure 9 : Occurrences de l’esturgeon jaune en Ontario et au Québec mentionnées dans le document.

1. Lac des Bois, rivière à la Pluie; 2. Rivière Kaministiquia; 3. Rivière Nipigon; 4. Baie Nipigon; 5. Rivière Black Sturgeon; 6. Rivière Gravel; 7. Rivière Big Pic; 8. Rivière Michipoten; 9. Rivière Goulais; 10. Lac Sainte-Claire; 11. Lac Érié; 12. Baie Huron; 13. Lac Simcoe; 14. Rivière Trent; 15. Lac Ontario; 16. Rivière Salmon; 17. Fleuve Saint-Laurent; 18. Massena, New York; 19. Lac Saint-François; 20. Lac Saint-Louis; 21. Lac des Deux-Montagnes; 22. Rivière des Outaouais; 23. Rivière Madawaska; 24. Rivière Bonnechère; 25. Lac Nipissing; 26. Témiscamingue; 27. Rivière Missinaibi; 28. Rivières Groundhog et Matagami; 29. Rivière Kénogami; 30. Rivière Cheepash; 31. Rivière Kwatabochegon; 32. Rivière Abitibi et Otter Falls; 33. Rivière des Français-Nord; 34. Rivière Moose; 35. Rivière Harricana; 36. Rivière Waswanipi; 37. Rivière Nottaway; 38. Broadback; 39. Rivière Rupert; 40. Rivière Eastmain; 41. La Grande Rivière, 42. Lac Saint- Pierre. 1 cm ≈ 150 km.

 

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