Tortue luth (Dermochelys coriacea) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 10

PROTECTION ACTUELLE

La tortue luth est en voie de disparition dans le monde (Groombridge, 1982) comme au Canada (Cook, 1981). La Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) la classifie parmi les espèces en danger critique d'extinction. Comme de nombreux autres pays qui abritent des populations nicheuses ou migratrices de tortues luths, le Canada est signataire de cette convention. Cependant, le niveau de protection accordée à cette tortue par la CITES varie, car l'espèce ne figure pas dans l'Annexe I (qui interdit le commerce international) pour tous les pays participants. Par exemple, elle figure à l'Annexe I au Suriname, mais à l'Annexe II en Grande-Bretagne. Outil mis en place pour réglementer le commerce international des espèces sauvages, la CITES ne comporte malheureusement aucune disposition exécutoire ayant un impact direct sur la prise des espèces en voie de disparition ou les mauvais traitements qu'on peut leur infliger dans un pays. La Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage comporte bien quelques dispositions
sur la prise des espèces en voie de disparition, mais le Canada n'en est pas
partie prenante.

Comme la tortue luth est un reptile migrateur qui ne se reproduit pas au Canada, historiquement elle ne relève pas clairement de la compétence des organismes fauniques fédéraux ou provinciaux. Des travaux récents effectués à l'occasion du dépôt de la Loi sur les espèces en péril fédérale (aussi connue comme la LEP ou le Projet de loi C-33) ont déterminé que les tortues marines relevaient de la responsabilité administrative de Pêches et Océans Canada. Lorsqu'elle sera promulguée, la LEP interdira à quiconque de tuer, de blesser, de harceler, de capturer ou de prendre toute espèce en voie de disparition, et de détruire son habitat essentiel. En attendant, ce n'est qu'en vertu des lois provinciales sur les espèces en voie de disparition que la tortue luth est protégée au Canada. Elle ne fait donc actuellement l'objet de mesures de protection juridiques qu'en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick.

Pendant leurs longues migrations, les tortues luths traversent les eaux et les zones de pêche de nombreux pays. Elles ne font cependant l'objet de mesures de conservation que dans une partie de ces régions. Dans plusieurs endroits, les plages de nidification critiques sont protégées à titre de parc national et de réserve
(p. ex. à Sainte-Croix, dans les îles Vierges américaines; au KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud; à Tortuguero, au Costa Rica), et les sites sont patrouillés pour décourager le braconnage des femelles nicheuses et de leurs œufs. Malheureusement, les activités de répression sur la plupart de ces plages n'ont pas réussi à dissuader les braconniers (NMFS, 1992; Troeng, 1998). Plusieurs pays (dont les États-Unis) exigent par ailleurs que l'on utilise des dispositifs d'exclusion des tortues, conçus pour empêcher les tortues de se noyer dans les chaluts de pêche à la crevette (Crowder et al., 1995); le diamètre étroit de ces dispositifs empêche toutefois de remettre en liberté les tortues luths piégées (Dalton, 2000).

Dans plusieurs pays, (p. ex. la Malaisie, le Costa Rica, la Guyane), les œufs de tortues luths sont considérés comme un mets raffiné, voire comme un aphrodisiaque (Lutcavage et al., 1997). Bien que la récolte des œufs sur les plages de nidification soit considérée comme une cause du déclin de la tortue luth, les femelles nicheuses ne sont pas capturées en grand nombre. Cela pourrait s'expliquer par le fait que la chair saturée de graisse de cette tortue est en général jugée désagréable au goût, sinon toxique (après consommation de méduses, la chair du Dermochelys peut en effet contenir des toxines nématoblastes) (Ernst et al., 1994). Malgré ces observations, il existe quand même quelques pêcheries traditionnelles de tortues luths. Par exemple, dans les îles Kai, en Indonésie, la tortue est régulièrement chassée à des fins rituelles et de subsistance (Suarez et Starbird, 1996).

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