Fissident pygmée (Fissidens exilis) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Comme Beever (1999) l’indique, les mousses du genre Fissidens, à l’instar de nombreuses bryophytes, ont besoin de conditions micro-environnementales très précises. Le F. exilis pousse généralement sur un sol humide et dénudé, souvent argileux. On le trouve surtout en terrain boisé, mais des spécimens ont également été récoltés au bord de chemins et dans des plaines inondables, où le sol avait été perturbé (Crum et Anderson, 1981; étiquettes d’herbier). L’espèce peut être associée à des mousses éphémères (à cycle vital extrêmement court), notamment des genres Ephemerum et Micromitrium (Crum et Anderson, 1981), dont on connaît les préférences pour les petites superficies de milieux temporaires.

À Montréal, le F. exilis aurait été récolté dans un sol argileux sous le couvert d’une plantation d’épinettes (Picea) et de mélèzes (Larix), à l’Arboretum Morgan de l’Université McGill. Dans le comté d’Essex, le F. exilis a été découvert en plaine inondable et au bord de rivières, sur de l’argile, en forêt décidue mature de type carolinien (annexe 1). Dans le comté de Kent, l’espèce a été trouvée sur la boue dénudée bordant un sentier, dans une forêt d’érables et de hêtres établie en terrain élevé. Aucune indication d’habitat n’accompagne les spécimens récoltés au parc de la Gatineau et dans les comtés de Waterloo et de Haldimand-Norfolk.

Tendances en matière d’habitat

Les forêts décidues matures de type carolinien, comme celles où ont été découvertes les sites des comtés d’Essex et de Kent, sont de plus en plus rares au Canada, et de nombreuses espèces caroliniennes sont en voie de disparition au Canada. Par contre, comme le F. exilis a été trouvé dans le parc de la Gatineau et l’aurait été dans une plantation de conifères de Montréal et qu’il a été récolté aux États-Unis au bord de chemins et dans d’autres milieux modifiés par les humains, il se peut que cette espèce n’ait pas absolument besoin d’un milieu situé en forêt tempérée mature et que son habitat soit donc plus abondant qu’on ne le croit. La répartition connue de l’espèce (figure 2) semble révéler des contraintes climatiques, et l’espèce pourrait être sensible aux modifications accompagnant le changement à long terme du climat.

Protection et propriété

Les sols argileux dénudés se rencontrent dans de nombreux boisés protégés privés ou publics du sud de l’Ontario et du Québec. Cependant, comme les besoins en matière d’habitat du F. exilis ne sont pas connus en détail, il est probable que seulement une fraction de ces boisés, inconnue, pourrait héberger des populations de l’espèce.

Un des sites du comté d’Essex, celui de la rivière aux Canards, se trouve sur un terrain privé, mais ce dernier est adjacent à une zone de conservation, la Canard Valley Conservation Area (CVCA), où on trouve en abondance de l’argile dénudée. La CVCA figure dans la liste des secteurs du comté d’Essex jugés les plus intéressants, du point de vue botanique, par Varga et Allen (1990). Bien qu’il se soit avéré, après vérification en laboratoire, que les 15 spécimens de bryophytes récoltés par J. Doubt dans la CVCA en 2002 n’étaient pas des F. exilis, des recherches approfondies devraient être menées dans ce secteur. L’autre site du comté d’Essex, celui du ruisseau Cedar, se trouve dans la zone d’intérêt naturel et scientifique du ruisseau Cedar. Cette zone a été acquise récemment par l’organisme The Nature Conservancy (Ron Gould, comm. pers., 2005), qui lui assurera une certaine protection par des mesures d’intendance et par voie de zonage municipal. Selon Eagles et Beechey (1985), il s’agit de la plus importante zone naturelle privée du comté d’Essex, en raison de sa superficie, de son potentiel pour la recherche et l’éducation ainsi que de sa grande valeur esthétique et historique. L’importance nationale et provinciale de la zone d’intérêt naturel et scientifique du ruisseau Cedar est largement reconnue par les autorités locales et provinciales, comme en témoigne le vif intérêt qu’elles manifestent à l’endroit des activités qui s’y déroulent.

Les sites de F. exilis des comtés de Kent et de Haldimand-Norfolk se trouvent sur des terrains administrés par des offices de protection de la nature et sont par le fait même protégés contre certains impacts. La zone où se trouve le site de Sinclair’s Bush, dans le comté de Kent, abrite sept espèces de plantes rares et bénéficie d’une désignation spéciale dans le cadre du Programme de la région carolinienne du Canada. Toutefois, seulement quatre acres de cette zone appartiennent réellement à l’office de protection de la nature (Valerie Towsley, comm. pers., 2002). La municipalité encourage les mesures volontaires de conservation au moyen de programmes incitatifs, mais l’absence de réglementation municipale en matière de coupe de bois et les fortes pressions exercées en faveur du développement ont récemment abouti au déboisement et à l’aménagement de routes dans les parties privées de la zone. Il faut souligner que le F. exilis a été observé le long d’un sentier et que sa persistance pourrait dépendre de perturbations associées au passage des marcheurs. On peut présumer que les populations du parc de la Gatineau et de l’arboretum Morgan (à Montréal) sont protégées; cependant, leur degré de protection ne peut être évalué, puisqu’on ignore leur position exacte et les conditions dans lesquelles elles ont été découvertes. De même, les effets des infrastructures, des travaux d’aménagement et des activités des visiteurs sur les populations ne peuvent être déterminés.

Le secteur dit « Sudden Tract », où se trouve la population de F. exilis du comté de Waterloo, est constitué principalement d’une forêt régionale de propriété municipale (Chris Gosselin, comm. pers., 2003). En 1976, la forêt et certains terrains privés adjacents ont été officiellement désignés comme « secteur écosensible » (Environmentally Sensitive Policy Area no. 52), ce qui leur vaut une protection contre le développement. La valeur exceptionnelle de Sudden Tract pour la conservation d’espèces rares (plantes, oiseaux et salamandres) est bien admise, et on s’emploie à la faire connaître. Les activités humaines telles que la randonnée pédestre ainsi que les mesures d’aménagement visant à préserver les espèces et processus naturels pourraient avoir un effet sur les populations locales de plantes.

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