Bec-croisé des sapins (Percna) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 9

Taille et tendances des populations

Tendances historiques

Bien qu’il n’y ait pas de données quantitatives, le Bec-croisé des sapins était autrefois considéré comme abondant à Terre-Neuve. Au milieu du 19e siècle, Reeks (1869) l’a décrit comme un nicheur hâtif commun sur la côte ouest de Terre-Neuve, dans la partie nord de la région qui est maintenant devenue le parc national du Gros-Morne.

Au tournant du 20e siècle, de nombreux spécimens d’oiseaux chanteurs ont été récoltés dans l’ouest, le centre et l’est de Terre-Neuve (Montevecchi et Tuck, 1987). Il est intéressant de noter que parmi les spécimens récoltés à Terre-Neuve dans les années 1890 et au début du 20e siècle, le nombre de Becs-croisés des sapins dépassait celui des Becs-croisés bifasciés selon un rapport de plus de 2:1 (21:9). Si les collectionneurs n’ont pas donné la préférence au Bec-croisé des sapins par rapport au Bec-croisé bifascié (ils auraient pu le faire étant donné qu’ils ont ciblé des sous-espèces distinctives, mais ils semblent avoir récolté tout ce qu’ils pouvaient) et si le Bec-croisé des sapins n’était pas plus susceptible d’être récolté, alors il est possible que le Bec-croisé des sapins ait été plus commun que le Bec-croisé bifascié à Terre-Neuve au tournant du siècle (WAM, fichiers inédits).

Noble (1919) a écrit qu’en 1915, des bandes de becs-croisés ont été observées en vol au-dessus de la Humber lors de nombreuses soirées. Rooke (1935) a décrit le Bec-croisé bifascié comme étant plus commun que le Bec-croisé des sapins; en outre, d’après Peters et Burleigh (1951), le Bec-croisé des sapins était assez commun à Terre-Neuve en été à l’échelle locale, commun dans la vallée de la Codroy en septembre, mais rare en hiver, avec une répartition erratique et locale.

Le Bec-croisé des sapins était considéré comme étant régulier et similaire en abondance au Bec-croisé bifascié dans l’ouest de Terre-Neuve à la fin des années 1950 et au début des années 1960 (H. Deichmann, mentions inédites). D’après Erskine (1977), il était commun dans les épinettes à Terre-Neuve en 1968. À la fin des années 1960 et dans les années 1970, des nids de Bec-croisé des sapins et des jeunes ayant atteint l’envol ont été observés dans le secteur de St. John’s et ailleurs dans l’est de Terre-Neuve; toutefois, aucun nid n’a été signalé depuis 1977 (WAM, fichiers inédits), mais des juvéniles ont été observés à l’occasion dans ce secteur ces dernières années.

Vers 1975, le Bec-croisé bifascié était considéré comme une espèce plus commune que le Bec-croisé des sapins dans le parc national du Gros-Morne, dans l’ouest de Terre-Neuve (Lamberton, 1976). Dans les listes des oiseaux de Terre-Neuve de 1982 et 1989 (Maunder et Montevecchi, 1982; Mactavish et al., 1989), le Bec-croisé bifascié et le Bec-croisé des sapins sont tous deux inscrits comme étant peu communs (pouvant probablement être observés mensuellement dans une saison et un habitat appropriés et pouvant être communs localement), nicheurs (reproduction connue) et résidents (non migrateurs, ou maintenant une population importante à l’année longue). D’après les listes établies pour 1999 et 2003 (Mactavish et al., 1999, 2003), le Bec-croisé bifascié est commun (pouvant être observé quotidiennement dans une saison et un habitat appropriés), erratique (espèce erratique beaucoup plus abondante certaines années que d’autres), nicheur et résident, tandis que le Bec-croisé des sapins est désigné comme très peu commun (pouvant être trouvé annuellement dans une saison et un habitat appropriés; pouvant être peu commun localement), nicheur et résident.

 

Tendances récentes

Il est difficile d’estimer les populations d’oiseaux chanteurs, et il peut être particulièrement difficile d’évaluer la taille et les fluctuations des populations d’espèces erratiques comme les becs-croisés, parce que ces oiseaux se déplacent souvent en grands groupes comptant des milliers d’individus au-dessus du continent nord-américain (Bock et Lepthien, 1976). La taille des populations peut fluctuer en fonction de la rareté ou de l’abondance périodiques des cônes (Koenig et Knops, 2001; Wren, 2001). Par conséquent, il est essentiel d’analyser les tendances à long terme sur une grande échelle spatiale chez les espèces erratiques comme les becs-croisés, de façon à déceler les profils pluriannuels dans les tendances des populations.

Recensements des oiseaux de Noël

La source de données de longue date la plus régulière sur les tendances des populations de Becs-croisés des sapins à Terre-Neuve est fournie par les Recensements des oiseaux de Noël (RON). La méthode utilisée pour ces recensements consiste à effectuer des dénombrements annuels durant toute une journée, à l’intérieur d’une période de deux semaines à Noël, dans des centaines de cercles séparés mesurant 24,1 km de diamètre et répartis à la grandeur du continent. On compte tous les oiseaux observés dans chaque cercle. Ces dénombrements ont été effectués à onze endroits dans l’île de Terre-Neuve au cours des cinq dernières années (figure 5), mais d’autres dénombrements ont été faits à différents endroits dans l’île depuis le début des RON à Terre-Neuve dans les années 1960. Le nombre total de Becs-croisés des sapins comptés lors de tous les RON de Terre-Neuve est présenté à la figure 6. Ces données sont fournies sous forme brute et aussi normalisée suivant le nombre d’heures-équipes sur le terrain afin de tenir compte de la variabilité de l’effort d’observation (Bock et Root, 1981). [Il convient de noter que chaque année du RON couvre deux années civiles; par exemple, le RON de 1996 correspond au dénombrement effectué pendant une période de deux semaines en décembre 1995 et en janvier 1996. Ce mode de dénomination est utilisée dans tout le présent document.]

Étant donné que le Bec-croisé des sapins est une espèce erratique, il est peu probable qu’il soit observé régulièrement, chaque année, lors des RON, mais la figure 6 semble indiquer qu’il a connu un fort déclin, et au cours de la dernière décennie, il n’a pas été observé en nombres se rapprochant de ceux des années de grande abondance du passé. En ajustant aux données une courbe exponentielle à l’aide d’une régression non linéaire des moindres carrés, on a obtenu un exposant de décroissance qui a servi à calculer le pourcentage annuel de déclin du Bec-croisé des sapins à partir de cette série de données. D’après les résultats de l’analyse, il y a eu un déclin de 99 p. 100 du nombre de Becs-croisés des sapins par heure-équipe pour la période comprise entre 1968 et 2002 (calcul fondé sur l’exposant de décroissance de -0,1369 tiré de la régression) et un pourcentage de déclin décennal de 75 p. 100. Dans cette analyse de la tendance, on a ramené le nombre obtenu par heure-équipe pour l’année aberrante 1980 à la moyenne des valeurs voisines; si l’on inclut cette année dans l’analyse, le pourcentage de déclin est de 98 p. 100 pour l’ensemble de la période et le déclin décennal est de 67 p. 100 (exposant de décroissance = –0,1122).

Figure 5 : Localisation des cercles des Recensements des oiseaux de Noël (RON) menés dans l’île de Terre-Neuve de 1997 à 2002

Figure 5.  Localisation des cercles des Recensements des oiseaux de Noël (RON) menés dans l’île de Terre-Neuve de 1997 à 2002.

Carte du littoral de Terre-Neuve ã2000, gouvernement du Canada, avec la permission de Ressources naturelles Canada (2000). L’information géographique sur les cercles où les RON ont eu lieu a été obtenue de la National Audubon Society (2002).

Les données des RON couvrant les périodes les plus longues à Terre-Neuve proviennent de St. John’s, sur la côte est, et du parc national Terra-Nova, sur la côte nord-est de l’île. Les données des RON du parc national Terra-Nova indiquent un déclin relativement constant chez le Bec-croisé des sapins de la fin des années 1960 à 2003 (figure 7). Les nombres étaient significativement plus élevés de 1968 à 1973 que de 1974 à 1988 (test de Mann-Whitney, U = 3,5; n = 21; P < 0,002; comparaison des périodes 1968-1973 et 1974-1988). On a également observé des fluctuations considérables des nombres de Becs-croisés bifasciés pendant la même période, mais le décompte le plus élevé pour cette espèce a été obtenu en 1996 (figure 7), année extraordinaire pour la production de cônes à Terre-Neuve, pendant laquelle on a observé des grandes bandes de Becs-croisés bifasciés dans toutes les parties de l’île. Le nombre d’observations de Becs-croisés des sapins à Terre-Neuve n’a pas augmenté pendant l’hiver 1995-1996 (WAM, fichiers inédits). Dans d’autres parties de leur aire de répartition, les irruptions du Bec-croisé des sapins et du Bec-croisé bifascié sont en général synchronisées (Bock et Lepthien, 1976), de sorte qu’il ne serait pas déraisonnable de s’attendre à observer normalement un plus grand nombre de Becs-croisés des sapins à Terre-Neuve les années où le nombre de Becs-croisés bifasciés est élevé. Dans les données des RON de St. John’s, on observe une tendance similaire quant au déclin du Bec-croisé des sapins : tout comme au parc national Terra-Nova, l’abondance du Bec-croisé bifascié a été erratique et certains dénombrements récents du RON ont donné des nombres plutôt élevés de Becs-croisés bifasciés par heure-équipe, mais aucun Bec-croisé des sapins.

Figure 6 : Nombre de Becs-croisés des sapins pour tous les RON de Terre-Neuve, de 1967 à 2002

Figure 6.  Nombre de Becs-croisés des sapins pour tous les Recensements des oiseaux de Noël de Terre-Neuve, de 1967 à 2002(données obtenues de la National Audubon Society, 2002).

Données obtenues de la National Audubon Society, 2002).

Comme on possède des indications selon lesquelles le Bec-croisé des sapins de la sous-espèce percna peut être présent dans certains secteurs à l’extérieur de Terre-Neuve, par exemple à l’île d’Anticosti et en Nouvelle-Écosse (mais à une fréquence irrégulière et sans savoir s’il s’y reproduit), il serait peut-être utile d’inclure le nombre de Becs-croisés des sapins signalés dans ces secteurs dans l’analyse des tendances chez cette sous-espèce. Des données provenant de RON sont disponibles pour la Nouvelle-Écosse, mais pas pour l’île d’Anticosti. Les données des RON ne fournissent pas d’information sur les sous-espèces comptées sur le terrain, mais il est possible que certains des Becs-croisés des sapins dénombrés lors des RON en Nouvelle-Écosse appartiennent à la sous-espèce percna (cependant, la simple addition des données provenant des RON de Nouvelle-Écosse donneraient une surestimation des effectifs de percna parce que la majorité des oiseaux signalés appartiennent probablement à d’autres sous-espèces). D’après les données combinées des RON de Terre-Neuve et de Nouvelle-Écosse, le Bec-croisé des sapins est en déclin (figure 8). L’analyse de régression des comptes par heure-équipe exprimés sous forme logarithmique indique un déclin de 90 p. 100 pour la période de 1968 à 2002 (pente de la droite = -0.0281, R2 = 0,4064) et un déclin décennal de 49 p. 100. Dans cette analyse de la tendance, on a ramené le nombre obtenu par heure-équipe pour l’année aberrante 1980 à la moyenne des valeurs voisines; si l’on inclut cette année dans l’analyse, le pourcentage de déclin est de 92 p. 100 pour l’ensemble de la période (pente de la droite = -0,0307, R2 = 0,3642) et le déclin décennal est de 51 p. 100. Comme les données des RON indiquent que le nombre de tous les Becs-croisés des sapins recensés à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse a grandement diminué, la portion inconnue de Becs-croisés des sapins de la sous-espèce percna qui sont comptés avec les autres sous-espèces a probablement diminué aussi.

Les Recensements des oiseaux de Noël (RON) sont les relevés effectués de plus longue date qui fournissent de l’information sur le Bec-croisé des sapins, mais certaines difficultés sont liées à l’analyse des tendances chez une espèce erratique comme le Bec-croisé des sapins à partir de données de recensement éparses (c.-à-d. une journée par année dans une zone géographique restreinte) recueillies par un nombre variable d’observateurs possédant des aptitudes diverses (Dunn et Sauer, 1997). Les données des RON donnent un aperçu ponctuel de l’occurrence des oiseaux au début de l’hiver dans des secteurs géographiques restreints (des cercles de 24,1 km de diamètre prévus). Compte tenu du nomadisme du Bec-croisé des sapins, il est possible que son abondance au cours de l’hiver entier ne soit pas correctement échantillonnée au moyen de la méthode utilisée dans les RON (par exemple, on pourrait compter dans un cercle une grande bande de becs-croisés qui ne serait pas représentative de l’abondance de cette espèce dans une région géographique plus grande, ou encore, ne pas apercevoir de becs-croisés lors d’un recensement alors que l’espèce serait relativement abondante dans des secteurs avoisinants situés hors du cercle délimité). Cependant, on pourrait aussi s’attendre a ce que des grandes bandes d’oiseaux à la recherche de nourriture appartenant à des espèces erratiques faciles à observer comme les becs-croisés soient détectées plus régulièrement que d’autres espèces plus rares et moins faciles à observer. Il est important de garder en mémoire la nature ponctuelle des données lorsque l’on évalue l’abondance des becs-croisés à partir des RON, et de considérer ces données surtout comme une source d’information pour les tendances grossières.

Figure 7 : Nombre de Becs-croisés des sapins et de Becs-croisés bifasciés par heure-équipe pour les RON de St. John’s (1967 à 2003) et du parc national Terra-Nova (1969 à 2003)

Nombre de Becs-croisés des sapins et de Becs-croisés bifasciés par heure-équipe pour les Recensements des oiseaux de Noël de St. John’s (1967 à 2003) et du parc national Terra-Nova (1969 à 2003). Données obtenues de la National Audubon Society, 2002.

Données obtenues de la National Audubon Society, 2002..

Figure 8 : Nombre de Becs-croisés des sapins par heure-équipe pour tous les RON de Terre-Neuve et de Nouvelle-Écosse, normalisé suivant le nombre total d’heures-équipes pour les deux provinces, de 1969 à 2003

Figure 8.  Nombre de Becs-croisés des sapins par heure-équipe pour tous les Recensements des oiseaux de Noël de Terre-Neuve et de Nouvelle-Écosse, normalisé suivant le nombre total d’heures-équipes pour les deux provinces, de 1969 à 2003.

Remarque : le nombre élevé obtenu en 1980 est dû à une seule grande bande d’oiseaux observée au cap St. Mary’s (Terre-Neuve). Données obtenues de la National Audubon Society (2002).

Relevés des oiseaux nicheurs

Des Relevés des oiseaux nicheurs (BBS pour Breeding Bird Surveys) sont effectués chaque année à Terre-Neuve depuis 1973. Le BBS est un système de dénombrement normalisé qui est utilisé en juin et au début de juillet à Terre-Neuve. Des observateurs chevronnés effectuent des relevés en voiture, le long d’une route, sur une distance de 39,4 km, en s’arrêtant tous les 0,8 km pour noter tous les oiseaux qu’ils entendent ou voient dans un rayon de 0,40 km (USGS Patuxent Wildlife Research Center, 2003). On a établi 25 circuits dont le point de départ a été fixé au hasard dans tous les quadrilatères d’un degré de côté où il y a des routes appropriées dans l’île de Terre-Neuve. Dans la province, certains de ces circuits se trouvent dans des secteurs principalement forestiers : par exemple, deux circuits se trouvent dans l’écorégion de l’Ouest de Terre-Neuve, six dans l’écorégion du Centre de Terre-Neuve et trois dans l’écorégion de la Forêt de la péninsule du Nord.

L’analyse des nombres de Becs-croisés des sapins comptés dans tous les circuits du BBS à Terre-Neuve, de 1966 à 2000, indique une abondance relative de 0,4 oiseau par circuit, et une tendance à la baisse de 14,4 p. 100 par année (Sauer et al., 2001). Cependant, cette tendance n’est pas significativement différente d’une tendance de 0 p. 100 par année, étant donné que l’analyse est fondée sur les données recueillies dans quatre circuits seulement, et que les résultats sont très variables (très grand intervalle de confiance à 95 p. 100). Les fichiers du BBS pour Terre-Neuve ne sont donc pas utiles pour l’analyse des tendances à long terme des populations du Bec-croisé des sapins. Cette situation dépend en partie de la présence irrégulière des becs-croisés (des sapins et bifasciés) dans les relevés : le fait qu’on ne peut compter sur la présence régulière de ces espèces à un endroit donné, d’année en année, complique ce type d’analyse des tendances d’une population (Link et Sauer, 1998).

Cependant, les BBS de Terre-Neuve peuvent servir d’indicateurs de l’occurrence du Bec-croisé des sapins et des relations entre son occurrence et l’habitat. Des Becs-croisés des sapins ont été signalés pendant huit années consécutives lors des BBS (1979 à 1986) et depuis, on n’en a aperçus que deux fois, mais le degré de couverture et le temps d’échantillonnage sur les circuits ont été faibles (USGS Patuxent Wildlife Research Center, 2003).

Autres mentions

Le Newfoundland Forest Service effectue des relevés réguliers de la faune en été et au début de l’automne dans divers habitats forestiers à la grandeur de l’île. Au cours de 1 426 relevés effectués de 1996 à 2002, le Bec-croisé des sapins a été observé seulement deux fois (un oiseau aperçu le 16 août 1998 dans un peuplement de sapins baumiers dans le centre de Terre-Neuve, et un autre signalé le 25 juin 2000 dans un autre peuplement de sapins baumiers dans le centre de Terre-Neuve; C. Cohlmeyer, fichiers de données du Newfoundland Forest Service, 2003).

On possède aussi d’autres mentions récentes pour le Bec-croisé des sapins. Par exemple, des ornithologues amateurs de toute la province signalent leurs observations d’oiseaux au groupe de discussion Nf.birds (2003), et le Bec-croisé des sapins est mentionné irrégulièrement, mais pas rarement (figure 9). Il convient de remarquer les observations de Becs-croisés des sapins des mois d’avril et de mai 2002, pendant lesquels on a observé à plusieurs reprises une bande d’au moins 12 oiseaux qui s’alimentaient dans des pins exotiques (P. nigra) plantés sur le campus de l’Université Memorial de Terre-Neuve. Ce fait explique en partie l’augmentation du nombre d’observations de Becs-croisés des sapins signalées au groupe de discussion (car les ornithologues amateurs de Terre-Neuve sont regroupés à St. John’s); la tendance à la hausse pourrait aussi s’expliquer en partie par une augmentation du nombre de participants au groupe de discussion ces derniers mois. Par ailleurs, on signale aussi des Becs-croisés des sapins à l’occasion dans les îles françaises de Saint-Pierre-et-Miquelon (R. Etcheberry, comm. pers., 2003).

Figure 9 : Nombre de Becs-croisés des sapins observés à Terre-Neuve par mois, de 1998 à 2002

Figure 9.  Nombre de Becs-croisés des sapins observés à Terre-Neuve par mois, de 1998 à 2002 (donnés obtenues du Nf.birds Newsgroup, 2003). Les observations de plus d’un oiseau, sans précision sur le nombre, ont été comptées comme 2 oiseaux. Certains individus ont été observés plus d’une fois.

Donnés obtenues du Nf.birds Newsgroup, 2003). Les observations de plus d’un oiseau, sans précision sur le nombre, ont été comptées comme 2 oiseaux. Certains individus ont été observés plus d’une fois.

Des Becs-croisés des sapins ont été aperçus dans un peuplement de pins rouges près de Gambo, dans le centre de Terre-Neuve. En mars 1996, lors d’un relevé effectué dans ce peuplement, on a observé une bande de huit Becs-croisés des sapins en train de se nourrir (Whitaker et al., 1996). Aucun autre Bec-croisé des sapins n’y a été vu de mai à octobre 1996 (Whitaker et al., 1996), mais l’espèce a été la plus abondante de janvier à avril 1997 (Lewis, 1997). Au total, 28 Becs-croisés des sapins ont été comptés pendant ces relevés (chiffre qui comprend une bande de 21 oiseaux en mars). Il est intéressant de noter qu’on a observé les Becs-croisés des sapins dans une partie seulement du secteur visé par le relevé, à un endroit où l’écureuil roux n’était pas très commun (Lewis, 1997).

Dénombrements et détermination des types de Becs-croisés des sapins sur le terrain

Les estimations des tendances des populations de Becs-croisés des sapins de la sous-espèce percna fondées sur des dénombrements effectués sur le terrain sont compliquées par le problème de l’identification des types. À partir des données des RON et des BBS ainsi que d’autres relevés, il n’est généralement pas possible de déterminer avec certitude si les Becs-croisés des sapins observés à Terre-Neuve ou ailleurs appartiennent à la sous-espèce L. c. percna. On ne possède pas de données quantitatives sur le proportion possible des oiseaux de la sous-espèce percna observés sur le continent, ou de ceux des sous-espèces du continent signalés à Terre-Neuve. Il est toutefois intéressant de noter qu’aucun des spécimens de Becs-croisés des sapins recueillis à Terre-Neuve et conservés au Musée canadien de la nature n’appartient à une sous-espèce du continent (M. Gosselin, comm. pers., 2004).

D’après Parchman et Benkman (2002), le « bec-croisé de Terre-Neuve », autrefois abondant, est probablement éteint. Cette opinion se reflète dans les travaux précédents de Benkman (1989; 1993c) et de Pimm (1990), mais aucune preuve ne vient étayer cette affirmation. Benkman (1992a) a déclaré que le Bec-croisé des sapins était encore signalé à Terre-Neuve, mais que dans la plupart des cas, il s’agissait probablement d’autres sous-espèces de becs-croisés venues du continent, qui voyagent apparemment entre l’île et le continent comme les Becs-croisés bifasciés. Il n’y a pas de preuve définitive confirmant que des oiseaux des sous-espèces continentales du Bec-croisé des sapins viennent régulièrement dans l’île de Terre-Neuve (ou qu’ils ne le font pas).

Toutefois, il existe des indications qu’au moins certains des Becs-croisés des sapins observés récemment à Terre-Neuve appartiennent bien au type percna. Un Bec-croisé des sapins recueilli au parc national Terra-Nova en 1997 présente des caractéristiques morphologiques et un plumage similaires à ceux qui sont décrits dans les documents pour le L. c. percna (voir la figure 2). De même, les Becs-croisés des sapins qui ont été largement observés sur le campus de l’Université Memorial en avril 2002 exhibaient le gros bec et le plumage sombre caractéristiques du L. c. percna (voir la figure 1). Malheureusement, la morphologie et le plumage des Becs-croisés des sapins récemment observés ou récoltés ne constituent peut-être pas une preuve indiscutable de la persistance du L. c. percna dans l’île de Terre-Neuve. Actuellement, le caractère le plus fiable pour distinguer les uns des autres les divers types de Becs-croisés des sapins d’Amérique du Nord (Groth, 1993b) et d’Europe (Robb, 2000; Summers et al., 2002; Summers et Piertney, 2003) est le chant. On possède très peu d’enregistrements sonores du Bec-croisé des sapins à Terre-Neuve. La caractérisation du chant effectuée par  Groth (1993b) était fondée sur un seul enregistrement d’un Bec-croisé des sapins entendu à Terre-Neuve par Jay Pitocchelli (Pitocchelli, 1981) et les recherches actuelles n’ont pas permis de trouver d’autres enregistrements pré-existants, ni d’obtenir de nouveaux enregistrements sur le terrain. À l’avenir, lorsqu’on enregistrera des chants d’oiseaux pris au filet ou capturés, il sera important d’établir la correspondance entre le chant et la taille du bec (Summers et Piertney, 2003).

Conclusions

À Terre-Neuve, le Bec-croisé des sapins est passé d’un statut d’oiseau relativement commun, nicheur et résident à l’année au milieu du 20e siècle à celui d’espèce rarement observée de nos jours. Le nomadisme du Bec-croisé des sapins rend difficile l’estimation des effectifs d’une population, mais toutes les preuves disponibles indiquent que les effectifs ont connu un déclin important et continu à Terre-Neuve. Il importe de noter que tous les ensembles de données disponibles sur l’abondance du Bec-croisé des sapins (RON, BBS, relevés forestiers, observations informelles, etc.) vont dans le même sens et comportent globalement de nombreuses absences d’observation. Il ne s’agit donc pas d’une situation où la population paraîtrait faible à cause d’un échantillonnage insuffisant.

L’estimation des effectifs de la sous-espèce percna est extrêmement difficile. On propose une estimation grossière de 500 à 1500 individus, en se fondant sur diverses observations, les Recensements des oiseaux de Noël, les Relevés des oiseaux nicheurs et d’autres relevés qui donnent à penser que l’ordre de grandeur de la population serait entre des centaines et à peine quelques milliers d’individus. Cette estimation comporte beaucoup d’incertitude pour plusieurs raisons : 1) l’effort des observateurs dans toute l’île de Terre-Neuve est relativement dispersé et restreint; 2) on ne possède aucune observation récente de reproduction, de sorte qu’il n’y a pas d’information sur le recrutement dans la population; 3) la vagilité des oiseaux rend fort difficile un échantillonnage précis. Même si l’on tient compte de l’incertitude entourant le nombre d’individus, on peut affirmer que si les effectifs de la sous-espèce percna continuent de décliner, le taxon disparaîtra.

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