Épinoches du lac Paxton programme de rétablissement final : chapitre 3


Contexte

1. Description des espèces

1.1 Biologie générale

Les épinoches à trois épines (Gasterosteus aculeatus) sont de peitits poissons (mesurant généralement de 35 à 55 mm de longueur) qui se trouvent en abondance dans les eaux marines et les eaux douces des régions cotiêres de l'hémisphère nord. En général, le corps de G. aculeatus est aplati sur les côtés, et les individus de la plupart des populations sont couverts d'épines pelviennes et dorsales rétractables ainsi que de plaques latérales calcifiées. Les individus d'eau douce sont plus ou moins couverts d'épines mais en sont habituellement moins pourvus que les individus marins. La couleur du corps varie de l'argenté au brun-vert moucheté. Les mâles à maturité sexuelle ont des gorges rouge vif pendant la saison de l'accouplement, tandis que les mâles de quelques populations d'eau douce deviennent complètement noirs (McPhail, 1969; Reimchen, 1989).

Les épinoches marines sont phénotypiquement semblables dans l'ensemble de leur aire de répartition, tandis que les épinoches d'eau douce présentent des différences sur les plans écologique, comportemental et morphologique. Plusieurs lacs des îles situées dans le bassin de Georgia revêtent un intérêt particulier parce qu'ils contiennent chacun deux espèces distinctes isolées sur le plan de la reproduction (McPhail, 1984, 1992, 1993, 1994; Schluter et McPhail, 1992; Figure 1. Paire d'espèces d'épinoches du lac Paxton; espèce limnétique (en haut) et espèce benthique (en bas). Dessin par Laura Nagel.). Les deux espèces d'épinoches de chaque lac sont appelées « paire d'espèces ».

Dans chaque cas, une des espèces (celle désignée sous le nom « limnétique ») se nourrit principalement de plancton et possède comme caractéristiques morphologiques un corps fusiforme, une bouche étroite et de nombreuses et longues branchicténies, des caractéristiques considérées comme étant des adaptations à un mode de vie axé sur la consommation de plancton (Magnuson et Heitz, 1971; Kliewer, 1970; Sanderson et al., 1991; Schluter et McPhail, 1992, 1993). L'autre espèce (celle désignée sous le nom « benthique ») se nourrit principalement d'invertébrés benthiques dans la zone littorale et possède un corps robuste, une large bouche et des branchicténies courtes et peu nombreuses, des carcactéristiques considérées comme étant avantageuses pour l'alimentation sur le fond (Schluter et McPhail, 1992, 1993). Ce modèle de différenciation morphologique et écologique est semblable dans chacun des lacs (Schluter et McPhail, 1992) : les épinoches limnétiques se ressemblent toutes, et il en est de même pour les épinoches benthiques. Malgré que les épinoches aient une apparence semblable, leur phylogenèse basée sur la génétique moléculaire indique fortement qu'elles ont évolué séparément (Taylor et McPhail, 2000). Ainsi, on devrait considérer les espèces benthiques des différents lacs, tout comme les espèces limnétiques, comme des espèces disctinctes. Ainsi, il y aurait au moins huit espèces distinctes parmi les différentes paires – c'est-à-dire deux espèces pour chacun des quatre réseaux hydrographiques.

Les épinoches limnétiques atteignent rapidement la maturité, habituellement après une année, et vivent rarement plus de deux ans. Elles se caractérisent par un dimorphisme sexuel considérable : les mâles limnétiques reproducteurs tendent à être plus gros en moyenne que les femelles gravides. La grande taille des mâles assure une meilleure protection des nids et défense du territoire (Rowland, 1989). Les femelles limnétiques gravides affichent une fécondité typiquement faible, soit de 30 à 40 œufs environ par ponte, mais elles produisent plusieurs pontes par saison, habituellement à un rythme rapproché s'il y a une grande quantité de nourriture disponible.

Les mâles sont les seuls à s'occuper de la progéniture. Au printemps, ils s'accaparent de territoires dans la région littorale où ils construisent des nids et s'accouplent (parfois avec de nombreuses femelles). Les épinoches limnétiques préfèrent des zones de nidification non couvertes de végétation et à découvert (McPhail, 1994; Hatfield et Schluter, 1996). Elles nichent souvent à moins d'un mètre de profondeur sur des troncs submergés, dans des baies peu profondes au substrat graveleux ou rocheux, ou sur un substrat boueux ferme. Elles préfèrent un habitat de frai non uniformément réparti dans la zone littorale; les mâles se regroupent souvent en masse compacte pour nicher. Bien que leur période d'accouplement survienne au même moment de l'année, les épinoches limnétiques et les épinoches benthiques s'accouplent rarement entre elles (McPhail, 1992).

Les épinoches benthiques diffèrent des épichones limnétiques sur différents points : elles atteignent généralement la maturité plus tard, vivent plus longtemps et s'accouplent moins souvent que les épinoches limnétiques. Elles présentent peu de dimorphisme sexuel, voire aucun. Leur fécondité est généralement plus élevée que celle des épinoches limnétiques, c'est-à-dire de 150 à 250 œufs en moyenne pour une femelle gravide. Les femelles ne produisent habituellement que une ou deux pontes par saison, peu importe la quantité de nourriture disponible. Les épinoches benthiques préfèrent les zones de nidification couvertes d'une dense végétation, habituellement entre des lits de Chara (Hatfield et Schluter 1996), et leurs nids sont à peine visibles. Elles ont tendance à nicher à de plus grandes profondeurs que les épinoches limnétiques, bien qu'habituellement à moins de 2 m. Comme les épinoches limnétiques, les épinoches benthiques préfèrent un habitat de frai non uniformément réparti et se regroupent en masse compacte pour nicher dans leur aire de répartition. Les épinoches benthiques sont semblables aux épinoches limnétiques pour ce qui est de la plupart des aspects liés aux soins de la progéniture et aux stades initiaux de développement.

Figure 1. Paire d'espèces d'épinoches du lac Paxton; espèce limnétique (en haut) et espèce benthique (en bas). Dessin par Laura Nagel.

Figure 1. Paire d'espèces d'épinoches du  lac Paxton; espèce limnétique (en haut) et espèce benthique (en bas). Dessin par Laura Nagel.

Une fois adultes, les épinoches limnétiques et benthiques se nourrissent d'aliments assez différents. Les épinoches limnétiques se nourrissent principalement dans les eaux de surface, loin de la bordure des lacs. Là, elles chassent en bancs éparses les copépodes, les Daphnia et les larves d'insectes. Les mâles ne nourrissent souvent de benthos lorsqu'ils nichent dans la zone littorale. Au stade juvénile, les épinoches limnétiques s'alimentent aux bords des lacs parmi les roseaux et les plantes submergées où elles peuvent se cacher des prédateurs.

Les épinoches benthiques, quant à elles, s'alimentent en eaux peu profondes en bordure des lacs où elles capturent de grosses proies comme des escargots, des palourdes, des nymphes de libellule, des amphipodes et des chironomides. Ces invertébrés se trouvent dans une variété de substrats comme des végétaux, des roches ou des boues. Les épinoches benthiques se nourrissent probablement d'aliments semblables tout au long de leur vie, mais la taille de leurs proies augmente au fur et à mesure de leur croissance.

On en sait très peu sur les régimes alimentaires des deux espèces à leurs stades initiaux de développement.

1.2 Répartition

Historiquement, il y a eu des paires d'espèces d'épinoches dans quatre réseaux hydrographiques du bassin de Georgia, en Colombie-Britannique : deux de ces réseaux se trouvant sur l'île Texada, un sur l'île Lasqueti et un autre sur l'île de Vancouver (Figure 2. Carte du sud-ouest de la Colombie-Britannique indiquant la répartition historique des paires d'espèces d'épinoches par des étoiles rouges (haut : île Texada, milieu : île Lasqueti, bas : île de Vancouver). Des preuves indiquent que les paires d'espèces ont évolué de façon indépendante dans chacun des réseaux hydrographiques, ce qui témoigne de l'existence d'un complexe plurispécifique plutôt que de deux espèces dispersées dans plusieurs réseaux (Taylor et McPhail, 1999). Il existe donc au moins huit espèces distinctes au sein du complexe des paires d'espèces, c'est-à-dire deux dans chacun des quatre bassins hydrographiques. Les épinoches benthiques des différents lacs doivent être considérées comme des espèces distinctes, et il en est de même pour les épinoches limnétiques.

Au cours de la dernière décennie, la paire d'espèces du lac Hadley, sur l'île Lasqueti a été désignée « disparue » (Hatfield, 2001a), et la paire d'espèces du lac Enos, sur l'île de Vancouver, a été amenée à céder la place à une population hybride (Kraak et al., 2001; D. Schluter et E. Taylor, données non publiées). À l'heure actuelle, l'aire de répartition totale se limite donc à deux réseaux au nord de l'île Texada –la paire d'espèces du lac Paxton, dans le réseau hydrographique Paxton, et la paire d'espèces du ruisseau Vananda, dans les lacs Balkwill, Priest et Emily.

La perte des paires des lacs Hadley et Enos représente une réduction de 50 % du bassin démographique des paires d'espèces distinctes, et une réduction de 33 % du nombre de lacs contenant une paire d'espèces. Il se peut que des paires d'espèces restent à découvir ailleurs en Colombie-Britannique, mais cela est peu probable compte tenu de l'exhaustivité des études antérieures (McPhail, 1993). Il se peut aussi que d'autres paires aient existé dans la région mais qu'elles aient disparu avant qu'on ait pu les découvir.

Avant que la paire d'espèces d'épinoches du lac Enos ne soit amenée à céder la place à une population hybride, une population d'épinoches limnétiques du lac Enos a été introduite dans un étang du parc Murdo-Frazer, à North Vancouver, par l'ensemencement d'individus sauvages en 1988 et en 1999 (en vertu d'un permis du secteur des Pêches du ministère de l'Environnement, des Terres et des Parcs de la Colombie-Britannique). Une population viable a été confirmée au printemps 2002 (D. Schluter, données non publiées).

Un programme de reproduction en captivité est en cours à la University of British Columbia (UBC). Ce programme vise le rétablissement d'espèces limnétiques et benthiques « pures » à partir de la population du parc Murdo-Frazer et de la population hybride du lac Enos. La réussite finale de ce programme est incertaine.

Figure 2. Carte du sud-ouest de la Colombie-Britannique indiquant la répartition historique des paires d'espèces d'épinoches par des étoiles rouges (haut : île Texada, milieu : île Lasqueti, bas : île de Vancouver). Ce sont les seuls trois sites où l'on sait que des paires d'espèces d'épinoches ont existé. Au cours de la dernière décennie, la paire d'espèces de l'île Lasqueti a été désignée « disparue », et la paire d'espèces du lac Enos a été amenée à céder la place à une population hybride.

Figure 2. Carte du sud-ouest de la Colombie-Britannique indiquant la répartition historique des paires d'espèces d'épinoches par des étoiles rouges (haut : île Texada, milieu : île Lasqueti, bas : île de Vancouver). Ce sont les seuls trois sites où l'on sait que des paires d'espèces d'épinoches ont existé. Au cours de la dernière décennie, la paire d'espèces de l'île Lasqueti a été désignée « disparue », et la paire d'espèces du lac Enos a été amenée à céder la place à une population hybride.

1.3 Abondance

McPhail (1989) propose que la taille de la population de chacune des espèces du lac Enos était de l'ordre de 100 000 avant que ces espèces ne soient amenées à céder la place à une population hybride. Depuis, Matthews et al. (2000) ont estimé la taille de la population des épinoches benthiques à 22 000 et celle de la population des épinoches limnétiques à 37 000. Ces estimations sont probablement influencées par des facteurs confusionnels résultant de problèmes d'identification des espèces causés par une hybridation substantielle entre les épinoches limnétiques et benthiques qui s'était produite avant la réalisation du relevé. Plus récemment, Nomura (2005) a estimé l'abondance de la paire d'espèces du lac Paxton au moyen de méthodes de marquage et de recapture et d'une version modifiée de l'estimateur de Peterson. Le faible taux de prises des épinoches limnétiques a contribué à la fiabilité relativement faible des estimations relatives à l'abondance des épinoches limnétiques. L'estimation de l'abondance des épinoches benthiques adultes s'établissait à 3 332 individus (2 243 – 5 305, limite de confiance de 95 %), ce qui indique que certaines classes d'âge peuvent être considérablement moins abondantes que nous l'avions précédemment imaginé.

Comme la plupart des lacs contenant une paire d'espèces ont à peu près la même taille, l'estimation de l'abondance faite par McPhail (1989) pour le lac Enos devrait être assez précise pour les autres lacs.

Étant donné qu'aucune surveillance systématique de l'abondance n'a été effectuée dans aucun de ces lacs, les tendances démographiques demeurent inconnues (Hatfield, 2001a, b; Hatfield et Ptolemy, 2001). Cependant, les paires d'espèces d'épinoches des lacs Paxton et Priest ont été intensivement étudiées par les zoologistes de l'University of British Columbia (UBC) au cours des deux dernières décennies (ex. Schluter et McPhail, 1992; McPhail, 1994; Taylor et McPhail, 1999). Pendant tout ce temps, les deux espèces sont restées abondantes et ont été faciles à capturer en grands nombres au moyen de nasses (Hatfield, 2001b; Hatfield et Ptolemy, 2001).

1.4 Rôle écologique

Les paires d'espèces d'épinoches occupent un niveau trophique intermédiaire (Reimchen, 1992). Les épinoches limnétiques utilisent la zone pélagique des lacs pour s'alimenter et peuvent avoir une incidence sur la densité du plancton dans cette zone. Les épinoches benthiques s'alimentent principalement dans la zone littorale et influent sans doute sur la densité des invertébrés littoraux dont elles se nourrissent. Au stade juvénile, les épinoches sont la proie de plusieurs espèces d'invertébrés benthiques carnivores, tandis que les épinoches plus âgées sont capturées par des truites fardées côtières (Oncorhynchus clarkii clarkii), des oiseaux piscivores (ex. hérons [Ardea herodias], des martins-pêcheurs [Megaceryle alcyon] et des huards [Gavia immer]).

1.5 Importance pour la société

L'importance des paires d'espèces d'épinoches est principalement d'ordre esthétique et scientifique. Les paires d'espèces d'épinoche sont généralement considérées comme un trésor scientifique; elles sont aussi importantes d'un point de vue scientifique que les espèces de cichlidés des grands lacs africains et que les pinsons découverts par Darwin sur les îles Galapagos. Cela est principalement dû au fait que ces espèces comptent parmi les plus jeunes qui existent sur terre. L'évolution des nouvelles espèces se fait habituellement sur des millions d'années, mais les scientifiques croient que les paires d'espèces remontent à la fin de la dernière glaciation, il n'y a que 13 000 ans (McPhail, 1994; Schluter et McPhail, 1992). La vitesse avec laquelle ces espèces distinctes ont évolué a intrigué et passionné des scientifiques de partout dans le monde. Ces espèces constituent un remarquable sujet de recherches. Elles nous aideront à comprendre les processus biologiques et physiques responsables de l'incroyable diversité des organismes que nous voyons autour de nous. Les journaux, les magazines et les revues scientifiques ont publié l'histoire de la découverte de ces espèces et fait état des résultats des études scientifiques en cours.


2. Description des besoins des espèces

Un écosystème lacustre sain qui devrait favoriser la prolifération des espèces limnétiques et benthiques comporte : un habitat littoral et un habitat pélagique abondant – la production secondaire de ces principaux types d'habitat étant suffisante pour soutenir des populations de l'ordre de dizaines de milliers d'individus pour chaque espèce – et une communauté de poissons uniquement constituée d'épinoches et de truites fardées. Parmi les caractéristiques environnementales particulières nécessaires au maintien de niveaux de population viables et d'un isolement entre les reproducteurs des espèces limnétiques et benthiques, mentionnons les suivantes : paramètres généraux liés à la qualité de l'eau (oxygène, température, pH et polluants), paramètres particuliers liés à la qualité de l'eau (transmission de la lumière, sels nutritifs), habitat littoral (étendue et productivité) et macrophytes. Les niveaux des lacs et l'étendue des macrophytes devraient être maintenus à l'intérieur des limites naturelles des conditions présentent dans les lacs contenant une paire d'espèces.

2.1 Besoins liés à l'habitat physique

Nos connaissances des besoins liés à l'habitat nous viennent principalement des observations faites aux lacs Paxton et Enos, et on suppose que ces observations valent pour les autres paires d'espèces. Les besoins liés à l'habitat changent tout au long de l'année à chacun de leurs stades de développement. En général, les paires d'espèces d'épinoches fraient dans les zones littorales au printemps, adoptent les zones littorales et pélagiques comme aire de croissance au printemps et en été et, enfin, passent l'hiver en eaux profondes en automne et en hiver. Le cycle biologique des espèces est présenté au Tableau 1; une description détaillée de l'utilisation de l'habitat est présentée ci-après.

Tableau 1. Cycle biologique des paires d’espèces d’épinoches
    Jan. Fév. Mars Avr. Mai Juin Juil. Août Sep. Oct. Nov. Déc.
Espèces Stade 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4
Limné-
tique
Frai                           x x x x x x x x                                                      
Incu-
bation
                            x x x x x x x x                                                    
Stade
juvénile
                              x x x x x x x x x x x x x x x x x x x                            
Stade
adulte
            x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x                            
Hiver-
nage
x x x x x x                                                         x x x x x x x x x x x x x x
Ben-
thique
Frai                     x x x x x x x x                                                            
Incu-
bation
                      x x x x x x x x                                                          
Stade
juvénile
                        x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x                            
Stade
adulte
            x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x x                            
Hiver-
nage
x x x x x x                                                         x x x x x x x x x x x x x x


Habitat de frai

Les paires d'espèces d'épinoches fraient dans la zone littorale peu profonde des lacs (McPhail, 1994). Les mâles construisent leurs nids, qu'ils gardent et défendent, jusqu'à ce que les alevins soient âgés d'une semaine environ. Les nids et leur contenu demeurent vulnérables aux prédateurs de différentes sortes (Foster, 1994). Les épinoches benthiques construisent leurs nids sous le couvert des macrophytes ou d'autres structures, tandis que les épinoches limnétiques tendent à frayer dans des habitats à découvert (McPhail, 1994; Hatfield et Schluter, 1996).

L'étendue de l'habitat de frai disponible pourrait vraisemblablement limiter l'abondance de la population de certains lacs où les zones littorales peu profondes sont rares. Bien que cela soit possible pour les espèces limnétiques ou benthiques comportant de très grands effectifs de reproducteurs, il semble que l'étendue totale de l'habitat de frai disponible en zones littorales soit suffisamment importante dans chaque lac contenant une paire d'espèces, du moins dans les conditions actuelles (Hatfield, 2001a; Hatfield et Ptolemy, 2001).

Un enjeu plus important est la possibilité que des changements de la qualité de l'habitat littoral affectent l'isolement entre les reproducteurs des deux espèces. Des habitats littoraux homogènes peuvent empêchent les épinoches limnétiques et benthiques d'exercer des préférences pour des microhabitats particuliers (Hatfield et Schluter, 1996; Boughman, 2001). Ainsi, la perte de lits de macrophytes peut amener les épinoches limnétiques et benthiques à nicher à proximité immédiate, d'où une augmentation des probabilités d'hybridation entre les deux espèces (Hatfield et Schluter, 1996). Les femelles peuvent avoir de la difficulté à faire une distinction entre les mâles des différentes espèces si elles n'arrivent pas distinguer les habitats de nidification les uns des autres. Les lacs contenant une paire d'espèces présentent naturellement une abondance de macrophytes, ce qui facilite vraisemblablement un accouplement raisonné par l'expression de différences entre les habitats choisis par les mâles.

Habitat de croissance des juvéniles

Dès qu'ils ne sont plus sous la protection des mâles, les alevins limnétiques et benthiques trouvent où se nourrir et où se cacher des prédateurs dans la zone littorale. Les lits de macrophytes constituent à la fois une source de nourriture (invertébrés benthiques associés aux fonds des lacs et aux surfaces couvertes de macrophytes) et une source de protection contre les prédateurs. On ne sait pas jusqu'à où va la division de l'habitat entre les alevins benthiques et limnétiques dans les lits de macrophytes, mais on sait que les deux espèces utilisent ce type d'habitat général. À mesure que les individus se développent, la division de l'habitat augmente vraisemblablement jusqu'à ce que les épinoches limnétiques migrent vers le centre des lacs pour se nourrir dans les zones pélagiques (Schluter, 1995). Le moment où les jeunes épinoches limnétiques se déplacent dans la région pélagique est probablement dicté par une combinaison de facteurs liés au taux de croissance relatif et au risque de prédation dans les habitats littoraux et pélagiques (Schluter, 2003), des facteurs qui peuvent varier d'un lac à l'autre et d'une année à l'autre. Les jeunes épinoches benthiques n'utilisent que les zones littorales durant leur croissance.

La disponibilité d'un habitat de croissance approprié pour les juvéniles pourrait limiter la taille des populations d'épinoches adultes, tant benthiques que limnétiques, mais on sait pas quand cela se produirait. Les lacs contenant une paire d'espèces (sauf dans le cas récent du lac Enos) se caractérisent par leur abondance en macrophytes, mais l'étendue de lits appropriés peut avoir une incidence différente sur la survie des jeunes épinoches, selon qu'elles appartiennent à la forme benthique ou à la forme limnétique. Un changement de l'abondance relative des proies benthiques et planctoniques peut modifier le milieu sélectif des épinoches (Schluter et McPhail, 1993; Schluter, 1994, 1995, 2003; Vamosi et al., 2000). Ainsi, la perte d'un habitat de croissance approprié pour les épinoches benthiques peut augmenter la valeur adaptative relative des épinoches limnétiques ou hybrides aux dépens des espèces benthiques, ce qui peut faire augmenter la fréquence de l'hybridation et amener une paire d'espèces à céder la place à une population hybride.

Habitat de croissance des adultes

Les épinoches limnétiques adultes (excepté les mâles au moment de la nidification) se nourrissent de zooplancton dans la zone pélagique des lacs, tandis que les épinoches benthiques adultes se nourrissent d'invertébrés benthiques dans la zone littorale (Schluter, 1995). Des habitats littoraux et pélagiques productifs sont nécessaires à la persistance des paires d'espèces d'épinoches.

L'abondance des épinoches benthiques et limnétiques repose sans doute sur de nombreux facteurs, mais on assume que la superficie totale et la productivité secondaire des zones littorales et pélagiques ont une incidence importante. Les changements liés à l'habitat qui influent sur la taille corporelle (ex. taux de croissance inférieur ou taille réduite à la maturité) peuvent se traduire par une moins grande discrimination entre les partenaires et une hybridation accrue entre les épinoches limnétiques et benthiques, la taille corporelle étant le principal facteur déterminant du choix des partenaires (Nagel et Schluter, 1998).

Habitat d'hivernage

À la fin de l'été, les individus commencent à migrer vers des eaux plus profondes où ils passent l'hiver. On en connaît peu sur les besoins liés à l'habitat des épinoches limnétiques et benthiques à cette étape, sauf que les données relatives au piégeage et au seinage indiquent d'une manière constante qu'elles vivent en eaux plus profondes au début de l'automne et en hiver.

Communauté de poissons

Les paires d'espèces d'épinoches semblent n'avoir supporté la présence que d'une seule autre espèce de poissons, c'est-à-dire la truite fardée côtière (Vamosi, 2003). Le maintien d'une communauté écologique simple est nécessaire au maintien des paires d'espèces, comme en témoigne l'extinction rapide de la paire d'espèces du lac Hadley après introduction de la barbotte (Ameiurus nebulosus; Hatfield, 2001b).

Productivité de l'habitat

Une productivité élevée des deux habitats principaux (par opposition à ce qui prévaut pour la plupart des autres lacs côtiers) est nécessaire à la persistance des paires d'espèces. Qui plus est, la production secondaire devrait être relativement semblable dans les deux habitats (malgré qu'on ne connaisse pas les productivités absolues et relatives des proies nécessaires au maintien des paires d'espèces). L'abondance des épinoches est sans doute fortement corrélée avec la production secondaire disponible, et une production plus faible augmentera vraisemblablement le risque de disparition. On présume également que le risque de disparition augmentera si la productivité relative de chaque type d'habitat est modifiée au-delà de ses limites normales. Si la productivité d'un habitat diminue d'une façon importante, une hybridation accrue peut survenir chez l'une ou l'autre des espèces. Figure 3. Types de productivités benthiques et pélagiques et conséquences probables pour les paires d'espèces d'épinoches. La production secondaire disponible (représentée par l'aire de chaque cercle) doit être élevée et à peu près équivalente dans les deux principaux habitats pour éviter la disparition (scénario A). Lorsque la production diminue dans un ou plusieurs habitats, la disparition (illustrée par un X rouge) devient plus probable pour une espèce ou les deux (scénarios B à D).

Les caractéristiques environnementales particulières nécessaires au maintien de niveaux de population sûrs et d'un isolement entre les reproducteurs des espèces limnétiques et benthiques sont présentées ci-après.

Figure 3. Types de productivités benthiques et pélagiques et conséquences probables pour les paires d'espèces d'épinoches. La production secondaire disponible (représentée par l'aire de chaque cercle) doit être élevée et à peu près équivalente dans les deux principaux habitats pour éviter la disparition (scénario A). Lorsque la production diminue dans un ou plusieurs habitats, la disparition (illustrée par un X rouge) devient plus probable pour une espèce ou les deux (scénarios B à D).

Figure 3. Types de productivités benthiques et pélagiques et conséquences probables pour les paires d'espèces d'épinoches. La production secondaire disponible (représentée par l'aire de chaque cercle) doit être élevée et à peu près équivalente dans les deux principaux habitats pour éviter la disparition (scénario A). Lorsque la production diminue dans un ou plusieurs habitats, la disparition (illustrée par un X rouge) devient plus probable pour une espèce ou les deux (scénarios B à D).

2.2 Habitats pélagiques et littoraux

Qualité de l'eau

Les paires d'espèces d'épinoches sont en péril lorsque la qualité de l'eau se dégrade au-delà de certains niveaux (oxygène, température, pH ou polluants). En tant que groupe, les épinoches peuvent survivre à l'intérieur de limites assez étendues de conditions liés à la qualité de l'eau. Les normes provinciales actuelles sur les paramètres de qualité de l'eau à respecter pour assurer la protection de la vie aquatique sont des paramètres de base appropriés pour les lacs contenant une paire d'espèces d'épinoches (voir http://srmwww.gov.bc.ca/risc/pubs/aquatic/interp/index.htm). Cependant, certains aspects de la qualité de l'eau des lacs contenant une paire d'espèces doivent être maintenus à l'intérieur de limites beaucoup plus étroites que celles nécessaires à la survie des individus à court terme. Voici une description de ces paramètres.

Transmission de la lumière

Un enjeu significatif pour les paires d'espèces d'épinoches est la question de savoir comment des changements dans la qualité de l'eau peuvent affecter les barrières assurant l'isolement entre les reproducteurs (Boughman, 2001). En particulier, on s'inquiète du fait que des hausses de la turbidité altérant la transmission des différentes longueurs d'onde lumineuses puissent modifier les mécanismes comportementaux qui sous-tendent la reconnaissance et le choix des partenaires (voir Seehausen et al., 1997). Les différences de coloration entre les épinoches benthiques et limnétiques sont des indices clés dans le choix des partenaires (Boughman, 2001). C'est pourquoi des changements liés à la concentration des matières solides en suspension, au carbone organique dissous (ex. tanins) ou à d'autres aspects de la chimie de l'eau qui affectent la transmission de la lumière peuvent perturber la reconnaissance des partenaires.

Les facteurs affectant la transmission de la lumière doivent conséquemment être maintenus à l'intérieur des limites naturelles des conditions présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces. Des changements dans la qualité de l'eau entraînant un dépassement de ces limites peuvent altérer la discrimination entre les partenaires, augmenter la fréquence de l'hybridation et amener une paire d'espèces à céder la place à une population hybride (voir Seehausen et al., 1997).

Sels nutritifs

La production du phytoplancton et des algues benthiques est à la base de la chaîne alimentaire aquatique et est déterminée par la disponibilité de sels nutritifs dans la colonne de l'eau, qui est elle-même fonction de la géologie du réseau hydrographique. Des populations uniques d'épinoches existent pour une grande variété de productivités des lacs de la Colombie-Britannique (Lavin et McPhail, 1985, 1986, 1987). En revanche, des paires d'espèces d'épinoches n'existent que dans des lacs dont les productivités sont relativement élevées, ces lacs étant typiquement situés dans des réseaux hydrographiques comportant des lits de roches calcaires (McPhail 1994; données non publiées de Schluter). On pense que l'évolution des paires d'espèces d'épinoches repose essentiellement sur des niveaux de production d'invertébrés benthiques et pélagiques qui ont favorisé une adaptation exclusive à une ressource alimentaire pélagique (zooplankton) ou littorale (invertébrés benthiques). Voir la Figure 3. Types de productivités benthiques et pélagiques et conséquences probables pour les paires d'espèces d'épinoches. La production secondaire disponible (représentée par l'aire de chaque cercle) doit être élevée et à peu près équivalente dans les deux principaux habitats pour éviter la disparition (scénario A). Lorsque la production diminue dans un ou plusieurs habitats, la disparition (illustrée par un X rouge) devient plus probable pour une espèce ou les deux (scénarios B à D). Un changement dans l'équilibre nutritif altérant la productivité relative du zooplancton et du benthos pourrait par conséquent modifier le milieu adaptatif des paires d'espèces d'épinoches (Schluter 1995; Vamosi et al., 2000). Qui plus est, ce changement pourrait amener deux espèces à céder la place à une population hybride en altérant la valeur adaptative des épinoches limnétiques, des épinoches benthiques ou des hybrides.

Une augmentation de la concentration des sels nutritifs peut modifier les productivités relatives des zones benthiques et pélagiques en favorisant : soit la production d'algues insapides qui ne peuvent pas être consommées par le zooplancton, soit la prolifération du phytoplancton qui réduit l'abondance des macrophytes due à l'ombrage (Wetzel, 2001). Il faudrait éviter les pratiques d'utilisation des terres qui mènent à l'eutrophication des lacs et maintenir également les concentrations en sels nutritifs (azote, phosphore, alcalinité totale) à l'intérieur des limites naturelles des conditions présentent dans les lacs contenant une paire d'espèces d'épinoches.

Étendue de l'habitat littoral

La persistance des épinoches benthiques dépend d'une production de la zone littorale suffisante pour soutenir une grande population d'individus benthiques. L'étendue physique de la zone littorale dépend de la forme du bassin lacustre et de la quantité d'eau que renferme ce bassin. Le profil bathymétrique d'un lac est géomorphologiquement fixe et n'est pas aisément altérable par l'homme. La quantité d'eau que renferme un bassin est fonction non seulement du climat, mais aussi de l'activité humaine (constructton de barrages et extraction de l'eau), ce qui influe sur l'étendue de l'habitat disponible et, par conséquent, sur la taille des populations d'épinoches.

La productivité des zones littorales est déterminée par des facteurs physiques et biologiques, y compris la profondeur de la zone euphotique, la présence de macrophytes, les types de sol, les concentrations en sels nutritifs, la surperficie qui peut être colonisée par le benthos et les interactions entre les espèces. La production littorale est confinée à des zones peu profondes en bordure des lacs, où la pénétration de la lumière est suffisante pour soutenir une production importante de macrophytes et d'algues. Le niveau de compensation (profondeur à laquelle l'énergie lumineuse est suffisante pour que le gain d'énergie obtenu par la photosynthèse demeure égal à la perte d'énergie due à la respiration [zone euphotique]) est habituellement défini comme étant la profondeur à laquelle l'irradiance correspond à 1 % de l'irradiance mesurée en surface (Wetzel, 2001). Dans la pratique, la profondeur de la zone littorale est la profondeur maximale à laquelle on trouve une végétation aquatique enracinée, ce qui excède rarement 10 m dans la plupart des lacs, la majorité de la production photosynthétique se produisant à une profondeur inférieure à 3 m.

Le maintien de la zone littorale est très important pour la persistance des paires d'espèces d'épinoches. Aussi faut-ils éviter tout changement du niveau d'eau dépassant les limites naturelles des conditions présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces. L'étendue relative de l'habitat littoral peut avoir une incidence sur l'isolement entre les reproducteurs pendant la nidification, la croissance et la survie des jeunes épinoches des deux espèces, l'abondance des adultes et leur taille individuelle ainsi que la valeur adaptative des hybrides. Une variation de l'étendue de l'habitat littoral qui dépasse les limites naturelles des conditions présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces augmentera de manière importante la probabilité que ces espèces soient amenées à céder la place à une population hybride. Les preuves génétiques indiquent que l'hybridation historique a été considérablement plus élevée pour les espèces du lac Paxton que pour les autres paires d'espèces (E. Taylor, données non publiées). Or, ce lac a subi les plus grands rabattements de son niveau par le biais de prélèvements d'eau, et il existe un lien présumé entre les deux phénomènes.

Étendue des lits de macrophytes

Comme il est indiqué ci-devant, les lits de macrophytes sont les principaux lieux de nidification pour les épinoches benthiques, les principaux habitats de croissance pour les jeunes épinoches des deux espèces et une zone d'alimentation pour les épinoches benthiques adultes. Les macrophytes sont une caractéristique clé qui favorise la reconnaissance des partenaires, étant donné que le choix différentiel du lieu de nidification selon le couvert de macrophytes maintient un certain degré d'isolement spatial entre les géniteurs limnétiques et benthiques (McPhail,1994; Hatfield et Schluter, 1996). Les macrophytes contribuent également de manière significative à la production de macroinvertébrés benthiques dont se nourrissent les espèces benthiques d'épinoches. Ceci explique pourquoi les macrophytes permettent de limiter l'hybridation et jouent un rôle significatif dans le maintien d'un équilibre entre la production d'organismes benthiques et d'invertébrés, un équilibre essentiel au maintien des deux espèces.


3. Menaces

On peut décrire la variété de menaces qui pèsent sur les paires d'espèces en s'appuyant sur l'expérience acquise dans d'autres réseaux hydrographiques, puis déterminer l'ordre de priorité de ces menaces d'après un jugement professionnel. Le tableau ci-après contient un résumé de ces menaces, mais une description détaillée de celles-ci a été faite par Hatfield (2003). Les efforts de rétablissement immédiats devraient se concentrer sur les enjeux énoncés ci-après. L'établissement d'un ordre de priorité ne diminue en rien l'importance des autres menaces ou ne veut pas dire que celles-ci ne sont pas dignes d'attention. À l'heure actuelle, on ne peut pas mener une évaluation quantitative des risques associés aux menaces qui pèsent sur les paires d'espèces d'épinoches en raison du manque d'information disponible quant aux effets des différentes menaces sur les indices vitaux des populations (ex. hybridation, croissance, survie, succès reproducteur). Un sommaire de la situation de chaque population et des menaces qui pèsent sur elles est présenté au Tableau 2.

Tableau 2. Sommaire de la désignation des paires d'espèces d'épinoches et des menaces qui pèsent sur elles dans leur lac d'origine.
  Lac Hadley Lac Enos Lac Paxton Ruisseau Vananda
Désignation du COSEPAC disparue en voie de disparition en voie de disparition en voie de disparition
Désignation actuelle de la population disparue population hybride apparemment stable apparemment stable
Truite fardée présumément absente absente rare présente
Espèces exotiques barbotte écrevisse signal aucune aucune
Gestion de l'eau
  • régulation de la décharge,
  • utilisation de l'eau inconnue à l'heure actuelle (utilisation mineure présumée)
  • régulation de la décharge,
  • utilisation de l'eau inconnue à l'heure actuelle
  • régulation de la décharge,
  • aucune utilisation de l'eau à l'heure actuelle,
  • quantités autorisées selon les permis en vigueur relativement importantes par rapport au volume du lac et à ses apports
  • régulation des décharges
  • utilisation modérée de l'eau à l'heure actuelle,
  • quantités autorisées selon les permis en vigueur relativement importantes par rapport au volume des lacs et à ses apports
Utilisation du territoire – Exploitation forestière exploitation mineure présumée
  • exploitation mineure à l'heure actuelle,
  • terres adjacentes privées
  • exploitation mineure récente,
  • terres adjacentes privées
  • certaine exploitation récente,
  • terres adjacentes publiques et privées
Autres utilisations des terres
  • certaine construction résidentielle en milieu rural,
  • route adjacente à la décharge
constrution résidentielle posssible
  • carrière de pierre calcaire adjacente,
  • exploitation minière historique dans le secteur
  • certaine construction résidentielle en milieu rural,
  • routes et pipeline adjacents,
  • exploitation minière historique dans le secteur

3.1 Espèces exotiques

Les paires d'espèces semblent dépendre essentiellement du maintien de plusieurs facteurs écologiques, y compris le maintien d'une communauté de poissons constituée uniquement, à l'état naturel, d'épinoches et de truites fardées (Vamosi, 2003).

La paire d'espèces du lac Hadley est rapidement disparue après l'introduction de la barbotte (Ameiurus nebulosus), qui capturait ou gênait probablement les épinoches au stade de la nidification, ce qui a provoqué l'échec complet du recrutement (Hatfield, 2001a). La barbotte a été introduite dans le Hadley au début des années 1990 et, dès 1995, l'épinoche avait disparu de ce lac (Hatfield, 2001a). Ceci illustre la vulnérabilité de l'épinoche et la vitesse à laquelle une paire d'espèces peut être affectée par une espèce introduite. La paire d'espèces du lac Enos, quant à elle, a été amenée à céder la place à une population hybride (Kraak et al., 2001; D. Schluter et E. Taylor, données non publiées), et l'apparition récente de l'écrevisse signal (Pacifastacus leniusculus) aurait contribué à ce phénomène. Les mécanismes par lesquels les écrevisses affectent l'épinoche peuvent être directs (ex. prédation ou déplacement hors de l'habitat de nidification) ou indirects (ex. compétition pour des ressources alimentaires, turbidité accrue, changement dans la répartition des macrophytes). Il faut souligner cependant que les effets ultimes (ex. déclins de population importants) de l'introduction de l'écrevisse sur les populations d'épinoches ont été observés ailleurs (Foster et al., 2003).

La menace que pose l'introduction d'espèces vient aussi d'un certain nombre d'autres espèces présentes dans des lacs voisins et qui se dispersent dans toute la région. Ces espèces, qui comprennent l'achigan à petite bouche et l'achigan à grande bouche (Micropterus salmoides et M. dolomieu), le crapet-soleil (Lepomis gibbosus) et la perchaude (Perca flavescens), sont généralement dispersées par des pêcheurs à la ligne et d'autres personnes. Les menaces possibles comprennent aussi la dispersion d'amphibiens comme le ouaouaron (Rana catesbeiana) et d'espèces végétales aquatiques envahissantes comme la myriophylle en épi (Myriophyllum spicatum) et la salicaire (Lythrum salicaria). Bien que les paires d'espèces d'épinoches aient co-évolué avec la truite fardée (McPhail, 1994), nul ne sait dans quelle mesure les paires d'espèces seraient affectées par l'introduction d'autres salmonidés indigènes, dont la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss), ou de poissons indigènes autres que des salmonidés, comme le chabot (Cottus sp.). Ces espèces envahisssantes possibles pourraient affecter les paires d'espèces d'épinoches par le truchement d'un certain nombre de mécanismes, dont la prédation des adultes, des jeunes ou des nids; la compétition pour les ressources alimentaires pélagiques ou littorales; l'introduction de maladies; un changement dans la qualité de l'eau pouvant affecter les décisions d'accouplement ou les ressources alimentaires.

3.2 Gestion de l'eau

On s'inquiète des répercussions possibles des activités d'aménagement sur la qualité de l'eau et les quantités d'eau, deux caractéristiques qui peuvent modifier l'écologie d'un lac au détriment d'une paire d'espèces. Les permis d'utilisation des eaux dictent les paramètres de déviation et de stockage de l'eau et ont par conséquent une incidence directe sur les niveaux d'un lac. Les quantités autorisées selon les permis en vigueur sont relativement importantes par rapport au volume de certains lacs et à leur zone de captage. Par exemple, les permis d'utilisation des eaux en vigueur pour le lac Paxton autorisent des déviations annuelles deux fois supérieures au volume du lac, dont les apports sont pourtant peu importants en raison d'une petite zone de captage et de précipitations limitées. Il y a eu dans le passé des rabattements importants du niveau d'eau attribuables à des travaux miniers (Larson, 1976).

Selon le moment où ils surviennnent et leur durée, les rabattements des niveaux d'eau peuvent causer une perte de l'étendue de la zone littorale effective disponible pour l'alimentation et la nidification. Des rabattements importants peuvent réduire le volume et la profondeur d'un lac au point d'entraîner la disparition complète de l'habitat pélagique et de ne laisser intact que l'habitat littoral. L'augmentation des niveaux d'eau causée par la construction de barrages à la décharge des lacs peut également modifier l'étendue de l'habitat littoral, selon la morphologie du réseau hydrographique. De grandes fluctuations ont des effets sur la productivité littorale et le volume pélagique et ont sans doute un effet direct sur les épinoches en limitant de façon importante leurs habitats de frai et d'alimentation.

3.3 Utilisation des terres

Il y a eu de nombreuses activités d'aménagement des terres dans les réseaux hydrographies où se trouvent les paires d'espèces : sylviculture, exploitation minière, contruction de routes, construction de pipelines et construction domiciliare (Larson, 1976; McPhail, 1994). Les principales préoccupations liées à ces activités comprennent les effets cumulatifs sur la qualité de l'eau qui peuvent conduire à l'eutrophication, à la sédimentation et à la destruction/l'altération de l'habitat. Le plus grand de ces risques semble être l'introduction de sédiments en suspension (c.-à-d. turbidité accrue), mais il est actuellement difficile de mesurer ce risque. Le bassin hydrographique du lac Enos est actuellement en cours d'aménagement à des fins résidentielles, et une turbidité accrue a été observée à la suite de la construction et du défrichage.

3.4 Autres

Des effets supplémentaires peuvent résulter d'autres activités, y compris la pêche, les loisirs, les maladies, le changement climatique et la pollution. Ces menaces préoccupent l'équipe de rétablissement, mais on pense qu'elles représentent un moins grand rique pour les paires d'espèces que les autres menaces énuméres ci-devant. On peut gérer efficacement bon nombre de ces menaces par l'élaboration et la mise en œuvre de pratiques en matière bonne intendance.


4. Tendances relatives aux habitats

Les tendances relatives à l'habitat, tant au chapitre de la qualité et que de la quantité, varient entre les réseaux hydrographiques contenant une paire d'espèces. Elles ne peuvent être évaluées que qualitativement, aucun des lacs n'ayant fait l'objet d'une surveillance systématique.

Île Texada

Les permis d'utilisation des eaux actuels permettent un prélèvement de volumes importants dans les lacs Paxton et Emily ainsi que de volumes modérés dans le lac Priest. On ne peut pas déterminer directement les tendances historiques de l'utilisation de l'eau, car l'utilisation de l'eau n'a pas été mesurée dans tous réseaux hydrographiques de l'île Texada. Selon Larson (1976), des prélèvements effectués dans le lac Paxton ont entraîné d'importants rabattements du niveau d'eau dans le passé. Néanmoins, l'utilisation industrielle de l'eau a diminué au cours des 30 dernières années, les activités minières étant passées de l'extraction souterraine de minerais à l'exploitation de carrières de calcaire à ciel ouvert. Si une réduction de l'utilisation de l'eau a probablement eu un effet positif sur la stabilité et la productivité des habitats littoraux et pélagiques, il reste que les activités terrestres pourraient éventuellement avoir des répercussions négatives sur les habitats lacustres. C'est dans le réseau hydrographique du lac Paxton que l'exploitation minière et forestière a été la plus importante. Les répercussions de l'utilisation des terres sont difficiles à quantifier pour la plupart.

Île Lasqueti

Les permis d'utilisation des eaux actuels pour le lac Hadley permettent d'importants stockages et prélèvement d'eau par rapport au volume et aux apports d'eau du lac. Les activités d'aménagement du territoire mises en œuvre dans le réseau hydrographique comprennent la construction de routes, la construction résidentielle et, peut-être, une exploitation forestière mineure. Ces activités pourraient éventuellement avoir un effet négatif sur les habitats lacustres, mais on suppose qu'elles ont des conséquences relativement mineures à l'heure actuelle. La barbotte introduite pourrait avoir eu des répercussions sur l'habitat littoral, mais on ne connaît ni la portée ni l'ampleur de celles-ci.

Île de Vancouver

Les permis d'utilisation des eaux récemment délivrés pour le lac Enos permettent d'importants stockages et prélèvements d'eau, et un nouveau barrage a été construit à la décharge du lac. On n'a quantifié ni l'utilisation actuelle et historique de l'eau, ni ses effets sur la stabilité et la productivité des habitats littoraux et pélagiques. Il s'est probablement produit des changements dans l'habitat littoral et dans l'équilibre nutritif après la hausse du niveau du lac (Stockner et al., 2000). Les activités terrestres sont actuellement minimales, mais elles s'accroîtront probablement avec l'expansion du projet Fairwinds (construction d'un grand ensemble résidentiel incluant un terrain de golf sur des terres privées autour du lac Enos). Les répercussions négatives ou positives de l'ensemble résidentiel sur les habitats lacustres sont difficiles à prévoir tant que les plans n'auront pas été évalués en détail. L'abondance des macrophytes littoraux semble avoir diminué considérablement; il est possible que les écrevisses, qui ont été introduites, aient modifié l'habitat littoral.


5. Protection de l’habitat

À l'heure actuelle, aucune des terres entourant les lacs contenant une paire d'espèces n'est officiellement protégée, et ce, malgré l'inscription de la paire d'espèces du ruisseau Vananda à titre d'espèce sauvage désignée (Identified Wildlife Species) sur la liste de la Forest and Range Practices Act (Wood et al., 2003) et l'élaboration en cours de prescriptions relatives à une aire d'habitat de la faune (Wildlife Habitat Area). Cette aire d'habitat de la faune et ses prescriptions connexes devraient permettre de protéger les paires d'espèces contre les effets négatifs possibles de l'exploitation forestière. Les terres entourant les lacs de l'île Texada devraient être considérées comme étant de la plus haute priorité pour les programmes d'intendance et de conservation des habitats.


6. Habitat essentiel

L'équipe de rétablissement a élaboré des recommandations fondées sur la biologie pour définir l'habitat essentiel des paires d'espèces d'épinoches. Ces recommandations ont été élaborées en tant que document distinct (Hatfield, 2006) que l'équipe de rétablissement met à la disposition du public, sur demande. Le document proposé concernant l'habitat essentiel sera présenté pour examen par des pairs scientifiques à l'externe, par l'entremise du comité consultatif d'examen scientifique du Pacifique. Après le processus d'examen par des pairs, une version finale contiendra les recommandations à caractère biologique pour la désignation de l'habitat essentiel. Pour être conforme à la politique actuelle relative aux espèces en péril et à la teneur du programme de rétablissement, la discussion suivante concernant l'habitat essentiel expose les caractéristiques générales de l'habitat dont il faut tenir compte dans la définition et la désignation de l'habitat essentiel, mais aucune recommandation particulière sur le plan géo-spatial n'est formulée.

Dans la LEP, l'habitat essentiel est défini comme « l'habitat nécessaire à la survie ou au rétablissement d'une espèce sauvage inscrite, qui est désigné comme tel dans un programme de rétablissement ou un plan d'action élaboré à l'égard de l'espèce. » Les paires d'espèces d'épinoches utilisent à la fois les zones pélagiques et les zones littorales des lacs où elles sont présentes, et ce, tant pour se reproduire que pour s'alimenter (McPhail, 1993, 1994). La définition de l'habitat essentiel des paires d'espèces d'épinoches est une étape importante à franchir pour, d'une part, satisfaire aux objectifs du rétablissement et, d'autre part, faciliter l'imposition de limites acceptables aux activités qui ont une incidence sur ces espèces.

6.1 Distinction entre paires d'espèces et populations uniques

Les populations uniques (c'est-à-dire celles qui sont présentes dans un lac sous une seule forme possible) peuvent survivre à l'intérieur de limites étendues de conditions relatives à l'habitat et sont assez résilientes aux changements qui y surviennent (Wooton 1976; Bell et Foster, 1994). Les paires d'espèces d'épinoches, en revanche, ont une aire de répartition très restreinte, ont des besoins beaucoup plus précis quant à leur habitat et sont beaucoup plus sensibles aux changements qui y surviennent (p. ex. Bentzen et McPhail 1984; Schluter et McPhail, 1992). Toutes les populations d'épinoches lacustres ont des besoins liés aux habitats qui couvrent la majeure partie des lacs – habitat de frai (généralement la zone benthique littorale à proximité du rivage), habitat de croissance pour les juvéniles (généralement la zone littorale), habitat de croissance pour les adultes (généralement les zones littorales et pélagiques) (Wooton, 1976; Bell et Foster, 1994). L'habitat essentiel des paires d'espèces d'épinoches devrait inclure non seulement ces aspects de l'habitat (c'est-à-dire un habitat de frai et de croissance), mais aussi d'autres aspects particuliers grâce auxquels les espèces peuvent coexister sans être amenées à céder la place à une population hybride. Autrement dit, on doit se préoccuper tout autant de la perte des habitats de frai et de croissance que de changements minimes de la turbidité (incidence possible sur la transmission de la lumière et conséquemment sur l'identification des partenaires) ou dans la chimie de l'eau (incidence possible sur la productivité benthique ou littorale), car de tels changements peuvent causer une hybridation et amener une paire d'espèces à céder la place à une population unique. Des aspects écologiques particuliers de ce type, qui ne sont habituellement pas inclus dans la définition de l'habitat habitat essentiel, peuvent être pris en considération pour les paires d'espèces d'épinoches. La nature exacte de ces facteurs reste à déterminer; aussi faudra-t-il pousser les recherches pour qu'on puisse parvenir à définir l'habitat essentiel des paires d'espèces d'épinoches. Étant donné que la délimitation de l'habitat essentiel nécessitera beaucoup d'efforts et de temps, on devra se concentrer d'abord sur les composants de l'habitat qui peuvent contrecarrer l'hybridation et qui sont les plus susceptibles d'être affectés par l'activité humaine.

6.2 Caractéristiques de l'habitat essentiel des paires d'espèces d'épinoches

Voici les deux composantes clés de l'habitat essentiel pour les paires d'espèces d'épinoches.

  1. Les caractéristiques qui déterminent l'abondance des épinoches limnétiques et benthiques.
  2. Les caractéristiques qui assurent une reconnaissance adéquate des partenaires.

L'habitat essentiel doit donc être un ensemble de caractéristiques environnementales dont l'altération ou la perte entraîne une réduction de l'abondance d'une population à un niveau qui n'est plus viable ou une suppression suffisante des barrières entre les reproducteurs pour amener une paire d'espèces à céder la place à une population hybride.

Les besoins généraux des paires d'espèces, qui sont décrits en détails à la Section 2. Les différentes caractéristiques qui pourraient être incluses à l'habitat essentiel sont présentées ci-après.

Étendue de l'habitat littoral

Une portion très substantielle de la zone littorale pourrait être désignée comme « importante pour la persistance des paires d'espèces d'épinoches » (Harfield, 2006). En général, il faut éviter tout changement du niveau d'eau dépassant les limites naturelles des conditions présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces d'épinoches. L'étendue relative de l'habitat littoral peut avoir une incidence sur l'isolement entre les reproducteurs pendant la nidification; la croissance et la survie des jeunes épinoches des deux espèces; l'abondance des adultes et leur taille individuelle; la valeur adaptative des hybrides. Une variation de l'étendue de l'habitat littoral qui dépasse les limites naturelles présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces augmentera la probabilité que ces espèces ne soient amenées à céder la place à une population hybride. Les preuves génétiques indiquent que l'hybridation historique a été considérablement plus élevée pour les espèces du lac Paxton que pour les autres paires d'espèces (E. Taylor, données non publiées). Or, ce lac a subi les plus grands rabattements de son niveau par le biais de prélèvements d'eau.

Étendue des lits de macrophytes

Les lits de macrophytes sont des habitats d'une productivité potentielle élevée, étant donné leur rôle clé en tant qu'habitat de croissance et de frai ainsi que dans le processus médiateur qui maintient l'isolement entre les reproducteurs des espèces limnétiques et benthiques. On ne connaît actuellement pas les limites naturelles de conditions propices à la répartition et à l'abondance des lits de macrophytes au fil du temps. On ne sait pas non plus précisément jusqu'où peut aller la perte de macrophytes avant que les taux d'hybridation atteignent un niveau auquel les espèces sont amenées à céder la place à une population hybride. Nous recommandons donc que l'abondance et la répartition des macrophytes soient maintenues à l'intérieur des limites naturelles des conditions présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces d'épinoches.

Habitat pélagique

La zone pélagique, qui est la principale aire de croissance des épinoches limnétiques, doit être d'une superficie et d'une qualité suffisantes pour soutenir une forte population d'épinoches limnétiques. Les caractéristiques de l'habitat pélagique associées à une productivité potentielle élevée comprennent l'équilibre nutritif, la qualité de l'eau et la zone littorale (qui est liée au volume pélagique).

Habitat d'hivernage

On sait peu de choses sur l'habitat d'hivernage, sauf le fait que les paires d'espèces semblent passer l'hiver dans des portions plus profondes des lacs. D'autres travaux sont nécessaires pour qu'on puisse inclure une description de l'habitat d'hivernage dans une définition de l'habitat essentiel.

Communauté de poissons

Les paires d'espèces d'épinoches n'ont évolué et survécu qu'en présence d'une seule autre espèce de poissons, soit la truite fardée côtière (Vamosi, 2003). Cette communauté écologique simple pourrait être considérée comme un composant de l'habitat essentiel.

Paramètres de base de la qualité de l'eau

L'eau est essentielle aux espèces aquatiques, et celles-ci sont en péril lorsque la qualité de l'eau se dégrade au-delà de seuils précis pour l'oxygène, la température, le pH ou les polluants. Les normes provinciales actuelles sur les paramètres de qualité de l'eau à respecter pour assurer la protection de la vie aquatique sont des paramètres de base appropriés pour les lacs contenant une paire d'espèces d'épinoches (voir http://srmwww.gov.bc.ca/risc/pubs/aquatic/interp/index.htm). Cependant, certains aspects de la qualité de l'eau des lacs contenant une paire d'espèces doivent être maintenus à l'intérieur de limites beaucoup plus étroites que celles nécessaires à la survie des individus à court terme. (voir la transmission de la lumière et l'équilibre nutritif).

Transmission de la lumière

Les aspects de la chimie de l'eau qui ont une incidence sur la transmission de la lumière pourraient faire partie de la définition de l'habitat essentiel des paires d'espèces d'épinoches parce que les changements à cet égard peuvent perturber la reconnaissance des partenaires et, par conséquent, l'isolement entre les reproducteurs (Boughman, 2001). À l'heure actuelle, les liens entre les divers facteurs de qualité de l'eau et les préférences d'accouplement n'ont pas été établis avec suffisamment de précision pour qu'on puisse les inclure dans une définition détaillée de l'habitat essentiel. Cependant, en raison de l'importance de cet aspect, nous suggérons, dans l'intérim, que les facteurs ayant une incidence sur la transmission de la lumière soient maintenus à l'intérieur des limites naturelles des conditions présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces.

Sels nutritifs et productivité

On pense que l'évolution et la survie des paires d'espèces d'épinoches ont été possibles grâce au maintien de certains niveaux de production d'invertébrés benthiques et pélagiques, ce qui a permis une adaptation exclusive à une ressource alimentaire, soit pélagique (zooplancton), soit littorale (invertébrés benthiques). Ainsi, un changement dans l'équilibre nutritif altérant la productivité relative du zooplancton et du benthos pourrait modifier le milieu adaptatif des paires d'espèces d'épinoches (Schluter, 1995; Vamosi et al., 2000), ce qui les amènerait à s'hybrider excessivement et à céder la place à une population unique. Étant donné que le lien précis entre l'équilibre nutritif et la survie des paires d'espèces d'épinoches n'est pas connu à l'heure actuelle, on suggère que la définition de l'habitat essentiel des paires d'espèces comprenne des concentrations en sels nutritifs qui se situent à l'intérieur des limites naturelles des conditions présentes dans ces lacs.

6.3 Programme des études requises pour la désignation de l’habitat essentiel

Voici quelles sont les recherches requises pour préciser les limites des conditions naturellement présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces et les aspects de l'habitat qui doivent être maintenus pour assurer la persistance à long terme des paires d'espèces.

  1. Relever et combler les lacunes dans les connaissances (cycle biologique et utilisation de l'habitat) qui empêchent une définition objective de l'habitat essentiel. (2006-2008)
  2. Déterminer les niveaux de population minimaux acceptables pour les épinoches limnétiques et benthiques qui assureront la persistance des espèces. (2006-2008)
  3. Élaborer des lignes directrices sur la qualité de l'eau pour les lacs contenant une paire d'espèces. (2006-2007)
  4. Cartographier l'étendue actuelle de l'habitat littoral et l'étendue des macrophytes. (2006-2008)
  5. Déterminer les effets des écrevisses sur le recrutement et sur l'habitat essentiel des épinoches. (2006-2008)
  6. Définir les niveaux acceptables de fluctuations/de rabattement du niveau de l'eau qui assureront la persistance des paires d'espèces, en se basant sur l'étendue de l'habitat littoral à différents niveaux d'eau, des données historiques et la comparaison entre les conditions présentes dans les lacs contenant une paire d'espèces et ceux contenant une seule espèce. (2006-2008)
  7. Déterminer les limites acceptables des conditions propices à la production d'invertébrés pour les habitats benthiques et pélagiques qui assureront la persistance des paires d'espèces, en établissant une comparaison entre les lacs contenant une paire d'espèces et ceux contenant une seule espèce. (2006-2008)

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