Albatros à pieds noirs (Phoebastria nigripes) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 4

Répartition

Aire de répartition mondiale

Aire de reproduction

L’Albatros à pieds noirs ne niche pas au Canada. On lui connaît actuellement 12 aires de nidification bien établies dans le monde. L’espèce a récemment commencé à coloniser ou à recoloniser au moins 4 autres sites (voir ci-dessous, dans la même section) (figure 2; Alexander et al., 1997; Pitman et Ballance, 2002; USFWS, 2005a). La répartition des oiseaux nicheurs se limite presque entièrement aux îles hawaïennes du Nord-Ouest, où plus de 95 p. 100 de la population mondiale se reproduit. La majorité de la population hawaïenne niche dans l’atoll de Midway et l’île Laysan, mais on trouve de petites colonies de Lehua (près de Niihau), dans le groupe principal des îles d’Hawaï, à l’atoll de Kure, à l’extrémité ouest des îles hawaïennes du Nord-Ouest. De petites colonies se trouvent aussi dans des îles au large des côtes japonaises, dans le groupe Muko Jima (dans le nord des îles Bonin), à Toroshima (dans le groupe Izu) et dans les îles Senkaku (dans le sud de l’archipel Ryukyu) (Rice et Kenyon, 1962b; McDermond et Morgan, 1993; Whittow, 1993; Alexander et al., 1997; USFWS, 2005a). On a récemment vu l’espèce nicher dans l’île Guadalupe, au Mexique, et coloniser les îles San Benedicto et Clarión, dans le groupe Revillagigedo, à 370 km au sud de la Basse-Californie (Pitman et Ballance, 2002; Henry, comm. pers., 2006; Tershy, comm. pers., 2006). Ces dernières années, elle a également étendu son aire de reproduction au groupe Haha Jima, dans le sud des îles Bonin (Hasegawa, comm. pers., 2006). Traditionnellement, les Albatros à pieds noirs nichaient dans l’atoll de Johnston, l’île Marcus, les îles Marshall, les îles Mariannes du Nord et l’île Iwo Jima (dans les îles Volcano de l’archipel Bonin); ces colonies ont été anéanties par la chasse (pour les plumes) au XIXe siècle et l’occupation militaire pendant la Seconde Guerre mondiale. L’Albatros à pieds noirs a aussi récemment recolonisé l’atoll de Wake, dans le Pacifique central (Rice et Kenyon, 1962b; Whittow, 1993; USFWS, 2005a).

Figure 2. Aire de répartition mondiale de l’Albatros à pieds noirs (tirée de Whittow, 1993).

Figure 2. Aire de répartition mondiale de l’Albatros à pieds noirs (tirée de Whittow, 1993).

Aire de répartition en mer

En mer, l’Albatros à pieds noirs, espèce transpacifique et répandue, se rencontre dans tout le centre-nord du Pacifique, depuis les tropiques jusqu’à la mer de Béring et depuis la côte ouest de l’Amérique du Nord jusqu’aux côtes de la Chine, du Japon et de la mer Okhotsk (de 15°N à 53°N et de 112°W à 118°E; Gould et Piatt, 1993; Whittow, 1993; Shuntov, 2000; Smith et Hyrenbach, 2003). Les Albatros à pieds noirs représentent l’espèce d’albatros la plus courante dans l’est du Pacifique Nord (Sanger, 1974; McDermond et Morgan, 1993; Springer et al., 1999), mais ils sont relativement rares dans l’ouest (McDermond et Morgan, 1993), où l’Albatros de Laysan, espèce sympatrique, est plus commun (Gould et Piatt, 1993; Springer et al., 1999; figure 3). Cherel et al. (2002) ont montré une ségrégation spatiale à grande échelle semblable des aires d’alimentation des espèces d’albatros de l’hémisphère Sud. Les limites sud de l’aire de répartition en mer de l’Albatros à pieds noirs coïncident avec la courbure méridionale du courant de Californie, près de la Basse-Californie et le contre-courant nord-équatorial, dans le centre du Pacifique Nord, et l’on trouve occasionnellement des oiseaux aussi loin dans le sud qu’à 10° de latitude nord (McDermond et Morgan, 1993) ou, dans de rares cas, dans l’hémisphère Sud (BirdLife International, 2004a).

Figure 3. Carte du Pacifique Nord montrant de multiples points d’observation de 3 espèces d’albatros (Albatros à pieds noirs : n = 10) suivies par transmetteurs de satellite au cours de l’été 2005. Il est à noter que ces oiseaux ont tous été capturés près des îles Aléoutiennes et non dans leur colonie nicheuse, ce qui pourrait biaiser la distribution illustrée. Carte gracieusement offerte par R. Suryan et K. Fischer (données inédites), Oregon State University.

Figure 3.    Carte du Pacifique Nord montrant de multiples points d’observation de 3 espèces d’albatros (Albatros à pieds noirs : n = 10) suivies par transmetteurs de satellite au cours de l’été 2005.

L’aire de répartition en mer de l’Albatros à pieds noirs varie selon l’âge et l’état reproducteur des oiseaux; elle s’élargit et se rétrécit suivant le cycle reproducteur. Les adultes se concentrent autour des colonies pendant la ponte, l’incubation et la garde du poussin (de novembre à février), mais s’éloignent à plus de 4 500 km de la colonie pendant l’élevage de leur petit (de mars à juillet) pour trouver de la nourriture dans des eaux plus productives (McDermond et Morgan, 1993; Cousins et Cooper, 2000; Fernández et al., 2001; Hyrenbach et al., 2002). Après la saison de reproduction, les adultes s’envolent vers le nord ou le nord-est, au-dessus du Pacifique, en direction de la côte ouest de l’Amérique du Nord, dans les eaux froides et productives des zones transitionnelles et subarctiques (Robbins et Rice, 1974; McDermond et Morgan, 1993; Gould et al., 1998; Hyrenbach et al., 2002). Tous les individus quittent leur colonie au plus tard à la fin de juillet, et les oiseaux nicheurs retournent graduellement dans les zones avoisinantes des îles d’Hawaï en octobre et novembre(McDermond et Morgan, 1993). À l’envol, la plupart des oiseaux se dispersent à l’ouest des colonies nicheuses d’Hawaï vers le Japon, alors que les oiseaux immatures passent l’été et l’hiver dans l’est du Pacifique Nord et fréquentent probablement les mêmes sites que les adultes. Des individus non nicheurs se rencontrent partout dans les eaux subarctiques du Pacifique Nord, depuis le Japon jusqu’à la côte ouest de l’Amérique du Nord (Brazil, 1991; Whittow, 1993; McDermond et Morgan, 1993).

À des échelles spatiales plus petites, la présence de bateaux de pêche peut influer sur la répartition des albatros. Wahl et Heineman (1979) croient que les activités de pêche commerciale sur les côtes de l’État de Washington ont affecté la répartition des Albatros à pieds noirs sur le talus continental, sur une superficie de plusieurs centaines de kilomètres carrés. En effet, les oiseaux étaient beaucoup plus abondants dans la zone d’étude les jours où des bateaux de pêche étaient présents que les jours sans bateaux.

Aire de répartition canadienne 

Au Canada, l’Albatros à pieds noirs est la seule espèce d’albatros observée régulièrement au large du littoral du Pacifique (Campbell et al., 1990; Morgan, 1997). Des observations en mer, depuis les eaux au large du sud-ouest de l’île de Vancouver jusqu’à l’entrée Dixon, située au large de la côte nord de l’archipel de la Reine-Charlotte (Haïda Gwaii), sont consignées tous les mois de l’année. L’espèce est la plus souvent observée d’avril à octobre (figures 4 à 8; Campbell et al., 1999; Morgan et al., 1997). L’Albatros à pieds noirs est considéré comme une espèce pélagique, mais elle est « commune » (Wahl et al., 1993) au-dessus des eaux se trouvant dans un rayon de quelques milles marins de la côte de la Colombie-Britannique. L’été, quelque 2 500 oiseaux fréquentent les eaux canadiennes (Hunt et al., 2000).

Figure 4. Densité des Albatros à pieds noirs dans les eaux canadiennes, relevés d’hiver (de 16 décembre au 15 mars). Source : Environnement Canada, Région du Pacifique et du Yukon.

Figure 4.    Densité des Albatros à pieds noirs dans les eaux canadiennes, relevés d’hiver (de 16 décembre au 15 mars). Source : Environnement Canada, Région du Pacifique et du Yukon.

Figure 5. Densité des Albatros à pieds noirs dans les eaux canadiennes, relevés de printemps (du 16 mars au 15 juin). Source : Environnement Canada, Région du Pacifique et du Yukon.

Figure 5.    Densité des Albatros à pieds noirs dans les eaux canadiennes, relevés de printemps (du 16 mars au 15 juin). Source : Environnement Canada, Région du Pacifique et du Yukon.

Figure 6. Densité des Albatros à pieds noirs dans les eaux canadiennes, relevés d’été (du 16 juin au 15 septembre). Source : Environnement Canada, Région du Pacifique et du Yukon.

Figure 6.    Densité des Albatros à pieds noirs dans les eaux canadiennes, relevés d’été (du 16 juin au 15 septembre). Source : Environnement Canada, Région du Pacifique et du Yukon.

Figure 7. Densité des Albatros à pieds noirs dans les eaux canadiennes, relevés d’automne (du 16 septembre au 15 décembre). Source : Environnement Canada, Région du Pacifique et du Yukon.

Figure 7.    Densité des Albatros à pieds noirs dans les eaux canadiennes, relevés d’automne (du 16 septembre au 15 décembre). Source : Environnement Canada, Région du Pacifique et du Yukon.

Figure 8. Densité des Albatros à pieds noirs dans les eaux canadiennes se trouvant à l’intérieur des zones de relevé de la Commission internationale du flétan du Pacifique (CIFP) (relevés de juin à août, 2002 à 2004). Source : Washington Sea Grant.

Figure 8.    Densité des Albatros à pieds noirs dans les eaux canadiennes se trouvant à l’intérieur des zones de relevé de la Commission internationale du flétan du Pacifique (CIFP) (relevés de juin à août, 2002 à 2004). Source : Washington Sea Grant.

En août 2005, on a muni 10 Albatros à pieds noirs d’étiquettes émettrices dans le passage Seguam, en Alaska, et 3 de ces Albatros ont pénétré les eaux canadiennes entre le 19 août et le 22 septembre (figures 3 et figure9; Suryan, comm. pers., 2005). En Colombie-Britannique, les Albatros à pieds noirs sont les plus nombreux dans les eaux canadiennes lorsqu’ils se dispersent après la reproduction, soit en août et au début septembre. On les trouve alors surtout le long de la rupture de pente du talus continental. De la fin septembre à octobre, leur nombre diminue le long de la côte de la Colombie-Britannique, car il y a des oiseaux qui retournent alors dans leur colonie de reproduction, à Hawaï ou au Japon (Morgan et al.,1991; McDermond et Morgan, 1993; Morgan, 1997; Gould et al., 1998). Les Albatros à pieds noirs observés dans la zone économique exclusive (ZEE) du Canada après cette période (soit d’octobre à juin) sont traditionnellement réputés être des oiseaux non reproducteurs ou des oiseaux qui ont échoué à se reproduire (McDermond et Morgan, 1993), mais des données récentes (dont celles d’Hyrenbach et al., 2002) indiquent que, pendant l’élevage du poussin, soit de février à juillet, les oiseaux nicheurs partent en quête de nourriture dans le courant de Californie et remontent parfois vers le nord jusqu’en Colombie-Britannique.

Figure 9. Présence dans la ZEE du Canada de trois Albatros à pieds noirs suivis par étiquettes émettrices entre le mois d’août et le début octobre, en 2005. Carte gracieusement offerte par R. Suryan et K. Fischer, Oregon State University.

Figure 9.    Présence dans la ZEE du Canada de trois Albatros à pieds noirs suivis par étiquettes émettrices entre le mois d’août et le début octobre, en 2005. Carte gracieusement offerte par R. Suryan et K. Fischer, Oregon State University.

On observe couramment des Albatros à pieds noirs dans les eaux extracôtières de la Colombie-Britannique la plupart des mois de l’année, mais les observations sur les côtes de l’archipel de la Reine-Charlotte (Haïda Gwaii) (Johnston, comm. pers., 2006) ainsi que sur la côte ouest de l’île de Vancouver sont considérées « inhabituelles » (Hatler et al., 1978). Par le passé, l’espèce était également « rare » dans les eaux du littoral nord (Kermode, 1904; voir aussi la section Importance de l’espèce ci-dessous). Parmi les mentions canadiennes à l’extérieur de l’aire de répartition figurent Nanaimo (juin 1900) et Satellite Channel, près de Victoria (août 1957; Campbell et al., 1990), en Colombie-Britannique.

Aux endroits où la rupture de pente du talus continental (équidistance de 200 m) s’approche du continent, on peut voir des oiseaux relativement près de la terre. Des Albatros à pieds noirs fréquentent l’entrée Dixon Ouest, et on en « rencontre régulièrement » (Morgan, 1997) dans les détroits de la Reine-Charlotte et d’Hécate, principalement au sud de la baie Juan Perez, dans les environs de la rupture de pente (Harfenist et al., 2002). Néanmoins, l’espèce est plus commune au large de la côte ouest que dans les eaux littorales (Morgan, 1997; Harfenist et al., 2002).

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