Requin-taupe bleu (Isurus oxyrinchus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

Biologie

À moins d’indication contraire, les données biologiques qui suivent sont tirées de Compagno (2001).

Cycle vital et reproduction

Il n’existe aucune description complète du cycle vital du requin-taupe bleu. L’espèce est ovovivipare. Les embryons en développement se nourrissent d’œufs non fécondés pendant la gestation qui dure de 15 à 18 mois. Après la parturition, les femelles se reposeraient pendant une période de 18 mois, ce qui donne un cycle de reproduction présumé de trois ans (Mollet et al., 2000). La période de mise bas s’étend de la fin de l’hiver au milieu de l’été, et la progéniture se compose généralement de 4 à 25 petits d’environ 70 cm de longueur qui sont capables de nager librement. Les femelles accèdent à la maturité à une longueur totale de 2,7 à 3 m, et les mâles, à une longueur de 2 à 2,2 m, ce qui correspond à un âge minimum de 7 à 8 ans chez les deux sexes. La taille est un meilleur indicateur de la maturité reproductive que l’âge. Dans l’Atlantique Nord-Ouest, des femelles d’une longueur à la fourche de 272 cm étaient encore immatures même si elles étaient âgées de 7 à 18 ans (Campana et al., 2004). L’espèce atteint une taille maximale d’environ 4,2 m.

À la lumière des données sur la fréquence de longueur recueillies au Canada dans le cadre du Programme international des observateurs (PIO), il est évident que les poissons matures sont rares dans les eaux canadiennes ou qu’ils ne fréquentent pas les zones de pêche commerciale. Le pourcentage de mâles et de femelles matures capturés par la flottille de pêche commerciale a été estimé à partir de calculs approximatifs; il serait respectivement de 10 à 23 % (n = 1 054) et de 0,2 à 0,6 % (n = 850), si l’on se fie aux données sur la longueur recueillies dans le cadre du PIO de 1980 à 2003. Sur les 1 904 spécimens observés, seuls cinq étaient des femelles parvenues à maturité. Pour calculer la fourchette de pourcentages, il a été présumé que la longueur à la maturité (longueur totale) était de 200 à 220 cm chez les mâles et de 270 à 300 cm chez les femelles. La figure 6 illustre la distribution selon la fréquence des tailles des mâles et des femelles capturés de 1979 à 2002 par les pêcheurs commerciaux dans les eaux entourant Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse (Campana et al., 2004).

Figure 6. Fréquence de longueur des requins-taupes bleus mâles et femelles (année, secteur et saison confondus), d’après les données recueillies de 1979 à 2002 dans le cadre du PIO dans les eaux entourant Terre-Neuve, sur la plateforme Scotian et au large de la côte sud de la Nouvelle-Écosse. La longueur à la maturité (longueur à la fourche) est de 250 à 280 cm chez les femelles et de 185 à 205 cm chez les mâles. La flèche représente la longueur minimum à la maturité. Figure tirée de Campana et al., 2004.

Figure 6. Fréquence de longueur des requins-taupes bleus mâles et femelles (année, secteur et saison confondus), d’après les données recueillies de 1979 à 2002 dans le cadre du PIO dans les eaux entourant Terre-Neuve, sur la plateforme Scotian et au large de la côte sud de la Nouvelle-Écosse. La longueur à la maturité (longueur à la fourche) est de 250 à 280 cm chez les femelles et de 185 à 205 cm chez les mâles.

En opérant des coupes transversales dans les vertèbres des spécimens prélevés, Campana et al. (2002) ont estimé que les requins-taupes bleus de l’Atlantique Nord-Ouest vivaient au moins jusqu’à l’âge de 24 ans. Selon la courbe de croissance de von Bertalanffy, la longévité maximale théorique serait de 28 ans (Smith et al., 1998) à 45 ans (Cailliet et Bedford, 1983). Le coefficient instantané de mortalité naturelle a été estimé à 0,16 (Smith et al., 1998). En combinant le taux de mortalité naturelle et l’âge à la première reproduction (8 ans), on arrive à une estimation prudente (minimum) de 14 ans pour la durée d’une génération (GL = 8+1/0,16 = 14).

Prédateurs

En raison de sa taille relativement imposante et de sa grande vitesse, le requin-taupe bleu a peu de prédateurs naturels. Des preuves de prédation de l’espèce par le grand requin blanc ont cependant été observées au large de la Californie, dans la Méditerranée et au large de l’Afrique du Sud. Certains spécimens capturés avaient des blessures ou des cicatrices visibles pouvant être attribuées à des affrontements avec des voiliers et des espadons. L’être humain est le principal prédateur du requin-taupe bleu, la pêche dirigée et les prises accessoires représentant d’importants facteurs de mortalité.

Physiologie

Espèce endotherme, le requin-taupe bleu conserve une température corporelle de 1 à 10 °C supérieure à la température ambiante de l’eau. Cette adaptation représente un avantage, car il peut ainsi nager, voir et maintenir les fonctions de son système nerveux central et de son système digestif même lorsqu’il se trouve à des latitudes élevées, comme dans les eaux canadiennes, ou lorsqu’il plonge sous la thermocline des eaux chaudes.

Déplacements et dispersion

Le requin-taupe bleu est un grand migrateur, comme en témoignent les études de marquage classiques (Kohler et al., 1998) et une étude génétique plus récente (Schrey et Heist, 2003). Compte tenu de sa préférence pour les eaux chaudes et de sa grande mobilité, il est peu probable que l’espèce passe de longues périodes dans les eaux canadiennes. Les spécimens marqués et recapturés (N(marqués) = 3 457, N(recapturés) = 320) de 1962 à 1993 sur les côtes de l’Atlantique Nord-Ouest révèlent une vaste gamme de profils de déplacement (figure 3). Certains individus se sont montrés capables de déplacements sur de grandes distances à l’échelle des bassins océaniques, mais la plupart des étiquettes récupérées se trouvaient dans un rayon de 500 km de l’endroit où le poisson avait été marqué.

Relations interspécifiques

Le requin-taupe bleu se nourrit d’une gamme variée de proies, principalement de poissons, dont le thon, le maquereau, la bonite et l’espadon. Le calmar occupe également une place importante dans son régime alimentaire. En général, les proies font de 10 à 35 % de la taille du prédateur. Certains scientifiques sont d’avis que les gros spécimens tendent à chasser des proies plus grosses, dont d’autres requins, de petits cétacés et des tortues. Dans la partie ouest de l’Atlantique Nord, le tassergal est considéré comme la principale proie de l’espèce et composerait 78 % de son régime alimentaire (Stillwell et Kohler, 1982).

Adaptabilité

L’espèce supporte sans doute assez bien les changements naturels qui surviennent dans son environnement (c.-à-d. changement du type de proies ou variations de température), parce qu’elle peut facilement se déplacer sur de grandes distances et chasser une gamme variée de proies. De plus, le requin-taupe bleu occupe un vaste territoire, ce qui le rend moins vulnérable aux phénomènes stochastiques de faible envergure. Sa physiologie endotherme lui permet de demeurer très actif dans deseaux froides.

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