Petite nyctale de la sous-espèce brooksi (Aegolius acadicus brooksi) COSEWIC update and status report : chapitre 7

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

Jusqu’à présent, trois ensembles de relevés ont été menés sur la sous-espèce de Petite Nyctale de Haida Gwaii. Premièrement, Gill et Cannings (1997) ont effectué en 1996 un relevé systématique dans lequel 238 sites situés dans divers types d’habitat sur l’île Graham et dans la portion nord de l’île Moresby ont été fouillés 2 fois pendant la saison de reproduction, au printemps. Ce relevé a permis de détecter 61 chouettes. Deuxièmement, l’auteure (CIH) a mené pendant 2 ans (2002-2003) des recherches ciblées de Petites Nyctales dans les forêts matures et anciennes de la portion sud de l’île Graham. Au total, 24 lieux occupés ont été repérés en 2002, et 26 en 2003 (Holschuh, 2004). Troisièmement, l’auteure a mené en 2004 un relevé systématique dans la réserve de parc national Gwaii Haanas. Les sites de relevé, auxquels on accédait par bateau, étaient situés dans des bras de mer, des passages et des baies protégés, et ciblaient les habitats terrestres adjacents afin de déterminer la répartition et la densité. Parmi les 59 sites qui ont fait l’objet d’un relevé (dont bon nombre ont été fouillés 2 fois), des Petites Nyctales ont été trouvées à 26 sites (Holschuh, en préparation). Le taux de détection le plus élevé a été enregistré dans le relevé de Gwaii Haanas. Ces 3 ensembles de relevés ont été réalisés au printemps, alors que tous les mâles appellent beaucoup.

Aux fins du présent document, les estimations de la population ont été calculées en se basant sur des mesures de la densité, extrapolées en fonction de la quantité d’habitat disponible aujourd’hui et il y a dix ans. Deux densités de population ont été calculées : (1) la densité de sites occupés dans l’île Graham dans un paysage altéré par les activités forestières, selon la base de données 2002-2003 et (2) la densité de sites occupés dans une grande parcelle d’habitat non perturbé à Gwaii Haanas. Les Petites Nyctales étant apparemment associées aux forêts anciennes et matures, une estimation de la densité dans un paysage très peu perturbé pourra servir de point de référence pour des comparaisons. Les densités ont été calculées en fonction de la distance moyenne avec le voisin le plus proche. Les rapaces sont souvent répartis de manière uniforme dans le paysage. L’espacement approximatif entre les territoires peut servir d’indicateur direct de la taille du domaine vital. Si l’on divise par deux la distance qui sépare le cœur des territoires (soit le secteur que le mâle défend avec le plus d’assiduité), on peut calculer la superficie qu’occuperait un domaine vital circulaire. En divisant ensuite la quantité d’habitat disponible par la taille calculée du domaine vital, il est possible d’estimer la taille de la population. Puisque la population est estimée à partir de l’espace qui sépare les individus, la marge d’erreur de cette estimation a été calculée à partir de l’erreur type de la distance moyenne entre les individus.

Cette méthode comporte de nombreuses limites. Premièrement, parce que les besoins de la sous-espèce en matière d’habitat ne sont pas entièrement connus, le fait de calculer les domaines vitaux puis de calculer la taille de la population en fonction de la quantité d’habitat disponible peut mener à une surestimation. Même si les mesures de la densité peuvent prendre en considération des facteurs comme la fragmentation de l’habitat, il se peut que d’autres caractéristiques viennent fausser le résultat. De plus, ce n’est pas nécessairement tout l’habitat disponible qui est utilisé par les Petites Nyctales. Deuxièmement, une fois estimé, le nombre de sites dans le paysage est multiplié par deux. Ce calcul présume que les deux sexes sont présents en nombres égaux, ce qui n’a pas été vérifié. Par ailleurs, la population est estimée en fonction de la disponibilité d’habitat seulement, et aucun autre facteur possible, comme la fécondité, n’est pris en considération. Les estimations de la densité ont été extrapolées à partir de données recueillies au cours d’années différentes, alors qu’on ne sait rien de la variation interannuelle de la taille de la population. Enfin, les changements de la disponibilité d’habitat sont considérés comme les indicateurs directs des changements de la population, alors qu’il existe probablement des facteurs additionnels encore méconnus (p. ex. changement du succès reproducteur au fil du temps en fonction de l’évolution du paysage). Il pourrait en découler une surestimation du nombre de sites et d’individus. La taille et les tendances des populations n’ont pas encore été directement mesurées, mais, malgré ses faiblesses, la méthode présentée ici relie les densités calculées à partir de données de relevés et les changements de la disponibilité d’habitat pour produire une estimation somme toute raisonnable de l’abondance.

Abondance

Si l’on se fie aux estimations décrites ci-dessus, la densité de Petites Nyctales est beaucoup plus grande dans la forêt ancienne continue de Gwaii Haanas que dans la forêt fragmentée en régénération. Selon les relevés réalisés dans les forêts continues de Gwaii Haanas, la distance moyenne entre les sites occupés est de 2,18 ± 0,18 km, ce qui correspond à un domaine vital moyen d’environ 3,52 ± 1,3 km². Si l’on divise la superficie calculée de 2 561 km² de la forêt convenable non fragmentée par ce chiffre (voir la section Habitat), on obtient un total de 725 ± 200 territoires dans les paysages non fragmentés. En outre, dans l’habitat fragmenté, l’espacement moyen entre les individus est de 4,31 ± 0,71 km, ce qui correspond à un domaine vital moyen de 14,52 ± 11,1 km². Encore une fois, en divisant les 2 927 km² d’habitat disponible dans les paysages fragmentés par ce chiffre, on obtient au total 201 ± 90 territoires pour ce type d’habitat. Le total combiné de 926 ± 290 territoires est pour le moment la meilleure estimation du nombre possible de territoires de nidification à Haida Gwaii et correspond à une population adulte possible de 1 852 ± 580 individus.

Fluctuations et tendances

Il n’existe que très peu d’information sur les fluctuations et les tendances des populations des deux sous-espèces. On a laissé entendre que les populations d’A. a. acadicus fluctuent en fonction de l’abondance de nourriture (Cannings, 1993 et références), mais les habitudes alimentaires plus opportunistes et généralistes de l’A. a. brooksi (Sealy, 1999) donnent à penser que la sous-espèce de Haida Gwaii serait moins sensible aux fluctuations de l’abondance de proies spécifiques. Néanmoins, des relevés interannuels répétés menés dans un même lieu ont montré que les secteurs qui étaient occupés une année donnée pouvaient présenter une beaucoup moins grande activité l’année suivante (Holschuh, données inédites).

Lorsqu’on tient compte des taux de déclin de l’habitat non fragmenté et qu’on extrapole l’espacement des chouettes (densité) à ce paysage changeant, on peut estimer un déclin de la taille de la population de 9 p. 100 au cours des 10 dernières années. Cette estimation est fondée sur des taux de coupe des forêts anciennes d’environ 3 000 hectares par année (figure 5), ce qui se traduit par une perte d’habitat pour environ 85 couples sur une période de 10 ans. La perte au cours des 15 dernières années, durée estimative maximale de 3 générations, serait d’environ 13 p. 100. De plus, si l’on fait une rétro-projection démographique en fonction de la quantité originelle d’habitat non fragmenté, on trouve qu’il pourrait y avoir déjà eu environ 1 550 ± 420 territoires, ce qui signifierait qu’il y aurait eu un déclin d’environ 40 p. 100 de la population depuis le début des activités d’exploitation forestière à grande échelle (qui ont débuté vers 1950 - données du Gowgaia Institute; A. Cober, comm. pers.). De manière générale, on peut s’attendre à ce que les Petites Nyctales déclinent à Haida Gwaii au fur et à mesure que les forêts anciennes et matures non fragmentées disparaissent. De plus, les effets d’autres facteurs externes, comme l’introduction d’espèces exotiques, sont méconnus et n’entrent pas dans ces calculs. Ces facteurs ont sans doute également une incidence sur la population, ce qui laisse penser que les estimations ci-dessus sont « optimistes ». Les effets conjugués des menaces et des facteurs limitatifs décrits plus loin accentueront probablement le déclin des Petites Nyctales de Haida Gwaii.

On estime qu’environ 3 000 hectares de terrains boisés seront coupés chaque année sur les îles de la Reine-Charlotte, et ce, presque entièrement dans les forêts anciennes (Alvin Cober, comm. pers.). Cette exploitation forestière projetée se traduirait par une diminution d’environ 6 p. 100 de la population de Petites Nyctales (perte de 57 couples pour une population qui en compte 926) au cours des 10 prochaines années, ou de 9 p. 100 au cours des 15 prochaines années (durée estimative maximale de trois générations).

Effet d’une immigration de source externe

La sous-espèce brooksi de la Petite Nyctale étant endémique à l’archipel de Haida Gwaii, il n’y a pas de possibilité d’effet d’une immigration de source externe.

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