Gravelier (Erimystax x-punctatus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Facteurs limitatifs et menaces

Le gravelier ne tolère pas la pollution et a des besoins stricts en matière d’habitat. Ses populations sont confinées à des zones où le courant est suffisant pour empêcher l’envasement du fond (voir Becker, 1983). L’espèce est sensible à la turbidité élevée et à l’envasement accru (Becker, 1983). L’envasement, ou sédimentation, est l’accumulation dans les lacs et les chenaux fluviaux de particules de sol, habituellement sous l’action de l’érosion des terres adjacentes. La turbidité, une des principales caractéristiques physiques de l’eau, est une expression de la propriété optique qui cause la dispersion de la lumière et son absorption par les particules et les molécules plutôt que sa transmission en ligne droite dans un échantillon d’eau. Elle est causée par la présence de matières en suspension ou d’impuretés qui interfèrent avec la clarté de l’eau, notamment la matière inorganique et organique finement divisée, les composés organiques solubles colorés, et le plancton et d’autres microorganismes. Parmi les sources typiques de turbidité figurent les déchets rejetés, le ruissellement (surtout en provenance de zones perturbées ou érodées), les algues ou les mauvaises herbes aquatiques ainsi que leurs produits de dégradation, les acides humiques, d’autres composés organiques résultant de la décomposition de la matière végétale et les fortes teneurs en fer ou en d’autres minéraux, qui peuvent entraîner la décoloration. L’envasement est le principal facteur limitatif du gravelier, qui a besoin de substrats non limoneux. La turbidité peut également être limitative, selon la source et le courant. Dans les zones à courant faible, la sédimentation de matières en suspension provenant d’eaux troubles peut se produire.

On a associé un envasement accru à la disparition du gravelier dans de nombreuses portions de l’Ohio (Trautman, 1981) et du Wisconsin (Becker, 1983). En Iowa et au Wisconsin, les pesticides, les eaux usées et d’autres rejets ponctuels ont également été désignés comme des causes possibles de la disparition de l’espèce (Schmidt, 2000).

Des modifications semblables de l’habitat dans le bassin de la Thames peuvent expliquer la disparition du gravelier au Canada. En 1923, Brown a décrit la rivière Thames comme suit : sites de capture à eau claire, à fort courant, à substrats sablonneux et graveleux et de profondeur allant jusqu’à cinq pieds (Holm et Crossman, 1986). Le rapport sur les activités d’échantillonnage du MRO en 1985 révèle un changement dans les conditions environnementales, changement néfaste pour l’espèce étant donné la turbidité de l’eau et la présence évidente de limon et d’argile dans tous les sites (Holm et Crossman 1986). Des conditions troubles ont également été observées en 2005, lors de l’échantillonnage de Pêches et Océans Canada dans la Thames, près de Muncey (Marson et al., 2006). Holm et Crossman (1986) ont également observé une hausse de l’abondance d’espèces comme le méné bleu (Notropis spilopterus), connu pour sa tolérance à la turbidité et à l’envasement (Trautman, 1981). De plus, des espèces moins tolérantes comme le méné pâle (Notropis volucellus) et le dard de sable (Ammocrypta pellucida) étaient absentes ou présentaient une abondance moindre qu’au cours des collectes précédentes (Holm et Crossman, 1986). Toutefois, Dextrase (comm. pers., 2008) a noté une abondance relativement élevée de dards de sable dans ces tronçons de la Thames au cours des relevés de 2006.

L’aménagement d’ouvrages de retenue dans les radiers est considéré comme une grave menace pour les populations de graveliers des États-Unis (Becker, 1983; NatureServe, 2007). Les barrages altèrent les conditions des habitats en amont et en aval et agissent comme obstacles, fragmentant ainsi les populations et limitant la recolonisation (NatureServe, 2007; Edwards et al., 2007). La plupart des barrages dans la Thames se trouvent soit dans le bassin du cours supérieur, soit dans les affluents des cours inférieur et moyen de la rivière. L’obstacle le plus en aval dans le chenal principal de la Thames est le barrage Springbank (situé à plus de 40 km en amont de Muncey, dans la ville de London). Les vannes qui sont en place de la mi-mai au début de novembre font obstacle au passage des poissons et créent un petit réservoir de retenue au fil de l’eau (55 hectares). Sauf pour ce qui est du remplissage du réservoir à la mi-mai et de sa vidange en novembre, le barrage a peu d’incidence sur le débit en aval (Reid et Mandrak, 2006). En conséquence, les barrages devraient exercer peu d’effets sur les habitats historiques du gravelier au Canada.

Les charges en limon découlant des activités agricoles et urbaines peuvent être les menaces les plus importantes pour les espèces comme le gravelier, dont les besoins en matière d’habitat sont stricts (eaux non limoneuses et à faible turbidité). Le bassin de la Thames couvre une étendue où les activités agricoles sont les plus intenses de la province, voire du Canada. Soixante-dix-huit pour cent des terres du bassin du cours supérieur servent à des fins de production agricole, alors que ce taux s’élève à 88 pour 100 dans le bassin du cours inférieur (Taylor et al., 2004). Une grande partie des terres est systématiquement drainée par des tuyaux; le ruissellement des eaux de pluie et le drainage par tuyaux entraînent directement le dépôt à grande échelle de sol dans la rivière par l’intermédiaire des drains municipaux et des affluents. En outre, le broutage par le bétail et le travail du sol jusque vers les rives des cours d’eau détruisent la végétation riveraine et contribuent à l’érosion des berges ainsi qu’à la hausse des charges en sédiments (Bailey et Yates, 2003). Les zones les plus gravement touchées sont celles en amont des sites de prélèvement historiques de graveliers.

La charge en nutriments provenant du fumier et des engrais, du déversement de fumier et des systèmes de traitement des eaux usées et des eaux domestiques est aussi préoccupante (UTRCA, 1998; Taylor et al., 2004). Au moins 15 usines d’épuration des eaux usées, aux niveaux de traitement variables, rejettent des eaux usées dans la Thames, de sorte que les concentrations de bactéries dépassent souvent les normes provinciales acceptables (100 E. coli/100 ml). Depuis 1998, les proliférations périodiques d’algues (qui ont abaissé les teneurs en oxygène dissous) causées par l’accumulation de nutriments et le rejet de substances chimiques (généralement du pétrole et de l’essence) ont entraîné des mortalités massives épisodiques de poissons (UTRCA, 1998).

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