Porte-queue demi-lune (Satyrium semiluna) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Biologie

Cycle vital et reproduction

Les œufs sont pondus sur les lupins hôtes ou dans la litière de feuilles se trouvant à la base des plantes (Scott 1986b; idem, 1992). Ils hivernent et les stades de larve et de pupe ont lieu au printemps suivant. Les adultes émergent tard au printemps ou tôt en été et complètent le cycle vital. L’espèce est reconnue pour avoir une génération par année.

Période d’activité des adultes

En Colombie-Britannique, les adultes ont été relevés aussi tôt que le 20 mai et aussi tard que le 4 juillet. Selon les observations de 2003 et la plupart des spécimens de musée, les deux dernières semaines du mois de juin semblent être la période de vol la plus intense en Colombie-Britannique. Les dates de capture pour cinq spécimens de musée récoltés entre 1895 et 1901 sont manifestement plus hâtives et s’étendent du 20 mai au 2 juin. En raison du manque de données géographiques précises sur ces spécimens, il est impossible de déterminer si ces dates hâtives sont le résultat de conditions climatiques inhabituelles à cette période ou si les spécimens proviennent d’un habitat de basse altitude aujourd’hui disparu.

Un spécimen hâtif de la population de l’Alberta a été capturé le 25 juin (Bird et al., 1995). Dans les inventaires de 2003 et 2004 réalisés par Kondla, la population de l’Alberta volait durant les deux dernières semaines du mois de juillet. Dans les deux provinces, la période de vol semble être corrélée avec la sénescence saisonnière du L. sericeus.

Dans les provinces de la Colombie-Britannique et de l’Alberta, les adultes étaient actifs durant la majeure partie de la période d’ensoleillement. En 2003, les adultes étaient actifs entre 8 h 30 et 18 h en Colombie-Britannique et entre 8 h 030 et 19 h 30 en Alberta (Kondla, obs. pers.). Les individus de la Colombie-Britannique peuvent se percher en groupe durant la nuit sur les sommets des plants d’armoise. À une occasion, à 18 h, trois individus ont été vus à quelques centimètres les uns des autres au sommet d’un plant d’armoise. En 1975, Guppy (données non publiées) a observé de nombreux adultes se reposant seuls, les ailes fermées, sur la face supérieure des grandes feuilles d’un plant de balsamorhize à feuilles sagittées en mi-journée par temps chaud alors que la majeure partie du soleil était obscurcie par un nuage élevé et fin.

Ressources alimentaires des adultes

Les adultes de l’Alberta utilisent principalement l’E. flavum comme source de nectar, probablement en raison de l’abondance de cette plante dans leur habitat. Les fleurs du S. missouriensis sont également utilisées comme source de nectar, mais cette plante est beaucoup moins abondante dans l’habitat (Kondla, 2003a; idem, 2004b). Les adultes de la Colombie-Britannique ont été vus se nourrir du nectar de l’A. millefolium, de l’E. heracleoides et de la bigevolie puante (Chrysothamnus viscidiflorus) (Kondla, 2003b, et données non publiées).

Reproduction

Dans les populations de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, les mâles semblent rechercher les femelles surtout en se perchant.

En Alberta, plusieurs couples reproducteurs de S. semiluna ont été retrouvés sur les fleurs de l’E. flavum et du S. missouriensis. Il est possible que les sites de nectar servent également de sites de recherche de partenaires. Les couples reproducteurs ont également été observés sur des lupins, de l’armoise rustique (Artemisia frigida) ainsi que sur d’autres végétaux. Dans des conditions de vent léger ou sans vent, les mâles de l’Alberta effectuent des vols de patrouille à basse altitude (à moins de 60 cm de hauteur), et décrivent des cercles autour des plants de lupins. On a également observé des mâles et des femelles posés sur une variété de substrats, y compris du sol nu, des brins d’herbes, des roches, des tiges de centaurée séchées, des asters (Aster sp.), des chalefs argenté (Elaeagnus commutata), des L. sericeus, des potentilles (Potentilla sp.) et des astragales (Astragalus sp.)(N. Kondla, 2003a; idem, 2004b).

En Colombie-Britannique, des S. semiluna mâles ont souvent été trouvés perchés sur des arbustes d’armoise tridentée (A. tridentate). Ils ont également été observés effectuant de courtes envolées à des hauteurs de 1 à 2 mètres entre les perchoirs d’arbustes. Ces vols comprenaient parfois la formation de cercles autour d’un plant d’armoise deux à trois fois avant que le mâle ne se déplace vers un autre plant et ne s’y perche (N. Kondla, données non publiées).

Ressources alimentaires des chenilles

Les chenilles des États-Unis ont été observés se nourrissant de diverses espèces de lupins (Ballmer et Pratt, 1988, Scott, 1986b; idem, 1992). On sait que plusieurs espèces de lupins sont présentes en Alberta et en Colombie-Britannique, mais seul le L. sericeus, répandu et commun, a été inventorié de façon constante aux endroits où des populations de S. semiluna ont été trouvées (Kondla, données non publiées).

Relations interspécifiques--Myrmécophilie

La myrmécophilie chez les papillons est une relation mutualiste entre la larve et une ou plusieurs espèces de fourmis. La larve des Lycénidés sécrète un liquide nutritif contenant des glucides et des acides aminés libres à partir d’une glande dorsale (Pierce 1987, Leimar et Axtén, 1993). Ces sécrétions sont consommées avec appétit par les fourmis partenaires. En retour, les fourmis protègent la larve des attaques des prédateurs et des parasitoïdes.

Chez les Lépidoptères, la myrmécophilie est surtout présente chez les Lycénidés. Plus de 50 p. 100 des espèces de papillons appartenant à cette famille établissent une relation avec les fourmis durant le développement larvaire (Seufert et Fiedler, 1996). Chez certaines espèces de Lycénidés, cette relation est obligatoire (elles ne peuvent survivre sans les fourmis partenaires, dans la plupart des cas une espèce précise). D’autres ont une relation facultative (la chenille peut interagir avec différentes espèces de fourmis, mais peut survivre sans celles-ci). Toutefois, même parmi les espèces ayant une relation facultative, la chenille est souvent avantagée par la myrmécophilie.

La myrmécophilie chez les espèces de Lycénidés de l’Amérique du Nord a été mentionnée par un certain nombre de chercheurs, notamment Ballmer et Pratt (1988) et Scott (1992). De nombreuses espèces appartenant à la famille des Lycénidés établissent des associations obligatoires avec certaines espèces de fourmis. En Californie, la chenille du S. fuliginosa (et probablement du S. semiluna) est fréquemment gardée par au moins trois espèces de fourmis (Warren, 2005). On ne sait pas si la myrmécophilie est un élément important dans les populations canadiennes du S. semiluna mais, si ces dernières sont fortement myrmécophiles, cette association avec les fourmis pourrait aider à expliquer l’apparent morcellement de la répartition du papillon dans les grandes zones d’habitats qui semblent par ailleurs propices.

Adaptabilité

La présence d’une population de S. semiluna dans une région sujette au pâturage intensif par le bétail laisse croire que le papillon tolère une telle utilisation des terres, du moins dans une certaine mesure. Le manque d’association constante du papillon avec des espèces de lupin autres que le L. sericeus, conjugué à une répartition morcelée à l’intérieur d’un habitat vraisemblablement propice, suggère que le S. semiluna serait assez spécialisé et peu apte à s’adapter. Par ailleurs, le papillon pourrait être limité par le morcellement de la répartition des fourmis partenaires.

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