Smilax à feuilles rondes (Smilax rotundifolia) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 7

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

Les rédacteurs ont passé cinq jours sur le terrain en Ontario, en juin et juillet 2006, mais une partie importante de ce temps a servi à essayer d’obtenir accès aux terrains. Parmi les terrains auxquels l’accès a été obtenu, il y en a seulement deux où l’espèce était introuvable, et il est bien possible qu’elle y soit toujours présente. Aucun travail de recherche n’a été entrepris dans des milieux d’habitat convenable où l’espèce n’avait pas encore été signalée. Les données détaillées issues des relevés de 2006 (y compris l’effort de recherche dans chaque site) ont été déposées aux dossiers du COSEPAC ainsi que du Centre d’information sur le patrimoine naturel de l’Ontario (CIPN), où se trouvent également les données provenant des relevés effectués par le ministère des Richesses naturelles de l’Ontario (MRNO) en 2004 et 2005.

L’Office de la protection de la nature de la péninsule du Niagara a réalisé des relevés approfondis en 2006 et 2007 dans le cadre d’un inventaire des zones naturelles. En 2006, les équipes de terrain ont visité 76 propriétés situées dans la municipalité de Port Colborne, soit une superficie totale de 439 ha. En 2007, elles ont fait des relevés dans quatre secteurs de la péninsule du Niagara, étudiant ainsi 179 sites et une superficie totale de 868 ha. Les équipes ont donc examiné en tout 255 sites occupant une superficie totale de 1 307 ha. Elles n’ont pas fouillé chaque hectare d’habitat existant dans la péninsule, mais elles étaient familières avec le smilax à feuilles rondes et ont spécifiquement cherché à trouver cette espèce ainsi que d’autres taxons rares pour la région. Les équipes ont ainsi réussi à découvrir de nouvelles populations de certaines espèces désignées par le COSEPAC, mais non du smilax à feuilles rondes, qui est pourtant une plante grimpante facile à repérer (Albert Garofalo, comm. pers. à M.J. Oldham, 2007). Il est donc probable que peu de populations additionnelles soient encore à découvrir dans la péninsule du Niagara.

Aucun travail de terrain n’a été effectué en Nouvelle-Écosse pour le présent rapport. L’espèce ne fait pas l’objet d’un suivi par le Centre de données sur la conservation du Canada atlantique ni par le gouvernement provincial, en raison de sa situation apparemment non en péril (cote S4) dans la province.

Abondance

L’espèce est localement commune en Nouvelle-Écosse, où elle est présente dans plus de 50 sites répartis entre quatre comtés. Certaines des populations sont situées dans des aires protégées, dont le parc national Kejimkujik et l’aire de nature sauvage Tobeatic (selon la base de données sur les habitats significatifs tenue par le Museum of Natural History de la Nouvelle-Écosse et le ministère des Ressources naturelles de la Nouvelle-Écosse, telle que citée dans COSEPAC, 2001). Les populations semblent stables et renferment en tout entre 3 000 et 10 000 individus (Elderkin, comm. pers., 2006). Ces effectifs ne proviennent pas de dénombrements réels mais d’une estimation grossière du nombre de plantes ou de collets, laquelle peut donner une idée de la fréquence des plantes observées en Nouvelle-Écosse. Étant donné la nature clonale de l’espèce, il est très probable que le nombre réel d’individus génétiquement distincts soit grandement inférieur à cette estimation. Il est impossible de déterminer sur le terrain le degré de connectivité souterraine existant entre les couronnes, qui comprennent chacune une ou plusieurs tiges naissant d’une même souche.

En Ontario, il y a 14 sites où le smilax à feuilles rondes a été signalé de manière sûre (tableau 3 et figure 4). Un de ces 14 sites est aujourd’hui disparu, tandis que l’existence de huit autres a été confirmée au cours des trois dernières années (tableau 3). Il reste donc cinq populations qui existent peut-être toujours mais qui n’ont pas été retrouvées récemment. La proportion de populations « récemment vérifiées » est en fait un strict minimum, car plusieurs propriétaires fonciers ont refusé aux équipes l’accès à leur propriété en 2006. Si on en juge d’après les rapports antérieurs, dont celui d’Ambrose (1994), au moins quelques-unes de ces populations non confirmées sont sans doute encore existantes.

Quatre autres sites sont qualifiés de « non récemment vérifiés » par Soper et Heimburger (1982), dont deux dans le comté de Chatham-Kent et deux dans le comté de Middlesex, mais aucun document ne vient étayer ces mentions. Il se peut que ces populations soient disparues ou que les mentions proviennent de mauvaises identifications. Aucune population, existante ou non, n’a jamais été signalée dans le parc provincial Rondeau, malgré le point qui figure à cet endroit dans la carte de Soper et Heimburger (Dobbyn, comm. pers., 2006).

Tableau 3. Résumé des populations connues du smilax à feuilles rondes situées en Ontario. (On trouvera dans le tableau 2 des données sur l’état reproducteur de ces populations et sur la répartition des sous-populations.)
Site Nom de la population Première et dernière observation Propriété en 2006 Commentaires
1 ZIPE Cedar Creek (Essex) 1983 et 1984 Inconnue. Aucun individu repéré en deux heures de terrain en 2006. Comme un habitat convenable (semblable aux sites de Norfolk) persiste, la population existe peut-être encore.
2 ZIPE Catbrier Woods (Essex) 1986 et 1990 Privée. Impossible d’obtenir l’accès au site en 2006 : le propriétaire était en vacances.
3 ZSPE White Oak Woods (Essex) 1982 et 1989 Privée. Le propriétaire a refusé l’accès au site en 2006.
4 ZSPE Sweetfern Woods (Essex) 1984 et 1989 Privée (deux propriétaires). Le propriétaire a refusé l’accès au site en 2006.
5 Blytheswood (Essex) 1982 et 2006 Privée (deux propriétaires). Le propriétaire s’intéressait à l’espèce. C.J.Rothfels 2332, Charles Chevalier, HAM.
6 Crêtes de sable de South Walshingham (Norfolk) 1987 et 2006 Publique et privée. Nombreuses tiges sur un terrain de l’Office de la conservation de la nature de la région de Long Point; autres tiges sur des terrains privés (deux propriétaires). Mary Gartshore et Peter Carson ont découvert plusieurs sous-populations depuis la découverte de la population initiale par Don Sutherland. Au moins une sous-population semble avoir connu une croissance appréciable depuis sa découverte, tandis que les autres accroissements observés sont presque certainement davantage attribuables à une augmentation de l’effort de recherche qu’à un changement réel. C.J.Rothfels 2291, M.Gartshore, HAM.
7 Drummond Heights (Niagara) 1982 et 2006 Privée. Une des touffes était en fruits (la seule à être observée en fruits durant les travaux de 2006). C.J.Rothfels 2344, S. Gibson, HAM.
8 Garner Road A (Niagara) 1982 et 2006 Privée. Accès refusé. Le site a été exploré depuis le chemin seulement.
9 Cooks Mills (Niagara) 1985 et 1985 Privée. Il a été impossible d’obtenir l’accès au terrain où l’espèce a le plus de chance d’être présente, car le propriétaire n’était pas disponible.
La permission a été accordée par un autre propriétaire du secteur, mais aucune population n’a été trouvée sur cette propriété.
10 Fenwick (Niagara) 1999 et 2006 Privée. Très grande population. Le principal propriétaire s’intéressait aux arbres, a montré des Castanea poussant sur la propriété, etc. Très amical, désireux d’en savoir plus.
11 Lyons Creek North (Niagara) 1999 et 2007 Privée. Visité par M. Oldham avec des employés de l’Office de la conservation de la nature de la péninsule du Niagara. Des centaines de tiges formant une grande colonie de 50-60 m x 5 m; fleurs mâles observées.
12 Woodlawn Park (Niagara) 2005 et 2006 Publique. Parc municipal de Welland. L’Eurybia divaricatus est commun dans ce terrain boisé. Le Cornus florida, l’Uvularia sessilifoliaet le Nyssa sylvatica ont également été observés. C.J.Rothfels, A. Garofalo, S. Gibson, HAM.
13 Garner Road B (Niagara) 2003 et 2005 Privée. Le terrain boisé étroit et relativement petit indiqué sur la carte topographique (M/3 & M/6) au sud du boisé principal n’existe plus. Possible d’examiner le site que depuis le chemin. Le terrain est destiné à l’aménagement résidentiel.
14 Pointe Pelée (Essex) 1881 et 1881 Inconnue. Population présumément disparue.Mention fondée sur le spécimen Macoun 27625, CAN (CAN14747), stérile et inhabituel, sans aiguillons, mais dont l’identification a été confirmée par J.H. Soper, D.J. White, R.V.Maher ainsi que les rédacteurs (lesquels se sont fondés sur la tige plus ou moins quadrangulaire et sur la présence de spicules sur le bord inférieur de certaines feuilles).

Les acronymes désignant les herbiers sont ceux recommandés par Holmgren et Holmgren (1998). ZIPE = zone importante sur le plan environnemental.

Il est difficile de déterminer le nombre réel d’individus constituant chaque population, en raison de la nature clonale de l’espèce. Au moins une des populations (site 10) renferme plusieurs centaines ou milliers de couronnes, tandis que trois (sites 5, 6 et 12) en renferment plusieurs douzaines. Le nombre total d’individus dans la province se situe entre 1 000 et 5 000 couronnes, approximativement (chaque couronne pouvant ou non être connectée à d’autres couronnes et ainsi former avec celles-ci un clone). Si on veut s’en tenir au nombre réels d’individus, ou de clones distincts, il est sans doute plus réaliste de dire que le nombre d’individus en Ontario se chiffre à plusieurs centaines, et non de plusieurs milliers. Cette assertion est appuyée par le fait que, dans 6 des 13 sites existants en Ontario, tous les individus sont du même sexe et forment vraisemblablement un seul clone, ou un petit nombre de clones provenant de propagules distinctes qui se sont introduites à l’origine dans les sites. Le fait que chaque colonie forme généralement un groupe serré et non des groupes dispersés dans les bois tend également à indiquer qu’il s’agit de cas isolés d’introduction suivis d’une propagation végétative finissant par former des colonies isolées distinctes dont le nombre de couronnes s’est ensuite accru par multiplication végétative. Les plantes de nature clonale ont tendance à avoir une reproduction végétative vigoureuse et à persister et se propager dans un secteur pendant plusieurs décennies, voire pendant des siècles, pour former de grandes colonies.

Fluctuations et tendances

En Nouvelle-Écosse, les populations paraissent stables. En Ontario, elles sont trop clairsemées pour qu’une tendance concrète puisse être discernée à l’échelle de la province. En général, les populations de l’Ontario ne semblent pas avoir beaucoup changé entre les deux évaluations, soit le rapport d’Ambrose (1994) et le présent rapport. La découverte de quatre populations ainsi que de plusieurs nouvelles sous-populations situées dans des sites connus pourrait laisser croire que l’espèce a connu une croissance au Canada au cours de cet intervalle. Cependant, ces nouvelles populations sont sans doute des populations déjà existantes qui n’avaient pas été signalées, et non les résultats d’une colonisation récente. D’ailleurs, la tendance est affaiblie par la dégradation des sites connus et par l’impossibilité d’obtenir la permission d’aller sur le terrain pour confirmer plusieurs des populations importantes du comté d’Essex.

Immigration de source externe

Aucune donnée spécifique n’est disponible à ce sujet, mais on peut supposer qu’une immigration de source externe est possible dans le cas des populations de l’Ontario. La fréquence et la distance auxquelles les oiseaux peuvent disperser le smilax à feuilles rondes n’ont pas été établies, mais une dispersion à longue distance est envisageable, d’autant plus que de grandes populations de l’espèce se trouvent aux États-Unis, au sud de l’Ontario, très près de la frontière canadienne. L’espèce pousse notamment le long du tronçon ouest de l’autoroute Interstate 90, dans l’État de New York, juste en face de Fort Erie, de l’autre côté du lac Érié (Garofalo, comm. pers., 2006). Cependant, comme le smilax à feuilles rondes est dioïque, l’établissement d’une population se reproduisant par voie sexuée exige que deux graines de sexes différents germent et survivent dans le même site. Il est vraisemblable que des fientes d’oiseaux puissent contenir des graines des deux sexes provenant de populations situées dans le nord des États-Unis à distance relativement faible de certaines des populations canadiennes. Le dépôt de telles graines pourrait constituer une immigration de source externe, mais il s’agit sans doute d’un phénomène extrêmement rare.

Les populations de la Nouvelle-Écosse sont très éloignées des populations du nord-est des États-Unis, ce qui rend très improbable une immigration de source externe.

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