Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la maraîche (Lamna nasus) au Canada 2004

maraîche (Lamna nasus)

Espèce en voie de disparition 2004

COSEPAC
Comité sur la situation des espèces en péril au Canada


COSEWIC
Committee on the Status of Endangered Wildlife in Canada

Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante.

COSEPAC. 2004. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la maraîche (Lamna nasus) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada.Ottawa . ix + 50 p.

Note de production

Le COSEPAC remercie Julia K. Baum, qui a rédigé le rapport sur la situation de la maraîche (Lamna nasus) au Canada. Richard Haedrich, coprésident du Sous-comité de spécialistes des espèces de poissons marins du COSEPAC, a supervisé le présent rapport et en a révisé la version finale.

Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Status Report on the Porbeagle Shark (Lamna nasus) in Canada.

Maraîche - dessin de M.H. Wagner (d'après Kato et al., 1967, figure 29). Reproduit avec l'autorisation du Fish and Wildlife Service des États-Unis.

©Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2004
PDF : CW69-14/388-2004F-PDF
ISBN 0-662-37333-2
HTML : CW69-14/388-2004F-HTML
ISBN 0-662-37334-0

Sommaire de l’évaluation – Mai 2004

Nom commun : Maraîche

Nom scientifique : Lamna Nasus

Statut : Espèce en voie de disparition

Justification de la désignation : Ce requin pélagique très répandu est le seul représentant du genre auquel il appartient dans l'Atlantique Nord. Son abondance a connu un grand déclin depuis que la pêche a repris au Canada dans les années 1990 après un effondrement antérieur et un rétablissement partiel. Les quotas de pêche ont été considérablement réduits, et la pêche est interdite dans certains endroits où se trouvent des requins matures. Les débarquements sont maintenant formés surtout de juvéniles. Les caractéristiques de son cycle biologique, y compris sa maturité tardive et sa faible fécondité, rendent cette espèce particulièrement vulnérable à la surexploitation.

Présence au Canada : Océan Atlantique

Historique du statut : Espèce désignée « en voie de disparition » en mai 2004. Évaluation fondée sur un nouveau rapport de situation.

La maraîche (Lamna nasus) est un grand requin côtier et océanique, de la famille des Lamnidés, fréquentant des eaux froides à tempérées. La maraîche, qui atteint une taille maximale de l’ordre de 300 cm (Compagno, 2001), a un puissant corps fuselé, de hauteur maximale au niveau de la nageoire dorsale (figure 1; Scott et Scott, 1988), d’un gris foncé bleuâtre sur le dos et blanc sur le ventre (Branstetter, 2002).

La maraîche est présente dans tout l’Atlantique Nord et, sur une ceinture circumplanétaire, dans le sud des océans Atlantique, Indien et Pacifique, ainsi que dans l’océan Austral (figure 2; Compagno, 2001). Dans l’Atlantique Nord-Ouest, on trouve la maraîche dans les eaux du Groenland, du Canada, des États-Unis et des Bermudes (Compagno, 2001). Au Canada, l’espèce est présente dans une zone continue allant du nord de Terre-Neuve jusque dans le golfe du Saint-Laurent et autour de Terre-Neuve jusqu’au plateau néo-écossais et à la baie de Fundy (figure 3; Scott et Scott, 1988). L’aire d’occurrence de la maraîche au Canada occupe une superficie totale de 1 210 000 km². La zone d’occupation, estimée à partir des localités des captures récentes, couvre 830 000 km². On n’a pas d’indication que l’aire de répartition ait changé depuis le début de l’exploitation en 1961 (Campana et al., 2003).

La maraîche est un requin pélagique, épipélagique ou littoral, généralement plus fréquent sur les plates-formes continentales, mais qu’on trouve aussi à distance des terres dans les bassins océaniques et, parfois, plus près des côtes (Scott et Scott, 1988; Compagno, 2001). La plus grande partie des maraîches fréquentant les eaux canadiennes se rencontrent à des températures d’eau comprises entre 5 et 10 ºC, avec peu de variation d’une saison à l’autre, ce qui donne à penser que la maraîche se déplace pour suivre sa plage thermique préférentielle (Campana et al., 2001).

Comme nombre de requins, la maraîche présente une ségrégation par taille et par sexe (Compagno, 2001). Les maraîches immatures semblent fréquenter essentiellement le plateau néo-écossais (Joyce, 1997), alors que les individus matures effectuent des migrations annuelles. Les données halieutiques montrent que les mâles migrent le long du plateau néo-écossais vers les aires d’accouplement de Terre-Neuve au printemps, les femelles arrivant un peu plus tard (Campana et al., 2001). On pense que, dans l’Atlantique Nord-Ouest, l’accouplement a lieu sur les Grands Bancs de Terre-Neuve, et à l’entrée du golfe du Saint-Laurent (Campana et al., 2003). On rencontre des femelles gravides de la fin de septembre jusqu’en décembre sur le plateau néo-écossais et dans la région du Grand Banc, mais rarement de janvier à juin. En fait, on sait peu de choses sur les aires d’hivernage de la maraîche, mais les prises effectuées dans le sud au printemps suggèrent qu’elle redescend vers le sud en hiver.

La maraîche, qui se caractérise par une maturité tardive, ne donne naissance qu’à un faible nombre de petits, et après une longue gestation. Ces éléments de son cycle biologique sont très différents de ceux des poissons osseux, et rendent l’espèce particulièrement vulnérable à la surexploitation.

La maraîche est ovovivipare et oophage. L’accouplement, dans l’Atlantique Nord-Ouest, a lieu de la fin septembre jusqu’en novembre, et la parturition survient huit à neuf mois plus tard (Jensen et al., 2002). Les femelles donnent naissance à une moyenne de quatre petits, et le cycle de reproduction est présumé être d’un an (Jensen et al., 2002). L’âge à la maturité est de huit ans chez les mâles et de treize ans chez les femelles (Natanson et al., 2002). La durée d’une génération, soit l’âge moyen des mères, est estimée à 18 ans. La longévité de la maraîche a quant à elle été estimée entre 25 et 46 ans (Campana et al., 1999; Natanson et al., 2002).

La maraîche a une faible mortalité naturelle. La mortalité naturelle instantanée est estimée à 0,10 pour les individus immatures, 0,15 pour les mâles matures et 0,20 pour les femelles matures (Campana et al., 2001). En raison de la faible fécondité et du taux élevé de survie des juvéniles, la variabilité du recrutement (abondance de la population) est beaucoup moindre que chez les poissons osseux. La principale cause de mortalité dans la population de maraîches de l’Atlantique Nord-Ouest est la pêche. Selon les estimations, les récents taux de mortalité par pêche sont substantiellement plus élevés que le taux intrinsèque d’augmentation, r, qui est estimé à ~0,05 (Campana et al., 2003).

La maraîche, un des requins pélagiques les plus tolérants au froid, préfère les eaux de température inférieure à 18 ºC (Compagno, 2001). Comme chez d’autres membres de la famille des Lamnidés, le système circulatoire de la maraîche comporte des échangeurs de chaleur à contre-courant, qui permettent à l’animal de conserver sa chaleur métabolique et de garder une température corporelle de 7 à 10 ºC plus élevée que celle de l’eau ambiante (Carey et Teal, 1969).

Les données de marquage fournissent de solides indications que les populations de maraîche du nord-est de l’Atlantique sont distinctes de celles du nord-ouest (MPO, 1999; Kohler et al., 2002) et que, dans l’Atlantique Nord-Ouest, il y a une seule population, qui effectue d’importantes migrations annuelles, depuis le sud de Terre-Neuve et le golfe du Saint-Laurent au moins jusqu’au Massachusetts (figure 4; MPO, 1999; Campana et al., 1999). La population de maraîches de l’Atlantique Nord-Ouest est située à cheval sur les zones économiques exclusives de 200 milles du Canada et des États-Unis, mais la plus grande partie de sa zone d’occupation se trouve dans les eaux canadiennes. Les indications recueillies lors des études par marquage donnent à penser que la population de maraîches de l’Atlantique Nord-Ouest ne pourrait pas se rétablir par apport d’individus provenant d’autres régions.

La maraîche est essentiellement un piscivore opportuniste, qui se nourrit d’une grande diversité d’espèces pélagiques, épipélagiques et benthiques (Joyce et al., 2002). Joyce et al. (2002) ont trouvé dans l’alimentation de la maraîche vingt-et-une espèces appartenant à vingt familles différentes, parmi lesquelles les téléostéens, suivis des céphalopodes, étaient les plus fréquents (tableau 1). Le régime alimentaire de la maraîche connaît des changements ontogénétiques et saisonniers (Joyce et al., 2002).

On a des fortes indications quantitatives que la population de maraîche a connu un déclin marqué depuis les années 1960. Les meilleures estimations disponibles de sa taille et de ses tendances sont issues d’un modèle de la dynamique de la population structuré par âge et par sexe (présenté dans Campana et al., 2001, et Harley, 2002), qui indique qu’en 2001 la biomasse de la population de maraîche n’était que de 11 p. 100 du niveau de la population vierge de 1961 (figure 6). Le nombre actuel de femelles reproductrices est estimé à 6 075, soit 10 p. 100 de l’abondance initiale. Le modèle estime que la biomasse a chuté rapidement après le début de la pêche en 1961, qu’elle a remonté légèrement dans les années 1980, et puis qu’elle est redescendue à un minimum record en 2001 (figure 6). Quatre autres passes du modèle testant une gamme d’hypothèses de mortalité naturelle et de sélectivité de la pêche ont donné des résultats semblables (tableau 3).

Des estimations des captures par unité d’effort normalisées pour la période de 1989 à 2000 suggèrent aussi un déclin considérable de l’abondance de la maraîche (figure 7). Le taux de capture normalisé de maraîches matures a augmenté entre 1989 et 1992, lorsque la nouvelle pêche canadienne s’est développée, mais a baissé brutalement par la suite pour se situer en 2000 à seulement 10 p. 100 de sa valeur de 1992 (Campana et al., 2001). Le taux de capture de maraîches immatures est tombé à environ 30 p. 100 de sa valeur de 1991 (Campana et al., 2001).

Une autre indication de surexploitation est l’abaissement de la longueur à la fourche médiane des maraîches capturées sur les aires d’accouplement de Terre-Neuve–golfe du Saint-Laurent au début de l’automne, longueur qui est passée de plus de 200 cm en 1961 à 140 cm en 2000 (figure 8; Campana et al., 2001). Les captures effectuées à cet endroit dans les années 1990 se caractérisaient par des longueurs médianes bien inférieures à la taille à la maturité, ce qui témoigne du faible pourcentage de maraîches matures. En fait, les classes d’âge les plus abondantes, qui étaient les individus de 10 à 15 ans avant 1991, étaient les maraîches de moins de 3 ans entre 1998 et 2000 (Campana et al., 2002a).

La surexploitation est le principal facteur responsable du déclin de la maraîche de l’Atlantique Nord-Ouest. La population est menacée en raison de sa faible capacité de compensation consécutive à une surexploitation – facteur qui est exacerbé par le fait que l’exploitation, certes réduite, se poursuit néanmoins. Dans l’Atlantique Nord-Ouest, la pêche commerciale de la maraîche a commencé en 1961, et a entraîné un effondrement de la population en l’espace de six ans. Le rétablissement a été limité : la population de maraîche n’est remontée qu’à 30 p. 100 de son abondance originale au cours des deux décennies suivantes. L’exploitation a connu un regain dans les années 1990, et des captures de plusieurs fois supérieures à FMSY (mortalité par pêche au niveau de la production maximale équilibrée) ont entraîné un déclin catastrophique, qui a fait chuter la population à un minimum record.

Il n’est pas certain que des mesures de gestion visant à réduire l’exploitation suffisent pour autoriser un rétablissement de la population de maraîche. Les quotas de 200 à 250 tonnes pour la période de 2002 à 2007 représentent un abaissement substantiel par rapport aux captures du milieu des années 1990, mais constituent encore un taux d’exploitation élevé compte tenu du faible effectif de la population. Il n’est pas certain du tout que cette réduction des quotas suffira pour mettre fin au déclin de la maraîche, et on ne sait pas dans quelle mesure la population pourra se rétablir, étant donné que l’estimation de FMSY et du quota est entachée d’incertitude, que le nombre d’individus matures restants dans la population est faible, qu’à son faible effectif actuel la population pourrait connaître une dépensation (effets d’Allee), et que la réduction de la pression de pêche n’est pas toujours suffisante pour permettre le rétablissement d’une population (Hutchings, 2001).

La maraîche est le seul représentant de son genre dans l’Atlantique Nord. C’est une espèce très prisée sur le marché (Rose, 1998), qui fait actuellement vivre la seule pêche au requin dirigée du Canada atlantique (Hurley, 1998). La chair de maraîche est une des viandes de requin qui se vendent le plus cher (Rose, 1998). Au Canada, elle est pour la plus grande partie exportée vers l’Europe (surtout l’Italie), mais il existe aussi un petit marché de frais aux États-Unis (MPO, 2001; S. Campana, comm. pers.).

Au Canada, la gestion de la maraîche relève du ministère des Pêches et des Océans. Les premiers plans de gestion des pêches de requins pélagiques du Canada atlantique (1994 et 1995) ont interdit l’enlèvement des nageoires, précisé que les permis de pêche de la maraîche seraient du type exploratoire, limité le nombre de permis, le type d’engins et les zones de pêche, fixé des saisons de pêche ainsi que des exigences scientifiques précises (O’Boyle et al., 1998). L’objectif du plan global publié en 1997 était de maintenir une ressource biologiquement durable, qui alimenterait une pêche autosuffisante (MPO, 1997). La conservation ne devait pas être compromise et une approche prudente guiderait le processus décisionnel (MPO, 1997). Le programme coopératif du MPO de recherche sur la maraîche, lancé en 1998 avec l’appui de l’industrie canadienne de la pêche au requin (MPO, 1999), a débouché sur deux évaluations analytiques de l’espèce (Campana et al., 1999; 2001). La gestion basée sur ces évaluations a abaissé les quotas de pêche pour la maraîche, de 1000 t à 850 t pour 2000-2001, et à 250 t entre 2002 et 2007. Le MPO doit réévaluer la maraîche en 2006.

La maraîche figure sur la liste rouge de l’UICN dans la catégorie « faible risque/quasi menacé » et, bien qu’il ne soit pas prouvé que la population mondiale ait été appauvrie au point de justifier la désignation « vulnérable », l’UICN (2002) reconnaît que celles de l’Atlantique Nord ont été gravement surexploitées. Il n’y a en place aucune mesure de gestion pour la pêche concernant la maraîche dans les eaux internationales.

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le Comité a été créé pour satisfaire au besoin d’une classification nationale des espèces sauvages en péril qui soit unique et officielle et qui repose sur un fondement scientifique solide. En 1978, le COSEPAC (alors appelé Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) promulguée le 5 juin 2003, le COSEPAC est un comité consultatif qui doit faire en sorte que les espèces continuent d’être évaluées selon un processus scientifique rigoureux et indépendant.

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) évalue la situation, à l’échelle nationale, des espèces, sous-espèces, variétés ou autres unités désignables qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes et incluant les groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, arthropodes, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.

Le COSEPAC est formé de membres de chacun des organismes provinciaux et territoriaux responsables des espèces sauvages, de quatre organismes fédéraux (Service canadien de la faune, Agence Parcs Canada, ministère des Pêches et des Océans et Partenariat fédéral en biosystématique, présidé par le Musée canadien de la nature) et de trois membres ne relevant pas de compétence, ainsi que des coprésidents des sous-comités de spécialistes des espèces et du sous-comité de connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit pour examiner les rapports de situation sur les espèces candidates.

Service canadien de la faune

Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.

Classe :

Élasmobranches

Ordre :

Lamniformes

Famille :

Lamnidés

Nom latin :

Lamna nasus Bonnaterre, 1758

Noms communs :

  • Français : maraîche, requin-taupe, touille
  • Anglais : porbeagle shark

La maraîche est un grand requin des eaux côtières et océaniques tempérées à froides, décrit comme un nageur puissant et très actif (Compagno, 2001). La maraîche atteint une longueur totale maximale d’environ 300 cm, voire 370 cm (Compagno, 2001). Selon Natanson et al. (2002), dans l’Atlantique Nord-Ouest, les plus grandes maraîches, mâle et femelle, pour lesquelles on a des données fiables mesuraient respectivement 262 et 317 cm de longueur à la fourche (LF). Au cours du plus grand programme de marquage réalisé dans l’Atlantique Nord-Ouest, le Cooperative Shark Tagging Program (CSTP) du National Marine Fisheries Service (NMFS – Service des pêches maritimes) des États-Unis, la LF moyenne des mâles était de 116 cm (max. : 275 cm) et celle des femelles de 108 cm (max. : 244 cm) (Kohler et al., 2002). Branstetter (2002) indique que les individus dépassant 200 cm de longueur totale (LT) sont rares et que la plupart de ceux du golfe du Maine mesuraient de 120 à 180 cm de LT, pour un poids inférieur à 90 kg. L’équation morphométrique et le rapport longueur-poids des maraîches de l’Atlantique Nord-Ouest tirés de Campana et al. (1999) sont :

LF = 0,99 + 0,885 × LT(cm) (n = 361)

La maraîche a un puissant corps fuselé, de hauteur maximale au niveau de la nageoire dorsale (figure 1; Scott et Scott, 1988). La tête est forte et le museau pointu, avec une longueur préorbitale constituant de 5,9 à 9,0 p. 100 de la longueur totale (Scott et Scott, 1988; Compagno, 2001). La gueule est de taille modérée à grande, avec des dents en forme de lames modérément grandes, identiques sur les deux mâchoires et présentant une grande cuspide centrale et deux denticules latéraux, ces derniers étant souvent peu visibles sur les individus de moins de 1,2 m de longueur (Tibbo et al., 1963, in Scott et Scott, 1988; Compagno, 2001). Les yeux sont grands, et l’espace entre l’œil et la première fente branchiale est de 1,7 à 2,5 fois la longueur préorbitale (Compagno, 2001). Les fentes branchiales sont longues; les grandes nageoires pectorales, deux fois plus longues que larges, sont insérées derrière la cinquième fente branchiale (Scott et Scott, 1988; Branstetter, 2002). La première nageoire dorsale est grande, triangulaire, et à peu près aussi haute que longue; elle est attachée légèrement en arrière de la pectorale. La seconde nageoire dorsale et la nageoire anale, très petites, sont insérées juste l’une au-dessus de l’autre; les nageoires pelviennes sont un peu plus grandes (Branstetter, 2002). Le pédoncule caudal est mince, avec une carène latérale marquée et une petite carène secondaire sur la base de la caudale, de chaque côté en dessous et à l’arrière de la carène principale (Scott et Scott, 1988; Branstetter, 2002). Des fossettes précaudales sont bien visibles sur le dos et sur le ventre. La nageoire caudale est lunée et trapue; la longueur du lobe inférieur se situe entre les deux tiers et les trois quarts de celle du lobe supérieur (Branstetter, 2002). Le nombre total de vertèbres est de 150 à 162, dont 84 à 91 vertèbres précaudales (Springer et Garrick, 1964, in Branstetter, 2002).

Figure 1. Dessin de maraîche (Lamna nasus) du Chili, mâle, 81 cm de LT. Dessin de M.H. Wagner (d’après Kato et al., 1967; fig. 29). Reproduit avec l’autorisation du Fish and Wildlife Service des États-Unis.

Figure 1.    Dessin de maraîche (Lamna nasus) du Chili, mâle, 81 cm de LT. Dessin de M.H. Wagner (d’après Kato et al., 1967; fig. 29). Reproduit avec l’autorisation du Fish and Wildlife Service des États-Unis.

La maraîche est d’une teinte gris foncé à noir bleuté sur le dessus, avec une pointe blanche sur le bas de la bordure arrière de la première dorsale; la livrée, qui change brutalement de couleur sur les flancs, est blanche sur le ventre (Scott et Scott, 1988; Compagno, 2001; Branstetter, 2002). Le dessous des nageoires pectorales est d’une teinte fumée à noire vers la pointe et moucheté près de la base, les lisières antérieure et postérieure étant marquées d’un étroit liséré noir (Branstetter, 2002).

Au Canada, les seuls requins qui pourraient être confondus avec la maraîche sont le grand requin blanc (Carcharodon carcharias) et le mako à nageoires courtes (Isurus oxyrinchus). La maraîche se distingue du premier par ses dents pointues et à rebord lisse, et par sa seconde nageoire dorsale située juste au-dessus de la nageoire anale, et du second, par la présence de cuspides latérales et de carènes secondaires sur la nageoire caudale (Branstetter, 2002).

La maraîche est présente dans tout l’Atlantique Nord et sur une ceinture circumplanétaire dans le sud des océans Atlantique, Indien et Pacifique, et dans l’océan Austral (figure 2; Compagno, 2001). Dans l’Atlantique Nord, elle occupe une bande de latitudes beaucoup plus étroite au nord-ouest qu’au nord-est (Bigelow et Schroeder, 1948). En ce qui concerne l’Atlantique Nord-Ouest, on la trouve dans les eaux du Groenland, du Canada, des États-Unis (dont le Maine, le Massachusetts, le Rhode Island, rarement l’État de New York, le New Jersey et possiblement la Caroline du Sud) et des Bermudes (Scott et Scott, 1988; Compagno, 2001). Du côté nord-est, la maraîche est présente de l’Islande à la mer de Norvège puis à la mer de Barents et autour de la Scandinavie jusqu’en Russie, le long des côtes européennes, dont celles des îles Britanniques, dans la Baltique, la mer du Nord, la Manche et le détroit de Gibraltar, au large de Madère et des Açores, dans toute la Méditerranée, et vers le sud jusqu’au Maroc (Scott et Scott, 1988; Compagno, 2001). Dans l’hémisphère Sud, l’espèce se rencontre autour de l’Amérique du Sud, à partir du sud du Brésil, le long des côtes de l’Argentine, autour du cap Horn, puis vers le nord le long des côtes du sud du Chili; possiblement dans le golfe de Guinée; dans le centre-sud de l’océan Indien à partir de l’Afrique du Sud (Cap-Oriental et possiblement Kwazoulou-Natal), vers l’est jusqu’aux îles du Prince-Édouard et Crozet, entre les îles Kerguélen et Saint-Paul et le long des côtes sud de l’Australie, compris celles du sud de l’Australie-Occidentale, de l’Australie-Méridionale, du Victoria, de la Tasmanie, de la Nouvelle-Galles du Sud et du sud du Queensland, au large de la Nouvelle-Zélande y compris près de l’île Stewart, et dans les eaux subantarctiques au large des îles de la Géorgie du Sud, Marion, Prince et Kerguélen (Scott et Scott, 1988; Compagno, 2001). À l’échelle planétaire, la littérature ne fournit pas d’indication que la répartition historique de la maraîche ait été différente de sa répartition actuelle.

Figure 2. Répartition mondiale de la maraîche (Lamna nasus), montrant la répartition connue grâce à des observations fiables (noir) et la répartition présumée ou incertaine (ombré). Reproduit de Compagno, 2001, avec l’autorisation de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Au Canada, la maraîche fréquente une zone continue allant du nord de Terre-Neuve jusque dans le golfe du Saint-Laurent et autour de Terre-Neuve jusqu’au plateau néo-écossais et dans la baie de Fundy (figure 3; Scott et Scott, 1988). La population de l’Atlantique Nord-Ouest est décrite comme ayant une abondance maximale au large de la côte est du Canada, entre le golfe du Maine et Terre-Neuve (Templeman, 1963). L’abondance de la maraîche dans les eaux canadiennes est fortement régie par les migrations saisonnières (voir Déplacements et dispersion).

La zone d’occurrence de la maraîche au Canada, présentée à la figure 3, a une superficie totale de 1 210 000 km². La zone d’occupation, calculée à partir des emplacements des prises dans les années 1990 (d’après O’Boyle et al., 1998; Campana et al., 2001), couvre 830 000 km². On n’a pas d’indication que la répartition de l’espèce dans les eaux canadiennes ait changé depuis le début de la pêche, en 1961 (Campana et al., 2003); il faut cependant noter que, comme les pêches se concentrent sur les régions de forte densité du poisson, des changements survenant sur les marges de l’aire de répartition (donc un éventuel rétrécissement) pourraient passer inaperçus.

Figure 3. Répartition de la maraîche (Lamna nasus) population de l’Atlantique Nord-Ouest, dans les eaux canadiennes (gris foncé) et à l’extérieur (gris clair), avec les isobathes 200 m et 1000 m et les limites de la zone économique exclusive de 200 milles.

La maraîche est un requin pélagique, épipélagique ou littoral, généralement plus fréquent sur les plates-formes continentales, mais qu’on trouve aussi à distance des terres dans les bassins océaniques et, parfois, plus près des côtes (Scott et Scott, 1988; Compagno, 2001). Sa répartition bathymétrique va des eaux de surface et côtières de moins de 1 m de profondeur jusqu’à au moins 700 m de fond (Compagno, 2001). Il est arrivé que l’espèce soit capturée à l’embouchure d’un estuaire saumâtre en Argentine (Lucifora et Menni, 1997), mais elle ne fréquente pas les eaux douces Compagno, 2001). Elle n’a jamais été rencontrée non plus dans des mers équatoriales (Compagno, 2001).

La maraîche préfère les eaux de température inférieure à 18 ºC, et sa plage thermique descend jusqu’à 1 ºC (Compagno, 2001; Branstetter, 2002). Dans les eaux canadiennes, elle semble occuper toute l’année des zones thermiques bien définies (Campana et al., 2001). Une analyse de plus de 400 profils de température, relevés à mi-profondeur de travail des engins et fournis par des navires de pêche commerciale canadiens, a révélé que plus de la moitié des maraîches étaient capturées à des températures comprises entre 5 et 10 ºC, et que la température moyenne, 7,4 ºC, présentait peu de variation d’une saison à l’autre, ce qui donne à penser que la maraîche se déplace pour suivre sa plage thermique préférentielle (Campana et al., 2001). La plage de profondeurs des prises de maraîche est plus grande au printemps qu’à l’automne : les prises se font entre 200 et 2 800 m de profondeur au printemps, et à moins de 450 m en automne, majoritairement dans des eaux de moins de 150 m de fond (Campana et al., 2001). Pendant la plus grande partie du printemps, les maraîches étaient capturées le plus souvent dans des eaux immédiatement adjacentes au front séparant les eaux fraîches de la plate-forme des eaux plus chaudes du large (Campana et al., 2001); à l’automne, la présence des maraîches n’était pas liée aux fronts (Campana et al., 2001).

Les maraîches adultes exploitent un territoire beaucoup plus vaste que les juvéniles. Les individus immatures, caractérisés par des déplacements migratoires plus restreints, semblent fréquenter essentiellement le plateau néo-écossais (Joyce, 1997; Campana et al., 2001). L’analyse de données de capture des pêches canadiennes suggère que les requins les plus gros (>180 cm de LF), surtout des mâles, migrent chaque printemps le long du plateau néo-écossais vers les aires d’accouplement de Terre-Neuve (Campana et al., 2001; Campana et al., 2003). La migration des femelles vers ces aires est en retard sur celle des mâles.

Dans l’Atlantique Nord-Ouest, on pense que l’accouplement a lieu sur les grands Bancs, au sud de Terre-Neuve, et à l’entrée du golfe du Saint-Laurent (Campana et al., 2003). On a vu des femelles gravides entre le banc Georges et les Bancs de Terre-Neuve (Jensen et al., 2002). Entre la fin de septembre et décembre, la plupart des femelles gravides capturées l’ont été dans la région du plateau néo-écossais et des Bancs (Jensen et al., 2002). On rencontre rarement des maraîches femelles matures, qu’elles soient gravides ou non, dans les zones de pêche canadiennes de janvier à juin (Jensen et al., 2002); d’un autre côté, l’effort de pêche est limité en hiver. On sait peu de choses sur les aires d’hivernage (voir Déplacements et dispersion) ou sur les aires de mise bas de la maraîche.

Une zone de 2364 km2 dans le Goulet, canyon profond situé sur la marge du plateau néo-écossais près de l’île de Sable, devrait en 2004 être désignée réserve marine aux termes de la Loi sur les océans (Gazette du Canada, 2003; M. King, Fonds mondial pour la nature [Canada], comm. pers.). Cette réserve comprendra trois zones de gestion; la pêche à la palangre pélagique ne sera interdite que dans la Zone 1, soit la zone centrale. Comme la réserve marine ne couvrira qu’un très faible pourcentage (<1 p. 100) de l’aire de la population de maraîches de l’Atlantique Nord-Ouest, elle ne devrait pas avoir d’effet marqué sur l’espèce.

En règle générale, le cycle biologique des requins, très différent du celui des poissons osseux (téléostéens), est caractéristique des espèces à faible taux de croissance intrinsèque. Les requins sont en général de grands animaux, à croissance lente et à maturité tardive. La gestation est longue et ne produit que quelques petits. Ces traits rendent donc les requins vulnérables à la surexploitation. Par rapport aux autres espèces de requins, la maraîche a une faible productivité, ce qui la rend donc encore plus susceptible de surexploitation (Castro et al., 1999; Cortes, 2000a, 2002a).

Dans l’Atlantique Nord-Ouest, la présence de femelles aux premiers stades de la gestation, l’état de maturité des mâles et l’existence de cicatrices d’accouplement récentes sur la plupart des femelles matures de la fin de septembre à novembre indique que c’est à cette saison que prend place l’accouplement (Aasen, 1963; Pratt, 1993; Jensen et al., 2002). De plus, en décembre, toutes les femelles observées sont gravides (Jensen et al., 2002). On connaît mal les besoins ou le comportement de la maraîche en matière de reproduction. Chez la population de maraîches de l’Atlantique Nord-Ouest, l’accouplement a probablement lieu sur les Bancs, au sud de Terre-Neuve, et à l’entrée du golfe du Saint-Laurent, puisque les grandes femelles capturées à l’automne dans ces régions était gravides (Campana et al., 2001). Les femelles gravides étaient prises surtout dans cette région, ainsi que sur le plateau néo-écossais, entre la fin de septembre et décembre (Jensen et al., 2002). Templeman (1963) a signalé la présence de trois femelles gravides sur le sud-ouest des Bancs de Terre-Neuve entre janvier et février dans les années 1950, et quelques femelles aux derniers stades de la gestation ont été observées sur le plateau néo-écossais et dans le golfe du Maine en février et avril (Jensen et al., 2002). De façon générale, cependant, l’aire d’hivernage des femelles gravides reste largement inconnue (Campana et al., 2001; Jensen et al., 2002), puisque l’effort de pêche est limité en hiver.

La maraîche est ovovivipare; les embryons se développent dans l’utérus sans lien placentaire avec la mère. Ils se nourrissent par oophagie : après avoir absorbé le vitellus de leur propre œuf, les embryons se nourrissent des nombreux œufs non fécondés produits par la mère (Shann, 1911, 1923, in Francis et Stevens, 2000; Jensen et al., 2002). Leur abdomen se développe pour former un sac distendu, dans lequel ils stockent de grandes quantités de matériel vitellin (Francis et Stevens, 2000). Les petits embryons de maraîche ont des crocs fonctionnels avec lesquels ils déchirent les capsules des œufs pour consommer les œufs non fécondés; ces crocs tombent lorsque le petit atteint 34 à 38 cm de LF (Francis et Stevens, 2000). Contrairement à ce qu’on observe chez certaines espèces de requins, il n’y a cependant pas d’indication d’adelphophagie (cannibalisme intra-utérin) chez la maraîche (Jensen et al., 2002). La croissance des embryons chez les maraîches de l’Atlantique Nord-Ouest est estimée à environ 8 cm par mois (Jensen et al., 2002).

Dans la population de l’Atlantique Nord-Ouest, la mise bas survient entre le début d’avril et le début de juin; la gestation serait donc de huit à neuf mois (Jensen et al., 2002). Les femelles donnent naissance à une moyenne de quatre petits (Jensen et al., 2002). Dans l’étude de Jensen et al. (2002), la taille des portées allait de trois à six petits; d’autres études ont signalé des portées de un à cinq jeunes (Shann, 1911, 1923; Gauld, 1989; Francis et Stevens, 2000; Compagno, 2001). Les petits sont laissés à eux-mêmes dès la naissance. Peu de nouveau-nés ont été observés pendant la période de mise bas, mais les plus petites maraîches en état de nager figurant dans la base de données historiques de marquage du National Marine Fisheries Service ont des tailles allant de 55 à 79 cm de LF (moyenne : 71 cm) entre avril et juin (Jensen et al., 2002), ce qui suggère une taille à la naissance correspondant aux 67 cm de LF prévus par Aasen (1961, in Natanson et al., 2002; 1963) et aux 58 à 67 cm de LF estimés pour les maraîches du sud-ouest du Pacifique (Francis et Steven, 2000). Les maraîches juvéniles ont de hauts taux de survie naturelle jusqu’à la maturité (voir Survie).

Les maraîches connaissent une croissance relativement rapide dans leur première année, suivie d’une croissance lente et d’une maturité tardive. Pour la population de l’Atlantique Nord-Ouest, l’analyse des progressions modales longueur-fréquence indique les maraîches d’âge 0 étaient recrutées dans la pêche en juillet à une moyenne de 85 cm de LF et atteignaient une moyenne de 98 cm de LF en décembre (Natanson et al., 2002). Les individus d’âge 1 avaient une croissance annuelle de 25 cm, et avaient atteint une moyenne de 123 cm de LF en décembre suivant (Natanson et al., 2002). Une étude récente a permis d’estimer les paramètres de croissance à partir des anneaux de croissance sur 578 vertèbres, et a validé les anneaux jusqu’à un âge de 11 ans en utilisant les vertèbres de requins recapturés d’âge connu et marqués à l’oxytétracycline (Natanson et al., 2001). On a supposé que l’âge des requins de plus de 11 ans avait été estimé correctement, en raison d’une interprétation similaire des bandes (Natanson et al., 2002). Les mâles et les femelles avaient des taux de croissance semblables jusqu’à environ 170 cm de LF, taille des mâles à la maturité sexuelle (Jensen et al., 2002), après quoi la croissance relative des mâles ralentissait (Natanson et al., 2002). Le taux de croissance des femelles baissait de façon semblable à l’arrivée de la maturité (environ 218 cm de LF; Jensen et al., 2002; Natanson et al., 2002). Du fait de ce changement différentiel du taux de croissance, les femelles atteignent une plus grande taille maximale que les mâles; cependant, le taux de croissance global des deux sexes n’est pas substantiellement différent (Natanson et al., 2002). L’étude de Jensen et al. (2002) portant sur 393 mâles et 382 femelles dans l’Atlantique Nord-Ouest a révélé que les mâles atteignent la maturité à des longueurs à la fourche allant de 162 à 185 cm, 50 p. 100 l’atteignant à 174 cm de LF, alors que les femelles l’atteignent entre 210 et 230 cm de LF, dont 50 p. 100 à 218 cm de LF (Jensen et al., 2002). Ces tailles correspondent à des âges de maturité sexuelle de huit ans chez les mâles et de treize ans chez les femelles (Natanson et al., 2002).

La longévité des maraîches est entachée d’incertitude. Il est difficile de déterminer l’âge des élasmobranches, et les estimations varient selon les méthodes. Les âges maximaux basés sur le dénombrement des paires de bandes de croissance des vertèbres étaient de 25 et 24 ans respectivement pour les mâles et les femelles, mais il s’agit probablement d’une sous-estimation, étant donné la pression de pêche qui s’exerce depuis longtemps sur cette population (Natanson et al., 2002). On a aussi utilisé le carbone radioactif des essais nucléaires, qui présente une date connue d’incorporation dans les bandes de croissance des vertèbres, pour confirmer la validité des dénombrements des bandes de croissance comme indicateurs précis de l’âge jusqu’à un âge de 26 ans (Campana et al., 2002b). Deux calculs de longévité, reposant sur l’hypothèse d’un taux de mortalité instantanée constant de M = 0,10 dans une population non exposée à la pêche, suggèrent un âge maximal de 45 ou 46 ans (Campana et al., 1999; Natanson et al., 2002). Si la mortalité naturelle n’était pas constante, mais augmentait chez les poissons ayant atteint la maturité sexuelle ou sénescents (Roff, 1992), l’estimation de la longévité serait plus basse. Si le taux de mortalité naturelle des femelles était de M = 0,20 après l’âge de la maturité sexuelle, la longévité estimative serait de 29 ans (Campana et al., 1999).

Le cycle reproducteur de la maraîche est présumé être d’un an (Jensen et al., 2002). Bien que, chez de nombreuses espèces de requins, il y ait une longue période de latence après la mise bas, cela ne semble pas être le cas pour la maraîche, puisqu’à peu près toutes les femelles à maturité sexuelle qu’on a observées à l’automne étaient gravides (Campana et al., 2003). Il est possible qu’une portion non gravide de la population des femelles soit située ailleurs, mais on n’a eu jusqu’ici aucune indication d’une telle situation (Jensen et al., 2002).

La durée d’une génération, soit l’âge moyen des parents dans la cohorte actuelle, reflète le taux de remplacement des individus reproducteurs dans la population. Chez la maraîche, les femelles atteignent la maturité plus tard que les mâles (treize ans vs. huit ans; Jensen et al., 2002), et la durée d’une génération est calculée comme l’âge moyen des mères. La durée d’une génération est calculée comme l’âge auquel 50 p. 100 des femelles atteignent la maturité + 1/M, M étant le taux instantané de mortalité naturelle. Pour la maraîche, dont 50 p. 100 des femelles atteignent la maturité à 13 ans (Jensen et al., 2002), et chez qui la mortalité naturelle des femelles à maturité est estimée à 0,20 (Campana et al., 2001), la durée d’une génération est égale à 13 + 1/0,20 = 18 ans. À noter que, comme c’est souvent le cas pour les poissons marins, il persiste une incertitude sur les estimations de la mortalité naturelle. Si la mortalité naturelle des maraîches femelles à maturité était plus basse, M = 0,15 ou 0,10, la durée d’une génération serait plus longue, soit 20 ou 23 ans respectivement.

Comme la théorie du cycle biologique permet de s’y attendre pour une espèce de basse productivité (Roff, 1992), la maraîche a une faible mortalité naturelle. La mortalité naturelle instantanée (M) de la maraîche a été estimée, à partir des courbes de prises dans la population vierge relativement peu soumise à la pêche de 1961, à 0,1 pour les mâles avant la maturité sur le plateau néo-écossais, 0,15 pour les mâles à maturité sur les aires d’accouplement de Terre-Neuve, et 0,20 pour les femelles à maturité sur les aires d’accouplement (Campana et al., 2001). On n’a pas pu estimer la mortalité naturelle pour les femelles avant maturité en 1961, mais on présume qu’elle est la même que pour les mâles (Campana et al., 2001). Dans la plus récente évaluation de la maraîche, la mortalité naturelle des petits (maraîches d’âge 0) a été estimée à M = 0,2 (Campana et al., 2001). Cette conjonction d’un faible taux de fécondité et d’un taux élevé de survie des juvéniles fait que la variabilité du recrutement (abondance de la population) est beaucoup plus basse que chez les poissons osseux. Cependant, la maraîche n’a qu’une faible capacité de compenser la pression d’exploitation. L’analyse des tables de survie montre que le taux maximum d’augmentation, r, est d’environ 0,05 (Campana et al., 2003).

La principale cause de mortalité dans la population de maraîches de l’Atlantique Nord-Ouest est la pêche. En fait, mis à part l’homme, on ne connaît pas de prédateurs à cette espèce (Compagno, 2001). Selon les estimations, à la fin des années 1990, les taux de mortalité instantanée due à la pêche (décrits plus en détail dans Facteurs limitatifs et menaces) se situaient entre 0,11 et 0,26, soit nettement au-dessus du taux d’augmentation intrinsèque. Le fait que l’âge de la classe d’abondance maximale sur les aires d’accouplement a baissé bien en dessous de l’âge de maturité (Campana et al., 2002a) suggère que le recrutement dans la population adulte n’a pas suffi, ces dernières années, à contrebalancer la mortalité par pêche.

La maraîche fait partie des requins pélagiques les plus tolérants au froid, et préfère des eaux de température inférieure à 18 ºC (Compagno, 2001). Comme chez les autres membres de la famille des Lamnidés, le système circulatoire de la maraîche comporte un système d’échangeurs de chaleur à contre-courant, qui permet à l’animal de conserver sa chaleur métabolique et de garder une température corporelle de 7 à 10 ºC plus élevée que celle de l’eau ambiante (Carey et Teal, 1969; Carey et al., 1971), ce qui rend son activité plus efficace dans l’eau fraîche (Scott et Scott, 1988). Une température élevée des muscles fournit à la maraîche l’énergie requise pour la nage rapide.

Les données des opérations de marquage dans l’Atlantique Nord donnent de solides indications que les populations de maraîche du nord-est de l’Atlantique sont distinctes de celles du nord-ouest. Le Canada, la Norvège et les États-Unis ont mené leurs propres études par marquage de la maraîche dans l’Atlantique Nord-Ouest. Dans les années 1960, 542 maraîches ont été marquées, et 53 recapturées dans le cadre d’une étude norvégienne sur la population vierge (Aasen, 1963; Natanson et al., 2002). Au cours d’une étude canadienne effectuée entre 1994 et 1996, 256 maraîches ont été marquées et 25 recapturées. Entre 1962 et 2000, 1228 maraîches ont été marquées dans l’Atlantique Nord-Ouest, et 65 dans l’Atlantique Nord-Est, dans le cadre du Cooperative Shark Tagging Program (CSTP) du NMFS des États-Unis (Kohler et al., 2002). Les distances parcourues par les 143 maraîches recapturées dans l’étude menée aux États-Unis allaient de 4 à 1 005 milles marins, avec une moyenne de 234 milles marins (Kohler et al., 2002). Plus de 90 p. 100 des maraîches porteuses d’étiquettes s’étaient éloignées de moins de 500 milles marins du site original de marquage (Kohler et al., 2002). Dans aucune des trois études par marquage, des maraîches n’ont été recapturées de l’autre côté de l’Atlantique, ce qui indique qu’il n’y a pas de mélange entre les populations du nord-ouest et du nord-est de l’Atlantique (MPO, 1999; Kohler et al., 2002). De même, les études par marquage menées dans le nord-est de l’Atlantique n’ont pas observé de recaptures d’individus du nord-ouest, ce dont on a conclu que les maraîches de ces deux zones constituent des populations distinctes (Stevens, 1990; Kohler et al., 2002).

Dans l’Atlantique Nord-Ouest, les données de marquage-recapture montrent qu’il n’y a qu’une population de maraîches, qui effectue d’importantes migrations annuelles, à partir du sud de Terre-Neuve et du golfe du Saint-Laurent et au moins jusqu’au Massachusetts (MPO, 1999; Campana et al., 1999). Campana et al. (2003) ont remarqué que les fluctuations intermensuelles de l’emplacement des pêches canadiennes à la maraîche sont le signe de migrations nord-sud le long de la côte est du Canada, reproductibles d’une année sur l’autre (figure 4). Entre janvier et février, les maraîches sont capturées dans le golfe du Maine, sur le banc Georges et sur le sud du plateau néo-écossais (Campana et al., 1999). Une analyse des données fournies par les observateurs des pêches révèle qu’elles sont présentes sur la lisière du plateau néo-écossais et dans les bassins océaniques au début du printemps (Joyce, 1999). Elles remontent vers le nord-est au cours du printemps, et on les retrouve au large de la côte sud de Terre-Neuve et dans le golfe du Saint-Laurent en été et en automne (Campana et al., 1999). Les femelles gravides sont présentes de la fin de septembre à décembre inclusivement sur le plateau néo-écossais et dans la région des Bancs de Terre-Neuve (Jensen et al., 2002). Les femelles maraîches à maturité, qu’elles soient gravides ou non, sont rarement observées de janvier à juin dans les pêches canadiennes (Jensen et al., 2002); d’un autre côté, l’effort de pêche est limité pendant l’hiver. Les prises de fin d’automne suggèrent un retour vers le sud-ouest (Campana et al., 1999) mais, en général, les aires d’hivernage de la maraîche ne sont pas bien connues. On pense que les maraîches gagnent des eaux plus profondes à la fin de l’automne; d’ailleurs, on en a capturé en hiver au large de la plate-forme continentale, et dans des bassins profonds comme le bassin d’Émeraude et le golfe du Maine (O’Boyle et al., 1996). Les données de marquage fournissent des indices supplémentaires de ces déplacements saisonniers, en ce sens que les individus marqués dans la première moitié de l’année étaient généralement recapturés plus à l’est et au nord, et inversement pour ceux marqués dans la seconde moitié de l’année (Campana et al., 1999).

Les migrations saisonnières des maraîches semblent liées à la température et aux aires d’accouplement. La plupart des maraîches présentes dans les eaux canadiennes se rencontrent à des températures comprises entre 5 et 10 ºC, avec peu de variation sur l’année, ce qui donne à penser que les maraîches changent d’endroit pour rester dans cette plage thermique préférentielle (Campana et al., 2001). C’est après la mise bas, en mai et juin, que les maraîches à maturité commencent à migrer vers le nord en direction du Saint-Laurent et des Bancs de Terre-Neuve, où elles restent jusqu’à l’accouplement, à l’automne (Joyce, 1999).

La population de maraîches de l’Atlantique Nord-Ouest est située à cheval sur les zones économiques exclusives de 200 milles du Canada et des États-Unis, mais la plus grande partie de la zone d’occupation se trouve dans les eaux canadiennes. Les indications recueillies lors des études par marquage donnent à penser que la population de maraîches de l’Atlantique Nord-Ouest ne pourrait pas être renforcée par des individus provenant d’autres régions.

Figure 4. Localisation des captures par des navires côtiers et hauturiers entre janvier et juin et entre juillet et décembre de 1999 et 2000, montrant les variations saisonnières de la répartition de la maraîche. On voit aussi les histogrammes longueur-fréquence de la maraîche. Reproduit avec l’autorisation de Campana et al., 2001.

Description de la figure 4

Figure 4. Localisation des captures par des navires côtiers et hauturiers entre janvier et juin et entre juillet et décembre de 1999 et 2000, montrant les variations saisonnières de la répartition de la maraîche. On voit aussi les histogrammes longueur-fréquence de la maraîche. Reproduit avec l’autorisation de Campana et al., 2001.

  1. Palangriers, Classe de jauge : 1,2 et 3, Principale espèce capturée : maraîche, 391 sous-campagnes, 599 tonnes métriques indiquées.
  2. Palangriers, Classe de jauge : 1,2 et 3, Principale espèce capturée : maraîche, 60 sous-campagnes, 44 tonnes métriques indiquées.
  3. Palangriers, Classe de jauge : 4 et 5, Principale espèce capturée : maraîche, 297 sous-campagnes, 702 tonnes métriques indiquées.
  4. Palangriers, Classe de jauge : 4 et 5, Principale espèce capturée : maraîche, 113 sous-campagnes, 251 tonnes métriques indiquées.

La maraîche est essentiellement un piscivore opportuniste, qui se nourrit d’une grande diversité d’espèces pélagiques, épipélagiques et benthiques (Joyce et al., 2002). Compagno (2001) la décrit comme proverbialement vorace. L’examen du contenu stomacal de quelques individus de la baie de Fundy et du golfe du Maine capturés dans les années 1940 a révélé la présence de harengs, de gaspareaux, de maquereaux, de sébastes et de calmars (Scattergood, 1949, cité dans Scott et Scott, 1988). Une étude récente de six maraîches de l’Atlantique Nord-Ouest a montré que plus de 99 p. 100 (en volume) du contenu stomacal se composait de calmars, surtout IIlex illecebrosus (Bowman et al., 2000, cité dans Branstetter, 2002). L’étude la plus exhaustive sur la nutrition a examiné les contenus stomacaux de 1 022 maraîches, de taille allant de 85 à 264 cm, capturées entre février 1999 et janvier 2001 lors des activités canadiennes de pêche à la maraîche et d’une campagne scientifique menée dans l’Atlantique Nord-Ouest (Joyce et al., 2002). Dans l’ensemble, Joyce et al.(2002) ont trouvé des téléostéens (poissons osseux) dans la majorité des contenus stomacaux, où ils constituaient 91 p. 100 en poids de l’alimentation, les céphalopodes étant le deuxième groupe en importance, présents dans 12 p. 100 des contenus stomacaux. L’étude a identifié vingt-et-une espèces, appartenant à vingt familles différentes, dans l’alimentation de la maraîche (tableau 1). Parmi les téléostéens identifiés, c’était les cavalos, des poissons plats inconnus, des lompes et des morues franches qu’on trouvait le plus souvent et qui constituaient en poids la majeure partie de l’alimentation (Joyce et al., 2002). Par rapport aux autres Lamnidés, la maraîche se nourrit plus de céphalopodes et moins d’autres élasmobranches, et l’on n’a pas d’indication qu’elle mange des mammifères marins (Joyce et al., 2002). D’après un résumé de quatre études de la nutrition portant sur 115 contenus stomacaux, Cortes (1999) a estimé que la maraîche avait un niveau trophique de 4,2.

L’alimentation de la maraîche ne montre pas de différences significatives entre les sexes, mais en présente entre les juvéniles (<150 cm), les subadultes (150-200 cm) et les adultes (&gt;200 cm), ainsi que d’une saison à l’autre (Joyce et al., 2002). La maraîche semble devenir plus piscivore à mesure que sa taille augmente, les individus les plus gros étant capables de capturer de grands téléostéens et même de petits élasmobranches (Joyce et al., 2002). Les estomacs de maraîches adultes contenaient plus de poissons de fond et moins de céphalopodes et de poissons pélagiques que ceux des juvéniles et des subadultes. En fait, les maraîches adultes semblent préférer les poissons de fond, si l’on se base sur la contribution en pourcentage de ces derniers au poids du contenu stomacal. L’alimentation de la maraîche varie avec les déplacements saisonniers entre les eaux profondes et les eaux plus proches de la surface. Au printemps, quand la plus grande partie de la population est rassemblée sur le plateau néo-écossais, l’alimentation des juvéniles et des subadultes est surtout composée de poissons pélagiques et de céphalopodes, et celle des adultes de poissons de fond, de poissons pélagiques et de céphalopodes. À l’automne, le poids relatif des poissons pélagiques était considérablement plus bas, et celui des poissons de fond plus élevé, dans l’alimentation de toutes les classes d’âge (Joyce et al., 2002). Cette augmentation est attribuée à la migration dans les eaux moins profondes des Bancs de Terre-Neuve et du golfe du Saint-Laurent, où la gamme de proies disponibles inclut plus d’espèces benthiques (Joyce et al., 2002).

Le comportement et la sociobiologie de la maraîche sont mal connus (Compagno, 2001). Sa taille, la rapidité de sa nage et sa répartition hauturière en eau profonde la rendent en effet difficile à étudier (Jensen et al., 2002), et la plus grande partie des données disponibles ont été recueillies dans un contexte de pêche. On sait que la maraîche pratique une ségrégation basée tant sur le sexe que sur la taille dans l’Atlantique Nord-Ouest (voir Déplacements et dispersion) et dans le nord-est (Compagno, 2001). Elle est généraliste dans son alimentation (Jensen et al., 2001). On peut la trouver seule, en bancs ou en groupes réunis pour se nourrir; elle peut se rapprocher des côtes et de la surface en été, mais passe l’hiver au large et sous la surface (Compagno, 2001).

Tableau 1. Espèces proies observées dans les contenus stomacaux de maraîches de l’Atlantique Nord-Ouest, regroupées par grandes catégories de proies (N : nombre d’organismes; % P : pourcentage en poids; Fo : fréquence d’occurrence). D’après Joyce et al., 2002; les noms communs sont tirés de Collette et Klein MacPhee, 2002.
Classe Catégorie de proie :
nom scientifique
Catégorie de proie :
nom commun
N % P Fo
Crustacés Chionecetes opilio crabe des neiges
3
0,12
0,20
Céphalopodes Illex illecebrosus encornet nordique
186
5,41
11,84
Invertébrés non identifiés
45
0,20
0,29
Élasmobranches Squalus acanthias aiguillat commun
14
3,61
0,59
Téléostéens pélagiques
196
26,18
13,41
Poissons Alepisaurus ferox cavalo féroce
97
16,47
8,02
Poissons Clupea harengus hareng atlantique
42
6,20
3,42
Poissons Scomberesox saurus balaou
3
0,40
0,20
Poissons Scomber scombrus maquereau bleu
54
3,11
2,45
Poissons de fond
466
42,56
11,45
Poissons de fond Ammodytes dubius lançon du Nord
267
1,29
3,33
Poissons de fond Anarhichas lupus loup atlantique
3
3,27
0,29
Poissons de fond Hemitripterus americanus hémitriptère atlantique
1
0,89
0,10
Poissons de fond Myoxocephalus scorpius chaboisseau à épines courtes
4
0,09
0,10
Poissons de fond Cyclopterus lumpus lompe
51
11,76
3,13
Poissons de fond Gadus morhua morue franche
15
8,07
1,17
Poissons de fond Melanogrammus aeglefinus aiglefin
8
1,94
0,68
Poissons de fond Merluccius albidus merlu blanc
4
0,85
0,29
Poissons de fond Merluccius bilinearis merlu argenté
16
0,93
0,20
Poissons plats inconnus
88
12,43
2,64
Poissons Sebastes fasciatus sébaste d’Acadie
9
1,05
0,59
Autres téléostéens
19
0,99
1,17
Poissons Anguilla rostrata anguille d’Amérique
3
0,77
0,29
Amphibiens Arotopteus pharaoh
1
0,12
0,10
Dragon inconnu
1
0,08
0,10
Poisson-lanterne inconnu
1
0,10
Poissons Nemichthys scolopaceus avocette ruban
1
0,10
Poissons Petromyzon marinus grande lamproie marine
12
0,02
0,49
Téléostéens non identifiés
526
21,01
19,18
Totaux
3817
100
48,63

Selon toutes les indications, il n’y a qu’une population de maraîche dans l’Atlantique Nord-Ouest (voir Déplacements et dispersion). Les données de capture montrent que son sex-ratio varie dans le temps et dans l’espace (O’Boyle et al., 1998) mais, selon les données de marquage, le sex-ratio global de la population de maraîche de l’Atlantique Nord-Ouest est de 1:1 (Kohler et al., 2002). La population effectue de grandes migrations annuelles entre, d’une part, le golfe du Maine et le banc Georges et, d’autre part, Terre-Neuve et le golfe du Saint-Laurent. Bien que la population ne soit pas confinée aux eaux canadiennes, la majeure partie de son aire de répartition y est située.

Toutes les indications montrent clairement que la population de maraîche de l’Atlantique Nord-Ouest a brutalement baissé depuis qu’elle a commencé à faire l’objet d’une pêche commerciale, en 1961. Les estimations de la biomasse sont issues d’un modèle dynamique de population en fonction de l’âge et du sexe, et des calculs des recaptures d’individus marqués selon la méthode de Petersen. La tendance temporelle de l’abondance est aussi issue de ce modèle, et un modèle des captures par unité d’effort (CPUE) normalisées fournit un indice de l’abondance avec le temps. On trouvera ici les résultats de chacune de ces méthodes, ainsi que leurs hypothèses et sources d’incertitude.

La taille et les tendances de la population de maraîche de l’Atlantique Nord-Ouest sont estimées à partir d’un modèle de projection de la dynamique de la population structurés par âge et par sexe (présenté dans Campana et al., 2001, et Harley, 2002). La structure du modèle reposait sur le modèle Coleraine généralisé en fonction des âges (Hilborn et al., 2000) et sur le mécanisme d’ajustement aux données de capture selon la longueur qui avait été utilisé dans le modèle MULTIFAN (Fournier et al., 1990). Dans ce type de modèle, la population est projetée dans l’avenir à partir d’un point d’équilibre, en ajoutant le recrutement et en enlevant les captures. Le modèle postulait que la population de maraîche était à un état d’équilibre sans exploitation au début de 1961 (époque où a débuté la pêche commerciale à la maraîche), et séparait la pêche canadienne en deux composantes : le plateau néo-écossais et la région des Bancs de Terre-Neuve – golfe du Saint-Laurent, parce que ces régions présentent des strates spatiales et temporelles différentes entre lesquelles la composition par taille des captures n’est pas la même (Harley, 2002). Le modèle était basé sur les données des captures totales par région pour les années 1961 à 2000, les indices de CPUE pour les poissons immatures et matures, et des échantillons de la composition en longueur-fréquence des débarquements par sexe et par région; il incluait des informations sur les ogives de maturité, sur les taux de mortalité, sur les paramètres de croissance propres au sexe (basés sur le modèle de croissance de von Bertalanffy in Natanson et al., 2002), et sur la relation longueur-poids. La sélectivité selon l’âge de la pêche de la maraîche était présumée connue dans certaines passes du modèle, et estimée dans d’autres (Campana et al., 2001). Le modèle estimait le recrutement, la capturabilité et les paramètres de sélectivité, à l’aide de techniques d’estimation non linéaires pour ramener au minimum la différence (vraisemblance logarithmique négative) entre la composition des captures observée et prévue (par année, pêche, sexe) et les indices de CPUE (par pêche, immature/mature).

Tableau 2. Débarquements (tm) déclarés de maraîche dans l’Atlantique Nord, ventilés par pays dans l’Atlantique Nord-Ouest. D’après Campana et al., 2001; Laboratoire de recherche sur les requins du Canada, 2003.
Année Canada Îles Féroé France Islande Japon Norvège Espagne URSS É.-U. Total Atlantique Nord-Est
1961
0
100
1 824
1 924
1600
1962
0
800
2 216
3 016
500
1963
0
800
5 763
6 563
300
1964
0
1 214
7
8 060
9 281
400
1965
28
1 078
4 045
5 151
500
1966
0
741
1 373
2 114
500
1967
0
589
36
625
600
1968
0
662
137
269
1 068
1 000
1969
0
865
208
1 073
1 000
1970
0
205
674
879
4 300
1971
0
231
221
452
4 400
1972
0
260
87
347
3 500
1973
0
269
269
400
1974
0
0
343
1975
0
80
80
577
1976
0
307
307
497
1977
0
295
295
374
1978
1
121
122
3 120
1979
2
299
301
1 295
1980
1
425
426
1 172
1981
0
344
3
347
1 031
1982
1
259
1
261
341
1983
9
256
0
265
886
1984
20
126
1
17
164
556
1985
26
210
0
236
440
1986
24
270
5
1
300
425
1987
59
381
16
0
12
468
404
1988
83
373
9
3
32
500
523
1989
73
477
9
3
4
566
444
1990
78
550
8
9
19
664
684
1991
329
1 189
20
12
17
1 567
450
1992
814
1 149
7
8
13
1 991
643
1993
920
465
6
2
39
1 432
840
1994
1 573
2
3
1 578
1 023
1995
1 348
7
4
5
1 364
730
1996
1 043
40
9
8
1 100
411
1997
1 317
13
2
2
1 334
539
1998
1 054
20
0
12
1 086
465
1999
955
6
961
2000
899
0
899
2001
498
2002
224

Bien qu’il y ait des incertitudes associées au modèle de dynamique de la population en fonction de l’âge et du sexe, ces modèles statistiques de capture selon l’âge sont considérés comme une méthode extrêmement puissante d’évaluation des pêches (Hilborn et Walters, 1992). L’avantage de cette méthode souple tient à ce qu’elle peut inclure de nombreux types de données différents, les reliant via un modèle dynamique, et permettant d’examiner les incohérences entre les types de données (Jennings et al., 2001; Harley, 2002). Une limite générale connue des modèles de projection est la nécessité de préciser une relation géniteurs-recrutement. Pour la maraîche, cependant, la faible variabilité du recrutement (conséquence d’une fécondité peu élevée et d’un fort taux de survie des juvéniles) faisait que la relation géniteurs-recrutement et des limites raisonnables des paramètres pouvaient être déduits des données biologiques (Harley, 2002). La principale incertitude dans le modèle est commune à la plupart des évaluations; c’est que la mortalité naturelle et la sélectivité de la pêche sont confondues (Harley, 2002). Sur les cinq passes de modèles présentées par Campana et al. (2001; tableau 3), c’est le modèle de référence et la passe 5 qui règlent le mieux cette question d’incertitude en testant la plage de possibilités, soit que la mortalité augmente à l’âge de la maturité pendant que la sélectivité reste élevée (modèle de référence avec sélectivité fixée; figure 5) ou que la mortalité reste constante et que la sélectivité baisse chez les maraîches matures (passe 5).

Veuillez noter que le Tableau 3 a été séparé en deux sections pour facilité l'accessibilité.

Tableau 3b. Estimations du nombre de femelles reproductrices, de la biomasse totale, des taux actuels d’exploitation et de production maximale équilibrée (MSY) issues du modèle de la dynamique de la population structuré par âge et par sexe pour la maraîche de l’Atlantique Nord-Ouest, ajusté en fonction des données des captures selon la longueur et des CPUE, par saison et par région. D’après Campana et al., 2001, 2003.
Passe Nombre de femelles reproductrices
1961
Nombre de femelles reproductrices
1991
Nombre de femelles reproductrices
2001
Nombre de femelles reproductrices
1991/1961
Nombre de femelles reproductrices
2001/1961
Biomasse totale (t)
1961
Biomasse totale (t)
1991
Biomasse totale (t)
2001
Biomasse totale (t)
1991/1961
Biomasse totale (t)
2001/1961
Référence
63 694
16 618
6 075
0,26
0,10
38 967
13 260
4 409
0,34
0,11
2
64 710
18 835
7 500
0,28
0,12
39 589
14 357
4 991
0,36
0,13
3
69 186
15 048
2 612
0,22
0,04
42 327
12 461
1 572
0,29
0,04
4
69 664
15 273
2 934
0,22
0,04
42 619
12 908
1 928
0,30
0,05
5
100 979
29 606
13 847
0,29
0,14
44 317
16 500
7 695
0,37
0,17

Passe de référence : Augmentation de M dans la première année et à l’âge de la maturité; sélectivité fixée; courbe de croissance combinée pour les mâles et les femelles
Passe 2 : Comme ci-dessus, mais sans écarts aléatoires du recrutement
Passe 3 : Estimation de la sélectivité et écarts aléatoires du recrutement
Passe 4 : Estimation de la sélectivité sans écarts aléatoires du recrutement
Passe 5 : Estimation de la sélectivité et écarts aléatoires du recrutement; M n’augmente pas à la maturité

Tableau 3b. Estimations du nombre de femelles reproductrices, de la biomasse totale, des taux actuels d’exploitation et de production maximale équilibrée (MSY) issues du modèle de la dynamique de la population structuré par âge et par sexe pour la maraîche de l’Atlantique Nord-Ouest, ajusté en fonction des données des captures selon la longueur et des CPUE, par saison et par région. D’après Campana et al., 2001, 2003.
Passe Taux d’exploitation
Âge 2
Taux d’exploitation
Âge 5
Tauxd’exploitation
Âge 8
Taux d’exploitation
vraisemblance
log. nég.
FMSY MSY(t) BMSY BMSY/B0 B2001/BMSY
Référence
0,16
0,25
0,26
-543
0,046
1069
24 402
0,63
0,18
2
0,14
0,22
0,23
-405
0,046
1086
24 791
0,63
0,20
3
0,41
0,64
0,80
-1005
0,047
1138
26 362
0,62
0,06
4
0,35
0,52
0,65
-992
0,047
1143
26 519
0,62
0,07
5
0,14
0,21
0,26
-918
0,063
1079
21 275
0,48
0,36

Figure 5. Courbes de sélectivité selon l’âge et le sexe fixées dans le modèle pour le cas de référence. Reproduites avec l’autorisation de Campana et al., 2001.

Figure 5. Courbes de sélectivité selon l’âge et le sexe fixées dans le modèle pour le cas de référence. Reproduites avec l’autorisation de Campana et al., 2001.

Selon la passe de référence, la biomasse de la population de maraîche en 2001 était estimée à 4 409 tonnes, soit une baisse de 89 p. 100 par rapport à la biomasse vierge (tableau 3). Le modèle estime que la biomasse a baissé brutalement après le début de la pêche en 1961, a remonté légèrement dans les années 1980, puis est retombée à un minimum record en 2001 (figure 6). Le nombre actuel de génitrices est estimé à 6 075, soit 10 p. 100 de l’abondance dans la population vierge (tableau 3). Les résultats de la passe 5 du modèle indiquent une évolution similaire de la biomasse, avec une estimation un peu plus élevée de la biomasse actuelle (17 p. 100 de la biomasse vierge), et du nombre de génitrices (14 p. 100 de l’abondance dans la population vierge) (tableau 3). Les autres passes estimaient des déclins semblables ou supérieurs. La robustesse de ces résultats entre cinq passes testant une gamme d’hypothèses est une solide indication quantitative de la chute abrupte de la population de maraîches dans l’Atlantique Nord-Ouest.

Figure 6. Tendances de la biomasse totale et de l’abondance des femelles reproductrices à partir de la passe de référence du modèle de la dynamique de la population structuré par âge et par sexe. Reproduit avec l’autorisation de Campana et al., 2001.

Figure 6. Tendances de la biomasse totale et de l’abondance des femelles reproductrices à partir de la passe de référence du modèle de la dynamique de la population structuré par âge et par sexe. Reproduit avec l’autorisation de Campana et al., 2001.

Les estimations de l’abondance à partir des recaptures d’individus marqués suggèrent un déclin de la population de l’ordre de 80 à 85 p. 100 par rapport à la population vierge marquée par les Norvégiens (Campana et al., 2003), soit légèrement moins que celle estimée par le modèle de référence en fonction de l’âge et du sexe. L’abondance de la population de maraîche dans les années 1960 et au milieu des années 1990 a été estimée à l’aide des calculs des recaptures selon la méthode de Peterson (figurant en détail dans Ricker, 1975) à partir des études par marquage effectuées au Canada et aux États-Unis (Campana et al., 2003). Les taux de perte de marque, de mortalité due à la marque et de déclaration de récupération des marques doivent cependant être inclus dans le calcul. Or, comme on ne disposait pas d’estimations publiées de ces facteurs pour les requins marqués à l’aide fléchettes d’acier, Campana et al. (2002) ont utilisé des valeurs approximatives basées sur les téléostéens. Campana et al. (2002) ont indiqué que la probabilité de non-déclaration était très basse dans les années 1990, étant donné le petit nombre de navires participant à la pêche et le fort degré de motivation à l’égard du marquage-recapture. Il convient de noter que les estimations de la biomasse obtenues par cette méthode étaient substantiellement plus élevées pour les deux périodes que celles tirées du modèle des captures selon l’âge. En fait, l’utilisation des données de marquage pour comparer les abondances entre deux périodes est hasardeuse, puisque, dans les années 1960, on a marqué beaucoup de grands individus, alors que, dans les années 1990, on a marqué surtout des maraîches d’âge 0 et 1 (Campana et al., 2001, 2003). De plus, Hilborn et Walters (1992) font la mise en garde qu’il y a généralement un biais prononcé dans les estimations de la population issues des études par marquage, et n’en recommandent pas l’utilisation pour estimer les abondances de la majorité des populations de poissons.

Les estimations des captures par unité d’effort normalisées pour la période de 1989 à 2000 suggèrent aussi que l’abondance des maraîches a considérablement baissé (figure 7). Campana et al. (2001, 2002) ont normalisé la capture par unité d’effort (Ln des prises/hameçon) séparément pour les maraîches matures (>200 cm de LF) et immatures, après avoir converti en nombres le taux de capture en poids, et en regroupant les nombres pour les maraîches matures et immatures respectivement. L’analyse reposait sur les données de la pêche dirigée canadienne à la maraîche, qui représente la quasi-totalité des captures connues de maraîches pendant cette période. Les taux de capture étaient normalisés selon l’approche du modèle linéaire général de Gavaris (1980), les facteurs étant les sous-régions (sud du plateau néo-écossais, est du plateau néo-écossais, et Terre-Neuve – golfe), le mois, le bateau de pêche et l’année. Tous les facteurs étaient significatifs pour prédire le taux de capture de maraîches matures (Campana et al., 2001). Des termes d’interaction ont été évalués, mais n’ont pas été inclus dans le modèle final, parce qu’ils ne modifiaient pas la tendance générale de la capture par unité d’effort (Campana et al., 2002a). Le taux de capture normalisé de maraîches matures a augmenté significativement entre 1989 et 1992, lorsque la nouvelle pêche canadienne s’est développée, mais a par la suite baissé rapidement à mesure que l’effort augmentait et que l’abondance baissait (figure 7; Campana et al., 2001). La CPUE estimative de maraîches matures pour 2000 est égale à 10 p. 100 de sa valeur pour 1992 (Campana et al., 2001). Le taux de capture normalisé pour les maraîches immatures a lui aussi baissé significativement depuis le début des années 1990, et l’estimation pour 2000 est d’environ 30 p. 100 de la valeur de 1991 (figure 7; Campana et al., 2001). La capture par unité d’effort pour les maraîches immatures a été assez stable, mais bas, depuis 1996. Dans l’ensemble, la capture par unité d’effort des maraîches a décliné substantiellement dans la dernière décennie.

Figure 7. Captures normalisées par unité d’effet (nombre/hameçon) de maraîches à la maturité sexuelle (>200 cm de LT) et immatures. Reproduit avec l’autorisation de Campana et al., 2001.

Figure 7. Captures normalisées par unité d’effet (nombre/hameçon) de maraîches à la maturité sexuelle (>200 cm de LT) et immatures. Reproduit avec l’autorisation de Campana et al., 2001.

Outre les baisses de l’abondance, on a aussi noté un déclin à long terme de la répartition par taille des maraîches capturées sur les aires d’accouplement de Terre-Neuve – golfe du Saint-Laurent au début de l’automne (figure 8; Campana et al., 2001). La longueur à la fourche médiane de ces individus a diminué de 30 p. 100, passant de plus de 200 cm en 1961 à 140 cm en 2000. Les captures des années 1990 se caractérisaient par des longueurs médianes bien inférieures à la taille à maturité, ce qui témoignait de la faible proportion de maraîches matures. En fait, avant 1991, les classes d’âge les plus abondantes au large du sud de Terre-Neuve à l’automne étaient les maraîches âgées de 10 à 15 ans, ce qui concordait avec le fait que cette région était une aire d’accouplement (Campana et al., 2002a). Par contre, entre 1998 et 2000, les maraîches de moins de 3 ans constituaient les classes d’âge les plus abondantes dans la région (Campana et al., 2002a). Bien qu’il n’y ait pas eu de tendances cohérentes de la composition par longueur des maraîches sur le plateau néo-écossais, cette région est majoritairement fréquentée par des maraîches plus petites et surtout immatures (Campana et al., 2002a). Dans l’ensemble, l’âge du plein recrutement dans la pêche est tombé ces dernières années à seulement deux ou trois ans (Campana et al., 2002a), soit dix ans avant l’âge de la maturité pour les femelles.

Figure 8. Tendance de la longueur à la fourche médiane des maraîches capturées par la flottille hauturière sur l’aire d’accouplement de Terre-Neuve – golfe. Reproduit avec l’autorisation de Campana et al. , 2001.

Figure 8. Tendance de la longueur à la fourche médiane des maraîches capturées par la flottille hauturière sur l’aire d’accouplement de Terre-Neuve – golfe. Reproduit avec l’autorisation de Campana et al. , 2001.

Par rapport aux poissons osseux, les requins ont une productivité basse et donc une faible résilience à la pression de pêche. D’ailleurs, les pêches au requin se sont caractérisées par une augmentation des captures suivie d’un déclin rapide puis d’un effondrement des stocks (Ripley, 1946; Olsen, 1959; Parker et Stott, 1965; Holder, 1970), qui mettent des décennies à se rétablir, quand ils y arrivent (Anderson, 1990; Hoff et Musick, 1990). Le caractère chronique des effondrements des pêches au requin a conduit Holden (1973, 1974) et Walker (1998) à se demander si l’exploitation durable de ces espèces peut être envisagée. Walker (1998) est arrivé à la conclusion que les stocks de requins peuvent être exploités de façon durable et, s’ils sont soigneusement gérés, assurer une pêche très stable. Cependant, l’augmentation de l’exploitation des requins et de la demande en produits du requin observée à l’échelle mondiale dans les 20 dernières années a actuellement un impact négatif sur de nombreuses espèces de requins (Stevens et al., 2000; Baum et al., 2003).

Le cycle biologique de la maraîche est typique des espèces à la productivité très basse. La maraîche vient au dernier rang des catégories de productivité de l’American Fisheries Society (tableau 4), qu’il a été proposé d’utiliser dans le cadre d’un système de critères de risque d’extinction pour les poissons marins (Musick, 1999).

Le cycle biologique de la maraîche la rend très vulnérable à la surexploitation et limite sa capacité de rétablissement. Par exemple, comme l’abondance de la population et le recrutement sont étroitement couplés chez la maraîche, la surpêche du potentiel reproducteur, soit une réduction de la biomasse du stock reproducteur jusqu’au point où le recrutement est compromis, pourrait survenir rapidement (et cela semble avoir déjà été le cas) chez cette espèce. De plus, pour les requins à très basse productivité, comme la maraîche, Punt (2000) a fait la mise en garde que la biomasse et le taux de mortalité par pêche auquel le recrutement est insuffisant peuvent être très proches des taux où survient la dépensation et, à terme, l’extinction de la population. La compensation dépendante de la densité par augmentation de la fécondité ou de la survie des juvéniles, que l’on s’attend à observer dans des populations de poissons arrivées à des niveaux bas, sera très limitée chez la maraîche du fait de sa faible productivité. C’est pourquoi le rétablissement après la surexploitation pourrait prendre, et semble prendre, des décennies. L’histoire de la pêche à la maraîche témoigne de cette vulnérabilité de l’espèce à la surexploitation : une pêche intensive a partout appauvri en quelques années les stocks de maraîche (Castro et al., 1999).

Tableau 4. Paramètres du cycle biologique de la maraîche par rapport aux valeurs recommandées par l’American Fisheries Society comme paramètres de l’indice de productivité en tant que lignes directrices pour les espèces à très basse productivité.
Productivité r
(par année)
k de von Bertalanffy Paramètre
Fécondité (par année)
Âge à la maturité Âge maximum
Espèce à très basse productivité
<0,05
<0,05
<10
>10 ans
>30 ans
Maraîche
0,05
  • Femelle : 0,061
  • Mâle : 0,08
4
  • Femelle : 13 ans
  • Mâle : 8 ans
29-46 ans

On cite souvent la surexploitation de la population de maraîche de l’Atlantique Nord-Ouest pour illustrer la vulnérabilité des requins à la surpêche. L’exploitation commerciale de la maraîche dans l’Atlantique Nord-Ouest a commencé en 1961 lorsque des navires norvégiens, qui avaient surpêché l’espèce dans le nord-est de l’Atlantique (Rae, 1962 in Castro et al., 1999), ont commencé des pêches exploratoires dans la population vierge au large de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Angleterre (Castro et al., 1999; MPO, 1999). Des navires des îles Féroé se sont joints à eux dans les années suivantes. Les débarquements déclarés de maraîche dans l’Atlantique Nord-Ouest sont passés de 1 924 t en 1961 à 9 281 t en 1964 mais, dès 1967, la flottille norvégienne avait presque disparu de la région et, en 1970, les prises étaient tombées à moins de 1 000 t en conséquence de l’effondrement de la pêche; la flottille a alors visé d’autres espèces et d’autres régions (figure 9; Castro et al., 1999; MPO, 1999).

Dans les deux décennies qui ont suivi l’effondrement, la population de maraîche n’est remontée qu’à environ 30 p. 100 de son effectif de 1961 (figure 6). Pendant cette période, les prises sont restées à des niveaux très bas (<500 t/an) (MPO, 1999), limitées uniquement par la très faible abondance de l’espèce, puisqu’il n’y avait pas de restriction à la pêche. Le rétablissement de la population a été faible mais, en fait, correspond à ce à quoi on peut s’attendre pour une espèce dont le taux maximal d’augmentation est estimé à 0,05. Comme on ne dispose pas d’information sur la taille et l’âge à la maturité de la maraîche dans les années 1960, il est impossible de déterminer si l’intense pression de pêche dans cette décennie a induit un changement génétique dans ces éléments du cycle biologique. La baisse de la taille et de l’âge à la maturité aurait aussi pu nuire au rétablissement de la population de maraîches.

Figure 9. Débarquements déclarés de maraîche dans l’Atlantique Nord-Ouest, par pays.

Figure 9. Débarquements déclarés de maraîche dans l’Atlantique Nord-Ouest, par pays.

Lorsque l’effort de pêche visant la maraîche a connu un regain en 1990, le niveau de la population était encore bas (figure 6). En 1992, les débarquements déclarés atteignaient presque 2 000 tm, en conséquence d’une augmentation de l’effort des unités féroéiennes et de l’entrée de navires canadiens dans la pêche (Joyce, 1999). Les bateaux féroïens ont cessé de pêcher dans la zone économique exclusive de 200 milles du Canada en 1994, et ils ont arrêté de pêcher la maraîche dans tout l’Atlantique Nord-Ouest. En 1994, la flottille canadienne se composait de trois navires hauturiers de pêche à la palangre pélagique et de plusieurs unités côtières (MPO, 1999). Depuis lors, la quasi-totalité des maraîches ont été le fait de bateaux canadiens, et les débarquements ont chuté d’un pic de 1 615 t en 1994 à 224 t en 2002.

À l’heure actuelle, dans l’Atlantique Nord-Ouest, les maraîches sont capturées essentiellement dans le cadre de la pêche commerciale dirigée canadienne à la palangre pélagique. Les maraîches sont généralement prises à une profondeur de 50 à 150 m, avec des calmars comme appât (Laboratoire de recherche sur les requins du Canada, 2003). Jusque dernièrement, la pêche canadienne a concentré ses efforts sur des maraîches largement immatures sur le plateau néo-écossais au printemps et sur de grandes maraîches surtout matures au large de Terre-Neuve et dans le golfe du Saint-Laurent à l’automne (Campana et al., 2002a). La pêche était le fait de bateaux côtiers et hauturiers, qui ne mènent pas leurs activités au même endroit ni au même moment (MPO, 1999). Les deux flottilles exploitaient le plateau néo-écossais au printemps, la flottille hauturière se concentrant sur la bordure continentale et la flottille côtière travaillant sur une bonne partie de la plate-forme (MPO, 1999; Campana et al., 2002a). À l’automne, l’effort, minime, de la flottille côtière visait le plateau néo-écossais, et la majeure partie des captures étaient faites par la flottille hauturière dans le golfe du Saint-Laurent, au large du sud de Terre-Neuve et sur les Bancs de Terre-Neuve (MPO, 1999; Campana et al., 2002a). La pêche sportive est à peu près inexistante (MPO, 1999). Depuis 2002, la pêche d’automne est fermée sur les Bancs de Terre-Neuve (Divisions 4Vn et 3LNOP de l’OPANO) (MPO, 2002).

Bien que les autres prises de maraîches soient limitées, elles pourraient, du fait que l’espèce a une si faible abondance, contribuer de façon significative à la mortalité due à la pêche, et ne devraient pas être considérées comme négligeables. Dans les eaux canadiennes, les prises accessoires de maraîche par la pêche canadienne de l’espadon à la palangre, la pêche japonaise du thon à la palangre et diverses pêches côtières ont atteint une moyenne de 31 tm par an entre 1994 et 2000 (MPO, 1999; tableau 5). Aux États-Unis, les maraîches sont capturées dans une petite pêche dirigée au large de la Nouvelle-Angleterre, et comme prises accessoires dans les pêches du thon et de l’espadon à la palangre pélagique, où elles sont considérées comme une espèce-cible secondaire (tableau 5; NMFS, 2001). Les quotas de maraîche pour 2003 aux États-Unis sont de 92 tm, soit beaucoup plus que les débarquements des dernières années (NMFS, 2002). On ne connaît pas les prises des navires étrangers pêchant à l’extérieur des eaux canadiennes, mais on pense qu’elles sont faibles (MPO, 1999). Les prises accessoires dans les eaux internationales sont cependant mal surveillées. Bien que le programme japonais d’observation de la pêche à la palangre pélagique dans l’Atlantique ait enregistré la prise de six maraîches sur 55 lignes mères dans une région située au nord-est de la zone canadienne (Matsushita et Matsunaga, 2002), on ne peut pas estimer les captures totales sans connaître l’effort de pêche total.

Tableau 5. Débarquements de maraîche (tm) par la pêche dans les eaux canadiennes, total autorisé des captures (TAC) canadien de maraîche, débarquements de maraîche (tm) dans les eaux des États-Unis et internationales.
Année Pêche dirigée à la palangre Eaux canadiennes –
Prise accessoire avec espadon
Eaux canadiennes –
Prise accessoire avec thon
Eaux canadiennes –
Autres prises accessoires
Eaux canadiennes
Déclaré comme « autres requins »
Total TAC Eaux des États-Unis Eaux internationales
1991
329
0
0
0
185
514
-
?
?
1992
805
0
0
9
171
985
-
?
?
1993
912
0
0
8
178
1098
-
?
?
1994
1551
9
2
18
263
1844
-
?
?
1995
1313
21
0
15
151
1500
(1500)
?
?
1996
1024
6
1
24
87
1142
(1500)
?
?
1997
1295
6
0
40
(129)
1341
1000
2
?
1998
1020
8
0
28
(108)
1056
1000
9
?
1999
930
2
1
23
(80)
956
1000
2
?
2000
888
2
1
8
(75)
899
850
2
?
2001
?
?
?
?
?
498
850
<1
?
2002
?
?
?
?
?
224
250
?
?

Source : Campana et al., 2001; Laboratoire de recherche sur les requins du Canada, 2003; Cortes, 2002b; NMFS, 2003.

Notes : Les requins pélagiques déclarés jusqu’en 1996 comme « autres requins » sont présumés être des maraîches, et ont donc été inclus dans le calcul du total des débarquements de maraîche dans les eaux canadiennes.

Les quotas de 1995 et 1996 n’étaient pas restrictifs.

Les taux d’exploitation des maraîches par la pêche canadienne dans les années 1990, estimés à l’aide de trois méthodes différentes (modèle à structure par âge et sexe, méthode des Z de Paloheimo, et marquage-recapture), ont été jugés plusieurs fois supérieurs à la FMSY (estimée à partir du modèle structuré par âge et sexe à F = 0,046; figure 10). Le modèle de la dynamique de la population structuré par âge et sexe estimait que les taux d’exploitation en 2000 se situaient entre F = 0,14 et 0,16 pour les maraîches d’âge 2, entre 0,21 et 0,25 pour les individus d’âge 5, et à 0,26 pour ceux d’âge 8 (passe de référence; passe 5; tableau 3). Les estimations des autres passes du modèle étaient soit semblables soit plus élevées (tableau 3). La méthode des Z de Paloheimo, qui estime le taux instantané de mortalité totale sur la base de la réduction, entre années consécutives, des captures selon l’âge d’une cohorte (Ricker, 1975), suggère, pour la période de 1998 à 2000, une mortalité due à la pêche de 0,22 pour les maraîches immatures sur le plateau néo-écossais et 0,18 pour les maraîches d’âges 9 à 12/13 dans la pêche de Terre-Neuve-golfe du Saint-Laurent (lorsqu’on n’intègre aucune incertitude dans les estimations ni dans la mortalité naturelle) (Campana et al., 2001). Les calculs de Peterson sur les données de marquage-recapture des études canadiennes et américaines, ajustées en fonction de la sélectivité selon l’âge, estimaient que la mortalité survenue de 1994 à 2000 se situait entre 5 et 20 p. 100, avec une moyenne de ~11 p. 100 (Campana et al., 2001, 2002). Les estimations issues de la dernière méthode pourraient être moins fiables, étant donné le petit nombre de recaptures d’individus marqués et l’hypothèse que la mortalité des individus marqués, les pertes de marques et le taux de déclaration des marques sont inconnus. Malgré l’incertitude entachant le F précis de chaque estimation et d’une estimation à l’autre, il est cependant clair que la mortalité des maraîches due à la pêche au cours des années 1990 était bien supérieure à FMSY.

Comme on pouvait s’y attendre, cette récente mortalité due à la pêche a entraîné une baisse rapide de la population de maraîche de l’Atlantique Nord-Ouest, ramenant son abondance à un minimum record (figure 6). Lorsque la pêche à la maraîche a augmenté dans les années 1990, le ministère des Pêches et des Océans a tenté d’agir de manière préventive et fixé des quotas bas, mais les données biologiques nécessaires pour faire des évaluations quantitatives du stock n’étaient pas disponibles au départ (voir Protection actuelle). C’est pourquoi les quotas fixés dans les années 1990 ne pouvaient pas reposer sur des estimations de l’abondance des stocks, mais ont été basés sur les niveaux de prise historiques (O’Boyle et al., 1998). À mesure que de nouvelles données ont été recueillies, il est devenu clair que la mortalité par pêche était trop élevée et, dans chaque plan de gestion subséquent, les quotas de maraîche ont dû être abaissés (tableau 5). De plus, les quotas, qui étaient déjà trop élevés durant la totalité des années 1990, ont été dépassés par les débarquements en 1997, 1998 et 2000. Les niveaux d’exploitation et mesures de gestion actuels seront respectivement abordés plus bas dans les sections Aperçu et Gestion au Canada.

Même si la cause première du déclin de la maraîche dans l’Atlantique Nord-Ouest est presque sans aucun doute la surexploitation, il faudrait prendre en considération d’autres facteurs qui ont contribué à ce déclin. Par exemple, les baisses des populations de poissons de fond, qui composaient plus de 40 p.100 de l’alimentation de la maraîche dans les années 1990 (tableau 2), ont pu aggraver le déclin au cours de cette période. Il est cependant peu probable que la disponibilité de nourriture soit un facteur limitatif significatif pour la maraîche, étant donné la grande diversité de son alimentation et le fait que la population a été en rétablissement jusqu’à l’augmentation des captures dans les années 1990. Il n’y a pas d’indication que d’autres facteurs (comme le changement climatique) aient contribué au déclin de la maraîche.

Figure 10. Estimations des valeurs récentes de la mortalité instantanée par pêche (F) issues du modèle de la dynamique de la population structuré par âge et par sexe, des Z de Paloheimo, et des calculs de Peterson sur les données de marquage, avec la plage d’incertitude approximative. Toutes les estimation de F sont supérieures à FMSY (ligne tiretée). Reproduit avec l’autorisation de Campana et al., 2001.

Figure 10.  Estimations des valeurs récentes de la mortalité instantanée par pêche (F) issues du modèle de la dynamique de la population structuré par âge et par sexe, des Z de Paloheimo, et des calculs de Peterson sur les données de marquage, avec la plage d’incertitude approximative. Toutes les estimation de F sont supérieures à FMSY (ligne tiretée). Reproduit avec l’autorisation de Campana et al., 2001.

À la lumière de l’évaluation du stock de maraîche effectuée en 2001 (Campana et al., 2001), un plan de gestion a été mis en place pour la période de 2002 à 2007, dans lequel le quota a été ramené à 250 t par an (200 t pour la pêche dirigée, la combinaison des prises directes et des prises accessoires ne devant pas dépasser 250 t; MPO, 2002). Bien que la population ait pu se rétablir quelque peu dans les années 1970 et 1980 malgré des captures plus élevées (~350 t par an), les quotas actuels correspondent à une mortalité par pêche, F, plus grande qu’à cette époque, parce que l’abondance était alors substantiellement plus élevée que maintenant. En fait, avec une abondance aussi basse que l’est actuellement celle de la maraîche, même des captures faibles en valeur absolue peuvent correspondre à un taux d’exploitation élevé. L’autre élément préoccupant est le très faible effectif de maraîches matures dans la population.

On présume que le présent quota de maraîche, 200 à 250 t, correspond environ à FMSY (Campana, 2003). La valeur de FMSY a été estimée, à partir d’une analyse par table de survie, à 0,04 dans une hypothèse de croissance logistique. En prenant la moyenne des estimations de la mortalité par pêche fournies pour les années 1990 par les trois méthodes décrites plus haut, F = 0,20, et des captures moyennes au cours de cette période, soit de 1000 t par an, le quota actuel a été calculé pour correspondre à FMSY , soit F = 0,20/5 = 0,04, donc 1000 t/5=200 t. Il y a dans l’estimation de FMSY et du quota plusieurs sources d’incertitude qui en limitent la précision. L’incertitude entachant les paramètres utilisés dans l’analyse par table de survie, surtout la mortalité naturelle, pourrait affecter significativement les résultats (Cortes, 2002a), et devrait être examinée (p. ex. au moyen d’une analyse de sensibilité). Il faudrait aussi examiner les implications de l’incertitude quant à la mortalité par pêche. Les différentes estimations de la mortalité par pêche ont été moyennées, mais Quinn et Deriso (1999) déconseillent de prendre des valeurs intermédiaires, étant donné l’incertitude due aux différences entre les ensembles de données ou les méthodes. Si la mortalité par pêche est en fait supérieure à 0,20, comme le suggère l’estimation issue du modèle structuré par âge et par sexe, le quota actuel serait une surestimation. Dans le calcul du quota, on suppose que la population était à l’équilibre sur les périodes considérées, alors qu’en fait elle était en déclin (figure 6). Par conséquent (toutes autres choses étant égales par ailleurs), un quota correspondant à 4 p.100 de la population du milieu des années 1990 (= 200 t) serait supérieur en valeur absolue à un quota de 4 p. 100 de la population actuelle, qui est plus petite. Par exemple, si la biomasse actuelle est de 4409 t (tableau 3), le quota pour F = 0,04 serait d’environ 175 t. En outre, l’analyse par table de survie utilisait un régime de sélectivité composite (pour les deux régions du golfe de Terre-Neuve et du plateau néo-écossais), mais la pêche n’est maintenant ouverte que sur cette dernière. Enfin, l’analyse par table de survie est une méthode d’évaluation déterministe qui ne fait pas intervenir de stochasticité démographique ou environnementale, ce qui peut avoir une incidence significative sur la persistance de populations à faible abondance (Lande, 1993).

Pour diverses raisons, une récolte à un niveau de mortalité par pêche de FMSY, qui devrait généralement amener une population vers son niveau le plus productif BMSY (Quinn et Deriso, 1999), est trop élevée pour la maraîche. D’abord, il y a relativement peu de populations de poissons pour lesquelles on dispose d’estimations de la production maximale équilibrée (MSY) et de la FMSY assez précises pour être utilisables dans la gestion de l’espèce (Quinn et Deriso, 1999). Les incertitudes déjà mentionnées quant à l’estimation de la FMSY de la maraîche et au calcul du quota actuel indiquent que c’est le cas ici. Deuxièmement, Quinn et Deriso (1999) suggèrent que, pour les populations dont l’abondance est inférieure à un certain seuil (on recommande souvent 20 p. 100, donc plus haut que l’estimation de l’effectif actuel de maraîche), la mortalité due à la pêche devrait être réduite ou éliminée. Troisièmement, à sa faible abondance actuelle, la population de maraîche pourrait connaître une dépensation (effets d’Allee). Punt (2000) a montré que, dans les populations de requins subissant une dépensation, la valeur de Fcrash, taux de mortalité par pêche à laquelle la population s’éteint, se rapproche de FMSY.

Les mesures de gestion de la maraîche mises en place à la lumière de l’évaluation du stock de 2001 (p. ex. réduction du quota, MPO, 2002) ne sont pas en vigueur depuis assez longtemps pour qu’on puisse déterminer si elles auront un effet positif démontrable sur la population. Même si, dans le plus récent rapport sur la maraîche du ministère des Pêches et des Océans, on indique que l’important abaissement des quotas de capture permettra à la population de se rétablir (Campana et al., 2003), ces déclarations sont prématurées, et peu fondées si l’on considère les incertitudes évoquées plus haut. De même, le commentaire du MPO selon lequel le déclin de la maraîche aurait été enrayé et est réversible est lui aussi prématuré (Campana et al., 2003). En fait, la trajectoire de la biomasse issue du modèle structuré par âge et par sexe ne donne pas d’indication que le déclin de l’abondance de l’espèce ait pris fin (figure 6). À l’heure actuelle, il n’est même pas certain que les déclins soient réversibles. Des recherches récentes ont clairement montré que les réductions de la mortalité par pêche, bien que nécessaires, ne sont pas toujours suffisantes pour permettre à une population de se rétablir (Hutchings, 2001).

La maraîche est le seul représentant du genre Lamna dans tout l’Atlantique Nord. C’est une espèce très prisée sur le marché (Rose, 1998), qui fait actuellement vivre la seule pêche commerciale au requin dirigée du Canada atlantique (Hurley, 1998). Au début du XIXe siècle, la maraîche était très recherchée pour l’huile de son foie, utilisée en tannerie (Bigelow et Schroeder, 1948). De nos jours, la chair de maraîche est vendue fraîche ou salée pour l’alimentation, les nageoires pour la soupe aux ailerons de requin, le foie pour l’huile et la carcasse comme engrais sous la forme de farine de poisson (Scott et Scott, 1988; Compagno, 2001). La chair de maraîche est l’une des chairs de requin les plus prisées, et est surtout vendue par les grossistes de thon et d’espadon de qualité sashimi, sa qualité étant comparée à celle de l’espadon (Rose, 1998). Au Canada, la plus grande partie de la chair de maraîche est exportée vers l’Europe (surtout en Italie), mais il en existe un petit marché de frais aux États-Unis (MPO, 2001; S. Campana, comm. pers.). Sur le marché des États-Unis, la maraîche est vendue dans des restaurants spécialisés, sous les noms de shark, mackerel shark ou mako (Scott et Scott, 1988).

Compagno (2001) a fait remarquer que, par le passé, les maraîches étaient considérées comme une nuisance par les pêcheurs commerciaux, parce qu’elles endommageaient les engins légers utilisés pour prendre les poissons osseux (comme des filets à morue) et arrachaient les poissons des hameçons où ils étaient pris; ce n’est toutefois plus le cas, maintenant que les stocks sont très appauvris.

Au Canada, la gestion de la maraîche est apparue dans les années 1990, en réaction à la nouvelle pêche canadienne de cette espèce. La gestion de la maraîche relève du ministère des Pêches et des Océans. Les tentatives d’élaboration d’un plan de gestion pour des espèces de requins pélagiques du Canada atlantique exigeaient en premier lieu que soit modifiée la Loi sur les pêches, parce que ces espèces n’étaient pas couvertes par la réglementation des pêches (O’Boyle et al., 1998); ces modifications sont entrées en vigueur en 1994 (O’Boyle et al., 1998). La maraîche est maintenant protégée au niveau fédéral par la Loi sur les océans et par la Loi sur les pêches (R.S., 1985, c. F-14) aux termes du Règlement de pêche de l’Atlantique (ministère de la Justice, 2002).

Les plans de gestion des pêches de requins pélagiques du Canada atlantique de 1994 et 1995 ont mis en place plusieurs mesures de gestion pour la maraîche. Le plan de gestion de 1994 interdisait le prélèvement des nageoires (la dorsale étant prélevée et la carcasse rejetée en mer) (O’Boyle et al., 1998). Le MPO a aussi commencé à analyser les captures de maraîche en 1994, et produit le premier rapport sur l’état du stock de maraîche cette année (Laboratoire de recherche sur les requins du Canada, 2003). Depuis 1995, les plans de gestion des requins ont, entre autres mesures de gestion, limité le nombre de permis, limité le type d’engins et les zones de pêche, déterminé des saisons de pêche et fixé des exigences scientifiques précises (O’Boyle et al., 1998; Campana et al., 1999). Le plan de gestion de 1995 précisait que les permis seraient de type exploratoire, d’une durée d’un an (O’Boyle et al., 1998). Les plans de gestion des pêches pour les requins pélagiques du Canada atlantique ont établi une directive non restrictive sur les captures, soit 1500 t de maraîche avant 1997 (O’Boyle et al., 1998). Une évaluation préliminaire du stock basée sur les taux de prise commerciale a été présentée en 1996 (Laboratoire de recherche sur les requins du Canada, 2003). La directive sur les prises était sensiblement équivalente aux débarquements déclarés de l’espèce au Canada atlantique en 1992, mais ne pouvait pas à ce moment-là reposer sur des estimations de l’abondance du stock (Campana et al., 1999).

Le Plan de gestion des pêches des requins pélagiques du Canada atlantique publié en 1997, plus exhaustif, visait à régir l’exploitation de toutes les espèces de grands requins pélagiques (dont la maraîche) de 1997 à 1999 (MPO, 1997). Il avait pour objectif de maintenir une ressource biologiquement durable, qui alimenterait une pêche autosuffisante (MPO, 1997). Selon le plan, la conservation ne devait pas être compromise et une approche prudente guiderait le processus décisionnel (MPO, 1997). Tous les permis seraient du type exploratoire pendant que l’on recueillerait des informations scientifiques et qu’on évaluerait la durabilité de la ressource. Le total autorisé des captures (TAC) était fixé à 1000 t par an pour 1997-1999, sur la base surtout des prises historiques et de l’observation que les taux de capture récents avaient décliné (O’Boyle, 1998). Les informations scientifiques disponibles à l’époque ne permettaient pas déterminer si le TAC était durable (Campana et al., 2001). Les débarquements à partir de 1998 ont été limités par restriction du quota (O’Boyle et al., 1998).

Basé sur la première évaluation analytique du stock de maraîche (Campana et al., 1999), le Plan de gestion intégrée des pêches des requins pélagiques du Canada atlantique de 2000-2001 ramenait le quota à 850 t, et limitait à 100 t le quota de la pêche d’automne dans les aires d’accouplement de la maraîche au sud de Terre-Neuve (MPO, 2000). On ne savait pas alors si le quota abaissé serait soutenable à long terme, et de nouvelles recherches sur la maraîche ont été menées pour étayer une meilleure évaluation du stock (Campana et al., 2001).

Le plan de gestion de 2002 à 2007 (MPO, 2002) repose sur l’évaluation de 2001 du stock de maraîche (Campana et al., 2001), qui incluait de nouvelles informations scientifiques et, pour la première fois, un modèle de la dynamique de la population de maraîche. À la lumière de cette évaluation, le TAC a été abaissé à 250 t, et la pêche n’a plus accès aux aires d’accouplement au sud de Terre-Neuve (Campana et al., 2002a); le plateau néo-écossais reste ouverte à la pêche. Le TAC est réparti comme suit : 200 t à la pêche dirigée et les 50 t restantes aux prises accessoires (MPO, 2002). Le MPO procédera à une nouvelle évaluation de la maraîche en 2006.

Les évaluations de la maraîche, et sa gestion subséquente, ont grandement bénéficié des informations biologiques recueillies dans le cadre du programme coopératif de recherche mené sur cette espèce. En 1998, un effort de recherche concentré a été entrepris au MPO (à l’Institut océanographique de Bedford), avec un appui en espèces et en nature de l’industrie canadienne de la pêche au requin, pour recueillir des données détaillées sur le cycle biologique et la dynamique de la populations de maraîche (MPO, 1999). La collecte des données incluait des prélèvements de tissus et des mesures détaillés effectués à bord par le personnel scientifique et, depuis 1998, des mesures d’au moins 75 p. 100 des maraîches débarquées ont été faites par les membres de l’industrie de la pêche (MPO, 1999; Campana, comm. pers.). De plus, une collaboration avec les scientifiques de l’Apex Predator Program (programme des prédateurs supérieurs) du National Marine Fisheries Service des États-Unis a fourni un accès à de l’expertise et à des données inédites (MPO, 2000). Ce programme de recherche a permis de publier plusieurs communications (Campana et al., 2002a, b; Jensen et al., 2002; Joyce et al., 2002; Natanson et al., 2002), et de faire deux évaluations du stock de maraîche (Campana et al., 1999; 2001). D’autres recherches, toujours avec l’appui de l’industrie canadienne de la pêche, sont prévues (MPO, 2000).

Aux États-Unis, la maraîche est protégée en vertu de la Magnuson-Stevens Act et gérée par le National Marine Fisheries Service (Branstetter, 1999). L’actuelle réglementation de la pêche commerciale visant la maraîche comporte la délivrance de permis de pêche à accès limité et des exigences de déclaration, des quotas annuels, des limites par campagne pour les permis de pêche accessoire et l’interdiction du prélèvement des nageoires, et n’autorise l’utilisation que de certains engins (NMFS, 2001). Le premier plan de gestion des pêches de requins des États-Unis (1993) arrivait à la conclusion que les requins pélagiques, en tant que groupe, faisaient l’objet d’une pêche à pleine capacité; cependant, on n’a encore effectué aucune évaluation formelle des stocks de ce groupe pour déterminer leur situation et mesurer l’efficacité de la réglementation en vigueur (NMFS, 2003). Depuis 1999, la maraîche et d’autres requins sont réglementés aux termes du Fishery Management Plan for Atlantic Tunas, Swordfish, and Sharks (plan de gestion des pêches des thons, espadons et requins de l’Atlantique). Ce plan vise à gérer les pêches de manière à maintenir un rendement optimal pour assurer les plus grands avantages globaux en termes de production alimentaire, tout en préservant les pêches traditionnelles et en protégeant les écosystèmes marins (Cortes, 2000b).

Aucune mesure de gestion n’a été mise en place pour les pêches de la maraîche dans des eaux internationales et, bien que des collectes d’informations sur les captures de requins dans ces eaux aient été entreprises, les données restent insuffisantes pour qu’on puisse mener des évaluations. Le Plan d’action international pour la conservation et la gestion des requins (PAI-REQUINS) établi par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) est un protocole volontaire conçu en vue d'assurer la conservation et la gestion des requins et leur utilisation durable à long terme (FAO, 1998). En collaboration avec le PAI-REQUINS, plusieurs organismes halieutiques régionaux de l’Atlantique Nord, dont le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM), la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA) et l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (OPANO), ont entrepris des initiatives pour encourager leurs États membres à recueillir des informations sur les requins, dont la maraîche (FAO, 1999). La population de maraîche de l’Atlantique Nord-Ouest est située surtout dans les sous-zones 3 à 6 de l’OPANO. Cet organisme demande à ses membres de présenter des rapports d’avancement sur l’élaboration de leurs plans d’action nationaux visant les requins et de déclarer les captures des espèces de requins, mais n’a encore effectué aucune évaluation de la ressource. L’entente actuelle entre la CICTA et le CIEM est que les requins pélagiques (comme la maraîche) qui sont des prises accessoires dans la pêche du thon devraient être évalués par la CICTA, parce que celle-ci devrait posséder de meilleures données sur les captures et rejets de ces espèces (Clarke, comm. pers.). Une évaluation de la maraîche au sein du CIEM est possible, mais il n’existe actuellement pas de plan précis à cet effet (Clarke, comm. pers.). La CICTA a tenu un atelier en 2001 pour examiner les données disponibles sur la maraîche, le requin bleu et le mako à nageoires courtes dans l’Atlantique, en vue de planifier des évaluations de ces trois espèces. Cependant, bien que l’on prévoie effectuer des évaluations des deux dernières espèces, la CICTA n’envisage pas d’évaluer la maraîche dans un avenir proche (Restrepo, comm. pers.), probablement parce que l’évaluation canadienne est considérée comme suffisante.

La maraîche figure sur la liste rouge de l’UICN dans la catégorie « faible risque/quasi menacé », ce qui signifie que son statut se rapproche de « vulnérable » (IUCN, 2002). L’évaluation de l’UICN indiquait que, même s’il n’est pas prouvé que des populations complètes aient été appauvries au point de justifier la désignation « vulnérable », celles de l’Atlantique Nord ont été gravement surexploitées par la pêche à la palangre (IUCN, 2002). Dans une évaluation de la situation des espèces de requins, Castro et al. (1999) ont classé la maraîche dans la catégorie 4 sur leur échelle de 5, autrement dit comme une espèce qui présente des déclins historiques marqués des captures, et ont indiqué que la pêche intensive a appauvri en quelques années les stocks de maraîches, partout où elle s’est pratiquée, ce qui prouve bien que cette espèce ne peut pas survivre à une forte pression de pêche. Dans son nouveau volume sur les requins du monde, Compagno (2001) indiquait que, dans une optique de conservation, la situation de la maraîche est très préoccupante, à cause du déclin prononcé des captures dans les pêches ciblées de l’Atlantique Nord, et de l’exposition continue de l’espèce au prélèvement des nageoires dans les pêches hauturières à la palangre.

La population de maraîche de l’Atlantique Nord-Ouest a été significativement affectée par la pression de pêche. Son abondance a atteint un minimum record, et est estimée à environ 4 400 t, soit 11 p.100 de la biomasse vierge de 1961, époque où a débuté l’exploitation commerciale. Le nombre actuel de femelles reproductrices est estimé à 6 075, soit 10 p.100 de l’abondance initiale. Ce déclin a été calculé sur une période de quarante ans (de 1961 à 2001), donc plus courte que l’estimation de trois générations, qui serait de 54 ans. Tout aussi préoccupante est la diminution de 30 p. 100 de la longueur médiane des maraîches dans la région de Terre-Neuve-golfe du Saint-Laurent (l’aire d’accouplement). À cet endroit, les captures des années 1990 se caractérisaient par des longueurs médianes bien inférieures à la taille à la maturité, ce qui est une indication d’une faible proportion de maraîches matures. Dans l’ensemble, l’âge de recrutement dans la pêche a baissé dans les dernières années, et n’est plus que de deux à trois ans (Campana et al., 2002a), soit une décennie avant l’âge de la maturité chez les femelles.

La population de maraîche est menacée du fait de sa faible capacité de rétablissement et de l’exploitation dont elle est l’objet. Deux caractéristiques du cycle biologique de la maraîche, une maturité tardive et une faible fécondité, rendent l’espèce très vulnérable à la surexploitation, comme le montre l’historique de la pêche. La pression de pêche a fait effondrer la population en l’espace de six ans dans les années 1960 et, après des décennies de faibles captures et de rétablissement très moyen, lorsque la pêche a de nouveau augmenté dans les années 1990, la population s’est effondrée une seconde fois, et a atteint un minimum sans précédent. Vu la faible productivité de l’espèce, il lui faudrait au minimum plusieurs décennies pour se rétablir de son faible niveau actuel. Il n’est même pas certain que le quota actuel, estimé sensiblement égal à la de la maraîche FMSY et ciblé surtout sur les maraîches immatures, soit assez bas pour autoriser un rétablissement. À l’heure actuelle, rien n’indique que l’abondance de la maraîche ait cessé de décliner.

Maraîche – Porbeagle shark

Aire d’occurrence au Canada : plates-formes continentales et eaux du large de Terre-Neuve à la baie de Fundy, y compris le golfe du Saint-Laurent.

Zone d’occurrence (km²)

1 210 000 km²

Préciser la tendance (en déclin, stable, en expansion, inconnue).

Inconnue, mais présumée stable

Y a-t-il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occurrence d’occurrence (ordre de grandeur > 1)?

Zone d’occupation (km² )

[estimée à partir des emplacements des récentes captures et d’un logiciel de cartographie] 830 000 km²

Préciser la tendance (en déclin, stable, en croissance, inconnue).

Inconnue, mais présumée stable

Y a-t-il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occupation (ordre de grandeur > 1)?

Non

Nombre d’emplacements existants (connus ou supposés).

Une, contiguë

Préciser la tendance du nombre d’emplacements (en déclin, stable, en croissance, inconnue).

Stable

Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’emplacements (ordre de grandeur >1)?

Non

Tendance de l’habitat : préciser la tendance de l’aire, de l’étendue ou de la qualité de l’habitat (en déclin, stable, en croissance ou inconnue).

Stable

Durée d’une génération (âge moyen des parents dans la population : indiquer en années, en mois, en jours, etc.).

18 ans

Nombre d’individus matures (reproducteurs) au Canada (ou préciser une gamme de valeurs plausibles).

Nombre estimatif de femelles en 2001 : 6 075 (plage de 2 612 à 13 847); avec un sex-ratio de 1:1, le nombre total d’adultes est estimé à 12 150 (plage de 5224 à 27 694)

Tendance de la population quant au nombre d’individus matures en déclin, stable, en croissance ou inconnue.

En déclin

S’il y a déclin, % du déclin au cours des dernières/prochaines dix années ou trois générations, selon la plus élevée des deux valeurs (ou préciser s’il s’agit d’une période plus courte).

90 % (86-96 %)

Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures (ordre de grandeur > 1)?

Non

La population totale est-elle très fragmentée (la plupart des individus se trouvent dans de petites populations, relativement isolées [géographiquement ou autrement] entre lesquelles il y a peu d’échanges, c.-à-d. migration réussie de < 1 individu/année)?

Non

Préciser la tendance du nombre de populations (en déclin, stable, en croissance, inconnue).

Stable

Y a-t-il des fluctuations extrêmes du nombre de populations (ordre de grandeur >1)?

Non

Énumérer les populations et donner le nombre d’individus matures dans chacune.

Une population dans l’Atlantique Nord-Ouest, la majorité des individus étant dans les eaux canadiennes

Surexploitation, surtout par la pêche dirigée à la palangre pélagique au Canada, mais aussi prises de pêche dirigée aux États-Unis et prises accessoires des flottilles de pêche à la palangre pélagique de l’espadon et du thon du Canada, des États-Unis et d’autres pays (surtout le Japon).

Statut ou situation des populations de l’extérieur?

États-Unis : non évaluée, mais même population qu’au Canada

Une immigration a-t-elle été constatée ou est-elle possible?

La population de l’Atlantique Nord-Ouest effectue des migrations annuelles à l’extérieur des eaux canadiennes. Les études par marquage donnent de solides indications que les populations du nord-ouest et du nord-est de l’Atlantique ne se mélangent pas.

Des individus immigrants seraient-ils adaptés pour survivre au Canada?

Oui

Y a-t-il suffisamment d’habitat disponible au Canada pour les individus immigrants?

Oui

Peut-il y avoir sauvetage par des populations de l’extérieur?

Non

Pas effectuée

UICN : faible risque/quasi menacé

Statut : En voie de disparition

Code alphanumérique : VD A2b, d, et peut-être M C1

Justifications de la désignation : Ce requin pélagique très répandu est le seul représentant du genre auquel il appartient dans l’Atlantique Nord. Son abondance a connu un grand déclin depuis que la pêche a repris au Canada dans les années 1990 après un effondrement antérieur et un rétablissement partiel. Les quotas de pêche ont été considérablement réduits, et la pêche est interdite dans certains endroits où se trouvent des requins matures. Les débarquements sont maintenant formés surtout de juvéniles. Les caractéristiques de son cycle biologique, y compris sa maturité tardive et sa faible fécondité, rendent cette espèce particulièrement vulnérable à la surexploitation.

Critère A (Population totale en déclin) : répond aux critères « en voie de disparition » 2b et d avec un déclin de 89 p.100 sur environ 2,2 générations.

Critère B (Aire de répartition peu étendue, et déclin ou fluctuation) : ne s’applique pas, parce que la zone d’occurrence est >20 000 km² , que l’espèce est présente à plus de 10 endroits, et qu’on ne connaît pas de fluctuations extrêmes.

Critère C (Petite population totale et déclin) : répond au critère « menace » C1, parce que le nombre d’individus matures est peut-être <10 000, et qu’il y a un net déclin.

Critère D (Très petite population ou aire de répartition restreinte) : ne s’applique pas, parce que le nombre d’individus matures est >1000 et que l’aire d’occupation est >20 km².

Critère E (Analyse quantitative) : pas effectuée.

La rédactrice tient à remercier les personnes suivantes : Steve Campana, qui lui a donné accès aux données, évaluations et publications sur la maraîche, et discuté avec elle de la pêche et de l’évaluation de l’espèce; Shelton Harley, pour l’utilisation de son modèle de la dynamique des populations de maraîche structuré par âge et par sexe et pour les discussions en profondeur sur le modèle et les évaluations halieutiques; M. Jamie Gibson et Ransom Myers, pour leurs informations sur les points de référence et les courbes de recrutement du stock, et pour les discussions sur l’évaluation de la maraîche; Jeff Hutchings pour les discussions et conseils sur les évaluations du COSEPAC; et Mme Jennifer Smith, à la Map and Geospatial Information Collection, à la bibliothèque de la Dalhousie University, pour la préparation de la carte de répartition au Canada et pour son aide dans les calculs de l’aire de répartition.

Le financement du présent rapport a été assuré par le Service canadien de la faune d’Environnement Canada.

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Julia Baum est candidate au doctorat au Département de biologie, Dalhousie University, et titulaire d’une bourse Julie Payette du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie. Ses recherches doctorales, co-supervisées par Jeff Hutchings et Ransom Myers, portent sur les raisons pour lesquelles les populations de poissons marins ne réussissent pas à se rétablir de la surexploitation. Son mémoire de maîtrise sur les déclins des requins dans l’Atlantique Nord-Ouest a été publié dans le journal Science en janvier 2003. Mme Baum détient une maîtrise en biologie de la Dalhousie University (2002), et un baccalauréat en biologie de l’Université McGill (1999).

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