Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la dalée velue au Canada Évaluation et Rapport Dalée velue Dalea villosa var. villosa

  1. Table des Matières
  2. Sommaire de l’évaluation
  3. Résumé
  4. Information sur l'espèce
  5. Répartition
  6. Habitat
  7. Biologie
  8. Taille et tendances des populations
  9. Facteurs limitatifs et menaces
  10. Importance de l'espèce
  11. Évaluation et statut proposé
  12. Remerciements
  13. Ouvrages cités
  14. L'auteure
  15. Experts consultés


Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :

Nota : Toute personne souhaitant citer l’information contenue dans le rapport doit indiquer le rapport comme source (et citer l’auteur); toute personne souhaitant citer le statut attribué par le COSEPAC doit indiquer l’évaluation comme source (et citer le COSEPAC). Une note de production sera fournie si des renseignements supplémentaires sur l’évolution du rapport de situation sont requis.

COSEPAC. 2000. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la dalée velue (Dalea villosa var. villosa) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. vi + 22 p.

SMITH, B. 1998. Rapport de situation du COSEPAC sur la dalée velue (Dalea villosa var. villosa) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. Pages 1-22.

Note de production :

Il n’y a pas eu de version finale du rapport de 1998. Erich Haber, coprésident, Groupe de spécialistes des espèces sur les plantes et les lichens, a modifié le rapport initialement rédigé par l’auteure, qui a servi à désigner l’espèce, de façon à le rendre plus conforme au modèle de présentation adopté en 2001. De nouvelles données concernant deux petites populations de l’espèce au Manitoba ont été fournies par le Centre de données sur la conservation du Manitoba après que l’auteure eut terminé la rédaction. Il a été décidé d’intégrer cette information dans un nouveau rapport (2001) plutôt que de la joindre en annexe au rapport de 1998. Des photographies supplémentaires des habitats de l’espèce ont été déposées auprès du COSEPAC.

Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Status Report on the Hairy Prairie-clover Dalea villosa var. villosa in Canada.

Illustration de la couverture :
Dalée velue -- Illustration de Walter Linclon Graham, reproduite avec la permission de N.H. Holgren, The Illustrated Companion to Gleason and Cronquist's Manual: Illustrations of the Vascular Plants of Northeastern United States and Adjacent Canada, page 282, copyright 1998, The New York Botanical Garden.

©Ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2002
No de catalogue CW69-14/163-2002F-IN
ISBN 0-662-87339-4

Nom commun: Dalée velue

Nom scientifique: Dalea Villosa Var. Villosa

Statut: Espèce menacée

Justification de la désignation: Une herbe vivace qui se trouve actuellement dans trois champs de dunes en Saskatchewan et au Manitoba. Elle est touchée par la modification de l'habitat et les menaces de propagation de plantes envahissantes.

Répartition au Canada: Saskatchewan et Manitoba

Historique du statut: Espèce désignée « menacée » en avril 1998. Réexamen et confirmation du statut en mai 2000. L'évaluation de mai 2000 est fondée sur de nouveaux critères quantitatifs, qui ont été appliqués aux données du rapport d'avril 1998.

Le Dalea villosa (Nutt.) Spreng. var. villosa, ou dalée velue, appartient à la famille des Fabacées (légumineuses). C’est une plante vivace à racine pivotante et à souche ligneuses. Les tiges, ascendantes ou décombantes, atteignent de 3 à 6 cm de hauteur et sont densément velues. Les feuilles sont très nombreuses, rapprochées et longues de 3 à 5 cm. Les folioles, au nombre de 9 à 17, sont densément velues. Les épis sont denses, subsessiles, longs de 2 à 10 cm et insérés à l’extrémité des rameaux. Le calice est long de 4 à 5 mm, comporte 10 nervures et est densément velu. La corolle est violet rose pâle ou, rarement, blanche. La fleur est semblable à celle du pois. L’androcée est constitué de cinq étamines et de quatre staminodes, le gynécée ne comporte qu’un style. La gousse est obovée, longue de 3 mm et velue.

La dalée velue ne se rencontre qu’en Amérique du Nord, où son aire s’étend, au Canada, du Centre-Sud de la Saskatchewan (Dundurn, au sud de Saskatoon, et anciennement Mortlach-Caron, à 65 milles à l’ouest de Regina) jusqu’au Sud-Ouest du Manitoba (jusqu’à Shilo, au nord, environ 15 milles à l’est de Brandon). Aux États-Unis, l’aire s’étend jusqu’au Nouveau-Mexique, au Texas et au Michigan.

Il est intéressant de remarquer que les populations actuelles de dalée velue sont établies à l’emplacement de deltas anciens formés dans des lacs glaciaires il y a 10 000 à 17 000 ans. À cette époque, elles étaient reliées par un réseau de lacs glaciaires et de déversoirs de ces lacs. La dalée velue pousse surtout dans les sables non fixés et les creux de déflation, mais aussi dans les sables partiellement fixés. Son habitat comprend toujours du sable mobile. La dalée velue est souvent associée aux herbacées suivantes : Stipa comata, Calamovilfa longifolia, Andropogon hallii, Artemisia frigida, Artemisia ludoviciana, Artemisia campestris, Mamillaria vivipara, Euphorbia esula, Koeleria macrantha et Lygodesmia juncea. Elle est aussi associée aux espèces arbustives suivantes : Prunus virginiana, Rhus radicans, Ulmus americana et Rosa woodsii.

La dalée velue est une vivace à grosse racine pivotante qui se reproduit par voie sexuée. Elle fleurit et produit des fruits et des graines dans la plupart des localités. Le rôle de l’espèce dans l’écosystème est mal connu.

Les sites de dalée velue sont très localisés à l’intérieur de l’aire restreinte de l’espèce en Saskatchewan et au Manitoba. Ils se trouvent tous dans des milieux sableux comportant du sable mobile. L’effectif total de l’espèce en Saskatchewn est probablement de quelques centaines, au plus, d’un demi-millier de sujets. Au Manitoba, il se situe probablement autour de 5 000 sujets. Peu de localités de Saskatchewan et du Manitoba abritent des populations importantes de l’espèce. Les populations les plus importantes sont celles des dunes de Lauder et du parc provincial Spruce Woods, au Manitoba. L’une des deux populations connues de Saskatchewan est disparue (Mortlach-Caron). Au moins deux populations sont disparues du Manitoba, soit celle de Boissevain et celle de Treesbank, situé près du parc provincial Spruce Woods. Il ne reste donc plus de l’espèce au Canada qu’une population en Saskatchewan et cinq autres au Manitoba. Dans les deux provinces, le déclin de l’effectif s’explique par la fixation des dunes.

La principale menace pour la survie de la dalée velue au Canada réside dans la stabilisation des dunes, processus sur lequel influent le broutage et la suppression des feux. L’habitat de l’espèce s’est considérablement rétréci devant l’avance de la végétation, notamment de l’euphorbe ésule, mauvaise herbe qui a envahi la quasi-totalité des localités où pousse la dalée velue. Les activités touristiques et récréatives pratiquées dans le parc provincial Spruce Woods devraient être contrôlées dans le voisinage de la population de Spirit Sands. Il faudrait aussi cesser de faucher la végétation en bordure des routes dans les dunes de Lauder. Toute atteinte à l’habitat résiduel de la dalée velue, en particulier dans les dunes de Lauder et le parc provincial Spruce Woods, pourrait avoir des conséquences désastreuses pour l’espèce. Plusieurs sites de l’espèce ont déjà disparu.

Quelques espèces du genre Dalea, dont la dalée velue, ont une valeur horticole. Ces espèces conviennent surtout aux jardins de plantes indigènes et aux aires aménagées auxquelles on veut conserver une allure naturelle, mais elles sont parfois intégrées aux plates-bandes.

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) détermine le statut, au niveau national, des espèces, des sous-espèces, des variétés et des populations sauvages canadiennes importantes qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées à toutes les espèces indigènes des groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, lépidoptères, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.

Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes fauniques des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (Service canadien de la faune, Agence Parcs Canada, ministère des Pêches et des Océans, et le Partenariat fédéral sur la biosystématique, présidé par le Musée canadien de la nature), de trois membres ne relevant pas de compétence, ainsi que des coprésident(e)s des sous-comités de spécialistes des espèces et des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit pour étudier les rapports de situation des espèces candidates.

Espèce: Toute espèce, sous-espèce, variété ou population indigène de faune ou de flore sauvage géographiquement définie.

Espèce disparue (D): Toute espèce qui n'existe plus.

Espèce disparue du Canada (DC): Toute espèce qui n'est plus présente au Canada à l'état sauvage, mais qui est présente ailleurs.

Espèce en voie de disparition (VD): Toute espèce exposée à une disparition ou à une extinction imminente.

Espèce menacée (M): Toute espèce susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitatifs auxquels elle est exposée ne sont pas renversés.

Espèce préoccupante (P)*: Toute espèce qui est préoccupante à cause de caractéristiques qui la rendent particulièrement sensible aux activités humaines ou à certains phénomènes naturels.

Espèce non en péril (NEP)**: Toute espèce qui, après évaluation, est jugée non en péril.

Données insuffisantes (DI)***: Toute espèce dont le statut ne peut être précisé à cause d'un manque de données scientifiques.

* Appelée « espèce rare » jusqu'en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.
** Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».
*** Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu'en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999.

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le Comité avait pour mandat de réunir les espèces sauvages en péril sur une seule liste nationale officielle, selon des critères scientifiques. En 1978, le COSEPAC (alors appelé CSEMDC) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. Les espèces qui se voient attribuer une désignation lors des réunions du comité plénier sont ajoutées à la liste.

Environnement Environment
Canada Canada

Service canadien Canadian Wildlife
de la faune Service

Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.

Le Dalea villosa (Nutt.) Spreng. var. villosa, ou dalée velue, est aussi connu sous le nom Petalostemon villosus Nutt. et sa variante orthographique Petalostemum villosum Nutt. Cette espèce appartient à la famille des Fabacées (légumineuses), grande famille de 12 000 espèces réparties entre 440 genres. Le genre Dalea comprend plus de 160 espèces dans le monde entier (Cronquist, 1981).

Scoggan (1978) considérait que trois espèces canadiennes appartenaient au genre Petalostemum, dont le Petalostemum villosum. Il ne reconnaissait pas le genre Dalea. Toutes les espèces nord-américaines du genre Petalostemon sont habituellement aujourd’hui classées sous le genre Dalea.

Dans le Gray Herbarium Index (1968), l’espèce est inscrite sous le nom Dalea villosa Spreng., avec, en synonymie, le nom Kuhniastera villosa O. Ktze. Le genre Dalea est nommé d’après Samuel Dale, botaniste anglais et auteur de traités de pharmacologie qui a vécu de 1659 à 1739 (Bailey, 1942). L’épithète villosa décrit l’aspect velu de la plante.

La dalée velue est une plante vivace ramifiée à la base, buissonnante, à racine pivotante (figure 1). La racine et la souche sont ligneuses. Les tiges, ascendantes ou décombantes, atteignent de 3 à 6 dm de hauteur et sont densément velues. Elles portent un très grand nombre de feuilles, composées, rapprochées, longues de 3 à 5 cm, et souvent des feuilles axillaires fasciculées. Les stipules sont subulées. Les folioles, au nombre de 9 à 17, sont rapprochées, oblongues ou oblancéolées, aiguës ou obtuses, longues de 5 à 10 mm, larges de 2 à 4 mm et densément velues. Les épis sont denses, ordinairement subsessiles, insérés à l’extrémité des rameaux, parfois groupés, et forment à la fructification un cylindre de 2 à 10 cm de longueur et de 8 mm de diamètre. Les bractées sont plus longues que le calice, lancéolées, caudées-atténuées, velues et caduques. Le calice, à lobes lancéolés aigüs plus courts que le tube, est long de 4 à 5 mm (lobes compris). Il comporte 10 nervures et est densément velu. La corolle est violet rose pâle ou, rarement, blanche. Le limbe de l’étendard est cordé, long et large de 2 mm, et l’onglet est long de 2,5 mm. Le limbe des autres pétales est elliptique, long de 2,5 mm, avec un onglet de 0,5 mm de longueur. L’androcée comprend cinq étamines et quatre staminodes, soudés en un tube à partir de la base sur au moins une partie de leur longueur. Le gynécée comprend un seul style. Le fruit est une gousse, incluse dans le calice persistant, obovée obliquement, un peu courbée, longue de 3 mm et velue (Correll et Johnston, 1970; Everett, 1981). La corolle, d’un violet pâle ou rosé, est souvent décolorée lorsqu’elle est exposée aux rayons du soleil, directs ou réfléchis par le sable (Lommasson, 1973).

Aucune autre espèce du genre Dalea n’a été mentionnée au Canada. Deux espèces du genre étroitement apparenté Petalostemon, soit le P. candidus (Willd.) Michx. (dalée blanche) et le P. purpureus (Vent.) Rydb. (dalée violette), se rencontrent dans l’aire de répartition du D. villosa au Canada (Scoggan, 1978). La fleur des Petalostemon n’a toutefois que cinq étamines, alors que celle des Dalea en compte neuf ou dix (Bailey, 1942). Le genre Dalea se distingue des autres genres de la famille des Fabacées par les caractères suivants : plantes non grimpantes, feuilles pennées, épis cylindriques et denses, fleurs à carène non tronquée, nombre d’étamines supérieur à cinq, gousses non piquantes (Moss, 1983).

Figure 1. Dalée velue à Spirit Sands, parc provincial Spruce Woods, Manitoba (photo de B. Smith) .

À première vue, la dalée velue pourrait être confondue avec les espèces apparentées Petalostemon candidus et P. purpureus. Cependant, elle s’en distingue facilement. Le P. candidus est glabre, et ses fleurs sont blanches. Chez le P. purpureus, le nombre de folioles est moindre, au plus sept, et celles-ci sont linéaires, et non elliptiques ou oblongues comme chez la dalée velue. Aussi, l’épi est plus dense et plus court, ne dépassant pas les 5 cm, et la plante est glabre ou garnie de poils clairsemés, et non complètement couverte de poils soyeux comme chez la dalée velue (Scoggan, 1978). Chez la dalée velue comme chez le P. purpureus, les fleurs s’ouvrent depuis la base vers la pointe de l’épi; chez la dalée velue, plus de la moitié de l’épi est en fleurs en même temps, ce qui donne l’impression que l’épi tout entier est en fleurs, à la différence du P. purpureus, dont seulement la base de l’épi semble être en fleurs (Lommasson, 1973).

L’aire de répartition du Dalea villosa couvre les plaines du Centre de l’Amérique du Nord depuis le Centre-Sud de la Saskatchewan et le Sud-Ouest du Manitoba, où l’on trouve quelques sites isolés, jusqu’au Nouveau-Mexique, au Texas et au Michigan (Scoggan, 1978; Maher et al., 1979; figure 2).

En Saskatchewan, l’espèce se rencontre près de Dundurn, au sud de Saskatoon, et près de Mortlach-Caron, à 65 milles à l’ouest de Regina. Au Manitoba, elle se rencontre dans plusieurs localités du Sud-Ouest de la province, notamment à Treesbank, au Camp Shilo, dans les dunes Spirit Sands (parc provincial Spruce Woods), à Boissevain et dans les dunes de Lauder (figures 3 et 4).

Au cours de l’été 1996, de nombreuses autres localités du Sud-Ouest de la Saskatchewan et du Manitoba pouvant convenir à l’espèce ont été explorées, mais aucune autre population de dalée velue n’a été découverte (Smith, 1996). Les coordonnées géographiques précises de ces lieux et le nom du propriétaire du terrain, lorsqu’il était connu, sont déposés auprès du COSEPAC et des autorités provinciales ou territoriales compétentes. En règle générale, cette information est accessible, sauf si elle présente un caractère sensible.

Les populations canadiennes de dalée velue se trouvent dans l’écorégion des prairies mixtes de la Saskatchewan et du Manitoba, où elle sont associées à un complexe écologique azonal, les dunes, caractérisé par des sables mobiles et des sables fixés : dunes, creux interdunaires, creux de déflation et plaines de sable (Richards, 1969). L’espèce semble surtout adaptée aux dunes mobiles et aux creux de déflation (Harms, 1990), mais on la trouve aussi dans les sables partiellement fixés des creux interdunaires (Smith, 1996). Selon les observations de Hudson (1982), cette plante semble confinée aux creux de déflation au moins semi-actifs.

Voici quelques-unes des herbacées souvent associées à la dalée velue : Stipa comata, Calamovilfa longifolia, Andropogon hallii, Artemisia frigida, Artemisia ludoviciana, Artemisia campestris, Mamillaria vivipara, Euphorbia esula, Koeleria cristata et Lygodesmia juncea. La dalée velue est aussi associée aux espèces arbustives suivantes : Prunus virginiana, Rhus radicans, Ulmus americana et Rosa woodsii.

La région climatique des Prairies, où se trouvent les populations canadiennes de dalée velue, est située dans la zone tempérée froide et caractérisée par des précipitations annuelles faibles, une évaporation élevée et un écoulement rapide des eaux de surface. Ces facteurs sont à l’origine d’un déficit hydrique chronique et de graves pénuries d’eau dans la région des prairies à graminées courtes. Les années moyennes, le sol ne reçoit pas toujours toute l’eau qu’il est capable de retenir, et l’excédent d’eau n’est que de 7 mm en moyenne. Le Sud de la Saskatchewan connaît un déficit hydrique annuel moyen très important, un des plus élevés au Canada (Stamp, 1988), et plus élevé que celui du Sud-Ouest du Manitoba (Sanderson, 1988).

Figure 3. Répartition du Dalea villosa var. villosa au Canada. A) localités de Saskatchewan (no 1 : dunes de Dundurn; no 2 : région de Mortlach-Caron; zone hachurée : répartition au Manitoba; B) localités du Manitoba [les étoiles représentent les deux localités où de petites populations ont été observées après la préparation du présent rapport (à gauche : Glenboro; à droite : dunes de Portage)].

Figure 4. Dunes de Dundurn, localité no 1, Saskatchewan (photo de B. Smith).

L’écorégion des prairies mixtes présente un climat de type continental, à forte amplitude annuelle de la température (été chaud et hiver froid). La température moyenne annuelle varie de 6 °C dans les zones les plus chaudes à 0 °C dans les plus froides. La saison de végétation est relativement courte, avec une moyenne de 105 à 130 jours sans gel. Dans la région du lac Diefenbaker, la durée moyenne de la saison sans gel est d’environ 100 jours. Les précipitations annuelles sont relativement faibles, soit d’environ 30 cm dans l’extrême Sud-Ouest de la Saskatchewan à environ 40 cm aux limites nord et ouest de la région. L’été et l’hiver sont habituellement secs. Le printemps est la saison la plus humide; on enregistre durant cette période, principalement en juin, environ les deux tiers des précipitations annuelles, sous forme de pluie. En été, le taux d’évaporation est élevé en raison des températures et de la vitesse moyenne du vent, éaglement élevées (Wallis, 1982).

Dans la région de Dundurn, la température moyenne annuelle est de 1 oC; la moyenne pour les mois de mai à septembre est de 15 oC. Les précipitations annuelles moyennes sont de 34 à 35 cm. Durant la saison sans gel, environ 65 cm s’évapore des surfaces d’eau libre (Hulett et al., 1966).

Près des deux tiers des précipitations que reçoivent les localités du Manitoba où l’on trouve la dalée velue tombent en pluie au cours de la moitié estivale de l’année, le reste principalement sous forme de neige. La durée moyenne de la période sans gel dans le Sud-Ouest du Manitoba est de 100 jours (Weir, 1988). Le site de dalée velue du parc provincial Spruce Woods reçoit de 300 à 500 mm de précipitations par année, soit deux fois plus qu’un désert au sens strict (Spruce Woods Provincial Park, Spirit Sands, Devil's Punch Bowl Hiking Trails, 1995).

Les populations canadiennes de dalée velue se trouvent dans la région physiographique des Plaines intérieures (Acton, 1988). Au Manitoba, la population des dunes de Lauder se trouve dans la subdivision de la vallée de la Souris, et celle du parc Spruce Woods, dans la subdivision du delta supérieur de la rivière Assiniboine. Ces deux subdivisions sont caractérisées par des dépôts lacustres et des dunes. La population de Boissevain est dans la subdivision de la plaine de till de Boissevain, caractérisée par des alluvions et des moraines (Barto et Vogel, 1978).

Les dunes du Sud de la Saskatchewan et du Manitoba sont des formes éoliennes, édifiées à partir d’alluvions et de dépôts lacustres glaciaires. Le retrait des glaces de cette région est survenu entre 10 000 et 13 000 ans avant le présent. Comme l’inclinaison topographique de la région est en direction nord-est et que les glaciers faisaient obstruction à l’écoulement des eaux de fonte dans cette direction, celles-ci se sont écoulées vers le sud-est le long du front glaciaire et se sont accumulées dans les dépressions, formant des lacs. Lorsqu’un cours d’eau se déverse dans un lac, sa capacité de transport solide diminue. Les plus grosses particules (sable) se déposent donc les premières, formant un delta, et les plus fines sont emportées plus loin dans le lac. Lorsque ces immenses deltas ont été laissés à sec, le vent a modelé le sable en dunes paraboliques. Ces dunes sont caractéristiques des climats semi-arides et se forment dans des sables partiellement fixés par la végétation. Dans le Sud-Ouest de la Saskatchewan, comme le maître-vent souffle du nord-est, la plupart des dunes sont orientées dans le sens nord-ouest sud-est. La vitesse de déplacement des dunes non complètement fixées par la végétation, dans d’autres régions, varie entre 0,6 et 6,6 m par année (Hulett et al., 1966).

Le retrait des glaces en Saskatchewan, il y a quelque 17 000 à 10 000 ans, a donné lieu à la formation de lacs sur la ligne du front glaciaire. L’écoulement des eaux de fonte vers les lacs glaciaires a créé d’immenses deltas de sable. Lorsque l’écoulement a cessé, le vent a transformé ces deltas en dunes, comme celles de Dundurn, formées sur la rive sud du lac glaciaire Saskatchewan, qui a existé dans la région de Saskatoon il y a de 14 000 à 11 000 ans (Pylypec, 1989).

Durant la période de déglaciation, entre 15 500 et 12 000 ans avant le présent, une série de lacs glaciaires reliés par leurs deltas et leurs déversoirs formaient un réseau reliant toutes les localités de Saskatchewan et du Manitoba où l’on trouve aujourd’hui des populations de dalée velue. Le déversoir Blackstrap et le lac glaciaire Saskatchewan (Dundurn), le déversoir Thunder et le lac Regina (Mortlach-Caron) ainsi que le déversoir Souris et le lac glaciaire Agassiz (Lauder, Spruce Woods et Boissevain) ont tous contribué à la création des milieux sableux nécessaires à la dalée velue dans les diverses localités des Prairies où cette espèce est présente (Christiansen, 1979).

La population du parc provincial Spruce Woods est établie à l’emplacement du delta du lac glaciaire Agassiz. Il y a plus de 15 000 ans, la rivière Assiniboine, qui était alors beaucoup plus importante qu’aujourd’hui, a créé un immense delta de sable en rejetant les eaux de fonte des glaciers dans le lac Agassiz. De ce delta, qui couvrait à l’époque 6 500 km2, il ne reste plus aujourd’hui que 4 km2 de sable nu. Le reste abrite une végétation et une faune diversifiées (Spruce Woods Provincial Park, Spirit Sands, Devil's Punch Bowl Hiking Trails, 1995).

Les localités de Saskatchewan et du Manitoba où l’on trouve des populations de dalée velue reposent sur un substratum rocheux du crétacé. Celles de Saskatchewan sont sur la formation Bearpaw. Toutes se trouvent dans le bassin de la baie d’Hudson (Richards, 1969).

Ces localités se trouvent toutes dans des zones de sol brun. En Saskatchewan, on observe des régosols non différenciés et des sols chernozémiques brun foncé, à Dundurn, et bruns, à Mortlach (Richards, 1969). Au Manitoba, on trouve à Lauder et au parc provincial Spruce Woods des sols chernozémiques grossiers constitués de sable déposé ou trié par le vent; le site de Boissevain se trouve sur un till loameux (Barto et Vogel, 1978).

La dalée velue ne pousse que dans les dunes. Il semble qu’elle soit inféodée aux sables au moins partiellement mobiles. Dans les milieux sableux à fort déficit hydrique annuel, une quantité considérable de sol est déplacée par le vent. Dans les dunes en partie fixées par la végétation, l’espèce ne pousse que là où le sable est en mouvement. Or, d’importantes superficies de sables se sont stabilisées au cours des quarante dernières années (Wallis, 1988).

A. Saskatchewan

Le site de Dundurn se trouve sur un terrain appartenant à la Couronne, en partie sur le terrain militaire du Camp Dundurn. Le terrain au sud du camp militaire fait partie du pâturage collectif de Dundurn, géré par l’Administration du rétablissement agricole des Prairies (ARAP). Le site de Mortlach-Caron se trouve en partie dans le pâturage collectif pour ovins de Mortlach, géré dans le cadre d’un programme provincial, et en partie dans un terrain géré par les propriétaires du camping Besant.

B. Manitoba

Le site du secteur sud des dunes de Lauder se trouve sur un terrain acquis par la Société protectrice du patrimoine écologique du Manitoba comme réserve faunique et géré par la Direction de la faune en vertu du Programme de protection de l’habitat essentiel de la faune. La partie ouest du site du secteur nord des dunes de Lauder se trouve sur un terrain appartenant à la Couronne et devant faire partie de la réserve faunique Lauder Sandhills. Le site de Spirit Sands se trouve dans le parc provincial Spruce Woods. Celui de Shilo (dunes Bald Head) se trouve sur le terrain du camp militaire Shilo. Le site de Boissevain a probablement disparu.

La prairie mixte est la plus vaste écorégion herbeuse d’Amérique du Nord. En Alberta, la quasi-totalité de la prairie de graminées courtes et de la prairie mixte a disparu ou a été transformée (Wallis et Wershler, 1988). Ce qu’il reste des grands pâturages libres est pour l’essentiel impropre à l’agriculture. La dalée velue privilégie les zones sableuses peu productives. Le pacage dans ces grands espaces s’est par ailleurs considérablement intensifié, en conséquence de quoi la composition végétale a changé dans tous les types de milieux. Il reste environ 24 p. 100 de la prairie mixte originelle. La dalée velue bénéficie de la protection d’un parc provincial au Manitoba, le parc Spruce Woods, mais d’une protection toute relative, car ce parc a une vocation récréative affirmée. La perte de l’habitat principal et d’habitats particuliers menace sérieusement la survie des espèces en voie de disparition (Fonds mondial pour la nature, 1988).

Les conditions extrêmes qui caractérisent les milieux sableux les protègent dans une certaine mesure contre diverses formes d’exploitation, mais non contre le tourisme, l’exploration gazière et pétrolière et d’autres activités particulières à chaque milieu. Les dunes sont de plus en plus exploitées, de façon durable ou non, pour les activités récréatives, la mise au pâturage du bétail ou l’extraction de matières premières, comme les minéraux, le gaz ou le pétrole. Le pâturage intensif a des conséquences graves pour la composition floristique du milieu; par exemple, des graminées comme la stipe chevelue sont progressivement remplacées par le boutelou gracieux, les cypéracées et la sélaginelle dense. Le piétinement, le broutage et la circulation de véhicules tous terrains peuvent en peu de temps transformer ces milieux en étendues de sable mobile. Il est impératif de prendre des mesures pour conserver et gérer au mieux ces espaces que le grand public tient souvent pour improductifs (Pylypec, 1989).

La dalée velue est une plante vivace à grosse racine pivotante, qui se reproduit principalement par voie sexuée. D’après les renseignements figurant sur les étiquettes des spécimens d’herbiers, l’espèce fleurit de la fin juillet à la fin août et produit ses graines en septembre. Un seul sujet sur 1 000 a été observé en fleurs au site du parc provincial Spruce Woods, au Manitoba, le 23 juillet 1996 (Smith, 1996). Aucun sujet n’était en fleurs au site de Dundurn le 25 juillet 1996.

Le 25 juillet 1996, de 15 à 20 p. 100 des sujets étaient en fleurs dans le secteur sud des dunes de Lauder, en Saskatchewan, et aucun ne l’était dans le secteur nord. Le 26 juin 1990, dans le secteur sud des dunes de Lauder, les boutons floraux étaient en formation, et le 28 juillet, de 50 à 60 p. 100 des sujets étaient en fleurs (Smith et Lewis, 1990).

Peu de données ont été publiées sur la biologie de cette espèce.

Au Canada, la dalée velue forme des populations isolées, éparpillées dans un milieu qui semble offrir un habitat plutôt continu. Les plus importantes sont celles des dunes de Lauder et des dunes Spirit Sands (parc provincial Spruce Woods), au Manitoba. On trouvera ci-dessous une brève description des populations des deux provinces.

Localité no 1 - Dundurn(figure 4)

En 1981, Hudson a relevé de 40 à 50 sujets de l’espèce à Dundurn et, un mois plus tard, de 100 à 200 autres sujets au lac Proctor, un peu plus au sud (d’après les étiquettes des spécimens d’herbier). D’autres herborisateurs avaient récolté des spécimens en 1975 à deux moments différents. Les spécimens ne sont accompagnés d’aucune information sur la population.

Smith (1996) a trouvé une population isolée de 15 à 20 sujets à Dundurn, dans un creux de déflation à demi stabilisé. Il y aurait intérêt à pousser l’exploration dans cette région, car elle est susceptible d’abriter quelques centaines à un demi-millier de sujets. Les milieux propices à l’espèce, soit les zones de sable mobile, sont très rares dans ces dunes.

Localité no 2 – Mortlach-Caron

La dalée velue a été récoltée à Mortlach-Caron pour la dernière fois en 1966 (elle y était récoltée depuis 1956). À cette époque, on en trouvait quelques petites populations confinées au fond et aux pentes des creux de déflation. Nous n’avons trouvé aucun spécimen de l’espèce en 1996. La dalée velue n’a jamais été abondante dans cette localité, et il est possible qu’elle ait disparu. La petite étendue de dunes de Mortlach-Caron est presque entièrement fixée; il reste très peu de sable mobile dans les dunes mêmes et dans la région environnante. Il est possible aussi que l’euphorbe ésule, abondante dans cette région, ait remplacé la dalée velue dans son habitat d’élection. Une exploration poussée permettrait peut-être de découvrir quelques sujets de l’espèce.

Localité no 1 – Dunes de Lauder

Ces dunes abritent les plus importantes populations canadiennes de dalée velue. L’espèce y compte deux sites, dont l’une (1A) dans le secteur sud (à l’ouest de Lauder et à l’est de Bernice) et l’autre (1B) dans le secteur nord (à l’ouest de Hartney et au sud-est de Grande-Clairière). Ces deux sites se trouvent dans la partie des dunes située à l’ouest de la vallée de la rivière Souris (Smith, 1996).

Site no 1A (figure 5)

Nous avons compté 300 sujets du côté sud de la route et 800 sujets du côté nord, dans un système dunaire partiellement fixé d’environ 1,5 km de longueur. La plante pousse sur le sommet stabilisé et dégagé des dunes et sur les pentes exposées dans une direction sud-ouest à sud. L’effectif s’élève probablement à quelques milliers de sujets (Smith, 1996). Juste à côté de ce site se trouvent une ferme et un pâturage soumis à un broutage intensif. Les étendues de sable y sont si érodées et dénudées qu’elles excluent même la dalée velue.

Figure 5. Dalée velue, secteur sud des dunes de Lauder, Manitoba – site no 1A (photo de B. Smith).

Site no 1B (figure 6)

Nous avons exploré le secteur nord des dunes de Lauder d’ouest en est, en direction de Hartney. Bien que plusieurs cordons dunaires stabilisés aient été examinés, ce n’est qu’après avoir parcouru la moitié du champ de dunes que nous avons observé les premières dalées velues. Nous avons trouvé quatre sujets, sur deux cordons dunaires différents, dans des milieux marginaux, atypiques, associés à des peuplements de genévriers. Ces dunes, qui font partie d’une réserve faunique, sont très stables, ce qui expliquerait que l’espèce s’y trouve clairsemée. Nous avons trouvé un plus grand nombre de sujets sur des terrains privés appartenant à la J. Martin & Sons. L’espèce était relativement commune en bordure de la route sur une distance de 1 km à la marge est du champ de dunes. Environ 20 p. 100 des 73 sujets recensés en bordure de la route avaient été gravement endommagés par le fauchage. Dès qu’elles atteignent 6 pouces de hauteur, les plantes sont de nouveau coupées. Nous avons compté 177 sujets dans la partie clôturée et surpâturée du bas des dunes. Le broutage excessif avait dénudé le sol, laissant le sable exposé à l’action du vent. De ces 177 sujets, 30 avaient été fortement piétinés par les bovins. La dalée velue était beaucoup plus abondante dans ce milieu perturbé que dans les dunes fixées et non perturbées. L’effectif total de l’espèce dans le secteur nord-est des dunes de Lauder ne dépasse probablement pas quelques centaines de sujets (Smith, 1996).

La dalée velue était beaucoup moins commune à mesure que nous avancions vers le nord-est dans les dunes de Lauder (Smith, 1996).

Figure 6. Dalée velue en bordure de la route, secteur nord des dunes de Lauder, Manitoba – site no 1B (photo de B. Smith).

Localité no 2 – Parc provincial Spruce Woods, Spirit Sands, Devil's Punch Bowl (figure 7)

Une étendue restreinte de hautes dunes dénudées (4 km2) offre un habitat très propice à la dalée velue. L’effectif total de l’espèce dans cette localité se situe probablement entre 1 000 et 1 500 sujets. La plante croit particulièrement bien sur les pentes exposées dans une direction sud à ouest et stabilisées dans une proportion de 50 à 60 p. 100. Nous avons découvert sur les pentes et les sommets deux petites populations isolées, l’une de 60 et l’autre de 62 sujets, comme nous nous dirigions vers la face au vent de la dune principale. L’espèce était plus commune près de la face de la dune, où nous avons trouvé quelques populations de 200 sujets et plus, dans des zones herbeuses à proximité des sables nus. Les populations se trouvaient davantage dans des sables partiellement fixés, à la marge de creux de déflation et de sables mobiles (Smith, 1996).

Certains secteurs situés à l’ouest de cette localité, qui font partie du terrain militaire du Camp Shilo (dunes Bald Head), comportent peut-être des milieux propices à l’espèce. Cette région n’était pas accessible en 1996, mais il y aurait intérêt à l’explorer lorsque les circonstances le permettront (Smith, 1996).

Figure 7. Habitat de la dalée velue (butte partiellement fixée par des graminées, angle supérieur gauche) dans le Devil’s Punch Bowl, Spirit Sands, parc provincial Spruce Woods, Manitoba – site no 2 (photo de B. Smith).

Localité no 3 - Boissevain

Nous n’avons trouvé aucun sujet à Boissevain, et il n’y avait plus de milieux propices à l’espèce. Les bordures de routes en sable étaient soit envahies par les mauvaises herbes, soit fauchées (Smith, 1996). La population a probablement disparu.

Saskatchewan :

Dundurn – quelques centaines à un demi-millier de sujets

Mortlach-Caron – population très petite ou disparue

Manitoba :

Lauder – secteur sud – quelques milliers de sujets

secteur nord – quelques centaines de sujets

Spruce Woods – de 1 000 à 1 500 sujets

Camp Shilo – probablement quelques centaines de sujets

Treesbank – population disparue

Boissevain – population disparue

Les dunes de Dundurn, près de Saskatoon, en Saskatchewan, sont en grande partie fixées par la végétation. Il subsiste encore des zones restreintes où le vent remanie le relief dunaire, les zones perturbées par un pâturage intensif en période de sécheresse, par exemple. D’anciennes photographies aériennes (1944) montrent que les étendues de dunes actives ont été plus importantes dans le passé (Pylypec, 1989). Hudson (1977) avait signalé que la survie de l’espèce à Mortlach-Caron était menacée par l’établissement de graminées dans les creux de déflation de ces dunes. Le même phénomène a été constaté dans les champs de dunes voisins (Harris Sand Hills et Great Sand Hills) (Epp, 1980, 1982) ainsi qu’en Alberta (Middle Sand Hills, lac Pakowki et Dune Point) (Wallis, 1988). Cette évolution s’est produite à la grandeur des provinces des Prairies. Les milieux propices à l’espèce se sont considérablement rétrécis, et il n’en subsiste plus que des îlots dispersés au sein des champs cultivés. On trouve des zones restreintes de sables mobiles à Dundurn, à Mortlach-Caron et dans le parc provincial Spruce Woods. Les dunes de Lauder constituent pour l’espèce un habitat potentiel plus vaste, mais celui-ci se limite aussi à des zones restreintes dans le champ de dunes. Les précipitations, qui sont presque le double de celles d’un désert au sens strict, y sont suffisantes pour permettre l’établissement d’espèces colonisatrices qui, parfois, finissent par couvrir presque complètement les dunes (Spruce Woods Provincial Park, Spirit Sands, Devil's Punch Bowl Hiking Trails, 1995).

Aucune dalée velue n’a été recensée dans les champs de dunes voisins de Saskatchewan (Harris Sand Hills et Great Sand Hills) et du Manitoba (Oak Lake Sand Hills et Routledge Sand Hills), ni dans aucun champ de dunes semblable d’Alberta. Pourtant, tous ces milieux semblent convenir à l’espèce.

Bien que les processus de fixation des dunes ne soient pas entièrement élucidés, on croit de plus en plus que les sables demeurent actifs lorsque certaines conditions de feu et de broutage sont réunies. On peut en effet constater la fixation des dunes dans les régions peu broutées, mais fréquemment soumises au passage du feu, tout comme dans les régions broutées, mais peu touchées par le feu (Wallis, 1988).

On ne connaît pas les effets favorables ou néfastes du broutage survenant durant les diverses saisons (Wallis et Wershler, 1988). On pense que le brûlage pratiqué anciennement à la fin de l’été ou à l’automne donnait de riches pâturages le printemps suivant. Ces pâturages attiraient en grands nombres les herbivores, notamment les bisons, qui par leur broutage et leur piétinement maintenaient les dunes vives. Il semble que les dunes servaient aussi de refuge aux bisons durant l’hiver, ce qui aurait fortement contribué à maintenir les dunes en activité. La suppression des feux et la modification du régime de pâturage ont complètement transformé la dynamique des milieux dunaires (Wallis, 1988).

Le site de dalée velue de Mortlach-Caron en Saskatchewan se trouve dans un pâturage collectif où l’on fait paître le mouton. Le broutage y est excessif, comme en témoigne la présence de l’Artemisia frigida et du Mamillaria vivipara. Les données actuelles ne permettent pas de déterminer les effets du broutage, de l’absence de broutage et du surbroutage sur la croissance et l’abondance de la dalée velue.

La population de Dundurn se trouve dans un enclos pâturé. La plupart des zones perturbées en bordure de la route qui renfermaient des sables mobiles se trouvaient à proximité de passages pour le bétail (Smith, 1996).

Au Manitoba, le régime de pâturage pourrait présenter une menace pour la dalée velue. Un secteur des dunes de Lauder abritant la dalée velue est rendu inaccessible pour le pâturage en vertu du programme provincial de protection de l’habitat essentiel de la faune. Un parc d’engraissement ayant subi une forte érosion jouxte le champ de dunes. Ce parc est séparé du secteur dunaire protégé par une clôture électrifiée. Les dunes qui se trouvent plus près de Hartney ne sont pas protégées et elles sont pâturées. Certaines parties des bordures de routes sont même fauchées pour le fourrage.

Les dunes Spirit Sands du parc provincial Spruce Woods abritent l’une des plus importantes populations de dalée velue du Manitoba. Ces dunes sont entrecoupées de sentiers de randonnée pédestre, mais les randonneurs ne s’y confinent pas (Spruce Woods Provincial Park, Spirit Sands, Devil's Punch Bowl Hiking Trails, 1995, pièce no 1). La dalée velue se trouve dans l’un des secteurs du parc les plus utilisés à des fins récréatives. Des promenades en chariots à chevaux sont offertes de la mi-mai au début de septembre. L’espèce se trouve dans un lieu très fréquenté, connu sous le nom de Devil's Punch Bowl. Le statut de parc soustrait cet habitat aux perturbations associées à l’exploitation des richesses naturelles et à l’exploitation agricole, mais non à la pression du tourisme. La fréquentation des sentiers de randonnée ainsi que la circulation en véhicules tous terrains doivent être contrôlées dans les dunes de Lauder (Pylypec, 1989). Ces dunes sont entrecoupées de chemins et de sentiers et doivent faire l’objet d’une surveillance étroite. La Société protectrice du patrimoine écologique du Manitoba interdit la circulation en véhicules tous terrains dans la réserve faunique, qui renferme la majeure partie de l’habitat actuel ou potentiel de la dalée velue dans les dunes de Lauder.

À Mortlach-Caron, en Saskatchewan, le terrain de camping Besant est aménagé dans le petit secteur des dunes où la dalée velue a déjà été observée. Vu la faible superficie pouvant servir d’habitat à l’espèce dans cette localité, tout empiètement est susceptible d’avoir des répercussions désastreuses (Smith, 1996).

Dans les dunes de Lauder, au Manitoba, l’habitat de la dalée velue est sous la menace constante de l’euphorbe ésule (Euphorbia esula). Les creux interdunaires sont envahis par cette espèce. À certains endroits, la dalée velue pousse parmi l’euphorbe ésule. Il est à craindre que cette mauvaise herbe envahisse complètement l’habitat de la dalée velue et remplace cette dernière dans les dunes de Lauder (Smith, 1990, 1996). L’euphorbe ésule est aussi très commune à Mortlach-Caron, en Saskatchewan, où elle se rencontre sur une grande partie des dunes et colonise même les étendues de sable nu (Smith, 1996).

La famille des Fabacées n’est surpassée sur le plan de la valeur agricole que par celle des Poacées (Cronquist, 1981). Quelques espèces du genre Dalea, dont la dalée velue, ont un potentiel horticole (Everett, 1981). Ces espèces conviennent surtout aux jardins de plantes indigènes et aux aires aménagées auxquelles on veut conserver une allure naturelle, mais elles sont parfois intégrées aux plates-bandes. Elles s’adaptent sans doute le mieux aux conditions approchant celles de leur milieu naturel. Un sol bien drainé et une bonne exposition au soleil leur sont essentiels. Ces plantes supportent sans doute mal d’être déplacées. Il est donc préférable de cultiver les semis en pots jusqu’à ce qu’ils puissent être plantés à leur emplacement définitif. Au Manitoba, la dalée velue se trouve à la limite de son aire de répartition principale, essentiellement située aux États-Unis. En Saskatchewan, ses sites sont disjoints par rapport à l’aire principale.

Aucun statut officiel n’a été attribué à la dalée velue au Canada.

Cependant, comme son aire est très restreinte, puisqu’elle se limite au Centre-Sud de la Saskatchewan et au Sud-Ouest du Manitoba, elle est classée parmi les espèces rares à l’échelle canadienne. Maher et al. (1979) donnent la dalée velue comme rare en Saskatchewan, et Argus et Pryer (1990) la donnent comme rare au Canada (Saskatchewan et Manitoba), en Iowa, au Montana et au Wisconsin.

The Nature Conservancy attribue à la dalée velue la cote G5T? à l’échelle mondiale; à l’échelle provinciale, la cote S2 est attribuée à cette plante au Manitoba, et la cote S1 en Saskatchewan. Dans les États limitrophes du Canada, l’espèce est désignée S1 au Montana, SR au Dakota du Nord et SR au Minnesota.

Toutes les listes de plantes rares établies pour les provinces des Prairies sont relativement longues. Kershaw (1987) classe ces espèces en trois grandes catégories de répartition. Ainsi, plus de 80 p. 100 de ces espèces « rares » appartiendraient en fait au groupe des espèces dont l’aire de répartition, dans les provinces des Prairies, est le prolongement continu de populations importantes situées à proximité de ces provinces. Ces espèces contribuent largement à la diversité floristique de la région; on pense en effet qu’elles représentent probablement au-delà de 20 p. 100 du nombre total des espèces. La dalée velue fait probablement partie de cette catégorie. Sont classées dans un deuxième groupe les espèces formant de petites populations disjointes. Moins de 10 p. 100 des espèces rares des provinces des Prairies appartiendraient à cette catégorie. Enfin, les espèces endémiques ayant une aire géographique localisée forment la troisième catégorie (Kershaw, 1987).

Nous avons évalué la situation de la dalée velue au Canada selon les critères suivants :

abondance– l’espèce est connue dans une seule localité en Saskatchewan, et la population y est limitée, et dans cinq localités au Manitoba. L’effectif total de l’espèce au Canada se situerait autour de 5 000 sujets.

répartition- au Canada, l’espèce est confinée à la région de Dundurn dans le Centre-Sud de la Saskatchewan et à cinq localités situées au sud de Brandon, au Manitoba. Plusieurs populations ont disparu, notamment dans les localités suivantes : Mortlach-Caron en Saskatchewan, Treesbank, près du parc provincial Spruce Woods, et Boissevain, au Manitoba.

stabilité de l’habitat – l’habitat de l’espèce est instable; il y a perte d’habitat en raison des pratiques agricoles et de la fixation des dunes.

protection actuelle – faible; aucun statut officiel; incertitude quant au régime de propriété, à la gestion des pâturages et à l’aménagement des terrains dans l’avenir.

Tous ces critères sont importants dans l’appréciation de la situation de l’espèce. Au Canada, la dalée velue n’est présente que dans quelques localités dispersées. De nombreux éléments pourraient menacer la survie de ces populations, en particulier un changement d’affectation des terres, la perte continue d’habitat et le risque d’exploitation dans ce qui reste d’habitat connu ou potentiel de l’espèce. Le fait que la plupart des localités abritant la dalée velue ne bénéficient d’aucune protection officielle et ne font l’objet d’aucun plan de gestion durable place l’espèce dans une situation de grande précarité au Canada.

L’auteure recommande que la dalée velue soit désignée « espèce menacée » au Canada.

Le présent rapport a été financé par le Service canadien de la faune d’Environnement Canada.

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Bonnie Smith a obtenu un B.Sc. en botanique de la Mount Allison University, à Sackville, au Nouveau-Brunswick, en 1977. Elle a été technicienne à l’herbier du département des sciences biologiques de la University of Calgary de 1981 à 1992. Depuis 1992, elle est technicienne de serre et d’herbier à la University of Calgary. Elle est auteure et coauteure de douze rapports de situation du COSEPAC sur des plantes rares, et le Comité fait régulièrement appel à ses services de conseillère en botanique et spécialiste des plantes rares.

1. John H. Hudson, University of Saskatchewan, Saskatoon (Saskatchewan) (recherches sur le terrain dans les localités connues de Saskatchewan).

2. K.L. Johnson, Musée manitobain de l’homme et de la nature, Winnipeg (Manitoba) (recherches sur le terrain dans les dunes de Lauder en 1982).

Les herbiers suivants ont été consultés :

University of Calgary, Calgary (Alberta)

University of Alberta, Edmonton (Alberta)

University of Regina, Regina (Saskatchewan)

University of Saskatchewan, Saskatoon (Saskatchewan)

Musée manitobain de l’homme et de la nature, Winnipeg (Manitoba)

University of Winnipeg, Winnipeg (Manitoba)

Musée canadien de la nature et Agriculture Canada, Ottawa (Ontario)

John H. Hudson a fait des recherches sur le terrain dans la région de Dundurn en 1981 et dans la région de Mortlach-Caron de 1955 à 1966. G.F. Ledingham et B. Boivin ont aussi fait des recherches sur le terrain dans la région de Mortlach-Caron de 1956 à 1960. L’auteure a visité la plupart des sites connus de l’espèce en Saskatchewan en 1996.

Plusieurs botanistes ont parcouru le sud du Manitoba, notamment K.L. Johnson en 1982 et H. McColl en 1985. Nous avons nous-mêmes visité la plupart des sites connus de l’espèce au Manitoba en 1996.

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