Chauve-souris blonde (Antrozous pallidus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

Taille et tendances des populations

Dans le Sud-Ouest des États-Unis, où l’espèce est abondante, aucun changement positif ou négatif dans les paramètres démographiques n’a été signalé depuis 1988. Par ailleurs, les données directes sur la structure et la dynamique de la population de l’A. pallidus au Canada demeurent elles aussi limitées. Selon le British Columbia Conservation Data Centre, sa population serait de seulement 1 000 individus par 800 hectares, ou sur 15 km le long de la rivière, et il pourrait même s’agir là d’une estimation généreuse. D’après des travaux récemment effectués sur le terrain, l’hypothèse de Balcombe (1998), selon laquelle les chauves-souris blondes observées au Canada ne seraient en fait que des individus errants provenant d’une population américaine, semble improbable. Dans le cadre de relevés effectués l’été en 1990, en 1991 et en 1993, on a réalisé un certain nombre de captures et d’observations visuelles et auditives, trouvé des gîtes diurnes (figure 4) et nocturnes, ainse que des aires d’alimentation de choix dans le sud de la vallée de l’Okanagan (Collard et al., 1990; Grindal et al., 1991; Chapman et al., 1994; Barclay, données inédites). Grindal et al. (1991) et Chapman et al. (1994) attribuent entièrement cet accroissement des observations à l’échantillonnage, plus intense et plus efficace, et non pas à une augmentation de la taille de la population.

Bien que la présence d’une population de chauves-souris blondes dans la vallée de l’Okanagan semble aujourd’hui assurée, on ne sait pas très bien dans quelle mesure elle se reproduit. Soixante-quinze pour cent (21 mâles : 7 femelles) des chauves-souris blondes capturées à ce jour étaient des mâles, ce qui laisse croire que la reproduction pourrait être limitée au Canada. Cependant, certaines observations récentes semblent confirmer l’existence d’une population reproductrice. Premièrement, l’usure des dents de certains mâles et de certaines femelles capturés (Sarell, données inédites; Barclay, données inédites) suggère que ces animaux sont relativement âgés et ne seraient donc pas des juvéniles dispersants ou des jeunes d’un an provenant des États-Unis (Barclay, comm. pers.). Deuxièmement, et fait convaincant, à l’été 1990, Grindal et al. (1991) ont capturé un mâle aux testicules gonflés, une femelle juvénile et une femelle lactante, d’où leur conclusion qu’une population reproductrice semble bel et bien présente. De plus, comme ces captures ont toutes été réalisées à plus de 10 km l’une de l’autre, ces mêmes auteurs (1991) ont formulé l’hypothèse qu’il pourrait y avoir au moins trois pouponnières dans le sud de la vallée de l’Okanagan. Enfin, on a capturé plus récemment, soit en juillet 1997, deux femelles lactantes au lac Gallagher; il s’agit là des deux dernières captures de chauves-souris blondes au Canada (Sarell, comm. pers.). Ainsi, d’après les données disponibles, il semble aujourd’hui probable qu’il y ait des femelles qui se reproduisent au Canada, même si elles paraissent moins nombreuses que les mâles. Comme le sud de la vallée de l’Okanagan se trouve à la limite septentrionale de l’aire de répartition de l’espèce, il se pourrait que les conditions y soient telles que les femelles ne peuvent s’y trouver en aussi grand nombre que les mâles. Ainsi, le fait pour une population reproductrice de se trouver à la limite géographique de tolérance de l’espèce pourrait avoir pour conséquence naturelle une plus forte proportion de mâles.

Figure 4. Gîtes diurnes (points gris) fréquentés par des Antrozous pallidus mâles munis d’un radioémetteur dans la vallée de l’Okanagan durant l’été de 1991. L’épaisse ligne noire représente la frontière de la réserve indienne d’Inkaneep (d’après Chapman et al., 1994).

 Gîtes diurnes (points gris) fréquentés par des Antrozous pallidus mâles munis d’un radioémetteur dans la vallée de l’Okanagan durant l’été de 1991

Cette plus forte proportion de mâles pourrait s’expliquer par la ségrégation sexuelle, phénomène comportemental qui a déjà été observé dans certaines populations de chauves-souris blondes (Nagorsen et Brigham, 1993). Lors d’une étude sur l’A. pallidus réalisée en Oregon, les mâles et les femelles n’ont pas été capturés dans les mêmes régions, et on peut penser que, dans le nord de l’aire de répartition de l’espèce, il y aurait ségrégation sexuelle (Lewis, comm. pers.), ce qui pourrait être le cas en Colombie-Britannique. Ainsi, toutes les chauves-souris blondes (14/14) capturées dans le secteur du lac Waterdog et sur le plateau d’Inkaneep étaient des mâles, tandis que toutes celles (3/3) capturées au lac Gallagher, au nord, et 50 p. 100 (6/12) de celles capturées à la frontière de la réserve et plus au nord étaient des femelles (voir la figure 2). Il se pourrait que les femelles ne puissent occuper que certains secteurs en raison de leurs besoins énergétiques pour l’élevage des jeunes, tandis que les mâles réduiraient la concurrence avec les femelles en évitant généralement ces secteurs. Le modèle de qualité de l’habitat (Robertson, 1988; figure 3; voir sous « Habitat », plus bas) va dans le sens de cette hypothèse et fait ressortir la disponibilité relative d’habitats de reproduction de haute qualité tout près des lacs Vaseux et Gallagher.

Il est particulièrement intéressant de constater que toutes les captures de femelles, sauf une, ont été réalisées dans la moitié nord de l’aire connue de l’espèce dans la vallée de l’Okanagan. Intuitivement, on aurait pu s’attendre à ce que les femelles vivent plus au sud, et même du côté américain, où les températures plus élevées faciliteraient l’élevage des jeunes, tandis que les mâles toléreraient mieux les conditions plus rudes existant à la limite septentrionale de l’aire de répartition. Cette anomalie apparente laisse croire que certains facteurs autres que le climat, très probablement la disponibilité des gîtes de pouponnière, influeraient sur la répartition des femelles dans la région, et que ce serait peut-être surtout au lac Gallagher et plus au nord qu’elles peuvent trouver des gîtes de pouponnière convenables. Une fois de plus, le modèle de qualité de l’habitat (Robertson, 1998; figure 4) va dans le sens de cette hypothèse, c’est-à-dire qu’il met en évidence la présence d’habitats de reproduction de haute qualité relativement abondants dans les secteurs des lacs Vaseux, Gallagher et Skaha. Par ailleurs, les secteurs de la réserve d’Inkaneep renfermant des habitats favorables aux chauves-souris blondes, particulièrement ceux situés à proximité du lac Waterdog, ont fait l’objet d’un échantillonnage plus intense que le reste de la vallée de l’Okanagan (Chapman et al. 1994), ce qui pourrait en partie expliquer la plus forte proportion de mâles mesurée dans la population. Pour en savoir plus sur la reproduction de l’A. pallidus au Canada, on devra intensifier les travaux de relevés par radiotélémétrie, particulièrement dans la région du lac Gallagher et du canyon Vaseux, ainsi que dans d’autres secteurs se trouvant à l’extérieur de la réserve d’Inkaneep.

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