Chauve-souris blonde (Antrozous pallidus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 9

Facteurs limitatifs

Les chauves-souris peuvent être touchées par plusieurs facteurs naturels au Canada. La vallée de l’Okanagan constituant la limite septentrionale de l’aire de répartition de l’espèce, les basses températures peuvent y limiter la population de l’A. pallidus, ou être en partie responsables du fait, exposé plus haut, que les mâles y sont plus abondants que les femelles, particulièrement à la lumière de l’étude (Lewis, 1993) sur les effets de la variation climatique sur la reproduction. Il serait spécialement important d’effectuer des recherches sur la reproduction et la stabilité de la population de l’A. pallidus au Canada. Les gîtes nocturnes repérés dans la vallée de l’Okanagan étaient surtout des pins ponderosa vivants qui peuvent être détruits par des facteurs naturels ou anthropiques, de sorte que la disponibilité de ces gîtes peut constituer un facteur limitatif pour l’espèce, surtout si une certaine forme de socialité instaurée dans ces gîtes nocturnes aide beaucoup les chauves-souris à capturer plus facilement des proies. Par ailleurs, comme cette espèce recherche ses proies au sol, elle peut subir une pression de prédation importante (exercée notamment par les hiboux et les serpents) dans la vallée de l’Okanagan, autre facteur limitatif naturel potentiel. Cependant, il semble probable que ce soient les gîtes diurnes qui constituent le principal facteur limitatif naturel pour l’espèce au Canada, étant donné la rareté relative constatée d’habitats de reproduction propices (Robertson, 1998; figure 4).

Le facteur limitatif anthropique de loin le plus important pour l’A. pallidus dans la vallée de l’Okanagan est la destruction de son habitat. La population humaine de cette région connaît actuellement une croissance presque exponentielle et se trouve encore grandement accrue l’été par l’essor du tourisme (Northcote, 1996). Selon les projections démographiques, en 2020, un million de personnes vivront dans la région, et plus de deux millions de touristes y séjourneront chaque année. Même actuellement, avec une population d’environ 100 000 résidants et 750 000 touristes par année, la vallée de l’Okanagan se trouve extrêmement fragilisée, particulièrement aux basses altitudes auxquelles les chauves-souris blondes sont limitées (Northcote, 1996; Durance, 1992). La plus grande partie des terres ont été perturbées jusqu’à un certain point, et la majorité des peuplements de graminées cespiteuses indigènes, des milieux humides et des habitats riverains, sont déjà détruits (Durance, 1992).

La construction résidentielle ou commerciale, les activités récréatives (p. ex. le golf et l’escalade) et l’agriculture (p. ex. le pâturage et la fruiticulture) continuent d’empiéter sur les gîtes et les habitats d’alimentation potentiels, ou de les perturber (Durance, 1992; Bailey, 1995). Les gîtes propices à l’établissement de pouponnières sont doublement menacés par les activités de construction, car idéalement, des habitats d’alimentation doivent être disponibles très près des zones renfermant les gîtes de haute qualité (Robertson, 1998). Ainsi, en plus de réduire les ressources alimentaires des chauves-souris blondes, l’expansion agricole et urbaine dans les peuplements dégagés d’armoises ou les prairies clairsemées peuvent les forcer à abandonner des sites de pouponnières de haute qualité. Cette menace est d’autant plus forte que les parcs et les réserves, où le milieu est protégé, ne couvrent que moins de 1 p. 100 de la vallée de l’Okanagan et que les activités d’expansion sur les terres non protégées s’accélèrent (Bailey, 1995).

Le broutage par le bétail peut avoir des effets tant positifs que négatifs sur l’espèce : d’une part, il crée des habitats d’alimentation dégagés et attire les gros coléoptères bousiers (Chapman et al., 1994) dont s’alimente l’A. pallidus (Grindal et al., 1991). D’autre part, il peut réduire la densité et la diversité globales des proies (Chapman et al., 1994), ainsi que la quantité de gîtes nocturnes disponibles si des arbres sont enlevés dans les pâturages.

Les chauves-souris blondes peuvent aussi être menacées par la bioaccumulation de pesticides, dont on fait généralement un usage important dans la fruiticulture, répandue et en expansion dans la vallée de l’Okanagan (Watson, 1997). Les pesticides chimiques s’accumulent principalement dans les tissus adipeux des mammifères (Fenton, 1983), de sorte qu’une population du Nord de chauves-souris des régions tempérées, et particulièrement d’A. pallidus puisqu’elle s’alimente de ravageurs agricoles (Chapman et al., 1994), pourrait se trouver gravement menacée par l’accumulation de pesticides associée au métabolisme des réserves de lipides en période de torpeur et d’hibernation. L’évaluation de l’utilisation de la torpeur par les chauves-souris blondes de la vallée de l’Okanagan au moyen de radioémetteurs thermosensibles permettrait de mieux évaluer l’importance de cette menace.

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