Couleuvre fauve de l'Est (Elaphe gloydi) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Biologie

Cycle vital et reproduction

En général, la couleuvre fauve de l’Est émerge de son gîte d’hivernage de la mi-avril à la mi-mai, s’accouple de la fin de mai à la mi-juin et pond ses œufs de la fin de juin à la mi-juillet. Elle réintègre son gîte d’hivernage en septembre et en octobre.

Les observations les plus détaillées du comportement d’accouplement ont été réalisées durant des études télémétriques récentes, menées à la baie Georgienne (MacKinnon, 2005; Lawson; 2005). Les chercheurs ont assisté à de nombreux accouplements et en ont observé les principales étapes : la poursuite de la femelle, le contact et l’étreinte (le mâle mord sa partenaire et la maintient en place en la saisissant dans sa gueule par le cou) et la copulation (figure 8). Les individus des deux sexes se sont accouplés avec plusieurs partenaires, et les mâles ont engagé des combats dont les femelles étaient l’objet. Les mâles étaient en moyenne plus gros que les femelles. La période de gestation dure probablement de 30 à 50 jours selon les conditions environnementales et le temps que la femelle peut consacrer à la thermorégulation (Willson et Brooks, 2006). Pendant la période de 1 à 4 jours durant laquelle elles demeurent séquestrées dans leur site de ponte (R. Willson, A. Lawson, C. MacKinnon, obs. pers.), les femelles pondent de 6 à 29 œufs blancs à coquille souple (Ernst et Barbour, 1989; R. Willson, données inédites). Des amas d’œufs pondus par plusieurs femelles ont été observés chez les 3 populations régionales, et des sites de ponte communaux interspécifiques ont été trouvés sur l’île Pelée (Porchuk et Brooks, 1995). La période d’incubation dure de 50 à 65 jours (Harding 1997), et les jeunes émergent entre la fin d’août et le début d’octobre.


Figure 8 : Accouplement de couleuvres fauves de l’Est sur un lit d’aiguilles de pin, sur le littoral de la baie Georgienne

Figure 8. Accouplement de couleuvres fauves de l’Est sur un lit d’aiguilles de pin, sur le littoral de la baie Georgienne. Photo : C. MacKinnon

Photo : C. MacKinnon


Prédation

Les prédateurs naturels de la couleuvre fauve de l’Est adulte comprennent les grands oiseaux de proie (p. ex. la Buse à queue rousse [Buteo jamaicensis], Grand-Duc d’Amérique [Bubo virginianus]) et des mammifères carnivores comme le raton laveur (Procyon lotor), la mouffette rayée (Mephitis mephitis) et des mustélidés (p. ex. pékan [Martes pennanti] et vison [Mustela vison]). Des couleuvres fauves de l’Est en hibernation ont été extraites par des mammifères d’un des rares hibernacles situés dans le sol à la baie Georgienne au cours de l’hiver 2003-2004 (Lawson, 2004). Des restes de couleuvres fauves de l’Est ont également été trouvés dans des litières de renard roux ou de renard gris (Vulpes vulpes ou Urocyon cinereoargenteus) à l’île Pelée (Porchuk, obs. pers.). Les chats (Felis catus) et les chiens (Canis familiaris) féraux et errants peuvent attaquer des couleuvres fauves adultes et juvéniles.

Les œufs et les jeunes couleuvres fauves de l’Est sont probablement exposés à un plus large éventail d’oiseaux et de mammifères prédateurs. Les hérons et les aigrettes (Ardéidés) et les mouettes et goélands (Laridés) se nourrissent probablement de jeunes couleuvres fauves de l’Est. Au parc national de la Pointe-Pelée, une jeune couleuvre d’environ 34 cm de longueur est parvenue à repousser un goéland qui l’attaquait en le frappant à plusieurs reprises (Kraus, 1991). Les nids sont pillés par les ratons laveurs (Porchuk et Brooks, 1995; S. Gillingwater, obs. pers.) et les coyotes (Canis latrans) (S. Gillingwater, obs. pers.). La mouffette rayée, le renard et l’opossum d’Amérique (Didelphis virginiana) sont probablement aussi des prédateurs des œufs de la couleuvre fauve de l’Est. Un nécrophore (Nicrophorus pustulatus) déjà reconnu comme un prédateur des œufs de la couleuvre obscure de l’Est (Blouin-Demers et Weatherhead, 2000) attaque également les œufs de la couleuvre fauve de l’Est (Willson, 2000).


Physiologie

À titre d’animal ectotherme, la couleuvre fauve de l’Est dépend des caractéristiques thermiques de son milieu ambiant. Les principaux processus dépendants de la température qui ont été étudiés chez la couleuvre fauve de l’Est comprennent la thermorégulation par les femelles gravides immédiatement avant la ponte (Willson et Brooks, 2006) et les fluctuations de la température corporelle chez les individus qui nagent en eau froide (MacKinnon et al., 2006). Sur l’île Pelée, Willson et Brooks (2006) ont noté que les femelles gravides ne cherchaient pas à élever leur température ou à la maintenir plus stable que les femelles non gravides dans un environnement thermiquement stable. En 2003 et en 2004, MacKinnon et al. (2006) ont observé 313 déplacements à la nage chez 49 couleuvres fauves de l’Est munies d’un radioémetteur (figure 9). À 11 de ces occasions, ils sont parvenus à obtenir des lectures en continu de la température corporelle de ces couleuvres à partir du moment où elles entraient dans des eaux froides (jusqu’à 11 °C). La chute de température corporelle la plus prononcée enregistrée durant un de ces déplacements à la nage était de 22,6 °C (sur une période de 11 min), pour une température corporelle finale de 13 °C. Étant donné l’incidence de la température corporelle sur la vitesse de locomotion des couleuvres et, par conséquent, sur leur vulnérabilité aux prédateurs, il peut sembler curieux que les couleuvres fauves de l’Est se déplacent aussi souvent dans les eaux froides de la baie Georgienne. À l’évidence, le fait de pouvoir ainsi accéder à diverses structures terrestres compense les risques associés aux déplacements dans l’eau (MacKinnon et al., 2006).


Figure 9 : Couleuvre fauve de l’Est adulte nageant entre des îles de la baie Georgienne

Figure 9. Couleuvre fauve de l’Est adulte nageant entre des îles de la baie Georgienne. Photo : A. Lawson.

Photo : A. Lawson.


Déplacements et dispersion

Étant donné l’importance cruciale de l’hibernacle pour la survie des serpents vivant sous des latitudes tempérées et la fidélité affichée par les couleuvres fauves de l’Est à l’égard des sites d’hibernation, le rayon maximal de dispersion à partir de l’hibernacle (RMDH) est considéré comme la variable de dispersion spatiale la plus pertinente pour les mesures de conservation. Dans le cas où l’hibernacle d’un individu ne peut être localisé, la dispersion linéaire maximale (DLM) de cet individu, établie à partir d’un ensemble d’observations (des radiolocalisations ou des observations fortuites), est alors considérée comme la variable la plus utile. Une comparaison de ces deux variables fournit une indication utile de l’emplacement de l’hibernacle par rapport à la distance parcourue par un individu au cours d’une même saison active. Les valeurs moyennes (écart-type) de RMDH et de DLM chez 5 femelles suivies par radiotélémétrie pendant plusieurs saisons actives complètes à l’île Pelée s’établissaient comme suit : x-bar (RMDH) = 930 ± 80,7 m (intervalle : de 660 à 1 080 m); x-bar (DLM) = 1 186 ± 131,3 m (intervalle : de 849 à 1 527 m) (R. Willson, données inédites). En comparaison, ces mêmes variables, mesurées chez des femelles suivies par radiotélémétrie le long du littoral de la baie Georgienne pendant plusieurs saisons actives complètes, s’établissaient comme suit : x-bar (RMDH) = 3 229 ± 568,1 m (intervalle = de 836 à 6 253 m; n = 9); x-bar (DLM) = 3 593 ± 618,5 m (intervalle = de 879 à 6 738 m; n = 9) (MacKinnon et al. 2005; Lawson, 2005). Ces résultats démontrent sans équivoque que les couleuvres fauves de l’Est du littoral de la baie Georgienne utilisent un espace beaucoup plus grand que l’espace utilisé par celles de l’île Pelée. Comme aucun mâle n’a été suivi par radiotélémétrie à l’île Pelée et que l’espace utilisé varie souvent selon le sexe des individus, la comparaison ne porte que sur les valeurs mesurées chez les femelles. Chez les individus mâles suivis à la baie Georgienne, ces variables s’établissaient comme suit : x-bar (RMDH) = 3 820 ± 642,4 m (intervalle = de 1 151 à 9 178 m; n = 13); x-bar (RL) = 4 624 ± 871,4 m (intervalle = de 1 421 à 11 365 m; n = 13) (MacKinnon et al., 2005; Lawson, 2005). Ces résultats témoignent de l’ampleur de la dispersion spatiale chez les couleuvres fauves habitant le littoral de la baie Georgienne. On voit difficilement comment les individus habitant le sud-ouest de l’Ontario pourraient utiliser autant d’espace que ceux du littoral de la baie Georgienne, étant donné les contraintes liées à l’habitat et au paysage auxquels ils sont soumis. La densité du réseau routier dans les régions de Haldimand-Norfolk et d’Essex-Kent les obligerait à traverser plusieurs routes au cours d’une même saison active, et le risque de mortalité augmente évidemment en fonction du nombre de routes traversées. En comparaison, la répartition en mosaïque des îles et des masses d’eau à la baie Georgienne favorise probablement davantage les déplacements de la couleuvre fauve de l’Est (si l’on suppose que le coût énergétique des déplacements en milieu aquatique est inférieur à celui des déplacements en milieu terrestre) que s’il s’agissait d’un paysage essentiellement terrestre du sud-ouest de l’Ontario.


Relations interspécifiques

La couleuvre fauve de l’Est se nourrit principalement de petits mammifères et de petits oiseaux (figure 10). Elle utilise deux stratégies de chasse : la chasse active et la chasse à l’affût. Les petites proies (p. ex. les souriceaux, les oisillons et les œufs) sont simplement saisies et avalées, tandis que les proies plus grosses sont tuées par constriction avant d’être ingérées (Harding, 1997).

Les petits mammifères servant de proies à la couleuvre fauve de l’Est comprennent le campagnol des champs (Microtus pennsylvanicus), diverses espèces de souris (Peromyscus spp.), le tamia rayé (Tamias striatus) et les jeunes lapins à queue blanche (Sylvilagus floridanus). La couleuvre fauve de l’Est chasse dans les broussailles et les arbres et peut s’aventurer dans les granges à la recherche d’œufs et d’oisillons. Elle s’attaque également à des oiseaux adultes. On en a observé qui mangeaient des œufs de Canard colvert (Anas platyrhynchos) (B. Porchuk, obs. pers.; A. Lawson, obs. pers.), des œufs de Gélinotte huppée (Bonasa umbellus) (C. MacKinnon, obs. pers.), des œufs et des oisillons de Paruline jaune (Dendroica petechia) (Wilson, 1985), des oisillons de Quiscale bronzé (Quiscalus quiscula), des œufs de Tourterelle triste (Zenaida macroura) (R. Willson, obs. pers.), des oisillons d’Hirondelle pourprée (Progne subis) (I. Fisher, obs. pers.) et des œufs et des oisillons de Merle d’Amérique (Turdus migratorius) (B. Porchuk, obs. pers.). Des grenouilles sont consommées à l’occasion (Johnson, 1989). Logier (1958) a observé un jeune individu qui dégorgeait un amas de vers de terre, et un autre, dans la baie Go Home, qui régurgitait une salamandre. Enfin, à l’île Pelée, un individu juvénile mesurant environ 36 cm de longueur a régurgité deux grosses limaces de 2 g chacune après palpation (B. Porchuk, obs. pers.).


Figure 10 : Couleuvre fauve de l’Est adulte de la population du littoral de la baie Georgienne avalant un œuf de canard

Figure 10. Couleuvre fauve de l’Est adulte de la population du littoral de la baie Georgienne avalant un œuf de canard. Photo : A. Lawson.

Photo : A. Lawson.


Adaptabilité

Comme la couleuvre fauve de l’Est vit dans des régions densément peuplées et que son habitat chevauche des secteurs (p. ex. un littoral) très fréquentés par les humains, les rencontres sont courantes. Heureusement, la couleuvre fauve de l’Est est capable de s’adapter à un certain degré de perturbations anthropiques. Ainsi, en été, elle peut utiliser comme abris des structures artificielles dans des secteurs soumis à des niveaux d’activités humaines intenses (p. ex. chalet occupé par des familles entières). Tel qu’il a été mentionné précédemment, la couleuvre fauve de l’Est utilise régulièrement des structures artificielles pour nidifier ou hiberner.

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