Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la Grive de Bicknell (Catharus bicknelli) au Canada (1999)

  1. Table des Matières
  2. COSEPAC Sommaire de l’évaluation
  3. COSEPAC Résumé
  4. Répartition
  5. Protection
  6. Taille et tendances des populations
  7. Habitat
  8. Biologie
  9. Facteurs limitatifs
  10. Importance de l'espèce
  11. Évaluation
  12. Remerciements
  13. Ouvrages cités

Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :

Nota : Toute personne souhaitant citer l’information contenue dans le rapport doit indiquer le rapport comme source (et citer l’auteur); toute personne souhaitant citer le statut attribué par le COSEPAC doit indiquer l’évaluation comme source (et citer le COSEPAC). Une note de production sera fournie si des renseignements supplémentaires sur l’évolution du rapport de situation sont requis.

COSEPAC. 1999. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la Grive de Bicknell (Catharus bicknelli) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa . vi + 48 p.

(https://www.registrelep-sararegistry.gc.ca/sar/assessment/status_f.cfm).

NIXON, E. 1999. Rapport de situation du COSEPAC sur la Grive de Bicknell (Catharus bicknelli) au Canadain Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la Grive de Bicknell (Catharus bicknelli) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. Pages 1-48.

Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Status Report on the Bicknell’s Thrush Catharus bicknelli in Canada.

Illustration de la couverture :
Grive de Bicknell -- J. Crosby, Les oiseaux duCanada, par W. Earl Godfrey, Musée national des sciences naturelles, Ottawa (Ontario).

©Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2005
PDF : CW69-14/454-2005F-PDF
ISBN 0-662-70836-9

Nom commun : Grive de Bicknell

Nom scientifique : Catharus bicknelli

Statut : Espèce préoccupante

Justification de la désignation : Cette espèce spécialiste des habitats de forêts denses de sapins baumiers à haute altitude est répartie localement, et elle n'est pas nombreuse nulle part. Cette espèce est préoccupante au Canada en grande partie en raison des pratiques forestières à grande échelle et de l'infestation de la tordeuse des bourgeons qui peuvent entraîner des pertes importantes d'habitats préférés.

Répartition : Québec, Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse

Historique du statut : Espèce désignée « préoccupante » en avril 1999. Évaluation fondée sur un nouveau rapport de situation.

Même si des mentions de la Grive de Bicknell (Catharus bicknelli) remontent à 1881, l’espèce est peu connue en raison de son ancienne classification comme sous-espèce de la Grive à joues grises (Catharus minimus) , de sa préférence pour les habitats inaccessibles de hautes altitudes et de son comportement furtif. Bien qu’elle niche dans des habitats favorables du Québec, des Maritimes et du nord-est des États-Unis, les limites exactes de l’aire d’hivernage, la taille et les tendances de la population et les caractéristiques du cycle biologique restent à préciser.

On estime qu’au Canada, la population de Grives de Bicknell est de 2 000 à 5 000 couples et que la population mondiale est de 5 000 à 15 000 couples; l’espèce est un des oiseaux nicheurs les plus rares du Canada. C’est pourquoi le Service canadien de la faune la considère comme priorité absolue pour ce qui est de la surveillance, de la recherche et de la conservation (Dunn, 1997); dans le nord-est des États-Unis, elle figure sur la liste des priorités en matière de conservation de la faune aviaire (Rosenberg et Wells, 1995). Par ailleurs, le programme sur les espèces d’oiseaux menacées dans la monde de Birdlife recommande de lui attribuer le statut d’espèce vulnérable selon les critères de la Liste rouge de l’Union mondiale pour la nature (UICN).

Bien que la répartition de la Grive de Bicknell au Canada ne semble pas changer à grande échelle, l’espèce a disparu de plusieurs caps et îles de la Nouvelle-Écosse et de quelques autres anciennes aires de nidification. Aux États-Unis, des relevés détaillés ayant trait à la répartition ont permis de déceler des changements à la limite méridionale de l’aire de répartition de l’espèce, qui ne niche plus au Massachusetts. Les données relatives à sa répartition indiquent que les principales sous-populations sont relativement stables et que plusieurs sous-populations périphériques semblent en déclin.

Selon de récentes recherches, l’espèce subit les effets des modifications, de la dégradation et de la perte d’habitats dans l’aire de répartition. Tout l’est du Canada est soumis à des opérations forestières à grande échelle et, bien que l’espèce soit signalée dans des secteurs en régénération après des coupes à blanc, la valeur de cet habitat est imprécise. La perte d’habitats de nidification, les infestations de la tordeuse des bourgeons de l’épinette, les précipitations acides, l’aménagement de stations de ski, la construction de tours de communications et de pylônes hertziens constituent d’autres menaces pour l’espèce. De plus, dans les sites d’hivernage, le déboisement lié à l’agriculture de subsistance, la production de charbon de bois et la transformation de la canne à sucre modifient aussi l’habitat.

Pour évaluer le statut de conservation de la Grive de Bicknell, il faut tenir compte de la petite taille de la population, de la répartition fragmentée de l’espèce et de la faiblesse apparente de sa capacité de reproduction, en plus de la perte et de l’altération de l’habitat dans l’aire de répartition.

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) détermine le statut, au niveau national, des espèces, des sous-espèces, des variétés et des populations sauvages canadiennes importantes qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées à toutes les espèces indigènes des groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, lépidoptères, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.

Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes fauniques des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (Service canadien de la faune, Agence Parcs Canada, ministère des Pêches et des Océans, et le Partenariat fédéral sur la biosystématique, présidé par le Musée canadien de la nature), de trois membres ne relevant pas de compétence, ainsi que des coprésident(e)s des sous-comités de spécialistes des espèces et des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit pour étudier les rapports de situation des espèces candidates.

Espèce : Toute espèce, sous-espèce, variété ou population indigène de faune ou de flore sauvage géographiquement définie.

Espèce disparue (D) : Toute espèce qui n’existe plus.

Espèce disparue du Canada (DC) : Toute espèce qui n’est plus présente au Canada à l'état sauvage, mais qui est présente ailleurs.

Espèce en voie de disparition (VD)* : Toute espèce exposée à une disparition ou à une extinction imminente.

Espèce menacée (M) : Toute espèce susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitatifs auxquels elle est exposée ne sont pas renversés.

Espèce préoccupante (P)** : Toute espèce qui est préoccupante à cause de caractéristiques qui la rendent particulièrement sensible aux activités humaines ou à certains phénomènes naturels.

Espèce non en péril (NEP)*** : Toute espèce qui, après évaluation, est jugée non en péril.

Données insuffisantes (DI)**** : Toute espèce dont le statut ne peut être précisé à cause d’un manque de données scientifiques.

* : Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000.

** : Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.

*** : Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».

**** : Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999.

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale-provinciale sur la faune. Le comité avait pour mandat de réunir les espèces sauvages en péril sur une seule liste nationale officielle, selon des critères scientifiques. En 1978, le COSEPAC (alors appelé CSEMDC) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. Les espèces qui se voient attribuer une désignation lors des réunions du comité plénier sont ajoutées à la liste.

Environment Canada Environnement Canada

Canadian Wildlife Service Service canadien de la faune

Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.

Aire de nidification (figure 1)

Au Canada, la Grive de Bicknell niche surtout en haute altitude, dans des forêts d’épinettes denses et rabougries du Québec, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. L’espèce atteint sa limite occidentale au Québec, où elle se reproduit sur la rive nord du Saint-Laurent, aux îles de la Madeleine et dans la péninsule de Gaspé (Bishop in Wallace, 1939; Todd, 1963; Ouellet, 1995). Au Nouveau-Brunswick, elle est surtout signalée dans les hautes terres du nord-ouest et du centre-nord (Squires, 1976; Erskine, 1992; Nixon, 1996), tandis que les principales populations de la Nouvelle-Écosse se confinent principalement aux hautes terres de l’île du Cap-Breton et que des effectifs moindres sont recensés dans quelques îles au large des côtes (Erskine, 1992; D. Busby, comm. pers.). On signale aussi sa présence dans plusieurs autres endroits des provinces maritimes (voir ci-après) mais, compte tenu des observations sporadiques et limitées, on pense que ces régions n’abritent pas de populations viables.

Dans le passé, l’espèce était présente dans un certain nombre d’autres endroits de la Nouvelle-Écosse. Dans la première moitié du siècle dernier, on la signalait en assez grand nombre dans deux îles situées au large de la côte sud-ouest de la province (îles Seal et Mud; Wallace, 1939; Erskine, 1992) et, en moins grand nombre, dans de petites îles au large de la côte sud de l’île du Cap-Breton (Tufts, 1986).

Aux États-Unis, la Grive de Bicknell est isolée géographiquement dans des montagnes du nord-ouest et du centre du Maine (répartition limitée, sporadique et côtière là-aussi), du nord et du centre du New Hampshire et de l’intérieur du Vermont (en particulier dans les montagnes Vertes). Elle niche aussi dans les Adirondacks de l’État de New York, et la limite méridionale de son aire de répartition se situe dans les monts Catskill (Kibbe, 1985; Petersen, 1990; Ouellet, 1993; Atwood et al., 1994). Par ailleurs, on a déjà signalé la présence de populations au Massachusetts, mais on ne les a plus revues depuis le milieu des années 1950 (Rimmer et al., 1993; Veit et Petersen, 1993).

Aire d’hivernage (figure 2)

La plupart des mentions de la Grive de Bicknell proviennent de l’île d’Hispaniola, dont la superficie est de 76 000 km2; on signale aussi sa présence en Haïti (Morne Malanga) et en République dominicaine, à Puerto Plata, à Sanchez, à Aguacate, à Saint-Domingue, au nord de Cabo Rojo, de Duarte et de Pedernales et dans le parc national Sierra de Bahoruco (Wallace, 1939; Marshall et Clapp, manuscrit inédit; Rimmer et McFarland, 1995). En 1995, des chercheurs ont recapturé en République dominicaine une Grive de Bicknell qui avait été baguée au Vermont, et établi le premier lien biologique direct entre les populations d’Hispaniola et de l’Amérique du Nord (Rimmer et al, 1997).

Par ailleurs, on signale la présence de cette grive à Cuba, à Puerto Rico et à Saint-Croix (Wallace, 1939; Wallace, 1949; A.O.U., 1957; Sladen, 1988; Petersen, 1990; Ouellet, 1993). De plus, il est probable que des mentions hivernales de la Grive à joues grises en Jamaïque et dans l’île Mona soient en fait des mentions de C. bicknelli (Arendt, 1992). Il n’existe aucune observation fiable ni aucun spécimen en Amérique centrale ou en Amérique du Sud (Ouellet, 1993).

Migration

Bien que les habitudes migratoires de la Grive de Bicknell ne soient pas complètement connues (Ouellet, 1993), la majeure partie de la population migre en longeant la côte est et la plaine côtière de l’Atlantique, du Québec méridional jusqu’en Caroline du Sud (Wallace, 1939; Ouellet, 1993). Des mentions et des spécimens proviennent du Québec, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l’île de Sable, de même que des côtes (ou à proximité) du Massachusetts, du Connecticut, du Rhode Island, de l’État de New York (en particulier du port de New York et de Long Island), du New Jersey, de la Pennsylvanie, du Maryland, du District of Columbia, de la Virginie, de la Caroline du Nord, de la Caroline du Sud, de la Georgie, de la Floride et de Cay Sal dans les Bahamas (Cory, 1891; Wallace, 1939; Bond, 1956; Ouellet, 1993).

En raison des rares mentions de l’espèce dans le sud des États-Unis, on pense qu’une partie de la population quitte la côte nord-américaine pour se diriger vers le sud à partir d’un endroit situé en Caroline du Nord, le reste se rendant jusqu’en Floride (Wallace, 1939, 1949).

La Grive de Bicknell peut aussi migrer par l’intérieur du continent, mais en moins grand nombre (Ouellet, 1993). Dans le sud de l’Ontario, elle figure sur la liste des espèces migratrices rares (James, 1991). Des spécimens ont été recueillis en Illinois et peut-être dans plusieurs États des Grands Lacs, ce qui a incité Wallace (1939) à proposer l’existence d’une voie migratoire vers le sud par la vallée du Mississippi. Cependant, les mentions des cinquante dernières années laissent penser qu’il s’agit plutôt de visiteurs occasionnels.

Présence accidentelle

La présence de la Grive de Bicknell est considérée comme accidentelle à Terre-Neuve (côte ouest en 1912; Peters et Burleigh, 1951), en Saskatchewan (Maple Creek), dans le sud de l’Ontario (Long Point et peut-être Toronto et Hamilton), en Ohio (Toledo) et peut-être dans l’Indiana (Vincennes), dans l’Illinois (comté de Cook) et en Louisiane (Nouvelle-Orléans; Wallace, 1939).

La limite septentrionale de l’aire de répartition de la Grive de Bicknell se situe au Canada; l’espèce niche surtout au Québec sur la rive nord du golfe Saint-Laurent, dans la péninsule de Gaspé et aux îles de la Madeleine (Wallace, 1939; Ouellet, 1993, 1995), d ns les hautes terres du Nouveau-Brunswick et dans l’île du Cap-Breton (Christie, 1980; Tufts, 1986; Erskine, 1992).

De plus, on signale sa présence dans quelques endroits sur les côtes de la baie de Fundy, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, notamment dans le parc national Fundy (Christie, 1980) et à Pointe LePreau (Squires, 1976), dans l’île de Grand Manan (B. Dalzell, comm pers.) et dans l’île de Campobello (Norm Famous, comm. pers.), sur la côte sud-ouest de la Nouvelle-Écosse (Todd, 1963; Tufts, 1986) et à l’Île-du-Prince-Édouard (Erskine, 1992). Cependant, les effectifs réduits et la présence sporadique de l’espèce dans ces endroits indiquent que ce ne sont pas des populations viables.

Québec

La limite septentrionale de l’aire de répartition de la Grive de Bicknell se situe dans le Québec méridional, où l’oiseau niche à des altitudes de 175 à 1 160 mètres sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, dans la péninsule de Gaspé et dans les Cantons de l’Est (Ouellet, 1993; 1995). Les individus observés durant la préparation de l’atlas des oiseaux nicheurs du Québec (de 1984 à 1989) étaient isolés et très dispersés (Ouellet, 1995). À cette époque, les limites extrêmes de l’aire de répartition étaient, au nord, l’embouchure de la rivière Moisie et, au sud, les environs du mont Gosford à la frontière du Maine; vers l’ouest, l’espèce atteignait la réserve de La Vérendrye située au nord d’Ottawa et, vers l’est, les îles de la Madeleine.

Il existe des mentions historiques éparses de l’espèce sur la rive nord du Saint-Laurent, jusqu’à la rivière Sainte-Marguerite, Pointe Natashquan, l’embouchure de la rivière du Petit Mécatina (Todd, 1963) et La Tabatière (Gillet, 1935) à l’est et, au Labrador, jusqu’à Cape Charles (Townsend, 1917) au nord. Selon Todd (1963), l’aire de répartition de la Grive de Bicknell s’étend jusqu’à l’extrémité orientale du détroit de Belle-Isle. Selon Ouellet (1993), les mentions historiques de l’espèce à Pointe Natashquan et à la rivière du Petit Mécatina à l’est pourraient désigner des oiseaux qui erraient à l’extérieur des limites de l'aire de nidification habituelle au cours de la migration printanière, ou être l’indice d’une réduction de la superficie de l’aire de nidification actuelle dans la province de Québec. Durant la préparation de l’atlas des oiseaux nicheurs du Québec, aucune mention de la présence de la Grive de Bicknell n’a été confirmée à l’est de Tadoussac, et des cas de nidification probables ont été signalés près de Godbout et de Moisie (Ouellet, 1995).

Les observations de la Grive de Bicknell sont sporadiques aux îles de la Madeleine. Un spécimen a été récolté le 15 juillet 1887 dans l’île du Cap-aux-Meules (Wallace, 1939) et deux autres, dans la Grosse Île à la fin de juin 1901 (Todd, 1963). De plus, la nidification a été confirmée à l’extrémité nord de l’archipel durant la période de préparation de l’atlas du Québec (Ouellet, 1995). Des recensements effectués de mai à octobre 1992 n’ont pas permis de confirmer la présence de cette grive, même dans les zones où des mentions historiques existaient (A.J. Marshall, comm. pers.). Par conséquent, la nidification semble sporadique dans les îles.

La Grive de Bicknell est signalée surtout à plus de 300 à 450 mètres d’altitude (Erskine, 1992; Nixon, 1996). Selon certaines mentions historiques et récentes, elle nicherait aussi dans les basses terres des côtes et des îles, mais seulement en faible nombre.

Au Nouveau-Brunswick, la plupart des mentions sont concentrées dans les hautes terres du nord-ouest et du centre-nord de la province, en particulier dans l’extrême nord-ouest, à proximité de la frontière du Québec et dans le parc provincial Mont Carleton et à proximité, notamment dans les comtés de Restigouche, de Northumberland et de Victoria (Squires, 1976; Erskine, 1992; Nixon, 1996; Busby et Holmes, données inédites). Même s’il semble y avoir de bons habitats dans les hautes terres du comté d’Albert au sud-est, aucun confirmation de la présence de l’oiseau n’a été signalée nulle part durant la préparation de l’atlas des oiseaux des Maritimes (Erskine, 1992).

L’espèce est également présente dans des zones peu élevées du sud-ouest du Nouveau-Brunswick, sur la côte est (Pointe Escuminac), dans des zones froides des côtes de la baie de Fundy et, plus au sud, dans l’archipel de Grand Manan (île Grand Manan et île Campobello; Erskine, 1992; N. Famous, comm. pers.). Les mentions les plus orientales proviennent du parc national Fundy, où on a découvert une population de nicheurs en 1979 (Christie, 1980). Cependant, aucun oiseau n’a été repéré au cours d’un relevé ultérieur mené en 1992, et on n’y a plus revu l’espèce depuis (Christie, 1993). Durant la période de préparation de l’atlas des oiseaux nicheurs des Maritimes, la nidification dans des basses terres a été confirmée dans une zone située à 20 kilomètres à l’ouest du parc national Fundy (Erskine, 1992). La nature sporadique de ces mentions et les quelques nids repérés laissent penser que la nidification est sporadique dans ces régions et qu’elle ne concerne qu’un petit nombre d’individus (Erskine, manuscrit inédit).

Figure 4. Observations de la Grive de Bicknell au Nouveau-Brunswick et à l’île du Cap-Breton (Nouvelle-Écosse), fondées sur des relevés menés de 1995 à 1998 par le Service canadien de la faune et le Service canadien des forêts. (Avec la permission de D. Busby, SCF, région de l’Atlantique.).

Nouvelle-Écosse (figure 4)

En Nouvelle-Écosse, la plus grande partie de la population est présente dans l’île du Cap-Breton. Selon Tufts (1986), la Grive de Bicknell peut y passer l’été plus souvent qu’ailleurs en Nouvelle-Écosse, et les mentions de sa présence, dont des confirmations de nidification, sont particulièrement fréquentes dans les hautes terres de l’extrémité nord de l’île (voir Tufts, 1986; Erskine, 1992). Les observations de Tufts sont étayées par un relevé sur la répartition de l’espèce mené par le Service canadien de la faune de 1996 à 1998; ce relevé a permis de détecter l’oiseau dans plusieurs sites de basse altitude à l’île du Cap-Breton et à proximité, notamment dans les îles St. Paul et Scatarie (D. Busby, données inédites). Erskine (1992) a observé l’oiseau près du niveau de la mer dans le sud de l’île du Cap-Breton et à Main-à-Dieu, au sud-est de l’île du Cap-Breton; par ailleurs, il existe des mentions de sa présence dans l’île Kidston au large de Baddeck (Tufts, 1986).

Dans la partie continentale de la Nouvelle-Écosse, la répartition de la Grive de Bicknell est très éparse. Dans le passé, l’espèce faisait partie des résidents d’été courants à Cape Forchu, dans le comté de Yarmouth, sur la côte du sud-ouest (Allen, 1916). Cependant, Erskine (1992) a été incapable de confirmer la nidification durant la période de préparation de l’atlas des oiseaux nicheurs des Maritimes. Il existe une observation probable d’un nicheur dans la partie continentale, à proximité du cap Chignecto sur la côte nord-ouest, et des observations possibles dans trois autres régions, soit sur la côte et à l’intérieur des terres (hautes terres) à l’est du cap Chignecto et dans le sud-ouest de la province aux environs du cap Forchu. L’espèce n’a pas été signalée dans les hautes terres (altitudes de 200 à 500 mètres) des comtés de Kings, d’Annapolis et de Lunenberg, ni dans les hautes terres de plus basse altitude du comté de Pictou.

Il n’existe aucune mention récente de la Grive de Bicknell dans les centaines de petites îles situées au large des côtes du sud-ouest de la province et de la baie de Fundy, bien que des mentions historiques de populations de nicheurs aient été rapportées dans deux de ces îles. En 1904, l’espèce était très abondante dans l’île Seal (voir Bent in Wallace, 1939) et présente en moins grand nombre dans l’île Mud (Wallace, 1939). En 1938, elle était considérée comme disparue dans l’île Seal (Tufts, 1986). Cependant, elle semble y avoir été observée en 1954 (Erskine, 1955), et encore en 1983 (voir I.A. McLaren in Tufts, 1986). Depuis, aucune présence n’a été signalée, ce qui fait dire à Erskine (manuscrit inédit) que les observations sont attribuables à une série de colonisations et de disparitions qui ont suivi la première disparition de l’espèce et qui ont mené à son élimination. La présence de l’espèce dans l’île Mud a été moins bien documentée; cependant, compte tenu de l’absence de mentions récentes, cette population a probablement subi le même sort que celle de l’île Seal.

Île-du-Prince-Édouard

Ni l’atlas des oiseaux nicheurs des Maritimes ni le relevé des oiseaux dans l’Île-du-Prince-Édouard ne confirment la nidification de la Grive de Bicknell dans la province. Cependant, l’espèce y a été signalée deux fois durant la préparation de l’atlas des oiseaux nicheurs des Maritimes (Erskine, 1992). On a signalé une nidification probable aux deux endroits suivants : à l’extrême nord-ouest de l’île et dans les environs de Tyne Valley (A.I. Erskine, comm. pers.). Vu le caractère peu fréquent et isolé des mentions et la rareté des habitats favorables à l’espèce, la nidification dans l’île semble, au mieux, sporadique, et reste à confirmer.

Même si le Service canadien de la faune considère la Grive de Bicknell comme une des espèces prioritaires en ce qui a trait à la surveillance, à la recherche et à la conservation (Dunn, 1997) et bien que le programme sur les espèces d’oiseaux menacées dans le monde de Birdlife recommande de lui attribuer le statut d’espèce vulnérable selon les critères de la Liste rouge de l’Union mondiale pour la nature (UICN) (BirdLife International, 1998), l’oiseau n’est pas protégé en tant qu’espèce au Canada. Il est protégé en vertu de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs du gouvernement fédéral adoptée en 1916, qui interdit la chasse, la possession et/ou la vente d’oiseaux migrateurs.

Aux États-Unis, l’espèce a été classée au premier rang des priorités en matière de conservation des migrateurs néotropicaux dans le nord-est depuis les trois dernières années (Rosenberg et Wells, 1995). Or, ce classement n’offre aucune protection légale; cependant, toute preuve d’un déclin des populations placerait l’espèce en tête de la liste des espèces d’oiseaux migrateurs néotropicaux qui ont besoin d’une intervention immédiate en ce qui a trait à leur conservation. À l’échelle du pays, la Grive de Bicknell figure sur la liste des espèces de catégorie 2 en vertu de la Federal Endangered Species Act. Ce statut ne confère aucune protection légale, mais indique qu’un classement officiel parmi les espèces en voie de disparition pourrait être justifié en attendant les résultats d’autres recherches. Selon Atwood et al. (1994), ce classement pourrait aussi sensibiliser les agences d’État et les organismes fédéraux à l’existence de la Grive de Bicknell et, souhaitons-le, stimuler d’autres études à son sujet.

L’espèce n’est aucunement protégée dans les sites d’hivernage, où le déboisement et la conversion des terres continuent à détruire les habitats.

Il existe peu de données sur la taille et les tendances des populations de la Grive de Bicknell. Même si certaines mentions remontent à 1881, les études ont été davantage qualitatives que quantitatives et n’ont pas permis de recueillir des données pour évaluer l’ampleur des changements dans les effectifs (Rimmer et al., 1993).

Bien que les chercheurs déplorent le manque de données, qui leur permettraient d’évaluer précisément la taille de la population, ils estiment que celle-ci compte de 5 000 à 15 000 couples en Amérique du Nord. Marshall (comm. pers.) fait l’évaluation la plus modeste, estimant la population au Canada à seulement 200 couples, mais des données recueillies récemment au Québec (Ouellet, 1993; Rompré et al., 1997; Y. Aubry, comm. pers.), au Nouveau-Brunswick (Erskine, 1992; S. Holmes, comm. pers.) et en Nouvelle-Écosse (Erskine, 1992; D. Busby, comm. pers.) indiquent qu’il l’a nettement sous-estimée.

Par ailleurs, Erskine (manuscrit inédit) évalue la population totale de la Grive de Bicknell à environ 5 000 couples (de l’ordre de 1 000 à 10 000 couples), en se fondant sur des extrapolations des données de l’atlas des oiseaux nicheurs et sur les régions d’habitats potentiels au Canada et aux États-Unis. Selon lui, environ 60 p. 100 de l’effectif nicheraient en Nouvelle-Angleterre et dans l’État de New York, et le reste au Canada, en particulier dans le sud du Québec, dans le nord du Nouveau-Brunswick et dans l’île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse (tableau 1).

Tableau 1. Nombre estimé de couples nicheurs de la Grive de Bicknell en Amérique du Nord (d’après Erskine, manuscrit inédit).
Région Population estimée
Québec 1 000
Nouveau-Brunswick 700
Nouvelle-Écosse 300
Île-du-Prince-Édouard* 0*
Maine 500
New Hampshire 1 000
Vermont 500
New York 1 000
Total 5 000

*Ne niche probablement pas régulièrement.

Rimmer (comm. pers.) pense que les évaluations pour la Nouvelle-Angleterre et l’État de New York sont trop prudentes; selon lui, la population des États-Unis compterait de 5 000 à 8 000 couples. Il estime que la population du Canada constitue de 20 à 30 p. 100 de la population totale en Amérique du Nord. McFarland (comm. pers.) évalue la population des États-Unis à environ 15 000 couples et estime, en se fondant sur ce qu’il décrit comme des évaluations extrêmement grossières des habitats disponibles (zones situées à plus de 915 mètres d’altitude) et sur une densité estimative de 0,5 oiseau par hectare, qu’elle peut grimper jusqu’à 25 000 couples. Cependant, tel que le mentionnent Atwood et al. (1996), comme l’espèce n’utilise qu’une partie des habitats situés à plus de 915 mètres d’altitude, McFarland a certainement surévalué l’effectif.

Québec

Selon les observations et les relevés de la dernière décennie, il semble qu’il existe plusieurs régions importantes pour l’espèce dans la province. D’après Ouellet (1993, comm. pers.), la population est concentrée dans les deux régions suivantes : la péninsule de Gaspé et une zone du nord de la ville de Québec, délimitée par la rivière Batiscan à l’ouest, la rivière Saguenay à l’est, et le lac Saint-Jean au nord. Au cours de relevés détaillés effectués en 1997 et en 1998, on a repéré plusieurs secteurs qui corroboraient les conclusions de Ouellet, notamment la ZEC des Martres, au nord de la ville de Québec, et le parc de conservation de la Gaspésie et lréserve faunique des Chic-Chocs dans la péninsule de Gaspé. D’autres aires de concentration sont situées au mont Mégantic et au mont Gosford, dans la région de l’Estrie, et peut-être au mont Vallin, au nord de la rivière Saguenay (G. Rompré et Y. Aubry, comm. pers.).

Erskine (manuscrit inédit) a évalué la population québécoise de la Grive de Bicknell à environ 99 couples. Toutefois, en raison du haut degré d’incertitude lié aux extrapolations démographiques, il pense qu’il serait plus exact de l’évaluer à environ 1 000 couples (tableau 1), avec des limites de confiance se situant entre quelques centaines et quelques milliers de couples. R. Ouellet (comm. pers.) appuie cette dernière évaluation.

En 1997 et en 1998, les données récoltées par une équipe de chercheurs du Service canadien de la faune (CSF) et de l’Université McGill ont montré que les effectifs sont de l’ordre de quelques milliers (G. Rompré et Y. Aubry, comm. pers.). Les chercheurs estiment que le nombre de couples dans la région de l’Estrie est de 750 à 1 250 (G. Seutin et G. Rompré, comm. pers.), de 1 000 à 2 000 en Gaspésie et, sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent, de 500 à 2 000 (G. Seutin et Y. Aubry, comm. pers.). Par conséquent, la population d’oiseaux au Québec est de

3 000 à 5 000 couples.

Les densités de nidification ont été mesurées à trois endroits au Québec. Sur le mont Gosford, Rompré et Connolly (comm. pers.) ont estimé cette densité à environ 10 couples/10 hectares; sur le mont Mégantic, elle serait de 2,5 couples/10 hectares selon Erskine (1984), et de 12 à 15 couples/10 hectares d’après Rompré et al. (1997). Enfin, Erskine (1980) a calculé une densité de 4,9 mâles/10 hectares dans un secteur près de la Petite Rivière Cascapédia, dans la péninsule de Gaspé.

D’après des observations récentes dans des forêts mixtes et denses de seconde venue, Ouellet (1993; 1995) conclut que l’effectif de la Grive de Bicknell est peut-être en hausse au Québec. Seutin (1998) recommande toutefois la prudence dans les évaluations des tendances des populations qui sont fondées sur des observations dans des habitats de régénération. En effet, la nidification n’a pas été confirmée dans ces habitats, qui peuvent cependant être occupés par des oiseaux non nicheurs (p. ex. des individus sexuellement immatures ou des nicheurs en échec) ou constituer des puits de population maintenus par une immigration continue d’individus provenant de régions sources productives situées à proximité. Les relevés relatifs à la répartition du SCF et de l’Université McGill indiquent aussi que cette grive peut être confinée aux forêts à un certain stade de succession et d’une certaine composition spécifique (Rompré et al., 1997; Seutin, 1998). Par conséquent, beaucoup de forêts en régénération n’équivalent pas nécessairement à une grande quantité d’habitats potentiels pour la Grive de Bicknell (Seutin, 1998; voir la section sur les habitats).

Provinces maritimes

Les populations sont fortement concentrées au Nouveau-Brunswick et dans l’île du Cap-Breton, où elle sont rares mais régulières en haute altitude, surtout à plus de 300 mètres (Erskine, 1992). En se servant de l’atlas et d’autres données, Erskine a estimé en 1992 que la population des Maritimes comptait moins de 1 000 couples, répartis au Nouveau-Brunswick (600 couples), en Nouvelle-Écosse (300 couples) et à l’Île-du-Prince-Édouard (10 couples). Il a légèrement corrigé cette évaluation par la suite, en augmentant la population du Nouveau-Brunswick à 700 couples (Erskine, manuscrit inédit). Les limites de confiance (décrites comme étant un peu plus précises que des estimations) font osciller la taille de l’effectif entre un tiers et trois fois cette évaluation, c’est-à-dire entre 300 et 3 000 couples.

Au Nouveau-Brunswick, les évaluations récentes de la population sont assez stables. En extrapolant les résultats d’un relevé de répartition mené en 1995 par le Service canadien des forêts et la Service canadien de la faune et d’autres travaux effectués de 1996 à 1998, D. Busby (comm. pers.) a estimé que la population compte de 400 à 500 couples. Selon S. Holmes (comm. pers.), elle en compterait 600, si l’on se fie à la disponibilité des habitats et aux travaux de recensement menés en 1996 et en 1997, avec des limites de confiance de 400 à 800 couples.

Les populations du Nouveau-Brunswick sont concentrées dans l’extrême nord-ouest de la province et dans les hautes terres du centre-nord. Les Grives de Bicknell vivent surtout sur des pics en haute altitude et non dans les vallées situées entre les pics. Là aussi, les populations sont petites. Juste au sud du parc provincial Mont Carleton, dans la région de la province qui est peut-être la plus densément peuplée, cinq des pics les plus productifs contiendraient chacun de 50 à 100 couples de Grive de Bicknell (S. Holmes, comm. pers.). Il faut néanmoins être prudent lorsqu’il est question d’extrapoler ces évaluations à l’habitat environnant, puisqu’on a trouvé dans les environs des pics semblables qui accueillent beaucoup moins d’oiseaux, sinon aucun.

En Nouvelle-Écosse, la population est concentrée dans l’île du Cap-Breton. Des relevés du SCF ayant trait à la répartition de l’espèce indiquent que les Grives de Bicknell se rassemblent surtout dans le nord-ouest, de Cape North jusqu’à la moitié de la péninsule. Pour D. Busby (comm. pers.), qui se fonde sur les habitats favorables à l’espèce, la population compterait de 400 à 500 couples répartis comme suit : parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton et région immédiate vers le nord (200 couples), hautes terres déboisées (100 couples), Cape North (50 couples), île Scaterie (25 couples) et île St. Paul (25 couples).

Les récentes observations de la Grive de Bicknell dans l’Île-du-Prince-Édouard (Erskine, 1992) constituent une première dans la province, mais cette population est vraisemblablement peu importante. Erskine (manuscrit inédit) évalue la population totale à moins de cinq couples et estime que la nidification n’est que sporadique. Non seulement la nidification n’est pas confirmée, mais les habitats disponibles semblent insuffisants pour soutenir une population viable. Néanmoins, il se pourrait que la Grive de Bicknell niche sporadiquement dans l’île depuis des années.

Nord-est des États-Unis

Le nord-est de l’Amérique pourrait abriter la plus grande partie de la population totale de Grives de Bicknell nicheuses, soit entre 60 p. 100 (Erskine, manuscrit inédit) et 70 ou 80 p. 100 (C. Rimmer, comm. pers.). Erskine (comm. pers.) évalue l’effectif des États-Unis à 3 000 à 6 000 couples, Rimmer (comm. pers.), à 5 000 à 10 000 couples, et McFarland (comm. pers.), très grossièrement, à 15 000 à 25 000 couples.

Selon les études de répartition de l’espèce, les populations semblent en déclin en Nouvelle-Angleterre et dans l’État de New York. Atwood et al. (1994) constatent que l’oiseau est absent de 10 des 71 (14 p. 100) anciens sites (avant 1992). Marshall (comm. pers.)remarque aussi des changements dans les populations en fonction de l’altitude, c’est-à-dire qu’elles migrent en altitude vers l’habitat optimal situé à la limite des arbres. Il souligne que, sur le Camel's Hump, au Vermont, des populations qui vivaient auparavant sous la limite des arbres à 1 036 mètres en 1984 ont grimpé à 1 219 mètres en 1994. Il signale la même tendance au mont Mansfield, au Vermont, où les populations sont passées de 884 à 1 067 mètres, encore une fois durant une période de dix ans. Si ce déclin sur le plan de la répartition altitudinale est exact, il ne semble toutefois pas accompagné d’une réduction des densités des effectifs en haute altitude. Sur le mont Mansfield, le suivi de parcelles de relevés menés depuis 1992 à une altitude de 1 150 mètres révèle une population stable (Rimmer et McFarland, 1996).

L’histoire de la population de la Grive de Bicknell sur le mont Greylock, au Vermont, illustre bien le sort des petites populations isolées au sommet des montagnes. La première mention de l’espèce au sommet remonte à 1888 (Faxon, 1889). Maynard (Wallace, 1939) y a observé environ douze couples en 1910. De 1934 à 1960, on y trouvait une population de nicheurs petite et stable, constituée de 6 à 11 couples, qui a baissé graduellement jusqu’à un ou deux couples en 1972, et avait disparu l’année suivante (voir Veit et Petersen, 1993). Il n’y a eu depuis aucune autre mention. Bien qu’on ne connaisse pas les causes de la disparition de cette population, l’augmentation des perturbations humaines près du sommet peut y avoir contribué (Veit et Petersen, 1993).

Au Vermont, où on considérait dans le passé la Grive de Bicknell comme un résident d’été rare ou peu fréquent (Kibbe, 1985), les densités des populations sont très peu connues. L’espèce n’est signalée ni dans les itinéraires de relevés des oiseaux nicheurs du Fish and Wildlife Service des États-Unis, ni dans les recensements des oiseaux nicheurs du Vermont, qui ont été publiés dans American Birds. Cependant, Erskine (manuscrit inédit) évalue, à partir d’extrapolations, la population totale de l’État à environ 500 couples. Plus récemment, McFarland (comm. pers.) a estimé qu’elle ne pourrait dépasser 1 000 couples.

Les plus gros effectifs et les plus fortes densités de Grive de Bicknell au Vermont sont signalées sur le mont Mansfield, où Torrey (1889) a entendu, le jour, des cris si persistants qu’ils deviennent presque une nuisance. Selon de récentes évaluations, fondées sur sept années de travaux sur le terrain, l’effectif est d’environ 250 couples (Rimmer et al., 1996). Grâce à une cartographie par secteur des appels de mâles corrigée en fonction des territoires partiels, Rimmer et al. (1996) ont estimé que les densités de population fluctuent annuellement entre 48 et 62 couples/40 hectares. Les densités semblent beaucoup plus faibles sur les autres pics du nord-est des États-Unis : au Vermont, 6 couples/40 hectares sur le mont Equinox et 14,5 couples/40 hectares sur le mont Belvidere; dans l’État de New York, 19,7 couples/40 hectares sur le mont Plateau (McFarland et Rimmer, 1996).

Selon Palmer (1949), la Grive de Bicknell est un résident d’été assez commun dans les forêts d’épinettes situées en altitude dans le Maine. En se servant des données des relevés de répartition de l’espèce effectués de 1993 à 1995 (Rimmer et McFarland, 1996), Rimmer (comm. pers.) a évalué la population totale à plus de 1 000 couples. Marshall (comm. pers.) estime qu’elle est inférieure à 550 couples. Les plus fortes densités sont sans doute celles du mont Katahdin, où l’évaluation atteint 500 couples (J. Marshall, comm. pers.). Des mentions sporadiques existent sur la côte du Maine, mais un relevé récent n’y a décelé aucun individu. La Grive de Bicknell semble donc une espèce rare, sporadique et peut-être seulement de passage dans le Maine (Rimmer et McFarland, 1996).

Vu la forte proportion d’habitats de nidification propices que comptent le New Hampshire et l’État de New York, c’est dans ces régions que les effectifs de la Grive de Bicknell pourraient être les plus élevés. Selon Erskine (manuscrit inédit), plus des deux tiers de la population totale du nord-est des États-Unis se trouveraient dans ces deux États, qui abriteraient chacun 1 000 couples. Selon Marshall (comm. pers.), il y aurait environ 2 200 couples dans l’État de New York, et 350 au New Hampshire. L’évaluation la plus généreuse est celle de McFarland (comm. pers.), qui estime que les deux États abritent plus de 15 000 couples.

Au New Hampshire, la population de nicheurs semble concentrée dans les montagnes Blanches. Au mont Moosilauke, les densités moyennes de population varient de 3,2 oiseaux/10 hectares dans une vallée subalpine à 2,0 oiseaux / 10 hectares sur la crête montagneuse (Sabo et Holmes, 1983). Sur le mont Osceola, on a mesuré des densités de 22 couples/40 hectares (Morse, 1979).

La limite méridionale extrême de l’aire de répartition de la Grive de Bicknell se situe dans les monts Catskill (État de New York), où l’espèce est connue comme un nicheur assez fréquent (Peterson, 1988). L’espèce est en outre décrite comme un résident assez commun des Adirondacks, où Peterson (1988) pense que son aire de répartition et son abondance sont stables. De même, Atwood et al. (1994) signalent sa présence sur 33 des 44 pics (75 p. 100) où des relevés ont été menés de 1992 à 1993 et sur 16 des 16 pics (100 p. 100) pour lesquels il existait des mentions avant 1992.

Dans son aire d’hivernage, la Grive de Bicknell semble concentrée dans l’île d’Hispaniola (Rimmer et al., 1997). Des relevés de répartition menés de 1994 à 1997 ont permis de repérer des individus dans seulement sept des treize (54 p. 100) sites historiques en République dominicaine. Par ailleurs, des études démographiques approfondies révèlent un déclin possible des densités à deux endroits. À Pueblo Viejo, l’espèce a connu un déclin, passant de 77 territoires/40 hectares en 1995 à 60 territoires/40 hectares en 1996, et à 50 territoires/40 hectares en 1997; à Loma del Toro, la densité de Grives de Bicknell a chuté de 40 territoires/40 hectares en 1995 à 18 territoires/40 hectares en 1996. Bien que ces baisses puissent être attribuables à l’intensification des activités de recherche (Rimmer et al., 1997), il se peut aussi que les effectifs soient affectés par le déboisement. On pense que des habitats essentiels disparaissent à un rythme alarmant dans l’île d’Hispaniola, y compris dans les parcs nationaux et les réserves (Rimmer et al., 1997).

Aux États-Unis, où ont été menées la plupart des recherches sur l’espèce jusqu’aux années 1990, la Grive de Bicknell est une espèce spécialiste stricte en matière d’habitat. Elle a été décrite comme un oiseau qui aime la brume et les hauteurs (Gillet, 1935) de l’écotone de la limite des arbres (Petersen, 1990). Les populations sont surtout confinées à des pics rocheux à des altitudes de 914 mètres jusqu’à la limite des arbres (figure 7), quelques couples épars nichant plus bas jusqu’à 762 mètres (Wallace, 1939; Rimmer et al., 1993). Atwood et al. (1994) signalent la présence de cette grive sur 79 p. 100 des pics de haute altitude (≥ 914 mètres) où des relevés ont été effectués en Nouvelle-Angleterre et dans l’État de New York, sur seulement 11 p. 100 des pics de moyenne altitude (de 762 à 914 mètres), et dans aucun secteur de basse altitude (£ 762 mètres) du nord du Maine.

De plus, l’espèce est avant tout présente dans l’habitat subalpin traditionnel au Québec (Ouellet, 1995; Rompré et al., 1997), dans des îlots restants de l’habitat subalpin au Nouveau-Brunswick et dans des habitats semblables sur le plan structurel à l’île du Cap-Breton (Holmes et Nixon, 1997; Nixon, 1996). Au Québec, un relevé de répartition mené en 1997 n’a permis de repérer aucun oiseau à des altitudes inférieures à 620 mètres, même si les recensements avaient commencé à 315 mètres (Rompré et al., 1997). La préférence de l’espèce pour les hautes altitudes a été confirmée également lors de relevés du Service canadien de la faune et du Service canadien des forêts effectués au Nouveau-Brunswick et à l’île du Cap-Breton (figure 5). On signale à de rares occasions sa présence à des altitudes de 200 mètres (Ouellet, 1995) au Québec et de 300 mètres au Nouveau-Brunswick et à l’île du Cap-Breton (Erskine, 1992).

Figure 5. Occurrence de la Grive de Bicknell au Nouveau-Brunswick et à l’île du Cap-Breton (Nouvelle-Écosse), en fonction de l’altitude (m), fondée sur des relevés menés de 1995 à 1998 par le Service canadien de la faune et le Service canadien des forêts. (Avec la permission de D. Busby, SCF, région de l’Atlantique)

Les forêts subalpines que préfère la Grive de Bicknell sont caractérisées par un climat humide, froid et venteux, qui devient plus rigoureux avec l’altitude (Reiners et Lang, 1979; Sabo et Holmes, 1983). Au Québec, Rompré et al. (1997) constatent qu’il est difficile de capturer l’oiseau au filet japonais en raison de la fréquence du temps froid et des forts vents et de la présence de neige à la fin de juin. Sur le mont Mansfield, au Vermont, la température moyenne mensuelle durant l’été dépasse à peine 10 °C (Wallace, 1939). Au New Hampshire, Sabo et Holmes (1983) remarquent que la température moyenne de 16 °C à une altitude de 600 mètres en juin baisse à 12 °C à une altitude de 1 000 mètres, que les précipitations annuelles augmentent de 130 à 150 mm et que la vitesse moyenne du vent au-dessus du couvert forestier augmente de 12 à 30 km/h.

Dans ces conditions climatiques, l’habitat très dense et riche en ramilles est dominé par de petits sapins baumiers de même âge et, dans une moindre mesure, par des épinettes (Wallace, 1939; Palmer, 1949; Able et Noon, 1976; Sabo, 1980), au pied desquels on trouve souvent de jeunes pousses denses (surtout des sapins) (McFarland, comm. pers.). Selon Wallace (1939), les peuplements conifériens deviennent de plus en plus denses et rabougris en altitude, jusqu’à ce que, à la limite des arbres, ils soient tellement entrelacés qu’ils deviennent presque impénétrables. En effet, leurs branches sont à ce point enchevêtrées qu’on peut parfois marcher sur elles sans s’enfoncer.

La mortalité est élevée dans ces peuplements, et de nombreux conifères y sont morts ou mourants (Wallace, 1939). De plus, on y trouve souvent des chicots épars de plus grande taille (C. Rimmer, comm. pers.).

Dans trois régions du Québec, l’habitat de la Grive de Bicknell se compose de sapins baumiers à 88,5 p. 100, 75,1 p. 100 et 71,1 p. 100 (mesuré en fonction du nombre de tiges d’arbres) (Rompré et al., 1997). Le bouleau à papier (Betula papyrifera) s’y retrouve aussi régulièrement, avec de moins grandes densités de sorbiers d’Amérique (Sorbus sp.), de cerisiers de Pennsylvanie (Prunus pensylvanica), d’érables à épis (Acer spicatum) et d’autres espèces de feuillus. De vastes tapis de Sphagnum, de Pleurozium schreberi, de Cladina sp., de Polytrichum sp. et d’autres mousses et lichens se trouvent au pied des arbres (Wallace, 1939; Dilger, 1956; Sabo, 1980; Nixon, 1996; Rompré et al., 1997).

Au Nouveau-Brunswick (Nixon, 1996) et à l’île du Cap-Breton (D. Busby, données inédites), la hauteur moyenne du couvert forestier est de 3 à 7 mètres dans l’habitat de nidification de la Grive de Bicknell alors qu’au Québec, elle est en moyenne de 5,4 mètres (parc de la Gaspésie), de 7,5 mètres (ZEC des Martres) et de 14,1 mètres (mont Mégantic; Rompré et al., 1997). Sabo (1980) a estimé que la hauteur moyenne du couvert forestier était de 4,8 mètres dans l’habitat de l’espèce au New Hampshire. De plus, les peuplements sont souvent dominés par des arbres de faible diamètre. Au Québec, des arbres de faible diamètre «0,5 cm; mesuré à 20 cm au-dessus du sol) constituent 89,3 p. 100, 85,3 p. 100, et 55,9 p. 100 des tiges dans les sites susmentionnés. Au New Hampshire, le diamètre à hauteur de poitrine (dhp) moyen est de 7 cm (Sabo, 1980).

Figure 7. Répartition approximative de l’habitat de la Grive de Bicknell aux États-Unis (tirée de Atwood et al., 1994).

Comme les caractéristiques des peuplements dans la zone subalpine sont en partie fonction des régimes de temps froid et souvent de temps violent, il existe aussi des habitats semblables (des peuplements extrêmement denses de sapins et d’épinettes rabougris balayés par le vent) en certains endroits sur les côtes et dans les îles. Dans le passé, l’espèce nichait dans ces habitats côtiers dans plusieurs endroits au Canada (voir la section sur la répartition), mais elle se limite maintenant aux basses terres à l’île du Cap-Breton et aux petites îles périphériques.

Habitat non type ou non traditionnel

De récentes mentions de la Grive de Bicknell dans le sud du Québec (Ouellet, 1993; 1995), dans le nord du Nouveau-Brunswick (Erskine, 1992; Nixon, 1996; Holmes et Nixon, 1997) et à l’île du Cap-Breton (D. Busby, comm. pers.)indiquent qu’au Canada, l’espèce fréquente aussi des forêts de seconde venue ou en régénération, qui succèdent à d’importantes perturbations dans les peuplements comme la coupe à blanc ou les incendies de forêt. On qualifie cet habitat de non type ou de non traditionnel pour les deux raisons suivantes : premièrement, l’espèce est pratiquement absente de cet habitat aux États-Unis, où ont été menées la très grande partie des études sur cette grive jusqu’aux années 1990; deuxièmement, ce n’est que récemment que l’espèce y a été signalée. En fait, il se pourrait qu’elle ait été présente dans cet habitat depuis des années, sans qu’on l’ait vue ni entendue (Ouellet, 1993).

La Grive de Bicknell fréquente le plus souvent les forêts en régénération du Nouveau-Brunswick. Les résultats d’un relevé de répartition mené en 1995 de l’espèce dans le centre-nord et le nord-ouest de la province indiquent que 91 p. 100 des oiseaux repérés l’ont été dans des secteurs en régénération et seulement 9 p. 100 dans l’habitat type (Nixon, 1996). Plus de 84 p. 100 des oiseaux signalés durant ce relevé ont été trouvés dans des sites qui avaient été coupés à blanc au cours des cinq à vingt dernières années (Nixon, 1996). Sur l’île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, l’espèce est encore signalée surtout dans l’habitat typique, mais environ 25 p. 100 de la population semble vivre dans des zones en régénération (D. Busby, données inédites). Au Québec, Ouellet (1993; 1995) pense qu’un changement majeur s’est produit en ce qui a trait à la préférence de l’espèce en matière d’habitat (tableau 2). Cependant, Rompré et al. (1997) et Seutin (1998) soutiennent, en s’appuyant sur des relevés détaillés menés en 1997 et en 1998, que cette Grive utilise moins les forêts en régénération au Québec qu’ailleurs dans l’est du Canada.

Comme dans l’habitat traditionnel, l’espèce fréquente en général les peuplements en régénération situés en haute altitude. Au Nouveau-Brunswick et à l’île du Cap-Breton, la plupart des oiseaux repérés durant la période de préparation de l’atlas se trouvaient à des altitudes supérieures à 300 mètres (Erskine, 1992). Aucun des oiseaux signalés durant les relevés de répartition et d’habitat effectués de 1995 à 1997 ne se trouvait à moins de 426 mètres d’altitude (Nixon, 1996; Holmes et Nixon, 1997, données inédites), et la densité des populations augmentait de manière constante avec l’altitude (Holmes et Nixon, données inédites).

La Grive de Bicknell semble vivre dans des forêts en régénération dont la composition en essences varie légèrement. Au Québec et à l’île du Cap-Breton, elle est présente dans des peuplements en régénération dominés par le sapin baumier, accompagné de quelques épinettes, où l’on trouve aussi des feuillus (Prunus sp., Betula sp., Amelanchier sp., Acer spicatum, Populus sp. et Sorbus sp.), mais en moins grand nombre (Ouellet, 1993; Rompré et al., 1997; D. Busby, comm. pers.). Au Nouveau-Brunswick, les résultats du dénombrement des tiges dans les territoires de la Grive de Bicknell montrent que le bouleau à papier domine. En 1996 et en 1997, celui-ci représentait 48 et 44 p. 100 de l’ensemble des tiges, le sapin baumier 30 et 25 p. 100 et le cerisier de Pennsylvanie 15 et 22 p. 100 (Holmes et Nixon, 1997, données inédites).

En général, la Grive de Bicknell vit dans des forêts en régénération de faible hauteur moyenne. Au Québec, Ouellet (1995) constate que la hauteur des peuplements occupés par l’espèce est généralement inférieure à 10 mètres, ce qui correspond aux hauteurs mesurées à l’île du Cap-Breton (de 3 à 7 mètres; D. Busby, comm. pers.) et au Nouveau-Brunswick (de 2,1 à 5,9 mètres; Holmes et Nixon, 1997). La hauteur moyenne du couvert forestier dans 34 des 38 sites (89 p. 100) échantillonnés par Holmes et Nixon (1997) est d’au plus 4,3 mètres. Par ailleurs, les peuplements en régénération occupés par cette grive sont habituellement denses (Erskine, 1992) et rapprochés, avec des dhp moyens de 4 à 15 cm (Ouellet, 1993). Des arbres à petites tiges (diamètre inférieur à 2,5 cm) constituent 74 p. 100 de toutes les tiges des territoires de la Grive de Bicknell au Nouveau-Brunswick (Holmes et Nixon, données inédites).

Dans les peuplements en régénération, on observe aussi beaucoup de couvert végétal vertical qui, dans le nord du Nouveau-Brunswick, est formé de conifères serrés à branches basses, d’arbustaies d’érables à épis formant un tapis, de cornouillers (Cornus sp.), de cerisiers de Pennsylvanie et de sureaux, et de plantes basses comme le framboisier (Rubus sp.), la fougère-aigle et la dryoptéride (Pteridium acquilinum, Dryopteris sp.), l’aralie à tige nue (Aralia nudicaulis), ainsi que de hautes herbes (Nixon, 1996). L’épigée rampante, la clintonie boréale, le quatre-temps, le Lycopodium sp., le bleuet et le petit thé font partie des autres espèces de plantes courantes, dont beaucoup ont été mentionnées dans la section portant sur l’habitat type (Nixon, 1996; D. Busby, comm. pers.).

Au Québec, de récentes recherches indiquent clairement que ce ne sont pas toutes les forêts conifériennes ou les forêts mélangées en régénération situées en altitude qui conviennent à la Grive de Bicknell (Rompré et al., 1997; Seutin, 1998). Les caractéristiques précises des peuplements occupés par l’oiseau font encore l’objet d’études; cependant, une très forte densité d’arbres à quelques mètres du sol constitue probablement un des facteurs indispensables pour l’espèce (Seutin et Connolly, données inédites). Par ailleurs, la hauteur du peuplement (Holmes et Nixon, 1997; Seutin, 1998) et la composition en essences d’arbres (Seutin, 1998) sont peut-être d’autres facteurs importants.

Les mentions de la Grive de Bicknell dans les forêts en régénération au Québec et dans les Maritimes signifient peut-être que l’espèce est moins limitée par l’habitat au Canada qu’aux États-Unis. Actuellement, des forêts mélangées de seconde venue sont abondantes au Québec et dans le nord du Nouveau-Brunswick (E. Nixon, observation personnelle). Cependant, plusieurs raisons incitent à la prudence lorsqu’on présume que d’abondants habitats de seconde venue peuvent remplacer les habitats de nidification traditionnels. Premièrement, bien qu’il soit indéniable que la Grive de Bicknell fréquente les habitats en régénération durant la saison de nidification, aucune preuve ne permet d’établir le succès de nidification de l’espèce dans ces milieux; ceux-ci pourraient en fait constituer un puits pour cette grive. Deuxièmement, aucun indice de changement en faveur de l’habitat de seconde venue n’est décelé dans le nord-est des États-Unis. Il est possible que l’exploitation forestière intensive dans l’est du Canada et les infestations de la tordeuse de bourgeons de l’épinette aient considérablement réduit l’étendue de l’habitat type disponible pour cette grive au Canada, ce qui l’aurait forcée à utiliser un habitat de moindre qualité. Troisièmement, l’espèce semble choisir, à l’intérieur de cet habitat, des peuplements de caractéristiques structurales et d’âge précis (Holmes et Nixon, 1997; Seutin, 1998); ainsi, seule une partie des secteurs en régénération disponibles conviennent à la Grive de Bicknell à un moment donné. De plus, en raison de la nature transitoire de ces forêts, la quantité d’habitats convenables varie en fonction de l’espace et du temps, des calendriers de récolte et des pratiques sylvicoles.

Canada

Dans le sud du Québec, de vastes zones d’habitats, qui semblent de haute qualité, se trouvent dans la péninsule de Gaspé. De hauts pics caractérisent une grande partie de la région, notamment dans le nord-est de la péninsule; ils deviennent moins élevés et plus isolés à l’ouest de Rimouski. La côte nord du fleuve Saint-Laurent abrite aussi des habitats favorables à la Grive de Bicknell. Une bande de zones élevées longe la côte, de la ville de Québec, à l’ouest, jusqu’à Godbout, à l’est; on trouve aussi quelques zones élevées éparses à l’intérieur des terres. Cependant, des relevés détaillés menés en 1997 et en 1998 ont révélé que seule une partie de ces habitats est présentement utilisée par l’oiseau (Rompré et al., 1997, comm. pers). Dans l’extrême sud du Québec et dans la région de l’Estrie, on trouve de petits îlots d’habitats, situés sur quelques sommets de plus de 900 mètres d’altitude (à savoir le mont Mégantic, le mont Gosford et la montagne de Marbre).

Dans les provinces maritimes, les hautes terres les plus vastes et les plus continues sont situées dans les régions du centre-nord et du nord-ouest du Nouveau-Brunswick, où l’altitude varie le plus souvent de 200 à 500 mètres (figure 6). C’est là d’ailleurs que la plupart des Grives de Bicknell ont été signalées. Une région beaucoup plus petite de hautes terres (principalement de 200 à 500 mètres d’altitude) occupe l’angle sud-est de la province (hautes terres du comté d’Albert), mais on n’y a jamais signalé la présence d’une population de nicheurs (A.I. Erskine, comm. pers.).

En Nouvelle-Écosse, les sites de haute altitude se limitent à la partie continentale. On trouve quelques pics de plus de 300 mètres dans le nord (A.I. Erskine, comm. pers.) et dans une petite région de hautes terres, dans le sud-ouest, mais on n’y a jamais confirmé la nidification de la Grive de Bicknell. L’espèce fréquente aussi l’île du Cap-Breton, où elle profite d’une grande zone d’habitats favorables de haute altitude située dans le nord de la péninsule.

À l’Île-du-Prince-Édouard, il existe quelques habitats convenables dans l’extrémité nord; ce sont des forêts conifériennes exposées au vent et rabougries. Cependant, comme l’altitude est assez basse dans une grande partie de l’île, l’habitat ne convient pas à la Grive de Bicknell.

Comme au Québec, plusieurs régions des Maritimes semblent offrir des habitats favorables qui ne sont cependant pas occupés par cette grive (p. ex. les hautes terres du comté d’Albert au Nouveau-Brunswick, le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse et l’Île-du-Prince-Édouard). Il est possible que les facteurs limitatifs soient la superficie de l’habitat (A.I. Erskine, comm. pers.) ou son degré d’isolement par rapport à de plus vastes régions d’habitats favorables (McFarland, comm. pers.), et non pas l’altitude. Il se peut aussi que les îlots d’habitat soient trop isolés ou trop petits pour soutenir une nidification autre que sporadique. Malgré l’absence de données sur l’impact de la fragmentation de l’habitat ou de l’isolement de l’espèce, Atwood et al. (1994) ont constaté que la Grive de Bicknell était moins fréquente sur les hauts massifs (≥ 914 mètres d’altitude) de la Nouvelle-Angleterre et de l’État de New York dont la superficie de terrain estimée est inférieure à 5 km2, que sur de plus grosses montagnes offrant un habitat semblable. L’espèce n’en a pas moins été signalée sur 83 p. 100 (n = 76) des montagnes d’une superficie de terrain inférieure à 5 km2 à une altitude de ≥ 914 m qui ont fait l’objet de relevés.

Nord-est des États-Unis

Dans le Maine, l’habitat favorable à la Grive de Bicknell se trouve sur plusieurs pics montagneux épars et isolés, situés surtout dans le sud-ouest, près de la frontière du New Hampshire (Allen, 1898; Wallace, 1939), et se prolonge vers le nord en direction du Baxter State Park (Atwood et al., 1994). Il existe aussi certaines régions côtières où les conditions météorologiques rigoureuses ont produit des forêts dont la structure est semblable à celles de haute altitude (Atwood et al., 1994). On trouve aussi des pics dispersés dans le nord du New Hampshire, où la plupart des habitats favorables sont concentrés dans les montagnes Blanches, au centre de l’État (Faxon et Allen, 1888; Wallace, 1939; Atwood et al., 1994). Au Vermont, l’habitat de nidification se limite aux montagnes Vertes (Davenport, 1903; Wallace, 1939), qui forment une bande étroite de pics s’étendant au centre de l’État, du Canada au Massachusetts, et aux monts Taconiques dans le sud-ouest de l’État (Atwood et al., 1994). Dans l’État de New York, les bons habitats de nidification sont situés dans les Adirondacks au nord, et dans les monts Catskill au sud (Wallace, 1939; Palmer, 1949; Peterson, 1988; Marshall et Clapp, manuscrit inédit). Au Massachusetts enfin, l’habitat favorable semble extrêmement isolé et limité à un seul pic du nord-ouest de l’État (Wallace 1939; Atwood et al., 1994).

Aires de nidification

Au Canada, d’importantes infestations de tordeuses des bourgeons de l’épinette (Choristoneura fumiferana) ont fortement altéré l’habitat de la Grive de Bicknell au Québec et dans les Maritimes au cours du siècle dernier. L’est des États-Unis a aussi été touché, surtout le Maine, mais dans une moindre mesure que le Canada (Hardy et al., 1986). Les infestations se produisent de manière cyclique dans les forêts d’épinettes et de sapins, où cette chenille vorace se nourrit de sapins baumiers et d’épinettes blanches, rouges et noires (Kettela, 1983). Durant la dernière infestation, le ravageur a causé des dommages particulièrement graves à l’habitat de nidification traditionnel. À son point culminant (1975), l’infestation touchait entre 57 millions d’hectares (Kettela, 1983) et 72 millions d’hectares (Hardy et al., 1986) de régions boisées dans l’est du Canada et des États-Unis (figure 8). L’année suivante, trois millions d’hectares étaient couverts de grands volumes d’arbres morts ou mourants (Kettela, 1983). Les infestations et la mortalité des épinettes et des sapins ont été particulièrement marquées dans l’île du Cap-Breton, région renfermant d’excellents habitats de nidification pour la Grive de Bicknell, et au Québec, notamment dans la péninsule de Gaspé, où 10,2 millions d’hectares contiennent d’importants volumes d’arbres morts ou mourants en 1981.

Les populations de tordeuses ont atteint un point culminant en 1975, pour diminuer par la suite. Cependant, la tordeuse est toujours considérée comme le pire ravageur forestier en Amérique du Nord, que son impact soit mesuré par le taux de mortalité des arbres, le nombres d’hectares infestés ou la fréquence et la durée des infestations (Hardy et al., 1986). Par ailleurs, la fréquence, la durée et la gravité des infestations augmentent depuis le début du XXe siècle (Bailey, 1924; Blais, 1983; Hardy et al., 1986), l’infestation la plus récente étant aussi la plus étendue (Kettela, 1983). Néanmoins, Erskine (1992) conclut que les populations de Grives de Bicknell des Maritimes n’ont pas vraiment été touchées par les dommages causés par la tordeuse. Au Québec, R. Ouellet (comm. pers.) lie cependant la présence de l’oiseau dans de jeunes forêts de seconde venue aux dommages causés par l’insecte; ainsi, la destruction de grands habitats d’épinettes et de sapins durant l’infestation la plus récente a peut-être forcé la grive à gagner des jeunes forêts en régénération. Bien qu’on ne connaisse pas pour l’instant les incidences de l’exploitation forestière sur la Grive de Bicknell, des opérations forestières à grande échelle sont en cours dans d’importantes aires de nidification, comme la péninsule de Gaspé et des régions au nord du Saint-Laurent, les hautes terres du centre-nord et du nord-ouest du Nouveau-Brunswick et à l’île du Cap-Breton. Au Nouveau-Brunswick, les habitats de haute altitude se trouvent pratiquement tous sur des terres visées par les permis de coupe. On pratique partout la coupe à blanc, et certains pics sont quasiment dénudés (E. Nixon, observation personnelle).

La présence de la Grive de Bicknell dans des peuplements en régénération pourrait témoigner d’une plus grande adaptabilité de l’espèce, de l’utilisation d’une niche écologique plus large que prévu, ou encore, d’un changement d’habitat (Ouellet, 1993). Cependant, en se fondant sur les données actuelles, on pense que l’oiseau choisit son habitat en fonction de caractéristiques très précises à l’intérieur des forêts aménagées. Selon un relevé mené au Québec en 1997, les oiseaux ont quitté les sites récemment éclaircis au cours d’opérations forestières (Rompré et al, 1997; Seutin, 1998). Comme les opérations d’éclaircie sont pratique courante en foresterie dans l’est du Canada, elles ne peuvent que réduire le nombre d’habitats favorables pour l’espèce.

La répartition des habitats en régénération favorables, qui ne peut que varier dans l’espace et dans le temps, constitue une autre menace potentielle pour la Grive de Bicknell. Au Nouveau-Brunswick, où l’espèce est présente presque exclusivement dans les peuplements en régénération, B. Donovan, gestionnaire de l’environnement forestier dans une entreprise de pâtes et papiers exploitant les hautes terres, prédit que la répartition par âge inégale des forêts industrielles va entraîner une diminution des jeunes peuplements denses en régénération au cours des prochaines décennies. Cela s’est d’ailleurs déjà produit dans certaines parties du Québec (p. ex. dans des secteurs du parc des Laurentides). Par conséquent, même si la jeune régénération est abondante pour le moment, sa nature transitoire pourrait nécessiter l’adoption de pratiques d’aménagement forestier précises à l’avenir si l’on veut garder suffisamment d’habitats pour la Grive de Bicknell, en particulier au Nouveau-Brunswick.

Aux États-Unis, où l’habitat se limite aux hautes altitudes, l’exploitation forestière ne contribue pas vraiment à la dégradation de l’habitat. Vu leur inaccessibilité, il est même peu probable qu’on puisse un jour exploiter les forêts dans ces zones. D’autres menaces n’en pèsent pas moins sur ces habitats de haute altitude. En Nouvelle-Angleterre (sauf peut-être dans le Maine) et dans l’État de New York, la qualité de l’habitat pourrait en effet s’être détériorée de manière constante au cours des 30 à 40 dernières années (Marshall in Erskine, manuscrit inédit). Des études révèlent que les effets directs et indirects des dépôts atmosphériques sont la principale cause du dépérissement des forêts (Vogelmann, 1982; Rimmer et McFarland, 1994). Bien que les incidences de ces dépôts, en particulier sous forme de précipitations acides, soient plus évidentes dans les habitats de la Grive de Bicknell du nord-est des États-Unis, elles pourraient se faire sentir dans toute l’aire de nidification de l’espèce (Vogelmann, 1982).

Les forêts de haute altitude (> 800 mètres) sont particulièrement vulnérables aux effets des dépôts atmosphériques en raison des grandes concentrations acides transportées par l’humidité des nuages, qui constituent la principale source de précipitations dans ces régions (Vogelmann et al., 1968). Ces forêts reçoivent en outre de plus grandes quantités de pluie et de brouillard que les régions basses. Dans les montagnes Vertes du Vermont, les forêts situées à des altitudes de 1 067 à 1 372 mètres reçoivent deux fois plus de précipitations annuelles que celles qui sont situées en basse altitude (122 mètres), seulement 50 km plus loin, ce qui signifie qu’elles reçoivent une charge acide deux fois plus élevée (Vogelmann, 1982). Dans les États du nord-est, on estime que la pluie est au moins de 30 à 40 fois plus acide qu’à l’époque pré-industrielle (Vogelmann, 1982). Par ailleurs, les régions montagneuses sont exposées plus souvent à d’autres polluants atmosphériques, comme le plomb, le zinc, le cuivre, le vanadium et le cadmium, qui font tous partie des métaux lourds toxiques pour les plantes.

Depuis les années 1960, on signale de graves déclins de l’épinette rouge, qui fait partie intégrante de l’habitat de nidification de l’espèce dans le nord-est de l’Amérique du Nord; ainsi, on observe souvent des arbres morts et des cimes endommagées dans les montagnes Vertes au Vermont, dans les montagnes Blanches au New Hampshire, dans les Adirondacks de l’État de New York, dans les Laurentides au Québec et dans les Appalaches, au sud, jusqu’en Virginie-Occidentale (Siccama, 1974; Siccama et al., 1982; Vogelmann, 1982; Foster et Reiners, 1983; Battles et al., 1992). Une augmentation du taux de mortalité des individus est évidente dans toutes les classes de taille, et le faible taux de reproduction aggrave la situation (Siccama et al., 1982). Sur un des pics des montagnes Vertes, on a mesuré un taux de mortalité de près de 50 p. 100 pour les épinettes entre 1965 et 1982 (Vogelmann, 1982), les épinettes de haute altitude et poussant sur des pentes exposées au vent affichant une mortalité très élevée. De plus, la production de semis a chuté de 50 p. 100, et il y a peu de régénération en épinettes. Dans les montagnes Blanches du New Hampshire, on a observé, dans une forêt échantillonnée à proximité des forêts expérimentales du Hubbard Brook, un déclin de la densité des semis, qui est passée de 117 tiges/hectare en 1965 à 33 tiges/hectare en 1977 (Siccama et al., 1982). Les arbres plus gros sont aussi touchés, leur densité passant de 45 à 40 tiges/hectare.

Les taux de mortalité du sapin baumier sont élevés aussi (Miller-Weeks et Smoronk, 1993); or, cet arbre constitue un autre élément essentiel de l’habitat de nidification de la Grive de Bicknell. Sur le Camel's Hump, au Vermont, Siccama et al. (1982) ont constaté que le sapin baumier, essence dominante à cet endroit, ne colonise pas l’espace libéré par la mort des épinettes. Non seulement le nombre de sapins morts ou mourants est relativement élevé, mais leur taux de croissance générale diminue aussi.

Par ailleurs, le réchauffement planétaire, qui devrait avoir un impact très fort sur les écosystèmes de climats plus froids ou de haute altitude, pourrait modifier la composition et la structure des forêts subalpines. Dans les aires de nidification de climat tempéré, on prévoit que la température va augmenter de 3 °C dans le sud de l’Amérique du Nord à 9 °C dans les latitudes nordiques (Davis et Botkin, 1985). Bien que le réchauffement planétaire ne soit pas encore une menace concrète, même de faibles variations de température et d’humidité du sol pourraient changer les forêts montagneuses qui sont liées à un climat plus froid. À l’aide de simulations par ordinateur, Davis et Botkin (1985) ont calculé qu’une augmentation de 2 °C de la température annuelle moyenne pourrait entraîner le remplacement des épinettes rouges par des arbres feuillus.

Les communautés de la limite des arbres sont peut-être particulièrement vulnérables aux changements climatiques. Contrairement à d’autres communautés, qui devraient réagir plus tard à ces changements, on s’attend à ce que les habitats de la limite des arbres y réagissent extrêmement rapidement (Davis et Botkin, 1985). Dans le passé, une tendance au réchauffement de seulement 0,6 °C entre 1880 et 1950 a eu pour effet de hausser la limite des arbres en Laponie et d’agrandir l’aire de répartition des arbres feuillus dans le sud de la Finlande (Erkamo, 1952; Davis et Botkin, 1985). En moyenne et haute altitudes, des températures atteignant 23 °C qui ont régné durant la dernière période interglaciaire (voilà environ 120 000 à 80 000 ans) ont favorisé l’expansion des forêts décidues, qui se sont grandement étendues au nord dans des régions présentement occupées par des forêts mélangées de conifères et de feuillus (Hohn, 1980; Warrick et al., 1986). Durant une période où le réchauffement a été moins marqué (environ 1 °C, voilà 1 200 à 800 ans), les forêts boréales du Canada se sont étendues bien au nord de l’actuelle limite de la forêt commerciale (Lamb, 1977).

Parmi les autres menaces qui pèsent sur les habitats, mentionnons l’utilisation intensive du territoire par les amateurs de plein-air comme les randonneurs pédestres et les cyclistes, l’aménagement de stations de ski et la construction de tours de communications et de pylônes hertziens (Rimmer et al., 1993). De plus, s’ils venaient à se multiplier dans l’avenir, les projets d’installations éoliennes pourraient nuire aux habitats de la Grive de Bicknell (C. Rimmer, comm. pers.).

Aires d’hivernage

En République dominicaine et en Haïti, le déboisement et la conversion des terres continuent à réduire rapidement le nombre de forêts de feuillus des montagnes, qu’utilise la Grive de Bicknell (Rimmer et al., 1998). En Haïti, on estime que le taux annuel de déboisement est de 3,7 p. 100 et que seulement 2 à 5 p. 100 du paysage est encore boisé (Rappole, 1995). En République dominicaine, les inventaires forestiers de 1980 révèlent qu’il ne reste plus que 14 p. 100 des forêts de feuillus indigènes (Ottenwalder, 1989; Anonyme, 1995) et que le taux de déboisement est de 0,6 p. 100 (Rappole, 1995).

Les hautes terres sont particulièrement vulnérables à la conversion à des fins agricoles (Terborgh, 1977, 1980). Terborgh (1980) mentionne qu’entre 1 000 et 2 000 mètres d’altitude, le terrain est particulièrement dénudé en République dominicaine. Cette situation est préoccupante, car la Grive de Bicknell vit à des altitudes de 1 676 à 1 829 mètres selon de récentes études menées sur le terrain dans ce pays (Rimmer et McFarland, 1995).

Comme il y a davantage d’habitats de nidification que d’habitats d’hivernage, les nombreux migrateurs néotropicaux se retrouvent en plus grande densité dans ces derniers (Terborgh, 1980). Cette concentration peut grandement amplifier les effets de la perte d’habitats, et Terborgh (1980) estime que la conversion d’un hectare de forêts dans les néotropiques peut équivaloir à la perte de 5 à 8 hectares de forêts dans l’aire de nidification. Il en conclut que les espèces comme la Grive de Bicknell, qui se concentrent dans les forêts vierges des hautes terres néotropicales ou qui les utilisent, seront les premières à subir la forte pression liée à la perte d’habitats, et pense sérieusement qu’il pourrait manquer d’habitats pour de nombreux migrateurs néotropicaux d’ici la fin du siècle. Ces conclusions sont appuyées par Rimmer et al. (1998), qui ont prédit la perte de la section est de la forêt en République dominicaine d’ici deux à trois ans, et émis l’hypothèse selon laquelle la fragmentation de plus en plus grande de l’habitat pourrait réduire encore plus rapidement la capacité des fragments de forêt à abriter des oiseaux chanteurs des forêts.

Au Canada, de petites parties de l’aire de nidification confirmée et potentielle de la Grive de Bicknell sont situées dans les limites de parcs provinciaux et fédéraux, dont le parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton (dans l’île du Cap-Breton), le parc provincial Mont Carleton et le parc national Fundy au Nouveau-Brunswick, le parc national Forillon, la réserve faunique des Chics-Chocs, le parc de conservation de la Gaspésie et la réserve Matane dans la péninsule de Gaspé et, dans le sud du Québec, plusieurs parcs et réserves dispersés, allant du mont Mégantic en Estrie au parc des Grands-Jardins dans Charlevoix. Or, l’exploitation forestière et/ou les activités minières sont permises dans certains de ces parcs et/ou réserves.

En Nouvelle-Angleterre et dans l’État de New York, l’habitat de nidification de la Grive de Bicknell est principalement situé dans des forêts nationales et des forêts de l’État, notamment le Baxter State Park dans le Maine, la Green Mountain National Forest au Vermont, la White Mountain National Forest au New Hampshire (qui s’étend aussi de l’autre côté de la frontière du Maine) et la Catskill Forest Park dans l’État de New York. Par ailleurs, les zones de haute altitude du Vermont (> 762 mètres) sont quelque peu protégées en vertu de la Loi 250, loi de l’État régissant l’occupation des terres et exigeant un rigoureux processus de révision des plans d’aménagement pour les terres situées à plus de 762 mètres (Kibbe, 1985; C. Rimmer, comm. pers.). Dans l’État de New York, les Adirondacks sont situés dans des terres protégées par l’État, et le camping est interdit sur les pics de plus de 1 219 mètres d’altitude (Peterson, 1988).

Alors que 10 p. 100 du paysage de la République dominicaine et 0,3 p. 100 de celui d’Haïti sont en partie protégés à des fins de conservation (Rappole, 1995; SEA-DED, 1990), les activités comme la récolte de bois et le déboisement de terres agricoles n’ont pas diminué. Selon des observations effectuées en 1995 dans le parc nationaI Sierra de Neiba, environ 30 à 40 p. 100 des terres y étaient déboisées; en 1997, c’est-à-dire deux ans après l’établissement des frontières du parc, ce pourcentage avait atteint de 70 à 80 p. 100 (Rimmer et al., 1998). Les zones du parc situées à moins de 1 600 mètres d’altitude ont été complètement déboisées (C. Rimmer, comm. pers.).

Ce n’est qu’en 1995 que la Grive de Bicknell a été décrite comme espèce distincte (AOU, 1995). Avant cette date, elle était considérée comme une sous-espèce du sud de la Grive à joues grises (Catharus minimus), plus largement répandue (Wallace, 1939; 1949; AOU, 1957).

La Grive de Bicknell a été signalée pour la première fois en 1881 dans les monts Catskill de l’État de New York (Bicknell, 1882; Ridgway, 1882). On considérait à l’époque qu’elle formait une des trois populations de Grives à joues grises, en se fondant sur des différences phénotypiques et sur l’isolement géographique : le Catharus minimus aliciae, répandu dans la forêt boréale, du nord-est de la Sibérie jusqu’au Labrador; le C. m. minimus, trouvé seulement à Terre-Neuve; et le C. m. bicknelli (Ridgway, 1882; Wallace, 1939; 1949; Godfrey, 1986; Ouellet, 1993).

Des données sérieuses incitent cependant à reconnaître la Grive de Bicknell comme une espèce distincte (Seutin, 1991; Ouellet, 1993). Sur le plan génétique, elle est en effet très différente de C. minimus, dont les deux formes occupent des aires de nidification et d’hivernage complètement distinctes et dont le chant n’est pas le même. La Grive de Bicknell ne réagit pas aux enregistrements des chants des sous-espèces minimus et aliciae qui ont été diffusés durant la saison de reproduction, ce qui témoigne de son isolement géographique (Ouellet, 1991, 1993). On ne connaît par ailleurs aucun cas de chevauchement ni d’hybridation entre bicknelli, aliciae ou minimus (Ouellet, 1993).

La Grive de Bicknell est plus petite que C. minimus, la longueur moyenne de son aile étant plus courte de 10 mm (Wallace, 1939; Ouellet, 1993). Il est parfois difficile de distinguer bicknelli et minimus, étant donné que l’aile du plus gros mâle bicknelli et celle de la plus petite femelle minimus ont parfois la même longueur et qu’il n’y a pas de différences de plumages intersexuelles (Wallace, 1939). Dans l’ensemble, la Grive de Bicknell est généralement plus brune qu’aliciae et minimus (Ouellet, 1993), même si bicknelli se caractérise par deux phases de coloration déterminées par la géographie. Au Québec et dans les Maritimes, l’espèce se distingue par une phase de couleur grisâtre ou olive et, dans le sud de la Nouvelle-Angleterre et l’État de New York, par une phase de couleur brunâtre. Compte tenu de ces variations de couleur, la Grive de Bicknell est décrite comme un oiseau à gorge chamois, dont le dessus, d’un brun riche, contraste avec la queue de couleur marron uni; le bec, fin, est muni d’une mandibule jaune (Ridgway, 1882; Wallace, 1939; Ouellet, 1993).

Les renseignements relatifs à la biologie de la nidification sont rares et, lorsqu’ils sont disponibles, sont souvent fondés sur des échantillons de petites tailles. Selon Tufts (voir Thayer, 1907), le nid de la Grive de Bicknell est le plus difficile à trouver parmi tous les nids de petits oiseaux présents en nombre égal dans une région donnée. Rimmer et McFarland (1996) n’ont réussi à trouver que 14 nids occupés ou récemment occupés au cours de recherches systématiques de nids menées de 1992 à 1995. L’étude de Wallace (1939), la plus substantielle à avoir été menée à ce jour sur la biologie de la nidification de la Grive de Bicknell, n’est fondée que sur 13 nids.

L’espèce niche au-dessus du sol et construit des nids volumineux, bien structurés, dans des épinettes et des sapins de petite ou de moyenne taille (Thayer, 1907; Wallace, 1939; 1949; McFarland et Rimmer, 1996) et parfois dans des aulnes ou des bouleaux (Wallace, 1949; fiches de nidification des Provinces maritimes [NPM]) et rarement dans des érables de Pennsylvanie (Acer pensylvanicum; Aubry, comm. pers.). Il s’agit de petits arbres, de 1,8 à 7,2 mètres de hauteur, à dhp de 1 à 19,1 cm (n = 18; McFarland et Rimmer, 1996). Les nids sont assez près du sol (de 1 à 4,3 mètres au-dessus du sol; McFarland et Rimmer, 1996), bien que Tufts (Macoun et Macoun, 1909) mentionne en avoir trouvé deux à des hauteurs de 4,5 mètres et de 7,6 mètres au-dessus du sol en Nouvelle-Écosse.

La construction du nid commence peu de temps après l’arrivée des oiseaux dans l’aire d’hivernage, c’est-à-dire entre le début de juin et la mi-juin. La plupart des premiers nids à être construits sont terminés à la mi-juin. Au Vermont, on a observé des oiseaux qui construisaient la base de leur nid dès le 4 juin et le 6 juin; les travaux de construction d’un nid partiellement terminé auraient même commencé plus tôt. On a par ailleurs signalé que certains nids étaient terminés dès le 8 juin.

Au Vermont, Wallace (1939) a observé la ponte entre le 9 et le 25 juin. Au Nouveau-Brunswick, c’est souvent entre le 14 et le 29 juin qu’on trouve des nids contenant des œufs (fiches NPM). Dans l’île Seal, on en a trouvé le 3 juin (Wallace, 1939) et les 13 et 14 juin (Tufts, 1986). On en a aussi trouvé du 12 au 14 juin en Nouvelle-Écosse (fiches NPM), du 8 juin au 21 juillet au Québec (Y. Aubry, comm. pers.), et le 18 juin au Massachusetts (Veit et Petersen, 1993). On a mentionné la présence d’oisillons dans les nids dès le 19 et le 23 juin (Tufts, 1986). Il n’existe aucune preuve de double couvée, mais Wallace (1949) pense que les œufs pondus après la mi-juin sont peut-être le résultat de tentatives précédentes de nidification ayant échoué.

Les couvées comptent de 3 à 4 œufs bleu vert, légèrement tachetés de brun, qui sont couvés par la femelle. L’incubation commence au moment où le troisième œuf est pondu (Wallace, 1939).

La femelle se charge généralement de la couvaison seule et, peut-être en raison des conditions climatiques extrêmes des endroits où l’espèce niche, la couvaison est plus fréquente et plus intense que chez d’autres passereaux (Wallace, 1939). Durant les six ou sept jours suivant la ponte, la femelle consacre un tiers à plus de la moitié des heures de clarté à couver les jeunes (Wallace, 1939).

En général, le succès de nidification semble assez faible. Dans neuf des treize nids surveillés par Wallace (1939), la mortalité a été totale. Le succès d’envol a été partiel dans deux autres nids et complet dans deux autres. Sur 45 œufs, 11 jeunes se sont envolés du nid, ce qui représente un succès de nidification de moins de 25 p. 100. La mortalité des œufs et des oisillons est attribuable à la prédation (7 nids), à l’abandon des nids (1 nid) et à la maladie (1 nid). McFarland et Rimmer (1996) ont aussi constaté que le succès de nidification était faible. Des 21 nids repérés, seulement 9 ont eu du succès. Les autres ont été pillés par des prédateurs (4), abandonnés (3), ou détruits par le mauvais temps (2) ou des circonstances inconnues (1); deux n’ont jamais été occupés durant la période d’observation, et on n’en connaît donc pas la situation. Huit des dix-huit nids occupés (44,4 p. 100) ont produit des jeunes oiseaux prêts à s’envoler. Le succès de nidification de Mayfield a été établi à 26 p. 100.

Les deux parents nourrissent les oisillons, dont la nourriture est en grande partie constituée de chenilles, de fourmis, de guêpes et d’autres hyménoptères, de coléoptères, de criquets immatures, de mouches et de noctuelles et d’autres papillons de nuit. Durant l’été, les oisillons et les adultes se nourrissent presque exclusivement de matières animales, mais deviennent partiellement frugivores à la fin de l’été et en automne, ajoutant à leur régime des baies de cornouiller, de belladonne, d’épine-vinette, de benjoin, de raisin sauvage, de vigne vierge commune et de sumac grimpant (Brewster, 1906; Wallace, 1949).

En général, les jeunes sont prêts à quitter le nid à l’âge de 10 à 13 jours (moyenne 11 jours) (Wallace, 1939; Ouellet, 1995). Les oisillons sont capables de voler à l’âge de 11 à 13 jours (Wallace, 1949), mais ils demeurent avec leurs parents, qui les nourrissent, durant plusieurs autres jours après l’envol.

Rimmer et McFarland (1995) ont mené des études préliminaires sur la survie et ont estimé que le taux de survie combiné pour les femelles et les mâles était de 36,3 à 53,6 p. 100 (ce calcul exclut la mortalité des juvéniles).

Au printemps, la Grive de Bicknell arrive relativement tard dans son aire de nidification. Au Canada, les dates d’arrivée vont en général de la fin de mai au début de juin. Dans le sud de l’Ontario, où elle figure sur la liste des migrateurs rares (James, 1991), l’espèce a été observée le 24 mai 1892, le 2 juin 1892 et le 4 juin 1927 (Wallace, 1939). Dans Charlevoix, au Québec, on peut la capturer au filet japonais durant la dernière semaine de mai et la première semaine de juin (R. Ouellet, comm. pers.). Dans le nord du New Hampshire, on a aperçu l’espèce au sommet de pics montagneux le 30 mai et le 1er juin (Nixon, 1996), et il se peut que certains oiseaux arrivent plus tôt.

Aux États-Unis, la Grive de Bicknell quitte son aire d’hivernage pour gagner les États du sud au début de mai; les premières mentions de sa présence sur le continent sont datées du 2 mai en Caroline du Sud, et du 3 mai sur la côte nord de la Floride (Wallace, 1949). L’espèce continue vers le nord en longeant la côte et arrive à Washington (D.C.) vers la mi-mai, et dans le sud de la Nouvelle-Angleterre durant les deux dernières semaines de mai. Sur tous les spécimens examinés par Wallace (1939; 1949), dix-huit avaient été récoltés entre le 20 et le 30 mai, cinq avant le 20 mai (un dès le 15 mai) et un le 11 juin.

Des oiseaux revenant du Sud ont été signalés sur le mont Moosilauke, au New Hampshire, à compter du 25 au 30 mai (Faxon in Allen, 1902) et, dans le passé, sur le mont Greylock, au Massachusetts, à compter du 28 au 30 mai (Wallace, 1949). Les neiges persistantes, en particulier sur les hauts pics des États-Unis, peuvent influer sur les dates d’arrivée. Durant le printemps tardif de 1935, peu de Grives de Bicknell sont arrivées sur le mont Mansfield avant le 27 mai. Les populations avaient cependant atteint leur maximum dès le 31 mai, leur arrivée coïncidant avec un dégel printanier. Au Vermont, la Grive de Bicknell est décrite comme une des dernières grives à revenir du Sud, et des migrateurs ont été trouvés à basse altitude au début de juin (Kibbe, 1985). On a toutefois capturé des oiseaux au filet japonais sur des pics dès le 16 mai (K. McFarland, comm. pers.) et dès le 17 mai (C. Rimmer, comm. pers.), alors qu’il restait encore des plaques de neige sur un des pics.

La Grive de Bicknell prépare sa migration automnale au début de septembre; elle devient plus active, émet fréquemment des cris forts, chante et se met à chanter en vol (Wallace, 1939; J. Marshall, comm. pers.; C. Rimmer, comm. pers.). Marshall (comm. pers.) a entendu chanter l’oiseau à Percé, au Québec, entre le 17 et le 19 septembre, sans qu’il y ait signe de mouvement migratoire. Sur la rive nord du Québec, R. Ouellet (comm. pers.) affirme que cette grive quitte les lieux entre la troisième semaine de septembre et la deuxième semaine d’octobre. Il existe peu de mentions de migrateurs au Nouveau-Brunswick, bien qu’on y ait signalé la présence d’un migrateur le 27 septembre 1978 (Christie, 1980).

Dans le nord-est des États-Unis, Wallace (1939) constate que la Grive de Bicknell est toujours commune le 10 septembre sur le mont Mansfield, au Vermont, seulement quelques individus ayant commencé à migrer, sinon aucun. L’espèce est encore présente le 15 septembre dans l’aire de nidification au New Hampshire (Allen, 1902), et on l’entend encore crier le 20 septembre sur le mont Abraham, dans le Maine (Sweet, 1906). Sur le mont Katahdin, dans le Maine, Marshall (comm. pers.) a trouvé des individus qui chantaient et sont demeurés dans le territoire jusqu’au 1er septembre 1994. Au Massachusetts, la mention la plus hâtive de migration date du 18 septembre (Wallace, 1939). Selon les données disponibles, le mouvement migratoire est plus concentré à la toute fin de septembre et au début d’octobre (voir Wallace, 1939). Au Massachusetts, l’espèce figure sur la liste des migrateurs très peu communs (Veit et Petersen, 1993), et la plupart des migrateurs sont vus de la fin de mai jusqu’au début de juin, et de la fin de septembre jusqu’à la mi-octobre.

Même si Bent mentionne que la Grive de Bicknell se comporte de manière audacieuse et qu’elle est « fort amicale » et même si Torrey la trouve si abondante et bruyante qu’elle constitue presque une nuisance (Wallace, 1939), cela va à l’encontre du consensus général. Wallace (1939) décrit la femelle comme étant facile à approcher et très peu craintive au nid, mais extrêmement fuyante durant la période de nidification. « Habituellement, ...on aperçoit seulement une forme brun olivâtre qui se cache rapidement et qu’on perd de vue... » (Wallace, 1949). Selon lui, le mâle et la femelle sont en général prudents, facilement effrayés et méfiants. Pour Brewster (voir Wallace, 1939), la Grive de Bicknell est le plus timide des petits oiseaux durant la saison de reproduction; on peut passer des heures dans un abri, sans voir un seul individu. De plus, bien que Howell mentionne l’avoir entendu sur le mont Mansfield, cette grive est tellement timide qu’elle y a été observée moins de douze fois (voir Wallace, 1939). Selon Wallace (1939), la rareté des données sur la Grive de Bicknell est surtout attribuable à son comportement; sa timidité et son caractère solitaire, son habitude de nidifier seulement dans les endroits les plus inaccessibles et son silence presque ininterrompu durant la plus grande partie de l’année ont fait que les caractéristiques concernant sa taxinomie, sa répartition et son cycle vital sont restés si longtemps nimbées de mystère, qu’elle a été considérée à juste titre comme un des passereaux les moins connus de l’Amérique.

Dans le nord-est des États-Unis, la période de chant la plus intense va de la fin de mai à la mi-juin, pendant le pic de la pariade et de l’accouplement et avant la couvaison (p. ex. Rimmer et al., 1996; Rompré et al., 1997). Dans l’est du Canada, la pariade et l’accouplement commencent vraisemblablement quelques jours plus tard. C’est à ce moment qu’on entend l’oiseau chanter de manière sporadique durant la journée, parfois à compter des heures qui précèdent l’aube (avant 3 heures sur le mont Mansfield et avant 3 h 30 ou 4 h au Québec et dans l’est du Canada). Le chant continue durant environ au moins une demi-heure après le coucher du soleil et se termine à la noirceur.

Le cycle de chant quotidien est extrêmement variable et a fortement contribué à la rareté des données sur la population. Même si l’oiseau chante généralement davantage à l’aube et au coucher du soleil, et de manière souvent plus intense au coucher du soleil, R. Ouellet (comm. pers.) a constaté que la durée et la fréquence du chant sont largement liées aux conditions météorologiques, les plus favorables étant un temps chaud, humide et sans vent. Cependant, même dans pareil cas, le chant est de courte durée. Certains matins, il peut durer de 15 à 20 minutes (C. Rimmer, comm. pers.) et même 30 minutes (R. Ouellet, comm. pers.), et se faire entendre principalement d’une demi-heure avant à deux heures après le lever du soleil au Québec (Rompré et al., 1997) et au Nouveau-Brunswick (Nixon et Holmes, données inédites). L’oiseau continue parfois à chanter un peu plus longtemps à la tombée de la nuit (C. Rimmer, comm. pers.), des groupes d’oiseaux chantant à l’occasion plus d’une heure de suite (Nixon, observation personnelle).

La Grive de Bicknell continue à chanter durant la période de ponte, mais le chant diminue rapidement à la mi-juin, au moment où commence la couvaison. Sans cesser complètement, il devient irrégulier durant la ponte et la couvaison. Chose curieuse, on a signalé que certaines femelles au nid chantaient durant tout le cycle de nidification (Wallace, 1939). Cela n’a toutefois pu être confirmé, surtout parce qu’il est difficile de distinguer les mâles des femelles sur le terrain; les opinions sont par ailleurs partagées quant à la vraisemblance de cette observation (A.J. Erskine, comm. pers.; J. Marshall, comm. pers.;R. Ouellet, comm. pers.). Si le phénomène était confirmé, cela pourrait avoir des répercussions sur les données des recensements antérieurs et sur les méthodes de recensement actuelles.

On a surtout attribué les chants sporadiques entendus à la fin de juin aux oiseaux qui effectuent une nouvelle ponte à la suite de l’échec de la première nidification. Après que les jeunes se sont envolés pour la première fois, les chants s’intensifient encore durant environ une semaine au début de juillet (Wallace, 1939), puis diminuent pendant le mois d’août jusqu’à ce les oiseaux se taisent presque complètement, ce qui correspond à la période de mue postnuptiale. Au début de septembre, on entend encore des chants peu fréquents durant les activités prémigratoires. Marshall (comm. pers.) décrit l’espèce comme « très vocale » à ce moment et souligne que c’est une excellente période pour recenser les populations. Selon Rimmer (comm. pers.) toutefois, ce sont les trois premières semaines de juin qui sont la meilleure période pour recenser la Grive de Bicknell. En 1992, Marshall (comm. pers.) a constaté que les chants d’automne (et les chants en vol) sur le mont Mansfield ont atteint leur point culminant entre le 28 août et le 7 septembre. Dans l’est du Canada, ce pic peut être devancé de quelques jours.

Plusieurs menaces pèsent sur les populations de la Grive de Bicknell. Au Canada, beaucoup d’habitats sont situés dans des forêts industrielles, ce qui est source de préoccupation vu le caractère peu concluant des données sur les effets des opérations forestières sur l’espèce. Au Nouveau-Brunswick, presque tous les habitats de haute altitude se trouvent sur des terres à vocation industrielle, dont la plupart en sont à divers stades de régénération après la coupe à blanc (Nixon, observation personnelle). De plus, les activités d’exploitation forestière sont très courantes à l’île du Cap-Breton, où on estime que 25 p. 100 de la population de cette grive vit, et au Québec.

La présence de l’espèce dans les secteurs en régénération soulève plusieurs questions liées aux pratiques d’exploitation forestière et à leurs conséquences sur les habitats. Premièrement, il se peut que l’habitat en régénération soit suboptimal et qu’il constitue un puits pour l’espèce (Seutin, 1998). Deuxièmement, au Québec, l’espèce quitte les forêts en régénération qui ont subi une éclaircie précommerciale (Rompré et al., 1997; Seutin, 1998). Elle peut aussi se trouver en plus faibles densités dans des zones d’éclaircies au Nouveau-Brunswick, où elle semble préférer des densités de tiges élevées de la classe de taille de 5 à 10 cm (Holmes et Nixon, données inédites). Les éclaircies contribuent à réduire la densité des feuilles et/ou la possibilité pour les oiseaux de se dissimuler dans les nids ou à proximité, ce qui entraîne une augmentation du taux de prédation sur les nids (Nolan, 1978; Martin et Roper, 1988).

Même si les peuplements en régénération offrent des habitats de nidification propices pour l’espèce, le problème de la répartition inégale de ces peuplements dans le temps et dans l’espace demeure, tel qu’énoncé dans la section Tendances relatives au nombre d’habitats et à leur qualité. Les dépôts atmosphériques, notamment les précipitations acides, ont aussi eu des incidences sur les habitats dans l’aire de reproduction (voir la section Tendances relatives au nombre d’habitats et à leur qualité).

Par ailleurs, il se peut que les habitats frais, situés en haute altitude, que préfère la Grive de Bicknell, soient particulièrement sensibles au réchauffement planétaire.

Pour l’instant, il est impossible d’évaluer l’impact de la dégradation des habitats sur les populations de la Grive de Bicknell, puisqu’aucune étude de surveillance à long terme de l’espèce et de son habitat n’a été menée (Rimmer et McFarland, 1994). Cependant, on sait que les aires de nidification du Sud sont beaucoup plus limitées que celles du Canada; situées dans des régions très sensibles à la dégradation causée par les précipitations acides et les dépôts atmosphériques, elles semblent aussi plus vulnérables aux effets du réchauffement planétaire. Par conséquent, même si une plus faible proportion de la population totale de Grives de Bicknell niche au Canada plutôt que dans le nord-est des États-Unis, les habitats du Canada pourraient devenir plus importants dans l’avenir si les tendances actuelles se maintiennent.

Malgré la rareté des données sur les taux de prédation de la Grive de Bicknell, il se peut que ce facteur soit responsable d’une grande partie des pertes au nid. Dans l’île Seal, au large de la Nouvelle-Écosse, de grands nombres de corbeaux et de corneilles ainsi que des populations en âge de reproduction de chats harets et d’écureuils introduits ont peut-être réduit à néant l’effectif d’oiseaux et causé la disparition définitive de l’espèce (Wallace, 1939; Dalzell in Erskine, manuscrit inédit). Aucune donnée ne permet d’évaluer les taux de prédation à cet endroit; cependant, sur le mont Mansfield, au Vermont, la prédation d’œufs et d’oisillons compte pour 46 p. 100 de l’ensemble des pertes au nid, ce qui correspond à six des treize nids (Wallace, 1939). Les prédateurs ont mangé des oisillons âgés de six jours. De plus, on a remarqué des signes de prédation dans au moins trois des cinq nids vides trouvés plus tard au cours de l’été.

Au Vermont, l’écureuil roux (Tamiasciurus hudsonicus) semble être le principal prédateur des nids (Rimmer et McFarland, 1996), et le Geai bleu (Cyanocitta cristata; Wallace, 1939) arrive au second rang. La belette (Mustela sp.), le tamia rayé (Tamias striatus) , le raton laveur (Procyon lotor), le Grand Corbeau (Corvus corax) , l’Épervier brun (Accipiter striatus) et le Mésangeai du Canada (Perisoreus canadensis) sont également des prédateurs probables (Wallace, 1939; Rimmer et McFarland, 1994; 1996; G. Rompré, comm. pers). Bien que Wallace (1939) souligne que le Geai bleu et les corneilles se retrouvent rarement à des altitudes supérieures à 914 mètres au Vermont, ces prédateurs causent peut-être un problème plus grave au Canada, où l’habitat de la Grive de Bicknell se situe à plus basse altitude.

D’autres facteurs peuvent influer considérablement sur les pertes d’œufs et d’oisillons. La Grive de Bicknell semble plus sensible aux perturbations au nid, en particulier à celles qui sont causées par les humains (Wallace, 1939; Rimmer et McFarland, 1994; McFarland et Rimmer, 1996). Dans une étude portant sur les populations de l’espèce au Vermont, deux des quatre nids occupés ont été abandonnés au stade de l’œuf quelques jours après avoir été découverts (Rimmer etMcFarland, 1994). On a estimé que des œufs provenant d’un nid étaient âgés d’environ sept jours. Selon l’étude de Wallace (1939), l’abandon compte pour presque 9 p. 100 de la mortalité totale observée, les œufs non fécondés et les embryons anormaux pour plus de 11 p. 100, et les maladies pour presque 7 p. 100.

Ces taux de mortalité élevés peuvent nuire à la capacité de reproduction ou de nidification de l’espèce, qui est déjà faible. Tel qu’il a été mentionné précédemment, la Grive de Bicknell n’a, en général, qu’une couvée et ne pond que quelques œufs à la fois. Wallace (1939) a calculé une moyenne de 3,46 œufs par nid, ce qui est nettement inférieur à la moyenne de la plupart des espèces de passereaux, mais pas à celle de Catharus. Dans le cas de pontes plus tardives en saison, le nombre d’œufs diminue.

Dans l’est du Canada, il se peut qu’il existe dans une certaine mesure une division des habitats attribuable à la compétition. Dans le sud du Québec et dans les provinces Maritimes, les populations de Grives de Bicknell se trouvent généralement à côté de plus grandes populations de Grives à dos olive (Catharus ustulatus), espèce plus répandue et généraliste en matière d’habitat. Bien que la Grive de Bicknell habite de plus hautes altitudes que la Grive à dos olive (Noon, 1981), on note une grande zone de chevauchement altitudinal entre les deux espèces. Au cours des relevés effectués au Québec, la Grive à dos olive a été repérée à tous les sites de dénombrement ponctuel où la Grive de Bicknell avait été vue ou entendue (Rompré et al., 1997). Au Nouveau-Brunswick, la Grive à dos olive a réagi d’une manière agressive aux enregistrements de chants de Grives de Bicknell à plusieurs reprises (Nixon et Holmes, données inédites). Sur 90 sites de relevé, on a signalé la présence de la Grive à dos olive dans les 59 sites de relevé où la Grive de Bicknell a été vue ou entendue et, souvent, en beaucoup plus grandes densités que cette dernière.

Même si la Grive de Bicknell a relativement peu de compétiteurs dans les habitats de haute altitude dans le nord-est des États-Unis, il est possible que la Grive à dos olive influe sur le choix des habitats et la taille des populations. Wallace (1939) conclut à la présence de moins d’une douzaine d’espèces aviennes à plus de 914 mètres d’altitude, et Noon (1981) trouve peu de signes de chevauchement d’habitats (entre les hautes et les basses altitudes) entre la Grive de Bicknell et quatre autres grives insectivores sur deux pics au Vermont. Cependant, McFarland (comm. pers.) a repéré la Grive à dos olive à plus de 1 000 mètres d’altitude et a observé chez cette espèce des réactions agressives lorsqu’on lui faisait entendre des enregistrements de cris et de chants de Grives de Bicknell. Rimmer (comm. pers.) a constaté que la Grive à dos olive ne niche presque jamais dans le krummholz, mais il a observé des cas de chevauchement complet entre les deux espèces dans des parcelles de Grives de Bicknell situées en basse altitude, cette dernière espèce étant toujours présente en plus faibles densités. Par conséquent, bien qu’on ne possède pas encore de données sérieuses sur la compétition entre ces deux espèces, on ne peut rejeter l’hypothèse d’une compétition interspécifique.

Les grives du genre Catharus sont reconnues pour leur comportement furtif et leur discrétion; cependant, chez la Grive de Bicknell, ces caractéristiques sont encore plus marquées. Lorsque Wallace (1939) entreprend sa fameuse étude sur la Grive de Bicknell durant les années 1930, il qualifie l’espèce comme un des passereaux les moins connus de l’Amérique du Nord. La confusion ayant trait à sa taxinomie se dissipe en 1995 (ADU, 1995); il reste toutefois à élucider certaines questions relatives à l’écologie de la nidification, à la taille et aux tendances des populations, à la répartition hivernale et aux besoins en matière d’habitat dans l’est du Canada.

La Grive de Bicknell est une espèce spécialiste stricte en matière d’habitat; elle se confine aux forêts matures d’épinettes et de sapins de haute altitude. De plus, elle est présente dans des habitats semblables de l’est du Canada. Seul oiseau chanteur nicheur endémique aux forêts subalpines du nord-est de l’Amérique du Nord (Rimmer et McFarland, 1996), elle pourrait servir d’indicateur à long terme valable de la santé des populations aviennes subalpines et des habitats forestiers qui leur sont associés.

Au Canada, une grande partie de la population de cette espèce rare utilise aussi des habitats non types, c’est-à-dire de jeunes peuplements en régénération succédant aux activités d’exploitation forestière. Ces peuplements sont peut-être moins vulnérables à certaines des pressions que subissent actuellement les habitats subalpins. Bien que l’espèce semble encore préférer certaines caractéristiques structurales dans les peuplements en régénération (Holmes et Nixon, 1997; Rompré et al., 1997), ce qui réduit par le fait même le nombre d’habitats potentiels, ces peuplements sont plus accessibles lorsqu’il s’agit de les améliorer au moyen de pratiques d’aménagement direct. Si des études sur la productivité venaient à montrer que la régénération n’est pas un puits pour l’espèce, mais lui offre plutôt des habitats propices, le Canada pourrait s’avérer un endroit unique où l’on pourrait augmenter le nombre d’habitats de nidification pour un oiseau rare à l’aide de pratiques d’aménagement forestier adéquates.

Le statut de la Grive de Bicknell est préoccupant à l’échelle nationale et internationale. Le Service canadien de la faune considère que l’espèce est prioritaire en ce qui a trait à la recherche, la surveillance et la conservation (Dunn, 1997) et qu’elle constitue actuellement la priorité absolue en matière de conservation de la faune aviaire néotropicale dans le nord-est de l’Amérique (Rosenberg et Wells, 1995). Les responsables du programme des espèces menacées dans le monde ont proposé de lui accorder le statut d’espèce vulnérable, en se fondant sur les critères de la liste rouge de l’UICN, et l’espèce figure aussi sur la liste des espèces moyennement prioritaires à fortement prioritaires du programme partenaires d’envol (Muehter, 1998).

La Grive de Bicknell est une des espèces d’oiseaux chanteurs les plus rares en Amérique du Nord; on estime que sa population totale compte de 5 000 à 15 000 couples. Au Canada, on estime, de manière réaliste, que l’effectif varie de 2 000 à 5 000 couples. Selon les données sur la répartition de cette grive, les populations sont stables dans les principales régions, mais plusieurs anciennes populations périphériques ont disparu.

De toutes les provinces canadiennes, c’est le Québec qui semble accueillir la plus grosse population, qui constituerait environ 50 p. 100 de la population totale au Canada. Quelques changements relatifs à la répartition de l’espèce semblent s’être produits, en plus d’un déclin probable de l’effectif sur la côte nord du Saint-Laurent. Dans les Maritimes, la population se divise en gros entre le Nouveau-Brunswick (de 500 à 700 couples selon les évaluations générales) et la Nouvelle-Écosse (effectif évalué à 300 couples). La répartition de la population des Maritimes a subi des changements. Des populations ont disparu des îles Seal et Mud, situées au large de la côte sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, et du cap Forchu, dans la partie continentale de la province. Dans l’ensemble, la population principale des Maritimes semble relativement stable, bien qu’on observe des fluctuations et des déclins dans les populations périphériques.

Dans l’ensemble de l’aire de répartition de la Grive de Bicknell, l’habitat de nidification type subit des pressions causées par les opérations forestières à grande échelle, les précipitations acides, l’aménagement de stations de ski, la construction de tours de communications et de pylônes hertziens et les activités récréatives intenses. De plus, bien que les effets du réchauffement planétaire ne soient pas encore connus, les forêts de haute altitude à superficie limitée sont particulièrement vulnérables. Les récentes observations de l’espèce dans des forêts en régénération sont certes un bon signe, mais les recherches en cours indiquent qu’une partie seulement de ces forêts sont propices à l’oiseau. Par ailleurs, l’habitat d’hivernage est probablement plus menacé que l’habitat de nidification. D’après les tendances actuelles en matière d’utilisation du territoire dans l’aire d’hivernage, les zones d’habitats essentiels pourraient être insuffisantes pour soutenir des oiseaux chanteurs des forêts comme la Grive de Bicknell d’ici la fin de la décennie.

En résumé, les populations de la Grive de Bicknell au Canada ne semblent pas subir de déclin important pour le moment, mais elles pourraient être menacées en raison de leur petite taille, de leur répartition éparse, de leur faible potentiel de reproduction et des pressions exercées sur les habitats dans l’ensemble de l’aire de répartition de l’espèce. La présence exceptionnelle de l’oiseau dans des peuplements en régénération au Canada pourrait s’avérer avantageuse, mais cet habitat pourrait aussi ne pas convenir à l’espèce. Par ailleurs, la destruction et la modification des habitats dans les aires d’hivernage progressent à un rythme effarant.

Plusieurs personnes et organismes ont donné généreusement des résultats de recherche, du temps et du soutien pour la préparation du présent rapport. Erin Nixon tient à remercier Ghislain Rompré, Gilles Seutin et Veronique Connolly, de l’Université McGill, Yves Aubry et Jean-Pierre Savard, du Service canadien de la faune, région du Québec, Dan Busby, du Service canadien de la faune, région de l’Atlantique, Tony Diamond, de la University of New-Brunswick, et Chris Rimmer et Kent McFarland, du Vermont Institute of Natural Science. Il a aussi grandement apprécié les précieuses suggestions, les commentaires sur la présentation du rapport et le soutien logistique de Steve Holmes, du Service canadien des forêts, Centre de Sault Ste. Marie.

L’auteur remercie aussi les personnes suivantes, qui ont bien voulu partager avec lui leurs connaissances sur la Grive de Bicknell et leurs observations de l’espèce : Henri et Réginald Ouellet, Tony Erskine, Norman Famous, Brian Dalzell, David Christie, Jean Gauthier, Nev Garrity, Joe Marshall et Jonathen Atwood.

Le soutien logistique a été fourni en grande partie par le projet de recherche et d’évaluation environnementale du Service canadien des forêts, à Sault Ste. Marie.

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