Salamandre à nez court (Ambystoma texanum) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Biologie générale

Nous avons présenté un survol de la biologie générale de la salamandre à nez court dans notre rapport de situation de 1991. Certains de ces renseignements doivent être modifiés à la lumière des observations et des données génétiques récentes. On sait maintenant que les hybrides génomiques ont un cytoplasme différent de celui des espèces bisexuées (Hedges et al., 1992; Bogart, 2003). Ils partagent donc un ancêtre femelle inconnu, qui ne ressemble à aucune des espèces bisexuées connues qui s’accouplent avec eux. On sait aussi que des spermatozoïdes de mâles sympatriques des espèces bisexuées peuvent être incorporés dans les oeufs des hybrides génomiques (Bogart et al., 1989) et que les oeufs peuvent aussi se développer sans incorporation de spermatozoïdes (gynogénèse) (Elinson et al., 1992).  

Rapport des sexes anormal

Il est évident (voir le tableau 1) que les populations comprenaient moins d’A. texanum mâles que nous nous y attendions. Le rapport des sexes chez les espèces bisexuées devrait être à peu près 1 : 1, ce qui est le cas de la population d’A. laterale retrouvée dans la carrière. Mais dans le cas de l’A. texanum, il y avait moins de mâles à tous les sites, à l’exception peut-être du site de l’Étang, où trois des cinq A. texanum capturés étaient des mâles. Pour certains sites (en particulier le bois North End), nombre des génotypes nucléaires ont été établis par électrophorèse avec du matériel de larves et de juvéniles de sexe inconnu. Mais dans le cas des sites du chemin Stone et de l’étang des Guides, de nombreuses larves ont été élevées jusqu’à ce qu’elles se métamorphosent et atteignent une taille à laquelle les gonades ont permis d’identifier les mâles et les femelles. Le seul A. texanum mâle retrouvé au site de l’étang des Guides est un adulte capturé en 1989; les 13 individus métamorphosés issus de deux grappes d’oeufs recueillies à cet endroit étaient tous des femelles. Aucun mâle n’était présent parmi les 51 A. texanum capturés au site du chemin Stone, alors que les mâles provenant du bois de la pointe Mosquito étaient moins nombreux que prévu. Il est en outre curieux que les A. texanum femelles nés en laboratoire proviennent de grappes d’oeufs discrètes recueillies en 1987 aux sites du chemin Stone et de l’étang des Guides. L’A. texanum pond normalement ses oeufs individuellement ou en petits amas, collés aux feuilles et aux brindilles tapissant le fond de l’étang de reproduction. C’est ce qui se produit au site du bois de la pointe Mosquito. On ne trouve habituellement pas dans l’île Pelée de grappes d’oeufs, pondues plus près de la surface, typiques d’A. jeffersonianum et des hybrides nucléaires présentant le génome de cette salamandre. Il se peut qu’un certain nombre d’A. texanum de l’île Pelée soit des « hybrides » issus d’hybrides génomiques femelles. Si une femelle LT qui s’accouple normalement avec un A. laterale produit des ovules réduits T, un génome laterale peut être incorporé, rétablissant ainsi la constitution génomique LT. Si, toutefois, la même femelle s’accouple avec un A. texanum et incorpore son génome, sa progéniture sera TT (A. texanum) mais possédera une séquence d’ADNmt « hybride » facilement identifiable. Mais aucun A. texanum possédant une séquence d’ADNmt hybride n’a encore été trouvé. Il se peut aussi qu’un certain nombre d’A. texanum de l’île Pelée soient normalement gynogénotes. 

Génétique

Les deux A. texanum de l’île Pelée dont l’ADNmt a été séquencé, par Hedges et al. (1992) provenaient de différentes populations. Le premier spécimen (numéro de catalogue 17572; numéro d’entrée dans Genbank 12751) était une femelle capturée à l’état de larve au printemps 1989 dans le bois de la pointe Mosquito et élevée en laboratoire et le deuxième (numéro de catalogue 15640; numéro d’entrée dans Genbank 12757), un mâle adulte capturé le 27 mars 1989 dans l’étang des Guides. Les séquences établies pour cinq hybrides génomiques capturés dans l’île Pelée dans le cadre de la même étude ont révélé qu’ils étaient semblables aux hybrides de la terre ferme. Les séquences pour d’autres spécimens, déjà identifiés par électrophorèse des isoenzymes, ont aussi été établis à partir d’échantillons de tissus congelés. Aux fins de comparaison, nous avons utilisé les mêmes amorces qui ont permis à Hedges et al. (1992) d’amplifier 307 bases du gène de la cytochrome b. Nous avons aussi utilisé une autre série d’amorces, qui a permis d’amplifier 660 bases, afin d’établir s’il existait d’autres sites révélateurs de la phylogenèse qui permettraient d’éclaircir les relations possibles entre les diverses populations d’A. texanum de l’île Pelée et entre les populations de la terre ferme et celles de l’île. Les données de séquençage confirment que les A. texanum de la pointe Mosquito et les spécimens provenant des populations de la partie est de l’île (étang des Guides et chemin Stone) ne partagent pas les mêmes ancêtres et que ceux-ci sont plus étroitement apparentés aux populations continentales retrouvées en Ohio et en Indiana. Ces données donnent à penser que les populations retrouvées dans ces deux secteurs de l’île sont isolées l’une de l’autre et que les individus qui les composent sont des descendants de deux haplotypes provenant des États-Unis. 

Déplacements et dispersion

Sauf l’isolement possible des haplotypes d’ADNmt (voir ci-dessus), nous n’avons aucun nouveau renseignement à présenter sur les déplacements et la dispersion chez l’A. texanum. Tous les prélèvements d’adultes, d’oeufs, de larves et de juvéniles récemment métamorphosés ont été effectués aux lieux de reproduction. Les adultes restant sous terre en dehors de la période de reproduction, nous n’en avons pas trouvés après la saison de reproduction ailleurs qu’aux environs des lieux de reproduction présumés. À en juger par la co-occurrence d’A. texanum et des hybrides nucléaires triploïdes LTT et tétraploïdes LTTT, il se peut que l’A. texanum se disperse rarement jusqu’à la carrière. L’Étang est le seul site où l’A. texanum et l’A. laterale sont retrouvés ensemble, les hybrides nucléaires LLT et LTT y étant en outre présents en nombre égal. Nous n’avons aucun nouveau renseignement à présenter sur les antécédents de ce site qui pourrait permettre d’établir l’échelle de temps de l’immigration des deux espèces. Les salamandres à nez court retrouvées aux sites du chemin Stone, de l’étang des Guides et du bois North End peuvent provenir d’une population plus méridionale ou, s’il s’agit de populations reliques, indiquer que l’espèce était répartie à plus grande échelle par le passé. Selon les données mitochondriales, les individus capturés à ces sites de l’est de l’île sont probablement issus d’ancêtres indépendants provenant de la terre ferme. Nous nous attendons à ce que de nouvelles données génétiques permettent d’éclaircir ces diverses hypothèses.

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