L’otarie de Steller (Eumetopias jubatus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 12

Protection actuelle et autres désignations

La gestion des mammifères marins en eaux canadiennes relève du gouvernement fédéral. Depuis 1970, les otaries sont protégées par divers règlements de la Loi sur les pêches appliqués par le ministère des Pêches et des Océans (MPO). Dans la Région du Pacifique, qui renferme toute l’aire de répartition canadienne de l’otarie de Steller, l’espèce a d’abord été protégée par l’article 21 du règlement général sur les pêches de la Colombie-Britannique (British Columbia Fishery [General] Regulations), qui stipule : [TRADUCTION] « Nul ne peut pêcher, capturer et détenir, tuer, importuner ou molester un éléphant de mer, un phoque commun, une otarie ou une loutre de mer ou avoir en sa possession un de ces animaux ou toute partie de ceux-ci sauf en vertu d’un permis délivré par le Ministère. » Avant sa modification en 1984, le règlement contenait toutefois une disposition accordant une exemption générale aux pêcheurs détenant un permis de pêche commerciale, qui étaient autorisés à importuner ou à tuer des phoques et otaries afin de protéger leurs engins et leurs prises. Cependant, cette disposition n’était pas très connue et, bien qu’on ne dispose d’aucune statistique sur le nombre d’animaux tués à cette époque, des discussions avec des pêcheurs semblent indiquer que ce nombre était probablement restreint.

En 1993, le règlement provincial a été remplacé par une législation nationale, le Règlement sur les mammifères marins, qui stipule à l’article 7 : « Il est interdit d’importuner un mammifère marin, sauf lors de la pêche des mammifères marins autorisée par le présent règlement. » L’article 5 précise : « Sous réserve de l’article 6 (exclusion pour les Autochtones), il est interdit de pêcher des mammifères marins à moins d’y être autorisé en vertu d’un permis délivré aux termes du présent règlement ou du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones. » Le paragraphe 6(1) accorde l’autorisation suivante : « Un Indien ou un Inuk autre qu’un bénéficiaire peut, sans permis, pêcher à des fins alimentaires, sociales ou rituelles les espèces suivantes : a) les phoques ». Depuis l’adoption du règlement, l’ensemble de la Région du Pacifique a été fermée à la chasse commerciale de tous les mammifères marins, y compris l’otarie de Steller.

Le règlement n’interdit pas seulement de tuer les mammifères marins. En effet, comme le stipule l’article 11 : « Il est interdit à quiconque n’est pas titulaire d’un permis délivré en vertu du Règlement de pêche (dispositions générales) autorisant la pêche des mammifères marins à des fins expérimentales, scientifiques, éducatives ou pour exposition au public : a) de déplacer un mammifère vivant des environs immédiats où il se trouve; b) d’étiqueter ou de marquer ou d’essayer d’étiqueter ou de marquer de quelque façon un mammifère vivant. » Au cours des années 1990, on a octroyé trois permis au North Pacific Universities Marine Mammal Consortium, par l’intermédiaire de la University of British Columbia, pour autoriser la capture de 15 petits afin de permettre des études en captivité. Six autres petits ont été capturés en 2003.

Depuis que l’otarie de Steller est protégée, soit depuis 1970, quelques animaux ont été abattus en Colombie-Britannique en vertu de permis spéciaux. En 1990, le MPO a commencé à octroyer à des entreprises de la côte ouest (surtout des salmonicultures, mais aussi quelques exploitations d’œufs de hareng sur algues et des entreprises utilisant des nasses) des permis les autorisant à tirer sur des phoques et des otaries qui nuiraient à leurs activités. Récemment (Gazette du Canada, 2002), le MPO a publié des modifications proposées au Règlement sur les mammifères marins qui créeraient une nouvelle classe de permis autorisant l’abattage de « phoques nuisibles », le règlement incluant parmi les phoques l’otarie de Steller. Dans les modifications proposées, on définit un phoque nuisible comme un phoque qui constitue un danger : a) soit pour l’équipement de pêche malgré la prise de mesures dissuasives; b) soit, selon une recommandation scientifique, pour la conservation de stocks de poissons anadromes ou catadromes parce qu'il leur inflige des dommages importants le long des estuaires et dans les rivières et les lacs durant leur migration.

La Loi sur les océans, entrée en vigueur en 1996, protège également les habitats des mammifères marins en autorisant la création de zones de protection marine (ZPM) visant à protéger les espèces non commerciales ainsi que les espèces menacées ou en voie de disparition. D’ailleurs, une des deux premières ZPM à avoir été établies sur le littoral canadien du Pacifique est celle des rochers Race, en partie parce que ceux-ci étaient reconnus comme une importante échouerie hivernale pour les otaries de Steller et les otaries de Californie. Les roqueries de reproduction des îles Scott, ainsi que plusieurs échoueries, ont été désignées réserves écologiques en vertu de l’Ecological Reserves Act de la Colombie-Britannique. La roquerie du cap St. James était autrefois une réserve écologique, mais cette désignation a été supplantée par la création de la réserve de parc national Gwaii Haanas en vertu de la Loi sur les parcs nationaux. Une loi récemment adoptée permettra officiellement l’ajout d’une composante marine à cette réserve, qui est cogérée par le gouvernement fédéral et la nation haïda.

La gestion des mammifères marins dans les eaux américaines adjacentes à la Colombie-Britannique est une responsabilité fédérale aux États-Unis et les otaries de Steller sont protégées contre les perturbations et l’abattage en vertu de la Marine Mammal Protection Act (MMPA) de 1972. En raison des importants déclins d’effectifs qui ont eu lieu dans la partie ouest de l’aire de répartition de l’espèce, la population de l’Ouest est considérée comme effondrée (depleted) aux termes de la MMPA et a été désignée en voie de disparition (endangered) en 1997 aux termes de la U.S. Endangered Species Act (62 US Federal Register 24345, 5 mai 1977). Bien qu’on n’ait pas observé de diminution d’effectifs semblable dans la partie orientale de l’aire de répartition de l’otarie de Steller, la population de l’Est a quand même été désignée menacée (threatened) aux États-Unis, principalement parce qu’on craignait que le déclin observé dans l’ouest ne s’étende à la population de l’Est (ce qui ne s’est pas produit) et à cause de la nature préliminaire des données génétiques utilisées pour distinguer les populations au moment de l’inscription de l’espèce (distinction qui s’est confirmée depuis). L’inscription de la population de l’Ouest a mené à un ensemble de mesures de gestion visant à protéger les habitats essentiels de l’otarie de Steller : création de zones interdites de trois milles marins autour des roqueries de reproduction, interdiction de la pêche au chalut de fond dans un rayon de 10 à 20 milles marins autour de certaines roqueries, réallocation spatiale et temporelle des quotas et dans certains cas fermeture pour les pêches à la goberge et au maquereau d’Atka, et autres mesures. On a élaboré un plan de rétablissement (NMFS, 1992), actuellement en cours de révision. Il continue d’y avoir beaucoup de controverse et de discussions quant à la nécessité et à l’efficacité de ces mesures.

 

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