Omble à tête plate (Salvelinus confluentus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2012 : chapitre 11

Protection, statuts et classements

Statuts et protection juridiques

L’omble à tête plate est classé par le Fish and Wildlife Service (FWS) des États-Unis parmi les espèces menacées (« threatened ») dans l’ensemble de son aire de répartition dans les États contigus des États-Unis aux termes de l’Endangered Species Act. Ce classement, qui ne concernait dans un premier temps qu’une partie des populations d’ombles à tête plate, a été élargi par le FWS à l’ensemble des populations de cette espèce présentes aux États-Unis en 1999 (FWS des États-Unis, 1999); il a été maintenu à la suite d’un examen quinquennal de la classification réalisé en 2004 (USFWS, 2008).

Au Canada, la Loi sur les pêches confère aux provinces et territoires le pouvoir d’élaborer et de mettre en œuvre des règlements visant les pêches. Aux termes de cette loi, les autorités responsables de chaque entité se trouvant dans l’aire de répartition de l’omble à tête plate ont désigné cette espèce comme un poisson-gibier, ou poisson sportif (DJC, 1996, 1998, 2005, 2008). Les règlements en vigueur comportent diverses mesures visant à protéger les stocks de poissons, y compris la fermeture de la pêche dans certains cours d’eau et lacs, l’autorisation de la pêche avec remise à l’eau, des limites de taille et des quotas de prises, et des restrictions concernant les engins de pêche. L’Alberta est à l’heure actuelle la province où la réglementation de la pêche sportive de l’omble à tête plate est la plus stricte; elle exige la remise à l’eau immédiate de tous les ombles à tête plate capturés n’importe où dans la province (Rodtka, 2009). Les pêcheurs sportifs des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon sont limités à deux prises par jour; en tout temps, ceux des Territoires du Nord-Ouest ne peuvent avoir en leur possession qu’un maximum de trois poissons, tandis que cette limite est fixée à quatre au Yukon (FOC/YE 2010; NTENR, 2010). La rigueur des règles en Colombie-Britannique varie d’une région à l’autre de la province : les quotas de prises quotidiennes les plus généreux sont ceux en vigueur dans la région de l’Okanagan (six pour les lacs, mais zéro pour les cours d’eau) et dans celle de la Skeena (deux pour les cours d’eau, trois au total). Les règles les plus strictes sont appliquées dans les régions du Lower Mainland et de l’Omineca, où les quotas sont fixés à un pour les lacs et à zéro pour les cours d’eau (BCME, 2010).

La Loi sur les espèces sauvages au Canada accorde aux autorités provinciales et territoriales le pouvoir de délivrer des permis de pêche sportive, des permis de guides de pêche et des permis de pêche scientifique. L’omble à tête plate bénéficie d’une certaine protection aux termes de cette loi en Alberta et en Colombie-Britannique. En 2002, l’Endangered Species Conservation Committee (ESCC) de l’Alberta a conféré à l’omble à tête plate le statut d’espèce préoccupante (« Species of Special Concern ») aux termes de sa Wildlife Act (Gutsell et al., 2008). Ainsi, à défaut d’une intervention humaine, cette espèce pourrait bientôt être menacée de disparition.

À l’échelle provinciale, les préoccupations croissantes entourant le déclin des populations d’ombles à tête plate en Alberta ont mené, en 1993, à la mise sur pied du Bull Trout Task Force. Ce groupe de travail a facilité au cours des années suivantes les efforts de rétablissement de l’espèce et contribué à l’élaboration du Bull Trout Management and Recovery Plan (Berry, 1994), qui reconnaît le statut d’espèce préoccupante de l’omble à tête plate. Il a été mis en œuvre en 1995 (Brewin, 2004). Un premier rapport provincial de situation a été publié en 2002 (Post et Johnson, 2002). Ce rapport a été mis à jour récemment, et le statut de diverses populations fait actuellement l’objet d’un examen (Rodtka, 2009). On travaille actuellement à la mise à jour du plan de gestion (Rodtka, 2009). Plusieurs mesures de rétablissement ont été entreprises (Christiansen, comm. pers., 2010) :

  1. Mise en œuvre en 1995 d’une réglementation interdisant la pêche à l’omble à tête plate dans l’ensemble du territoire provincial, qui restera en vigueur tant qu’il n’y aura pas d’excédents exploitables. Cette réglementation a également été mise en vigueur par les parcs nationaux (Brewin, 2004).
  2. Interdiction d’utiliser des appâts dans les eaux abritant l’omble à tête plate à partir de 1988 (assortie d’exceptions saisonnières strictement réglementées).
  3. Interdiction permanente (et parfois saisonnière) de la pêche sportive dans les aires de fraye connues de l’omble à tête plate.
  4. Lancement, à partir de 1995, d’une vaste campagne d’éducation des pêcheurs sportifs pour les aider à identifier les poissons et, par le fait même, à réduire les risques de prises accidentelles d’ombles à tête plate.
  5. Lancement d’un programme de sensibilisation publique à l’omble à tête plate et à ses besoins en matière d’habitat visant à encourager la prise de décisions responsables dans les situations où l’habitat de l’espèce est menacé.
  6. Attribution de la « classe A » à de nombreuses aires de fraye connues les plus importantes de l’omble à tête plate aux termes de l’Alberta Water Act. Les aires ainsi désignées bénéficient d’un haut degré de protection : l’aménagement de nouvelles routes y est presque totalement interdit, les pipelines ne peuvent y traverser les cours d’eau, et le degré de perturbation autorisée des zones riveraines y est limité.
  7. Depuis 1995, haute priorité accordée par les responsables provinciaux de l’application de la réglementation aux avis d’interdiction de pêche diffusés dans l’ensemble de l’aire de répartition de l’omble à tête plate.
  8. Deux projets d’évaluation et de remise en état d’ouvrages de traversée de cours d’eau dans le nord-ouest de l’Alberta, lancés par un consortium de groupes incluant les pouvoirs publics, l’industrie et les autorités de réglementation. Ces projets ont pour but de recenser et de réparer les ouvrages qui risquent de bloquer le passage des poissons ou de favoriser la sédimentation.
  9. Examen de l’ensemble des programmes d’empoissonnement dans l’aire de répartition de l’omble à tête plate, suivi de leur discontinuation ou de leur modification. La plupart de ces programmes utilisant l’omble de fontaine ou la truite brune dans l’aire de répartition de l’omble à tête plate sont interrompus depuis plus de huit ans ou ont été remplacés dans quelques cas par des programmes utilisant uniquement des poissons triploïdes stériles.
  10. Projet d’éradication de l’omble de fontaine mis en œuvre dans le ruisseau Quirk, dans le sud-ouest de l’Alberta, qui s’est penché sur l’utilisation de la pêche à la ligne pour la capture sélective des ombles de fontaine présents dans un cours d’eau de montagne abritant des populations indigènes reliques d’ombles à tête plate et de truites fardées du versant de l’ouest.

Certaines mesures semblables ont été mises en œuvre en Colombie-Britannique. En 1995, le British Columbia Fisheries Program a élaboré un plan stratégique pour la conservation et la gestion des ombles en Colombie-Britannique (BCME, 1994), lequel définit l’omble à tête plate comme une espèce prioritaire. Cette décision reflétait l’ajout, en 1994, de l’omble à tête plate sur la liste bleue provinciale des espèces préoccupantes (c’est-à-dire particulièrement sensibles aux activités humaines ou aux phénomènes naturels) (BCCDC, 2010), et reconnaissait que la majorité des populations d’ombles à tête plate intactes de l’aire de répartition se trouvent en Colombie-Britannique (Pollard et Down. 2001). Ce plan a depuis fait porter l’essentiel des efforts provinciaux de recensement, d’évaluation et de recherche sur une meilleure compréhension de la répartition générale de l’espèce, de ses schémas de diversité génétique, de ses migrations saisonnières, de son habitat essentiel et de ses relations interspécifiques (Pollard et Down, 2001).

L’omble à tête plate bénéficie d’une protection limitée en Colombie-Britannique aux termes de la Fish Protection Act de cette province; il est aussi protégé par la Wildlife Act. La Fish Protection Act confère aux gestionnaires des ressources hydriques une certaine compétence législative en vertu de laquelle ils peuvent prendre en compte les incidences sur les poissons et leur habitat lorsqu’ils sont appelés à approuver de nouveaux permis d’utilisation de l’eau ou des modifications aux permis existants, ou d’approuver l’exécution de travaux dans les cours d’eau ou à proximité de ces derniers. L’omble à tête plate figure par ailleurs sur une liste de quatre espèces visées par la stratégie de gestion d’espèces animales particulières (« Identified Wildlife Management Strategy ») du Forest and Range Practices Code de la Colombie-Britannique, lequel recommande que ces espèces fassent l’objet de mesures de gestion spéciales conformément à la Forest and Range Practices Act.

Statuts et classements non juridiques

L’omble à tête plate figure parmi les espèces vulnérables de la Liste rouge des espèces menacées de l’UICN (IUCN, 2010). Sa cote mondiale est « apparemment non en péril »(G4; NatureServe, 2011). L’espèce est considérée comme « sensible » à l’échelle nationale (N3). En Colombie-Britannique, la lignée de l’intérieur est classée S3, et elle est également classée S3 en Alberta et au Yukon. Les Territoires du Nord-Ouest lui ont attribué la cote S2. Les populations des États-Unis sont jugées menacées (« threatened ») aux termes de l’Endangered Species Act.

Protection et propriété de l’habitat

Des changements controversés apportés récemment à la Loi sur les pêches ont réduit le degré de protection dont jouissent l’omble à tête plate et son habitat, mais l’espèce pourrait bénéficier d’une certaine protection en raison des retombées économiques qu’elle peut engendrer dans le secteur de la pêche sportive. L’omble à tête plate se trouve également dans plusieurs parcs nationaux (de Jasper, Yoho, Kootenay, de Banff,des Glaciers, Nahanni et des Lacs-Waterton) gérés par Parcs Canada et réglementés conformément aux dispositions de la Loi sur les parcs nationaux. La mise en valeur des ressources naturelles est interdite à divers degrés dans divers autres réseaux de parcs et d’aires protégées situés dans l’aire de répartition canadienne de l’omble à tête plate (PDAC, 2008).

Les administrations publiques qui se partagent la responsabilité de gestion de l’aire de répartition canadienne de l’omble à tête plate ont toutes dépassé l’objectif recommandé dans le rapport Brundtland de 1988, qui établit à 12 % la proportion du territoire qui devrait être protégée (WCED, 1987). Cette proportion s’établit actuellement à environ 13 % en Alberta et au Yukon, à près de 14 % en Colombie-Britannique et à environ 22 % dans les Territoires du Nord-Ouest (BCME, 2007; PDAC, 2008). La majeure partie des terres comprises dans l’aire de répartition canadienne de l’omble à tête plate sont des terres publiques (Colombie-Britannique ~ 94 %; Alberta ~72 %; Territoires du Nord-Ouest ~100 %; Yukon = 98 %), les terres privées représentant la portion minoritaire (PDAC, 2008).

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