Bouche coupante (Acrocheilus alutaceus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 2

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COSEPAC
Résumé

Bouche coupante
Acrocheilus alutaceus

Information sur l’espèce

L’Acrocheilus alutaceus (Agassiz et Pickering) est la seule espèce existante appartenant à ce genre. Il doit son nom commun, bouche coupante (Chiselmouth en anglais), à sa lèvre inférieure carrée et sclérifiée.

 

Répartition

Le bouche coupante occupe les bassins hydrographiques du Fraser et du Columbia dans l’Ouest du Canada ainsi que dans les États du nord-ouest des États-Unis. Le bouche coupante est abondant dans toute son aire de répartition aux États-Unis, mais son aire est beaucoup plus restreinte en Colombie-Britannique, où il est limité à la région intérieure plus chaude de la province, et la densité des populations est habituellement plus faible que dans les populations dans l’État de Washington et de l’Oregon.

 

Habitat

Le bouche coupante est avant tout un grand poisson de rivière, mais on peut également en trouver des populations en fortes densités dans les lacs. Dans ces deux habitats, le bouche coupante ne fréquentera que les écosystèmes productifs où la croissance des algues sur les rochers est suffisante pour assurer la subsistance des poissons adultes. Par conséquent, sa répartition en Colombie-Britannique est largement restreinte aux lacs et aux rivières de l’intérieur.

Dans les rivières, le bouche coupante adulte se tient en général dans les eaux profondes (plus d’un mètre) à courant rapide, sur un substrat de roches et de cailloux où croîtront les algues dont les adultes ont besoin pour se nourrir. Les jeunes se trouvent dans des régions marginales envahies par les herbes où le courant est plus lent ou dans des zones d’eau stagnante; ils se nourrissent d’insectes aquatiques ou terrestres et ils se rassemblent en bancs mixtes avec les jeunes de la sauvagesse du nord (Ptychocheilus oregonensis), du méné deux-barres (Mylocheilus caurinus) et du méné rose (Richardsonius balteatus).

 

Biologie

Le bouche coupante est une espèce unique dans l’Ouest du Canada parce qu’à l’ouest des Rocheuses, c’est la seule espèce indigène de poisson d’eau douce spécifiquement adaptée à la consommation d’algues. Le bouche coupante peut à l’occasion se nourrir d’invertébrés comme la plupart des autres cyprins, mais il possède une lèvre inférieure droite, dure et adaptée pour racler les algues sur les rochers ou d’autres surfaces dures (Moodie et Lindsey, 1972) et les algues constituent le principal aliment des adultes (voir Scott et Crossman, 1974, et B.C. Fish facts, qui fournissent des renseignements plus détaillés sur la biologie de l’espèce). Le bouche coupante est un cyprin relativement grand, pouvant atteindre une taille de 30 cm. Bien que l’on observe parfois de l’hybridation avec la sauvagesse du nord et le méné deux-barres, le bouche coupante est facile à distinguer de ces deux espèces grâce à sa lèvre inférieure caractéristique.

La reproduction a lieu au printemps sur un substrat grossier. L’habitat de fraye n’est pas documenté pour les rivières du Canada, mais il pourrait s’agir de zones de substrat grossier dans le chenal principal d’un cours d’eau. Cependant, il est également possible que la fraye ait lieu dans des petits affluents, étant donné que Moodie (1966) a constaté que la population du lac Wolfe frayait dans un petit tributaire du lac.

 

Taille et tendances des populations

Les populations de bouches coupantes de la Colombie-Britannique sont en général isolées (discontinues) et présentent souvent de faibles densités. La taille des populations est peu documentée, mais elle va de populations probablement très grandes (bassin de la rivière Nicola) à de très petites populations (bassin de la rivière Salmon près de Prince George).  Les tendances démographiques sont inconnues, mais il n’y a aucune raison de penser qu’il y a déclin, bien que la plupart des bassins hydrographiques abritant le bouche coupante aient connu une certaine dégradation de l’habitat associée aux activités forestières ou à l’agriculture. Il ne semble pas y avoir eu de disparitions majeures récentes par rapport aux collections antérieures (bien que la B.C. Fisheries Branch ait déjà traité certains lacs avec des produits chimiques afin d’éliminer les « poissons communs » et d’y ensemencer de la truite arc-en-ciel, ce qui a entraîné plusieurs disparitions à l’échelle locale dans de petits lacs; Don McPhail, comm. pers.), mais il n’y a pas eu d’estimations fiables de la taille des populations par le passé, et aucune estimation récente autre que des échantillonnages ponctuels visant à vérifier la répartition actuelle (présence/absence).

 

Facteurs limitatifs et menaces

La répartition à grande échelle du bouche coupante au Canada est probablement limitée par la température, c’est-à-dire que les rivières aux eaux froides de la Colombie-Britannique ne fournissent pas des conditions thermiques appropriées à la croissance et au développement des œufs, des jeunes et des adultes. Aux endroits où la température est appropriée, les populations sont probablement restreintes par la disponibilité d’habitat propice, d’une part en eau profonde dans le chenal principal des cours d’eau, où un substrat constitué de roches et de cailloux permet la croissance des algues, et d’autre part dans la zone littorale à végétation abondante, où le débit est plus lent et permet la croissance des jeunes poissons. Les menaces sont principalement liées à la dégradation de l’habitat résultant de la sédimentation sur le substrat propre où les adultes s’alimentent, à la perte d’habitats marginaux et de bras morts pour la croissance des jeunes poissons, et à l’envasement des frayères.

 

Importance de l’espèce

Le bouche coupante est unique chez les poissons d’eau douce du Canada tant par sa morphologie que par son mode d’alimentation. Sur le plan écologique, son caractère particulier est lié au fait que c’est le seul poisson d’eau douce principalement herbivore qui est indigène dans l’Ouest du Canada. Les populations du Canada occupent la partie septentrionale de l’aire de répartition mondiale de l’espèce.

 

Protection actuelle ou autres désignations

Le bouche coupante est inscrit sur la liste bleue en Colombie-Britannique (désigné comme une espèce préoccupante), mais il ne bénéficie d’aucune protection. Le bouche coupante ne figure sur aucune liste aux États-Unis.

 

Résumé du rapport de situation

Le bouche coupante est un cyprin aux caractéristiques particulières, qui se nourrit d’algues, dont la répartition est limitée à l’Ouest du Canada et au nord-ouest pacifique des États-Unis, la Colombie-Britannique correspondant à la partie la plus septentrionale de l’aire de répartition. Les populations de la Colombie-Britannique sont isolées et présentent souvent des densités relativement faibles. On ne dispose pas d’information fiable sur la taille et les tendances des populations, mais l’aire de répartition de l’espèce ne semble pas avoir changé au cours des dernières décennies, et il n’y a aucune raison d’anticiper un déclin du bouche coupante en Colombie-Britannique, malgré les perturbations subies par l’habitat de certaines populations. Toutefois, en l’absence d’information fiable sur la taille et les tendances des populations, une évaluation prudente de la situation du bouche coupante doit conclure que les données sur l’espèce demeurent insuffisantes.

 

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