Lamproie de Vancouver (Lampetra macrostoma) programme de rétablissement : chapitre 1


1. Description de l'espèce 


Noms communs – Lamproie de Vancouver, lamproie du lac Cowichan, lamproie de lac.

Nom scientifique – Lampetra macrostoma.

Sommaire de l’évaluation du COSEPAC Mai 2000.

Désignation par le COSEPAC Espèce menacée.

Désignation selon la LEP – Espèce menacée, juin 2003.

Justification de la désignation par le COSEPAC Cette espèce parasite confinée aux eaux intérieures est endémique à la Colombie-Britannique et n’est présente que dans une zone très restreinte. Elle est en péril en raison de l’activité humaine intensive.

Présence au Canada –Colombie-Britannique.

Historique de la désignation –Désignée en tant qu’espèce préoccupante en avril 1986. Désignation réexaminée et confirmée en avril 1998. Situation réexaminée et désignation en tant qu’espèce menacée en novembre 2000. Dernière évaluation fondée sur un rapport de situation (Beamish, 1998).

1.1 Biologie – généralités

Les lamproies sont des membres de la classe Agnatha, des poissons sans mâchoire. Elles sont caractérisées par un corps cylindrique sans écaille, semblable à celui d’une anguille, et par une bouche adhésive ronde munie d’une série de dents odontoïdes pointues. Elles possèdent une petite nageoire caudale, une longue nageoire dorsale, souvent en deux parties distinctes; elles n’ont pas de nageoires ventrales (figure 1). La nature cartilagineuse de leur squelette explique pourquoi peu de fossiles ont été trouvés. Les lamproies possèdent sept paires de branchies qui ont la forme de poches, chacune ayant sa propre ouverture donnant sur l’extérieur (Scott et Crossman, 1973). On dénombre environ de 40 à 45 espèces de lamproies réparties dans neuf genres, selon l’interprétation actuelles des experts (ITIS, 2005).

En général, les lamproies sont présentes dans les eaux tempérées marines et douces; à l’échelle mondiale, on les trouve surtout dans l’hémisphère nord (Scott et Crossman, 1973). Environ le tiers des espèces de lamproies sont anadromes. Selon l’espèce, la lamproie adulte deviendra un parasite d’autres espèces de poissons ou ne s’alimentera pas du tout. Toutes les lamproies sont sémelpares et meurent peu de temps après le frai (Larson, 1980).

Figure 1. Illustration d’une lamproie de Vancouver (de McPhail et Carveth, 1993)

Illustration d'une Lamproie de Vancouver

 

Il est difficile de déterminer avec exactitude l’âge des lamproies (Beamish et Medland, 1988; Kostow, 2002). Elles possèdent une phase larvale distincte suivie d’une métamorphose (Scott et Crossman, 1973), mais le temps précédant la métamorphose (parfois appelée transformation) varie selon l’espèce. Les larves, appelées ammocètes (figure 2), vivent dans des trous présents dans les sédiments des cours d’eau et des lacs (Scott et Crossman, 1973). Les ammocètes ont des yeux qui ne peuvent voir; les dents et le disque oral sont absents, et la bouche est couverte par un capuchon oral. Les ammocètes s’alimentent en filtrant des végétaux microscopiques ainsi que des matières animales et des détritus organiques à l’aide de leur capuchon oral (p. ex. Manion, 1967; Moore, 1973, 1980; Sutton et al., 1994; Mundahl et al., 2005).

On trouve, en Colombie-Britannique, quatre espèces de lamproies[1] qui ont été décrites (Beamish, 1985). La lamproie de l’Ouest, Lampetra richardsoni, est une espèce d’eau douce non anadrome et non parasite que l’on rencontre fréquemment dans les cours d’eau. La lamproie du Pacifique, L. tridentata, est quant à elle anadrome et parasite. On l’observe fréquemment dans les cours d’eau côtiers et dans les zones côtières marines. La lamproie de rivière, L. ayresi, est anadrome et parasite. Elle peut être très abondante dans le fleuve Fraser et est courante dans le détroit de Georgia pendant sa phase parasitaire. Peu de recherche a été effectuée sur cette espèce à l’extérieur du bassin de Georgia. L. macrostoma, décrite initialement par Beamish (1982), est une espèce parasite qui serait dérivée de L. tridentata. Elle n’a été signalée que dans les lacs Cowichan et Mesachie, sur l’île de Vancouver (Beamish, 1998). Les noms communs de L. macrostoma sont lamproie de Vancouver, lamproie du lac Cowichan ou lamproie de lac. Dans le présent programme de rétablissement, nous l’appellerons lamproie de Vancouver, qui est le nom sous lequel elle a été inscrite dans la liste de la LEP.

Figure 2. Caractéristiques externes des ammocètes (de McDermott, 2003)

Caracteristiques externes des ammocetes

L. macrostoma est considérée comme une espèce distincte en raison de ses caractéristiques morphologiques et physiologiques uniques. De nombreuses différences existent entre L. tridentata etL. macrostoma, y compris certains traits non signalés (R. Beamish, données non publiées), mais les principales différences résident dans la taille du disque oral et l’adaptation physiologique aux eaux douces et marines (Beamish, 1982). Le disque oral est le principal trait que l’on utilise pour définir et différencier les espèces de lamproies parasites (Vladykov et Kott, 1979); le disque de la lamproie de Vancouver couvre une superficie environ des deux tiers supérieure à celle couverte par celui d’un individu de L. tridentata de taille semblable, et on observe également certaines différences dans la dentition (Beamish, 1982). Physiologiquement, la lamproie de Vancouver est mieux adaptée à la vie en eau douce (bien qu’elle puisse survivre en eau salée), tandis que la lamproie du Pacifique est mieux adaptée à la vie en eau marine (Beamish, 1982). En fait, il n’existe aucune preuve de la capacité de survie de L. tridentata en eau douce après la métamorphose, sauf lorsqu’elle y revient pour se reproduire (Beamish, 1982; Clarke et Beamish, 1988). L. macrostoma affiche également une taille totale plus petite et a des yeux plus grands, une section prébranchiale plus longue et probablement un tronc plus court, comparativement à L. tridentata (Beamish, 1982).

Beamish (1982) indique qu’il est justifié de considérer L. macrostoma comme une espèce distincte, étant donné que l’importance des différences de ces traits est équivalente ou supérieure à celle d’autres espèces dérivées de L. tridentata. Toutefois, le statut taxonomique de la lamproie de Vancouver demeure quelque peu incertain. Les seules études génétiques menées sur cette espèce jusqu’à maintenant (Docker et al., 1999) indiquent que L. macrostoma ne peut être distinguée génétiquement de L. tridentata (et d’un deuxième dérivé de L. tridentata, la lamproie du ruisseau Pit-Klamath, L. lethophaga, de Californie). Ces résultats laissent sous-entendre que les deux espèces sont des dérivés récents de L. tridentata, et il faut effectuer des analyses génétiques plus poussées si l’on veut établir avec plus de précision les relations phylogénétiques entre ces espèces étroitement apparentées.

La taille de la lamproie de Vancouver varie de 18 à 27 cm, les femelles étant légèrement plus petites que les mâles (Beamish, 1985). La taille moyenne des lamproies venant de se métamorphoser est de 11,7 cm (Beamish, 1985). La croissance importante qui survient après la métamorphose jusqu’à l’âge adulte indique que l’espèce est un parasite obligatoire (Beamish, 1985). Il est possible de recueillir des ammocètes dans les sédiments des lacs et des cours d’eau, mais les adultes ne sont faciles à capturer que pendant la période de frai (Beamish, 1998). En conséquence, on sait très peu de chose sur le stade jeune adulte.

Comme toutes les lamproies, la lamproie de Vancouver se reproduit une fois et meure peu de temps après (Beamish, 1998). La saison de frai s’échelonne de mai à août. La durée des stades larvaires et adultes est inconnue, mais on pense que la lamproie de Vancouver passe environ six ans au stade larvaire et vit deux ans après sa métamorphose (Beamish, 1998). La métamorphose survient de juillet à octobre; les jeunes adultes demeureraient dans le substrat jusqu’au printemps suivant (Beamish, 1998). L’alimentation active des adultes débuterait au printemps suivant la métamorphose et se poursuivrait jusqu’avant le frai, le printemps ou l’été suivant (Beamish, 1982). Les adultes s’alimentent facilement sur des poissons vivants (Beamish, 1982), comme en témoignent nombre des poissons recueillis dans le lac Cowichan qui présentent des cicatrices et des blessures provoquées par des lamproies (Carl, 1953, cité dans Beamish, 1982; Beamish, 1982).

1.2 Répartition

La lamproie de Vancouver est fortement endémique. Elle n’a été observée que dans les lacs Cowichan et Mesachie, au sud de l’île de Vancouver, en Colombie-Britannique, et dans les tronçons inférieurs des affluents de ces lacs (figure 3). Ces deux lacs sont adjacents et sont reliés par la rivière Robertson, le lac Bear et un cours d’eau anonyme, parfois appelé ruisseau Mesachie. On ne relève pas d’obstacle infranchissable pour les poissons en aval du lac Cowichan, comme en témoignent chaque année des salmonidés anadromes qui utilisent le lac et ses affluents pour le frai et la croissance. La lamproie du Pacifique est courante en aval de la décharge du lac, mais n’a pas été observée en amont de ce point (Beamish, 1982). De même, la lamproie de Vancouver n’a pas été observée elle non plus en aval de la décharge du lac (Beamish, 1982).

1.3 Abondance

On recense peu de recherches, sinon aucune, sur cette espèce depuis les années 1980, et aucune estimation de la population totale ou de l’abondance au sein de l’habitat n’a jamais été effectuée. L’incidence des cicatrices et des plaies provoquées par des lamproies sur des salmonidés indique cependant que l’abondance fluctue (Beamish, 1998), mais l’ampleur et la fréquence des fluctuations demeurent inconnues. On pense que les populations de lamproies fluctuent en fonction de la disponibilité des proies (Beamish, 1998). Rien n’indique que l’espèce est particulièrement rare ou en déclin; toutefois, aucune conclusion définitive ne peut être établie à partir des données disponibles. Beamish (1998) estime que l’abondance des adultes oscille entre 1 000 et 2 000 individus dans les deux lacs.

1.4 Importance pour l’homme

La lamproie de Vancouver est principalement importante en raison de sa valeur scientifique. L’espèce n’a aucune valeur marchande. En tant qu’espèce parasite s’alimentant de façon prédominante sur les salmonidés (un groupe d’espèces de valeur très élevée), la lamproie n’est pas bien considérée en général. Le fait que des lamproies introduites aient causé des dommages considérables dans d’autres réseaux (Fuller et al., 2005) contribuerait à la mauvaise réputation des lamproies. Par contre, d’autres considèrent la lamproie de Vancouver comme étant un membre de la faune indigène, avec sa propre valeur intrinsèque, son rôle écologique et sa contribution à la biodiversité, et lui accordent une valeur spéciale du point de vue de l’éducation et de la recherche. En tant que sujet scientifique, la lamproie de Vancouver représente un intérêt considérable en raison de son endémisme extrême et en tant qu’espèce d’évolution récente. Il s’agit du seul exemple connu d’un parasite d’eau douce dérivé de L. tridentata au Canada, et sa valeur scientifique réside dans le fait qu’elle constitue un exemple de la résilience qui, dans la succession des cycles évolutifs, constitue un facteur déterminant dans la réussite évolutionnaire de la lamproie. La lamproie de Vancouver peut également avoir une valeur culturelle pour les Premières nations, même si les consultations tenues par Pêches et Océans Canada avec les Premières nations en mai 2006 n’ont pas permis de recueillir d’information sur la valeur culturelle de l’espèce. Il convient toutefois de noter que la lamproie du Pacifique a une valeur culturelle importante pour les Premières nations dans certaines régions (Close et al., 2002).

Figure 3. Aire de répartition de la lamproie de Vancouver.

Aire de reparition de la lamproie de Vancouver

(Carte obtenue du ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources pétrolières)

[1] Un cinquième taxon distinct est présent dans le ruisseau Morrison, sur l’île de Vancouver, mais n’a pas été désigné officiellement en tant qu’espèce distincte.

Détails de la page

Date de modification :