Téphrosie de Virginie (Tephrosia virginiana) : évaluation et rapport de situation du COSEPAC 2009

Table des matières

Liste des figures

Liste des tableaux

Information sur le document

Téphrosie de Virginie Tephrosia virginiana

Photo montrant les fleurs et les feuilles de la téphrosie de Virginie (Tephrosia virginiana).

En voie de disparition – 2009

COSEPAC – Comité sur la situation des espèces en péril au Canada

Les rapports de situation du COSEPAC sont des documents de travail servant à déterminer le statut des espèces sauvages que l’on croit en péril. On peut citer le présent rapport de la façon suivante :

COSEPAC. 2009. Évaluation et Rapport de situation du COSEPAC sur la téphrosie de Virginie (Tephrosia virginiana) au Canada. Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Ottawa. vii + 34 p.

Rapport(s) précédent(s) :

COSEWIC. 2000. COSEWIC assessment and update status on the Virginia Goat’s–rue Tephrosia virginiana in Canada. Committee on the Status of Endangered Wildlife in Canada. Ottawa. v + 20 p.

Bowles, J.M. 1996. Update COSEWIC status report on the Virginia Goat’s–rue Tephrosia virginiana in Canada, in COSEWIC assessment and update status on the Virginia goat’s–rue Tephrosia virginiana in Canada. Committee on the Status of Endangered Wildlife in Canada. Ottawa. 1–20 pp.

Bowles, Jane, M. 1994. Status Report on Goat's Rue Tephrosia virginiana in Canada. Committee on the Status of Endangered Wildlife in Canada. ii + 15 pp.

Note de production :
Le COSEPAC remercie Samuel R. Brinker, qui a rédigé le rapport de situation sur la téphrosie de Virginie (Tephrosia virginiana) au Canada, dans le cadre d’un contrat passé avec Environnement Canada. Erich Haber, coprésident du Sous–comité de spécialistes des plantes vasculaires du COSEPAC a supervisé le présent rapport et en a fait la révision.

Pour obtenir des exemplaires supplémentaires, s’adresser au :

Secrétariat du COSEPAC
a/s Service canadien de la faune
Environnement Canada
Ottawa (Ontario)
K1A 0H3

Tél. : 819–953–3215
Téléc. : 819–994–3684
Courriel
Site Web

Also available in English under the title COSEWIC Assessment and Status Report on the Virginia Goat’s–rue Tephrosia virginiana in Canada.

Illustration/photo de la couverture :
Téphrosie de Virginie -- Photo par S. Brinker.

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2010.
No de catalogue CW69–14/208–2010F–PDF
ISBN978–1–100–94004–5

COSEPAC – Sommaire de l’évaluation

Sommaire de l’évaluation – Novembre 2009

Nom commun
Téphrosie de Virginie

Nom scientifique
Tephrosia virginiana

Statut
En voie de disparition

Justification de la désignation
Il s’agit d’une espèce dont l’occurrence géographique canadienne est restreinte et qui se présente sous la forme de deux populations dans des habitats restants de savanes et de forêts à chênes noirs dans le sud–ouest de l’Ontario. Ces habitats sont rares à l’échelle mondiale et comptent parmi les communautés écologiques les plus menacées du Canada. La presque totalité des individus (tout près de 600 individus) forme une seule population chevauchant deux aires protégées voisines. Cette population est menacée par la dégradation de son habitat lors des changements successionnels. La seconde population, qui se trouve sur des terres privées, est très petite et risque de disparaître en raison de l’érosion de son habitat de dunes.

Répartition
Ontario

Historique du statut
Espèce désignée « menacée » en avril 1996. Réexamen du statut : l'espèce a été désignée « en voie de disparition » en mai 2000 et en novembre 2009.

COSEPAC – Résumé

Téphrosie de Virginie Tephrosia virginiana

Information sur l’espèce

La téphrosie de Virginie (Tephrosia virginiana) est une plante herbacée vivace de la famille des Légumineuses (Fabacées). Ses tiges sont dressées et atteignent généralement de 30 à 70 cm de hauteur, à partir d’une souche ligneuse ramifiée produisant des racines ligneuses minces et coriaces. Ses tiges, ses rameaux et ses pétioles sont densément recouverts de fins poils blanchâtres. Ses feuilles sont alternes, courtement pétiolées, composées, comportant un nombre impair de folioles disposées de manière pennée. Ses fleurs sont bicolores et ont l’aspect typique des fleurs de Légumineuses; le pétale supérieur, le plus grand, est de couleur jaune à crème, tandis que les pétales latéraux, plus petits, et les pétales inférieurs, formant la carène, sont roses à violet pâle. Les fruits sont des gousses linéaires longues de 3,5 à 5,5 cm, villeuses, aplaties, renfermant de 6 à 11 graines réniformes.

Répartition

La téphrosie de Virginie ne se rencontre que dans l’est et le centre de l’Amérique du Nord; le centre de l’aire de répartition se situe au Tennessee et au Kentucky. Vers le sud, l’espèce atteint le Texas et la Floride, vers l’ouest, le Nebraska, et vers le nord, le Minnesota. En Ontario, la téphrosie de Virginie se trouve à la limite nord de son aire mondiale et ne se rencontre que dans un petit secteur du sud de la province, sur la rive nord du lac Érié. L’aire de répartition canadienne actuelle de la téphrosie de Virginie occupe une superficie d’environ 10 km². La superficie réelle d’habitat occupée par l’espèce est d’environ 0,16 hectare, ou 0,002 km². Selon un maillage de 2 km, l’indice de la zone d’occupation est de 20 km².

Habitat

Dans l’ensemble de son aire de répartition, la téphrosie de Virginie se rencontre dans une gamme de chênaies, de pinèdes, de savanes à chênes, de landes à pins ainsi que dans des prairies sableuses, des dunes et des landes sableuses dégagées. En Ontario, l’espèce n’est présente que dans les dépôts de sable acide de la plaine sableuse de Norfolk, dans des parcelles reliques de savanes et de forêts claires à chêne des teinturiers. Les tendances observées semblent indiquer que l’habitat connaît des pertes dans l’ensemble de l’aire de répartition; ces réductions visent notamment les savanes à chênes de l’Ontario, une des communautés écologiques les plus menacées au Canada.

Biologie

La téphrosie de Virginie est une plante herbacée vivace qui fleurit et fructifie de nombreuses fois au cours de sa vie. En Ontario, la floraison a lieu de la fin juin à la fin juillet. L’espèce est capable d’autopollinisation mais semble également adaptée à la pollinisation par les abeilles. La longévité de la plante est inconnue, mais la présence de racines ligneuses et profondes semble indiquer que la plante vit longtemps. La téphrosie de Virginie est adaptée à la sécheresse et aux incendies; ses racines ligneuses et profondes sont très probablement capables de fixer l’azote.

Taille et tendances des populations

Dans l’ensemble, 6 populations de téphrosie de Virginie ont été répertoriées au Canada. Parmi ces populations, seulement 2 existent encore. Les relevés les plus récents, notamment ceux de 2008, ont permis de dénombrer un total de 567 colonies (plantes) comptant 7 058 tiges . Chaque colonie est considérée comme un seul individu, étant donné la présence de tiges multiples prenant naissance d’une souche unique. La plus grande des populations, située dans la zone naturelle de la pointe Turkey (Turkey Point Natural Area), comprend de nombreuses sous–populations disséminées à l’intérieur de 2 zones protégées et réunit en tout 6 958 tiges matures représentant probablement 566 individus. La population la plus petite, située en terrain privé sur le cordon dunaire de Vittoria (Vittoria Dune Ridge), est constituée d’une seule colonie (plante) comprenant environ 100 tiges. Le manque de données démographiques à court et à long terme limite les possibilités d’estimation exacte des tendances. La population de Spooky Hollow est disparue récemment, plusieurs petites colonies de la zone naturelle de la pointe Turkey ont été éliminées par la succession végétale, et un certain nombre de plantes poussant sur le cordon dunaire de Vittoria ont probablement été détruites, principalement à cause de l’érosion continue d’un versant sableux escarpé.

Facteurs limitatifs et menaces

Le principal facteur limitatif affectant la téphrosie de Virginie au Canada est le manque de milieux pouvant lui servir d’habitat. Les menaces directes sont relativement mineures et comprennent le piétinement et le fauchage, dans la zone naturelle de la pointe Turkey, et l’érosion, menace plus grave, sur le cordon dunaire de Vittoria. Les menaces indirectes sont globalement plus graves et comprennent la succession végétale et l’absence de perturbation des nombreuses sous–populations. À l’heure actuelle, les espèces envahissantes constituent une menace mineure, mais elles pourraient devenir une menace plus grave à long terme.

Importance de l’espèce

Au Canada, la téphrosie de Virginie se caractérise par ses populations isolées, situées à la limite nord de l’aire de répartition nord–américaine de l’espèce. Comme de nombreuses autres espèces du genre Tephrosia, la téphrosie de Virginie produit un insecticide, la roténone. Toutefois, la téphrosie de Virginie renferme des concentrations trop faibles de roténone pour pouvoir en constituer une source commerciale viable. Enfin, la téphrosie de Virginie fait l’objet de diverses utilisations traditionnelles chez les Premières nations.

Protection actuelle

Aux États–Unis, dans la plus grande partie de son aire de répartition, la téphrosie de Virginie n’est pas jugée très préoccupante sur le plan de la conservation. Au Canada, à la suite d’une évaluation menée par le COSEPAC, l’espèce a été désignée « en voie de disparition » en mai 2000. L’espèce figure à l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril du gouvernement du Canada. En Ontario, elle est réglementée à titre d’espèce en voie de disparition en vertu de la Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition provinciale. L’espèce et son habitat sont protégés aux termes de ces lois. En Ontario, l’espèce est cotée comme étant gravement en péril (cote S1) selon les critères de l’organisme NatureServe, et la situation générale de l’espèce dans cette même province a été établie comme « à risque ». La plus grande des populations se trouve à l’intérieur de deux zones protégées adjacentes.

Historique du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) a été créé en 1977, à la suite d’une recommandation faite en 1976 lors de la Conférence fédérale–provinciale sur la faune. Le Comité a été créé pour satisfaire au besoin d’une classification nationale des espèces sauvages en péril qui soit unique et officielle et qui repose sur un fondement scientifique solide. En 1978, le COSEPAC (alors appelé Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada) désignait ses premières espèces et produisait sa première liste des espèces en péril au Canada. En vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) promulguée le 5 juin 2003, le COSEPAC est un comité consultatif qui doit faire en sorte que les espèces continuent d’être évaluées selon un processus scientifique rigoureux et indépendant.

Mandat du COSEPAC

Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) évalue la situation, au niveau national, des espèces, des sous–espèces, des variétés ou d’autres unités désignables qui sont considérées comme étant en péril au Canada. Les désignations peuvent être attribuées aux espèces indigènes comprises dans les groupes taxinomiques suivants : mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons, arthropodes, mollusques, plantes vasculaires, mousses et lichens.

Composition du COSEPAC

Le COSEPAC est composé de membres de chacun des organismes responsable des espèces sauvages des gouvernements provinciaux et territoriaux, de quatre organismes fédéraux (le Service canadien de la faune, l’Agence Parcs Canada, le ministère des Pêches et des Océans et le Partenariat fédéral d’information sur la biodiversité, lequel est présidé par le Musée canadien de la nature), de trois membres scientifiques non gouvernementaux et des coprésidents des sous–comités de spécialistes des espèces et du sous–comité des connaissances traditionnelles autochtones. Le Comité se réunit au moins une fois par année pour étudier les rapports de situation des espèces candidates.

Définitions (2009)

Espèce sauvage
Espèce, sous–espèce, variété ou population géographiquement ou génétiquement distincte d’animal, de plante ou d’une autre organisme d’origine sauvage (sauf une bactérie ou un virus) qui est soit indigène du Canada ou qui s’est propagée au Canada sans intervention humaine et y est présente depuis au moins cinquante ans.

Disparue (D)
Espèce sauvage qui n’existe plus.

Disparue du pays (DP)
Espèce sauvage qui n’existe plus à l’état sauvage au Canada, mais qui est présente ailleurs.

En voie de disparition (VD)*
Espèce sauvage exposée à une disparition de la planète ou à une disparition du pays imminente.

Menacée (M)
Espèce sauvage susceptible de devenir en voie de disparition si les facteurs limitants ne sont pas renversés.

Préoccupante (P)**
Espèce sauvage qui peut devenir une espèce menacée ou en voie de disparition en raison de l'effet cumulatif de ses caractéristiques biologiques et des menaces reconnues qui pèsent sur elle.

Non en péril (NEP)***
Espèce sauvage qui a été évaluée et jugée comme ne risquant pas de disparaître étant donné les circonstances actuelles.

Données insuffisantes (DI)****
Une catégorie qui s’applique lorsque l’information disponible est insuffisante (a) pour déterminer l’admissibilité d’une espèce à l’évaluation ou (b) pour permettre une évaluation du risque de disparition de l’espèce.

* Appelée « espèce disparue du Canada » jusqu’en 2003.
** Appelée « espèce en danger de disparition » jusqu’en 2000.
*** Appelée « espèce rare » jusqu’en 1990, puis « espèce vulnérable » de 1990 à 1999.
**** Autrefois « aucune catégorie » ou « aucune désignation nécessaire ».
***** Catégorie « DSIDD » (données insuffisantes pour donner une désignation) jusqu’en 1994, puis « indéterminé » de 1994 à 1999. Définition de la catégorie (DI) révisée en 2006.

Le Service canadien de la faune d’Environnement Canada assure un appui administratif et financier complet au Secrétariat du COSEPAC.

Rapport de situation du COSEPAC sur la Téphrosie de Virginie Tephrosia virginiana au Canada – 2009

Information sur l'espèce

Nom et classification

Nom scientifique : Tephrosia virginiana (L.) Pers.
Synonymes : Cracca latidens Small
Cracca virginiana L.

Tephrosia latidens (Small) Standl. S
Tephrosia virginiana (L.) Pers. var. glabra Nutt. ex T. & G.
Tephrosia virginiana (L.) Pers. var. holosericea (Nutt.) Torr. & A. Gray
Nom français : téphrosie de Virginie

Noms anglais : Virginia Goat’s–rue, Goat’s–rue, Cat–gut, Devil’s Shoestring
Famille : Fabacées (Légumineuses)
Grand groupe végétal : Eudicotylédones

Spécimen type : Gray Herbarium, photographie du spécimen type (Galega, feuillet 4, Linnaean Herbarium, Linnaean Society of London).

La téphrosie de Virginie appartient à la famille des Légumineuses (Fabacées). Cette grande famille réunit 650 genres et près de 20 000 espèces (Doyle, 1994), dont un grand nombre sont importantes sur le plan écologique, scientifique ou économique. La famille des Légumineuses comprend 3 sous–familles, et le genre Tephrosia appartient à celle des Papilionoïdées. À l’intérieur de cette sous–famille, le genre Tephrosia appartient à la tribu des Galégées (Rydberg, 1923), dont les membres possèdent des feuilles composées–pennées à folioles entières et des fleurs à 10 étamines. Le genre Tephrosia comprend environ 250 espèces, réparties dans les zones tropicales et tempérées–chaudes de la planète; elles sont particulièrement nombreuses en Afrique tropicale et en Australie (Welsh, 1960). De plus, 16 espèces et un hybride sont confinés à la zone tempérée de l’Amérique du Nord, et 1 de ces espèces, le T. angustissima, compte 3 variétés (NatureServe, 2008). Dans la flore canadienne, le genre Tephrosia est représenté par 1 seule espèce, la téphrosie de Virginie.

La taxinomie des Tephrosia est demeurée très confuse pendant de nombreuses années, jusqu’à la publication de la monographie de Wood (1949) (Bowles, 1994). Le genre Tephrosia comprend deux sous–genres, le sous–genre Tephrosia, à styles glabres, et le sous–genre Barbistyla, comprenant un plus grand nombre d’espèces, à styles barbus et notamment la téphrosie de Virginie. Par ailleurs, deux variétés de téphrosie de Virginie ont déjà été décrites, fondées sur des différences de pubescence : la variété glabra, réunissant les plantes glabres ou à trichomes courts et fortement apprimés, et la variété holosericea, réunissant les plantes à folioles pubescentes sur le dessus, le dessus des folioles étant glabre chez la forme typique de l’espèce. Cependant, dans la dernière monographie portant sur l’espèce, Wood (1949) a jugé que ces variétés sont négligeables sur le plan taxinomique et en a conclu que le T. virginiana est une espèce monotypique, répandue, génétiquement diversifiée, dépourvue de variations morphologiques et géographiques distinctes. Aucun taxon infraspécifique n’est actuellement reconnu au sein de l’espèce.

Description morphologique

La téphrosie de Virginie est une plante herbacée vivace, dressée, haute de 30 à 70 cm, à souche ligneuse ramifiée produisant des racines ligneuses minces et coriaces. Les tiges, les rameaux et les pétioles sont densément recouverts d’une pubescence villeuse formée de poils fins et blanchâtres. Les feuilles sont alternes, courtement pétiolées, composées–imparipennées, longues de 5 à 14 cm, ascendantes; chacune comporte généralement de 15 à 25 folioles, elliptiques à linéaires–oblongues, longues de 1 à 3 cm. Les fleurs sont réunies en grappes à court pédoncule qui terminent la tige principale ou parfois un rameau axillaire. Les fleurs mesurent de 1,5 à 2 cm et sont bicolores; l’étendard est jaune à crème, tandis que les ailes et la carène sont roses à violet pâle (figure 1). Les fruits sont des gousses linéaires longues de 3,5 à 5,5 cm, villeuses, aplaties à légèrement courbées, renfermant de 6 à 11 graines. Les graines sont réniformes, longues de 3,2 à 4,2 mm, brunes, panachées de noir.

Figure 1. Fleurs et feuilles de la téphrosie de Virginie, dans la zone naturelle de la pointe Turkey. Photographie de S. Brinker.

Photo montrant les fleurs et les feuilles de la téphrosie de Virginie. La photo a été prise dans la zone naturelle de la pointe Turkey.

Selon Wood (1949), l’espèce est particulièrement variable quant à la nature, à la longueur, à la disposition et à la densité des poils. Il a constaté que la proportion de plantes pubescentes tend à augmenter depuis le sud–est vers le nord et l’ouest, mais il estimait que cette tendance générale n’était pas assez régulière pour justifier une distinction taxinomique. Il a également constaté que la longueur des poils augmentait généralement du sud au nord de l’aire de répartition, mais avec de nombreuses exceptions. La forme du calice et la forme des folioles ont également été employées comme caractères servant à distinguer des espèces ou des variétés, mais Wood (1949) n’a pas réussi à y trouver suffisamment de régularité pour justifier de telles distinctions.

Wood (1949) reconnaissait à l’intérieur des populations deux formes fondées sur la présence ou l’absence de poils sur le dessus des folioles. Cependant, la proportion de sujets glabres et pubescents variait grandement d’une colonie à l’autre, apparemment de façon aléatoire.

Structure spatiale et variabilité de la population

La structure génétique de la téphrosie de Virginie n’a pas été étudiée au Canada. La variation de l’ADN nucléaire a été examinée chez certaines espèces de Tephrosia, mais le T. virginiana n’était pas visé par cette étude (Raina et al., 1986).

Unités désignables

Au Canada, l’espèce compte une seule unité désignable, puisqu’elle n’y est présente que dans quelques sites tous situés dans un secteur restreint du sud–ouest de l’Ontario, à l’intérieur d’une seule des aires écologiques nationales du COSEPAC, celle des plaines des Grands Lacs.

Répartition

Aire de répartition mondiale

La téphrosie de Virginie est l’espèce du genre Tephrosia la plus largement répandue en Amérique du Nord, et NatureServe (2008) estime qu’elle n’est pas en péril à l’échelle mondiale (cote G5). L’espèce n’est présente qu’en Amérique du Nord, principalement aux États–Unis, depuis le Texas et la Floride jusqu’au Nebraska et en Ontario. Wood (1949) a examiné les descriptions d’habitat accompagnant des spécimens d’herbier de toutes les parties de l’aire de répartition et en a conclu que cette répartition est limitée par des facteurs édaphiques; l’espèce a besoin de sols sableux non calcaires et est ainsi généralement absente des régions fortement touchées par les glaciations où domine un till calcaire. On trouvera à la figure 2 une carte de la répartition générale de l’espèce.

Figure 2. Aire de répartition mondiale de la téphrosie de Virginie. Carte établie d’après Bowles (1994), avec modifications.

Carte illustrant l’aire de répartition mondiale de la téphrosie de Virginie.

Aire de répartition canadienne

La téphrosie de Virginie a été récoltée au Canada pour la première fois en 1885, à Normandale et à la pointe Turkey. La répartition canadienne connue de l’espèce est demeurée essentiellement la même depuis cette découverte, bien qu’un certain nombre de populations aient été signalées par la suite à quelques kilomètres des premiers lieux de récolte. La téphrosie de Virginie a donc une répartition très restreinte au Canada, n’étant connue que d’un petit secteur du sud–ouest de l’Ontario, dans le comté de Norfolk (Soper 1962). Les deux populations canadiennes actuelles se trouvent dans la zone carolinienne, qui fait partie de l’aire écologique nationale des plaines des Grands Lacs reconnue par le COSEPAC. Elles sont isolées, séparées de l’aire de répartition principale se trouvant aux États–Unis (figure 3) et représentent moins de un pour cent de l’aire de répartition nord–américaine de l’espèce.

Figure 3. Aire de répartition de la téphrosie de Virginie au Canada. Les cercles pleins représentent les populations existantes.

Carte illustrant l’aire de répartition de la téphrosie de Virginie au Canada.

Populations actuelles

La téphrosie de Virginie compte actuellement deux populations connues, respectivement situées dans la zone naturelle de la pointe Turkey (Turkey Point Natural Area) (Bowles, 1994) et sur le cordon dunaire de Vittoria (Vittoria Dune Ridge) (Sutherland, 1987). Ces deux populations occupent des localités distinctes selon les règles de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) : elles sont séparées par plusieurs kilomètres à l’intérieur d’un paysage fragmenté, l’espèce ne possède aucun mécanisme de dispersion à longue distance, et les facteurs pouvant nuire aux deux populations les affecteraient indépendamment.

L’existence d’une fragmentation grave, un facteur dont le COSEPAC tient compte pour évaluer le risque pour la conservation d’une espèce, ne s’applique pas dans le présent cas. En effet, la population de la zone naturelle de la pointe Turkey comprend environ 7 000 tiges, réparties en plusieurs sous–populations, et elle représente plus de 95 % de l’ensemble formé par les deux populations canadiennes actuelles, en termes d’effectif total et de superficie occupée.

Populations introduites

Récemment, on a essayé, mais en vain, d’établir une population de l’espèce dans le domaine James, contigu au Parc provincial de la Pointe Turkey. Cette propriété appartenait autrefois à Conservation de la nature Canada et était gérée par cet organisme, mais elle a été transférée récemment à Parcs Ontario. Comme le terrain est situé à proximité du site où se trouvent actuellement des populations de téphrosie de Virginie et que des mesures y ont été prises récemment pour restaurer l’habitat de la savane à chênes, le domaine James semblait convenir à une introduction de l’espèce, même si aucune population n’y avait jamais été signalée. En 2004, des semences ont été prélevées dans la zone naturelle de la pointe Turkey; en 2005, 0,01 kilogramme de semences ont été semées à la volée à la suite d’un brûlage dirigé, le long d’un coupe–feu (Arnold, comm. pers., 2008). En 2008, Brinker et Graham Buck, qui avaient semé les graines, ont mené des recherches indépendantes mais l’espèce n’a pas été repérée. Il est douteux que l’espèce soit présente dans le site, étant donné la régénération ligneuse dense.

Populations disparues

Il semble que quatre populations aient déjà existé et qu’il n’y ait pratiquement aucune chance de les revoir. Elles se trouvaient à Normandale, à Simcoe, à Walsh et à Spooky Hollow. Ces populations n’ont pas été observées récemment, malgré les travaux de terrain considérables menés dans le secteur (voir par exemple Gartshore et al., 1987). Sutherland (1987) a mentionné que la téphrosie de Virginie avait été récoltée à Normandale pour la première fois en 1885 (Yates, CAN) puis à nouveau en 1936 (Marie–Victorin 46865), mais qu’elle n’y a plus été observée depuis 1971 (Ball 45871, TRTE) et est présumée disparue de cette localité. Une récolte a été faite à « Simcoe » en 1915 (Williams, OAC), puis à « Simcoe Woods » en 1941 par Landon (HAM), mais l’espèce n’y a pas été observée par la suite et cette population est présumée disparue. Deux spécimens, mentionnés par Soper (1962) et Cruise (1969) et portant la mention de localité « Walsh » (Brink, OAC, sans date), n’ont pas pu être retrouvés selon Sutherland (1987), qui n’a trouvé aucune mention d’un tel spécimen dans la base de données établie pour l’Atlas des plantes vasculaires rares de l’Ontario (Argus et al., 1982–1987). Un troisième spécimen portant la mention de localité « Walsh » a été récolté en 1950 et existe toujours (Cruise 1515, TRT, CAN, LKHD), mais cette population n’a pas été observée par la suite et est présumée disparue; il pourrait cependant s’agir de la même population que celle du cordon dunaire de Vittoria, située à plusieurs kilomètres à l’est du hameau de Walsh. Quatre sous–populations ont été répertoriées à Spooky Hollow pour la première fois en 1984 par Kirk (1986) puis confirmées en 1991 (Bowles, 1994), mais elles n’ont pas été observées par la suite malgré de nombreuses tentatives. La population est disparue à cause de la destruction graduelle de son habitat par la succession végétale et de la présence d’une plantation de pins arrivant à maturité.

Mentions erronées

Il existe une mention erronée, soit celle de « St. Williams » (Marie–Victorin 45867, MT). Cette mention a été rejetée par Sutherland (1987), qui estimait que le spécimen était mal étiqueté et provenait probablement de la parcelle Turkey Point du bloc de terres de la Couronne de St. Williams, puisque l’espèce n’a pas été trouvée dans les parcelles Nursery et Manestar de ce bloc, situées à St. Williams, malgré les travaux de terrain considérables menés dans le secteur (Gartshoreet al., 1987; Draper et al., 2002) et la présence de superficies suffisantes d’habitat.

Zone d’occurrence et indice de la zone d’occupation

La zone d’occurrence actuelle de la téphrosie de Virginie au Canada est d’environ 10 kilomètres carrés. Cette valeur, obtenue au moyen du Système d’information géographique, est la superficie du polygone entourant l’aire circonscrite par la plus courte frontière imaginaire continue englobant les deux occurrences connues. L’indice de la zone d’occupation est de 9 km² (selon un maillage de 1 km) ou de 16 km² (selon un maillage de 2 km). La superficie d’habitat réellement occupée par l’espèce est d’environ 0,16 hectare, ou 0,0016 km². Cette valeur a été obtenue par estimation visuelle de la superficie de chaque colonie observée, en mètres carrés.

Habitat

Besoins en matière d’habitats

Dans l’ensemble de son aire de répartition, la téphrosie de Virginie pousse dans des sols secs, stériles, sableux, bien drainés, généralement acides à presque neutres. Elle se rencontre dans des forêts claires de chênes (Quercusspp.) ou de pins (Pinus spp.) (Wood, 1949), dans des chênaies et savanes à chênes de terrain sec–mésique (Sutherland, 1987), dans des prairies sableuses et des dunes dégagées (Bowles, 1994) ainsi que dans des landes sableuses (Voss, 1985), particulièrement si ces milieux ont subi des incendies de profondeur fréquents et peu intenses. Selon Dudley et Lajtha (1993), la téphrosie de Virginie est une composante commune des prairies de plaine sableuse et des landes côtières à éricacées du Massachusetts, où elle pousse dans des sols assez acides, à pH de 3,34 à 4,69. Dans le sud du New Hampshire, la téphrosie de Virginie était autrefois considérée comme une composante rare des forêts claires et des versants dégagés, en terrain sec, chaud, protégé et orienté vers le sud (Crow et Storks, 1980), mais elle n’a pas été observée récemment. En Georgie, la téphrosie de Virginie demeure une des légumineuses les plus abondantes des communautés à pin des marais (Pinus palustris) et aristide raide (Aristida stricta) (Hiers et al., 2003). La téphrosie de Virginie se rencontre à l’occasion le long des chemins, dans les champs abandonnés et dans d’autres milieux semi–naturels où la végétation a été aménagée de manière à réduire au minimum la couverture d’espèces ligneuses, mais elle semble avoir de la difficulté à survivre dans les milieux dégradés, à tout le moins à la limite nord de son aire de répartition. La téphrosie de Virginie ne semble pas tolérer l’ombre, et la croissance de sa biomasse aérienne présente une corrélation positive avec la pratique de brûlages printaniers (Dudley et Lajtha, 1993).

Au Canada, tous les sites se trouvent dans une zone physiographique particulière, la plaine sableuse de Norfolk. Les sables et limons de cette région ont été déposés sous forme de delta dans les lacs glaciaires Whittlesey et Warren, durant un écoulement massif d’eaux de fonte provenant du secteur de Grand River, entre des fronts glaciaires qui délimitaient un immense delta, d’ouest en est, pendant le retrait des lobes glaciaires (Chapman et Putnam, 1984).

Dans les sites ontariens, les sols sont des luvisols brun–gris brunisoliques constitués de sables lacustres à surface modifiée par le vent ainsi que de sables éoliens dunaires. Dans le site du cordon dunaire de Vittoria, les sols appartiennent à la série de Plainfield et sont constitués d’un sable fin à drainage bon à rapide, à teneur moyennement faible en matière organique (un peu moins de 2 %), et ils sont relativement acides (Presant et Acton, 1984). Dans la zone naturelle de la pointe Turkey, les sols appartiennent à la série de Watford et sont constitués de sables loameux fins et de loams sableux fins, bien drainés. Dans les horizons de surface, le sol a généralement une réaction moyennement acide à neutre (Presant et Acton, 1984).

Du point de vue de la classification écologique du territoire, la téphrosie de Virginie est confinée à la zone carolinienne de l’Ontario (écorégion 7E), soumise à l’effet climatique du lac Érié. L’habitat typique de l’espèce est une forêt claire mélangée ou une savane à chêne des teinturiers (Quercus velutina) et chêne blanc (Q. alba), où une perturbation occasionnelle limite l’excès d’ombre que causerait un empiétement des autres arbres et arbustes (figure 4). Il est probable que l’habitat était maintenu dans le passé par des incendies de profondeur périodiques, mais actuellement le milieu est aménagé au moyen de brûlages dirigés menés dans la zone naturelle de la pointe Turkey. La perturbation périodique, qui a pour effet d’éliminer ou réduire la couche de litière et de scarifier la surface du sol, est importante pour le maintien de conditions convenant à la germination des graines et à l’établissement des plantules. La téphrosie de Virginie se rencontre souvent en association avec la violette pédalée (Viola pedata), qui est également en voie de disparition à l’échelle fédérale et dont les besoins en matière d’habitat sont semblables (Hutchison et Kavanagh, 1994).

Figure 4. Savane à chêne des teinturiers aménagée (précédemment brûlée), dans le Parc provincial de la Pointe Turkey, où la téphrosie de Virginie est une composante fréquente de la couverture végétale. Photographie de S. Brinker.

Photo montrant une savane à chêne des teinturiers aménagée (précédemment brûlée), dans le Parc provincial de la Pointe Turkey, où la téphrosie de Virginie est une composante fréquente de la couverture végétale.

Figure 5. Dommages causés à l’habitat de la téphrosie de Virginie par l’utilisation non réglementée de véhicules tout–terrain, dans la parcelle Turkey Point de la réserve de conservation St. Williams. Photographie de S. Brinker.

Photo montrant des dommages causés à l’habitat de la téphrosie de Virginie par l’utilisation de véhicules tout–terrain. La photo a été prise dans la parcelle Turkey Point de la réserve de conservation St. Williams.

Tendances en matière d’habitat

La téphrosie de Virginie ne fait l’objet d’aucune surveillance active dans la plupart des États des États–Unis, mais les tendances en matière d’habitat ont été quantifiées dans le cas de plusieurs écosystèmes qui lui sont associés dans l’ensemble de son aire de répartition. Des évaluations récentes des communautés nord–américaines de prairie à grandes graminées et de savane à chênes ont révélé que ces communautés sont en péril. Autrefois, elles occupaient de grandes superficies dans le centre et l’est de l’Amérique du Nord, s’étendant vers le nord jusqu’au sud du Manitoba et au sud de l’Ontario, vers le sud jusqu’au nord–est du Texas et vers l’est jusqu’à l’Ohio. Par exemple, selon Nuzzo (1986), au moment de la colonisation du Midwest, aux États–Unis, la savane à chênes occupait de 11 à 13 millions d’hectares (ha). En 1985, un relevé indiquait qu’il ne restait plus que 113 sites totalisant environ 2 600 ha, ce qui représente 0,02 % de l’étendue d’origine. Selon des estimations récentes plus généreuses, il resterait encore plusieurs centaines de milliers d’hectares d’écosystèmes à chênes dégradés mais potentiellement récupérables; ces écosystèmes ont déjà perdu leur biodiversité et leurs fonctions biologiques, mais ils réagissent généralement de manière positive aux travaux de restauration (Leach et Ross, 1995). Au même moment, les forêts et savanes à pin des marais de la plaine côtière du sud–est des États–Unis ont perdu 98 % de leur superficie (Noss, 1989), ce qui les place au deuxième rang de la liste des écosystèmes les plus menacés des États–Unis (Noss et al., 1995). En Nouvelle–Angleterre, dans le nord–est des États–Unis, les prairies de plaine sableuse occupées par la téphrosie de Virginie près de la limite de son aire de répartition disparaissent rapidement (Dudley et Lajtha, 1993). La disparition de ces écosystèmes a d’abord été causée par le fait qu’ils occupent des terres convenant à l’agriculture et par la suppression délibérée des incendies de profondeur. Par la suite, le développement résidentiel et commercial et l’envahissement par des espèces exotiques sont devenus des facteurs importants. Cependant, on ne connaît pas l’impact réel de ces changements sur les populations de téphrosie de Virginie.

En Ontario, les tendances en matière d’habitat ont été semblables. Les chênaies et les savanes à chênes, qui constituent l’habitat privilégié de la téphrosie de Virginie dans cette province, occupaient des superficies relativement grandes avant le début de la colonisation européenne (Rodger, 1998). Au cours du siècle dernier, ces milieux ont été transformés en terres agricoles, éliminés par le développement urbain et commercial et dégradés par la suppression des incendies de profondeur et par la présence d’espèces exotiques envahissantes. Dans le secteur du comté de Norfolk où se rencontre la téphrosie de Virginie, les notes prises à l’occasion des premiers relevés semblent indiquer que le secteur abritait autrefois une des plus grandes superficies de complexes de prairies et savanes de terrain sec ou sec–mésique du sud de l’Ontario, selon Bakowsky et Riley (1994). Dès le début du 20e siècle, des signes d’incendie d’origine naturelle ont été relevés dans la parcelle de Turkey Point par Zavitz (1909). Ce membre fondateur de la station forestière de St. Williams notait alors que des incendies de profondeur y brûlaient périodiquement la terre. En 1928, il observa que 90 % des arbres de la parcelle de Turkey Point étaient malades ou marqués par le feu. Par la suite, des années de lutte contre les incendies et d’aménagement forestier ont pratiquement éliminé ce processus naturel et ainsi réduit les conditions propices à la présence d’une savane dégagée. Actuellement, la plupart des reliques existant encore dans la région sont de petits fragments dégradés et isolés de moins de 2 ha. Cependant, la réserve de conservation St. Williams et le Parc provincial de la Pointe Turkey renferment collectivement une des plus grandes parcelles indigènes de savane à chênes et de chênaie sur sol sableux sujet à la sécheresse en Ontario, totalisant plus de 700 ha (Draper et al., 2002). Une bonne partie de ce milieu est actuellement dégradé, à cause d’une plantation intercalaire de pins ou d’un envahissement par une végétation ligneuse excessive.

Le Centre d’information sur le patrimoine naturel (CIPN) de l’Ontario reconnaît trois types de forêts et savanes sèches à chêne des teinturiers (selon la composition de la végétation et la structure des communautés) associés à l’habitat de la téphrosie de Virginie en Ontario : la savane sèche à grandes graminées et chêne des teinturiers (Dry Black Oak Tallgrass Savanna Type), la savane sèche à grandes graminées, pins et chêne des teinturiers (Dry Black Oak–Pine Tallgrass Savanna Type) ainsi que la forêt sèche à grandes graminées, chêne blanc et chêne des teinturiers (Dry Black Oak – White Oak Tallgrass Woodland Type). Actuellement, le premier de ces types de végétation est considéré comme rare à l’échelle mondiale par l’organisme Conservation de la nature (NatureServe, 2008), et les trois types sont considérés comme rares à l’échelle provinciale par le CIPN(Bakowsky, 1996).

Protection et propriété

Les plus grandes populations, celles de la zone naturelle de la pointe Turkey, sont protégées par le fait qu’elles sont situées à l’intérieur du Parc provincial de la Pointe Turkey ou de la réserve de conservation St. Williams (parcelle de Turkey Point), lesquels appartiennent au gouvernement provincial et sont gérés par celui–ci. Cependant, la désignation de la parcelle de Turkey Point à titre de « réserve de conservation » ainsi que le classement du parc à titre de « parc de loisirs » n’ont pas assuré une protection complète à ces populations. Le maintien de l’intégrité écologique et la protection des éléments importants du patrimoine naturel font partie du mandat de ces zones protégées, mais le Parc provincial de la Pointe Turkey et la réserve de conservation St. Williams doivent en outre offrir une vaste gamme d’activités récréatives de plein air compatibles ainsi que des possibilités adéquates d’utilisation diurne et de camping en aire aménagée. Par conséquent, un certain nombre de pressions telles que l’utilisation non réglementée de véhicules tout–terrain, une fréquence excessive de visiteurs ainsi que la perte d’habitat liée à l’aménagement d’infrastructures dans le parc et à la suppression des incendies continuent de menacer certaines des populations de téphrosie de Virginie malgré la désignation de ces zones protégées.

Le site du cordon dunaire de Vittoria se trouve en terrain privé et fait partie d’une zone d’intérêt naturel et scientifique (ZINS) du point de vue des sciences de la terre pour la province. Le terrain a également été désigné « site important » dans le cadre de l’inventaire des zones naturelles de la municipalité régionale de Haldimand–Norfolk (Gartshore et al., 1987), mais cet inventaire n’a jamais été intégré aux plans régionaux officiels. D’ailleurs, ni l’une ni l’autre des désignations ne confère une protection juridique.

Biologie

La biologie de la téphrosie de Virginie ne semble pas avoir été bien étudiée, car on trouve peu de données sur cette espèce dans les publications scientifiques. La monographie de Wood (1949) demeure le travail le plus important sur l’espèce. L’information résumée ci–dessous est fondée sur les travaux de Wood ainsi que sur une variété de données publiées et inédites.

Cycle vital et reproduction

La téphrosie de Virginie est une plante à fleurs herbacée vivace non graminoïde qui produit des graines un grand nombre de fois au cours de sa vie. La floraison a lieu de la fin juin à la fin juillet dans le nord de l’aire de répartition. Il se peut que la plante soit capable d’autopollinisation, comme il a été avancé dans le cas de l’espèce apparentée Tephrosia vogelii (McGregor, 1976), mais cela n’a pas été confirmé. Les pollinisateurs réels de l’espèce n’ont pas été bien répertoriés, mais la structure des fleurs semble adaptée à une pollinisation par les abeilles. Dans le cadre d’une étude sur les communautés d’abeilles indigènes des savanes à chêne des teinturiers de l’Indiana, Jean et al. (2002) ont constaté que plus de 70 % des pollinisateurs des Tephrosia étaient des abeilles solitaires du genre Megachile. La pollinisation des Tephrosia par les Megachile n’a jamais été observée dans des populations canadiennes, mais un relevé récent des insectes des écosystèmes à grandes graminées du sud de l’Ontario (Packer et al.,2002) a montré que 6 espèces de Megachile étaient présentes dans la réserve de conservation St. Williams. Selon Sutherland (comm. pers., 2009), on sait que les Tephrosia constituent un hôte floral et une source de nectar pour 2 des espèces de Megachile récoltées par Packer et al. (2002) à l’intérieur de la réserve, le M. mendica et le M. mucida. La première de ces espèces est répandue et possède de nombreux hôtes floraux, tandis que la seconde a une répartition plus méridionale, ses occurrences les plus proches se situant au New Jersey (Packer et al., 2002). La réserve de conservation St. Williams constitue la seule occurrence connue du M. mucida au Canada, mais des relevés entomologiques similaires qui seraient menés dans les secteurs voisins de la pointe Turkey pourraient révéler la présence de l’insecte dans ces secteurs.

La production de graines n’a pas été étudiée de façon empirique, mais Bowles (1994) a examiné un sous–ensemble de gousses provenant des 3 populations ontariennes et a constaté que la production moyenne était de 0,99 graine mûre par gousse et que 55 % des gousses ne renfermaient aucune graine viable.

On ne sait pas à quel moment les graines sont dispersées, mais il est probable que la dispersion commence en août et se poursuit jusqu’en octobre. On signale que le taux de germination est relativement élevé, et Wood (1949) a constaté que les graines venant d’être récoltées avaient un taux de germination de presque 100 %. Des taux de germination élevés ont également été observés chez des espèces apparentées dans le cas de graines ayant été conservées en herbiers pendant plusieurs années. On ne sait pas à quel moment a lieu la germination, mais on peut supposer qu’elle a lieu au printemps, à la suite d’incendies de profondeur périodiques exposant le sol minéral. La longévité de la plante est inconnue. Cependant, comme la plante produit des racines ligneuses s’enfonçant profondément dans le sol, elle vit sans doute longtemps, et la durée de génération doit être d’au moins plusieurs années. On ne sait pas à quel âge la plante commence à se reproduire.

Herbivores

En Ontario, on a déjà observé des larves non identifiées de charançons et d’autres insectes en train de consommer les graines de la téphrosie de Virginie (Bowles, 1994). Les dégâts dus aux herbivores ont été jugés importants dans la population principale de la zone naturelle de la pointe Turkey, mais ces dégâts n’ont pas été constatés régulièrement dans tous les sites. Selon Sutherland (comm. pers., 2009), il est bien probable que le charançon responsable des dégâts est l’Apion segnipes, mais il faudrait des études plus poussées pour le confirmer. En Ontario (et au Canada), cette espèce de charançon a été signalée uniquement dans un lieu appelé Turkey Point. On sait que les adultes visitent les fleurs du Tephrosia virginiana dans d’autres parties de son aire de répartition, et des larves de l’espèce ont été récoltées dans des gousses de cette plante. Les Tephrosia sont les seuls hôtes connus de ce charançon, et aucune autre espèce de charançon présente au Canada n’a jamais été signalée chez ces hôtes. Aucun signe d’herbivorie n’a été remarqué durant les relevés de 2008, car ils ont été menés avant le développement des graines.

Physiologie

On ne dispose d’aucune information spécifique sur la physiologie de la plante, outre ses préférences en matière d’habitat et sa capacité de fixer l’azote atmosphérique.

Dispersion

La distance de dispersion des graines n’atteint vraisemblablement pas plus de quelques mètres à partir de la plante–mère, car les graines sont simplement éjectées par la gousse au moment de sa déhiscence.

Relations interspécifiques

Les abeilles solitaires du genre Megachile sont d’importants pollinisateurs des Tephrosia en Indiana. Au Michigan et en Indiana, la téphrosie de Virginie a été signalée comme source de nectar pour une espèce en voie de disparition (endangered), le mélissa bleu (Plebejus melissa samuelis), autrefois classé dans le genre Lycaeides (Grundel et Pavlovic, 2000). Au Canada, ce papillon est considéré comme une espèce disparue du pays (Espèces en péril, 2009). On ne sait pas si les populations canadiennes sont limitées par l’absence de pollinisateurs.

Aucune espèce spécifique de symbionte fixateur d’azote n’a jamais été identifiée chez la téphrosie de Virginie, mais cette dernière possède probablement la capacité de fixer l’azote, comme la plupart des autres espèces de la sous–famille des Papilionoïdées. Dans les landes et prairies côtières de l’île de Nantucket, Dudley et al. (1996) ont mesuré des concentrations beaucoup plus élevées d’azote dans les tissus du Tephrosia virginiana que dans ceux des autres plantes étudiées, dont une espèce fixatrice d’azote connue, le myrique de Pennsylvanie (Myrica pensylvanica); ils en ont conclu que le T. virginiana est une espèce fixatrice d’azote. Les Légumineuses sont des composantes de première importance de nombreux écosystèmes dépendant du feu (Dudley et Lajtha, 1993; Hainds et al., 1999; Hiers et al., 2003), et elles y jouent souvent un rôle essentiel dans le remplacement de l’azote volatilisé à la suite des incendies fréquents, en fixant l’azote atmosphérique au moyen de symbioses avec des bactéries fixatrices. De plus, les Légumineuses peuvent avoir un effet sur le cycle de l’azote en transférant directement l’azote à des plantes poussant dans le même milieu mais dépourvues de telles symbioses (Mallarino et al., 1990). Cependant, dans les landes côtières de Nantucket, les espèces associées à la téphrosie de Virginie ne tiraient aucun apport détectable d’azote de leur proximité avec la téphrosie de Virginie. De plus, le sol situé sous les téphrosies ne renfermait pas plus d’azote disponible que le sol témoin des environs (Dudley et al., 1996). Dudley et al. en ont conclu que la téphrosie de Virginie n’avait pas, dans les processus de succession, le rôle important que jouent d’autres espèces fixatrices d’azote dans d’autres écosystèmes.

La préférence de l’espèce pour les milieux relativement dégagés sujets aux incendies semble indiquer que la téphrosie de Virginie pourrait ne pas tolérer la compétition, mais cela reste à démontrer.

Adaptabilité

La téphrosie de Virginie est adaptée à la sécheresse et aux incendies, car elle produit des racines ligneuses qui s’enfoncent profondément dans le sol et qui possèdent très probablement une capacité de fixation d’azote permettant à la plante de survivre dans les milieux pauvres en cet élément.

Taille et tendances des populations

Activités de recherche

Les récoltes anciennes de la téphrosie de Virginie semblent indiquer qu’elle a toujours été rare en Ontario. De plus, comme la téphrosie de Virginie se caractérise par ses fleurs aux couleurs voyantes de jaune et de rose ainsi que ses tiges, rameaux et pétioles velus et dressés, elle risque peu de passer inaperçue. L’espèce se rencontre aussi dans des milieux distinctifs qui ont été bien explorés par les botanistes et ont fait l’objet de relevés intensifs vers le milieu des années 1980 dans le cadre d’un inventaire complet des zones naturelles des comtés de Haldimand et de Norfolk (Gartshoreet al., 1987). Des études de terrain ont été menées en 1985 et 1986 dans des zones et sites naturels potentiellement importants situés en terrain privé ou public, et des relevés ponctuels ont été faits dans de nombreuses autres zones où des espèces importantes avaient été signalées. Dans le cadre des relevés effectués, une nouvelle population de téphrosie de Virginie a été découverte sur le cordon dunaire de Vittoria. Également, Kirk (1986) a réalisé un inventaire biologique détaillé de Spooky Hollow, qui a permis de répertorier une nouvelle population. Des travaux de terrain ont également été menés, de 1991 à 1994, aux fins de rédaction d’un rapport de situation sur la téphrosie de Virginie (Bowles, 1994) et alors, les populations situées à la pointe Turkey, à Spooky Hollow et sur le cordon dunaire de Vittoria ont été évaluées. Plus récemment, de grandes superficies de milieux pouvant convenir à l’espèce ont été examinées (Draper et al., 2002) dans le cadre d’un inventaire biologique détaillé de la forêt domaniale St. Williams (St. Williams Crown Forest), où plusieurs sous–populations de téphrosie de Virginie ont été découvertes ou retrouvées. Depuis, Ron Gould, du ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, assure un suivi des sous–populations actuellement présentes dans la parcelle Turkey Point de la réserve de conservation St. Williams, où se trouve une partie de la population de la zone naturelle de la pointe Turkey (R. Gould, comm. pers., 2008).

En 2008, des relevés de suivi détaillés ont été réalisés dans 1 des 2 populations existantes, celle de la zone naturelle de la pointe Turkey. Ces relevés visaient à recenser toutes les sous–populations, à évaluer les menaces et à rechercher des colonies non encore répertoriées. De plus, des photographies aériennes ont permis de repérer d’autres milieux convenant à l’espèce, où celle–ci aurait pu passer inaperçue. Des relevés ont aussi été menés dans la zone d’intérêt naturel et scientifique (ZINS) de Spooky Hollow, ce qui a permis de confirmer que cette population est disparue. Les relevés ont nécessité 4 journées de travail, soit les 12, 13 et 14 juillet ainsi que le 11 octobre 2008. Un total de 28 heures ont été consacrées aux travaux, dont environ 19 heures dans le Parc provincial de la Pointe Turkey (où on manquait le plus de relevés récents), 6 heures dans la réserve de conservation St. Williams et 3 heures dans la ZINS de Spooky Hollow. L’accès au cordon dunaire de Vittoria a été refusé, mais le secteur a été recensé de manière non systématique par Brinker en 2001 et examiné au moyen de jumelles, à partir du chemin, en 2007 et 2008.

Aucune recherche n’a été faite dans les sites des 3 autres populations disparues, à Normandale, Simcoe et Walsh.

Abondance

Malheureusement, on ne dispose d’aucune information spécifique sur les profils de dispersion et l’interdépendance génétique des diverses colonies formant les populations canadiennes de téphrosie de Virginie. En l’absence de telles données, les populations ont été délimitées conformément aux lignes directrices Habitat–based Plant Element Occurrence Delimitation Guidance de NatureServe (2008), qui sont employées par les centres de données sur la conservation de la plupart des États et provinces, dont le CIPN, à Peterborough, en Ontario. Selon ces lignes directrices largement acceptées, toute plante ou colonie séparée par plus de 1 km, et ne se trouvant pas le long d’un système riverain ou côtier, doit être considérée comme une population distincte, ou occurrence d’élément (OE). En adoptant cette convention, le CIPN a établi que six occurrences distinctes de la téphrosie de Virginie sont présentes au Canada, dont quatre correspondent aux populations disparues de Simcoe, de Walsh, de Normandale et de la ZINS de Spooky Hollow. Il reste donc deux populations existantes, celle de la zone naturelle de la pointe Turkey et celle du cordon dunaire de Vittoria.

Dans le premier rapport de situation, Bowles (1994) estimait que la population canadienne totale de l’espèce comprenait environ 250 colonies (250 plantes et un nombre indéterminé de tiges), réparties entre la zone naturelle de la pointe Turkey, le cordon dunaire de Vittoria et la ZINS de Spooky Hollow, mais le nombre total d’individus matures capables de se reproduire demeurait inconnu.

De plus, 1 des 2 populations toujours existantes au Canada, l’OE de la zone naturelle de la pointe Turkey, est constituée d’environ 566 colonies éparses (plantes dénombrées en 2008, ainsi que 6 958 tiges matures). Comme les tiges multiples de chaque colonie semblent provenir d’une même souche, chaque colonie a été considérée comme une plante distincte. Par ailleurs, il a été tenu pour acquis que la plupart des plantes dénombrées durant les relevés étaient suffisamment établies pour être considérées comme « matures » et que de nombreuses plantes ne fleurissaient pas parce qu’elles étaient trop ombragées. L’OE du cordon dunaire de Vittoria est constituée d’une colonie d’environ 100 tiges (selon une estimation de 2001). Par conséquent, la population canadienne totale renferme environ 567 plantes comptant 7 058 tiges.

Fluctuations et tendances

Globalement, on dispose de trop peu de données démographiques pour pouvoir évaluer ou comparer adéquatement les tendances ou déclins dans le temps. La téphrosie de Virginie a suscité l’intérêt à titre de plante indigène rare et voyante et a fréquemment été observée au cours des années, mais les données démographiques n’ont pas été recueillies de manière détaillée au moyen de méthodes normalisées. Le tableau 1 présente un résumé des localités, du nombre de plantes ou de tiges et de la situation foncière de tous les sites de la téphrosie de Virginie déjà répertoriés. Peu de sites ont fait l’objet de dénombrements précis des tiges pouvant permettre des comparaisons. De plus, les divers observateurs peuvent avoir utilisé des définitions différentes de ce qui constitue un individu, une plante ou une tige, ce qui limite également les possibilités de comparaison.

Tableau 1. Localités, nombre de plantes ou de tiges et situation foncière des populations canadiennes de téphrosie de Virginie.
Localités Année Herborisateur ou observateur (herbier) Nombre de plantes ou de tiges / superficie occupée Situation foncière
Normandale 1885 Yates (CAN) Inconnus Inconnue
  1936 Marie–Victorin (MTMG) Inconnus  
  1971 Ball (TRTE) Inconnus  
Simcoe 1915 Williams (OAC) Inconnus Inconnue
  1941 Landon (HAM) Inconnus  
ZINS de Spooky Hollow 1984 Kirk Inconnus Office de protection de la nature de la région de Long Point
  1991 Bowles Inconnus  
  200? Gould Aucun n’a été observé.  
  2008 Brinker Aucun n’a été observé.  
Zone naturelle de la pointe Turkey 1885 Yates (MTMG) Inconnus Parc provincial; terres de la Couronne
  1932 Marie–Victorin (MT) Inconnus  
  1934 Stroud (TRT) Inconnus  
  1934 Brown (TRT) Inconnus  
  1935 Bowden (HAM) Inconnus  
  1938 Soper (HAM) Inconnus  
  1939 Brown (TRT) Inconnus  
  1948 Landon (CAN) Inconnus  
  1955 Campbell (OAC) Inconnus  
  1957 Cruise (TRT) Inconnus  
  1957 Dore (DAO) Inconnus  
  1958 Maycock (DAO) Inconnus  
  1960 Soggan (TRT, CAN) Inconnus  
  1961 Bowden (DAO) Inconnus  
  1963 Zavitz (OAC, QK) Inconnus  
  1967 Montgomery (OAC) Inconnus  
  1979 Crins (TRTE) Inconnus  
  1987 Oldham, Sutherland et Gartshore Inconnus  
  1991 Bowles Inconnus  
  2000 Bakowsky et Kirk Inconnus  
  2001 Gould 1 044 plantes (RCSW*)  
  2002 Eccles et Findlay Inconnus  
  2006 Gould 1 807 plantes (RCSW*)  
  2008 Brinker 6 958 tiges  
Cordon dunaire de Vittoria 1985 Gartshore Inconnus Terrain privé
  1986 Gartshore Inconnus  
  2001 Brinker 100 tiges  
  2007 Brinker Inconnus  
  2008 Brinker Inconnus  
Walsh ? Brink (OAC) Inconnus Inconnue
  1950 Cruise (TRT, CAN, LKHD) Inconnus  
*RCSW – Réserve de conservation St. Williams, où se trouve une partie de la population de la zone naturelle de la pointe Turkey.
Code de l’herbier et institution
CAN : Musée canadien de la nature, Ottawa (Ontario) Canada
DAO : Agriculture et Agroalimentaire Canada, Ottawa (Ontario) Canada
HAM : Jardins botaniques royaux, Hamilton (Ontario) Canada
LKHD : Université Lakehead, Thunder Bay (Ontario) Canada
MT : Université de Montréal, Montréal (Québec) Canada
MTMG : Université McGill, Campus Macdonald, Montréal (Québec) Canada
OAC : Université de Guelph, Guelph (Ontario) Canada
QK : Université Queen's, Kingston (Ontario) Canada
TRT : Musée royal de l’Ontario, Toronto (Ontario) Canada
TRTE : Erindale College, Université de Toronto, Mississauga (Ontario) Canada

Depuis la publication du premier rapport de situation, une population, celle de la ZINS de Spooky Hollow, a été éliminée par la succession végétale survenue dans son habitat. Au cours de la même période, la situation des trois autres populations disparues, celles de Normandale, de Simcoe et de Walsh, est demeurée la même.

Dans le cas de la zone naturelle de la pointe Turkey, il existe un ensemble partiel de dénombrements. Les plantes poussant dans la réserve de conservation St. Williams ont été dénombrées trois fois au cours des 10 dernières années. R. Gould en a compté 1 044 en 2001 et 1 807 en 2006, mais ces nombres ne comprennent pas toutes les sous–populations connues. En 2008, 2 267 tiges ont été comptées. Au moins une petite sous–population de la réserve de conservation St. Williams a été réduite par 10, et au moins 2 autres petites sous–populations ont été entièrement éliminées (Gould, comm. pers., 2008), sans doute à cause de menaces indirectes associées à la succession végétale. Dans le Parc provincial de la Pointe Turkey, la situation actuelle demeure tout aussi confuse. Une cartographie détaillée des populations du parc produite en 1987 par le ministère des Richesses naturelles de l’Ontario permet de les situer de manière précise, mais aucun dénombrement détaillé n’a été fait. La carte a été employée pour retrouver les sous–populations en 2008. Sur les 47 points figurant sur la carte (OMNR, 1987), seulement 29 ont été retrouvés, et il était évident que le milieu ne convenait plus à l’espèce dans de nombreux sites où l’espèce n’était pas présente. Il semble donc que de réels déclins ont eu lieu à l’intérieur du parc.

Au moment de la rédaction du premier rapport de situation, on estimait que la population canadienne totale comprenait environ 250 individus matures, répartis en 3 populations. En 2008, on a pu confirmer l’existence de 567 colonies, réparties en 2 populations et comprenant en tout 7 058 tiges. Il est difficile d’établir si l’augmentation ainsi observée de la population canadienne résulte en fait d’activités de recherche plus intensives, d’une augmentation réelle ou d’une combinaison des deux. Quoi qu’il en soit, la téphrosie de Virginie demeure une espèce rare, limitée à un habitat spécifique, dans une aire restreinte.

Immigration de source externe

Il est très peu probable qu’il y ait recrutement à partir du Michigan, de l’Ohio ou de la Pennsylvanie, où se trouvent les populations les plus proches. Les distances sont grandes et traversent des régions comprenant de vastes superficies de substrats ne convenant pas à l’espèce, dont des argiles et des tills calcaires non acides, des terres exploitées de façons ne convenant pas à l’espèce (dont de grandes superficies cultivées ou urbanisées) ainsi que des plans d’eau importants (lacs Érié et Sainte–Claire, rivières Sainte–Claire et Détroit). Les gousses sèches et les graines de l’espèce ne possèdent aucune adaptation leur permettant de se disperser sur de grandes distances. La population la plus proche est située dans le comté de Venango, en Pennsylvanie, à plus de 100 km des sites ontariens. Le maintien de la téphrosie de Virginie au Canada dépend donc de la conservation des 2 populations existantes.

Facteurs limitatifs et menaces

Le manque d’habitat semble être le principal facteur limitatif pour la téphrosie de Virginie. La plante a besoin de dépôts de sables acides (et non calcaires), lesquels sont peu communs et localisés à l’intérieur de l’aire de répartition ontarienne actuelle, alors que les sables calcaires sont beaucoup plus répandus. La téphrosie de Virginie privilégie en outre les savanes à chênes et les chênaies, qui n’ont probablement jamais été très communes et sont maintenant des types de végétation rares à l’échelle de la province (Bakowsky, 1996).

Les populations de la zone naturelle de la pointe Turkey sont exposées à peu de menaces directes, car elles sont situées dans un parc provincial et une réserve de conservation. Plusieurs colonies se trouvent à proximité d’emplacements de camping fréquemment utilisés, et un piétinement occasionnel a été observé, mais cette menace demeure globalement peu importante. Le fauchage est une menace mineure pour plusieurs colonies du parc situées au bord de chemins et pour une colonie située sur une emprise municipale réservée à la construction d’un chemin. Cependant, on ne sait pas jusqu’à quel point cette situation a une incidence, outre l’élimination possible de la biomasse aérienne. Les secteurs fauchés reçoivent généralement un surcroît de lumière directe, les plantes y sont vigoureuses, et il se peut même que le fauchage ait indirectement contribué au maintien de l’intégrité de celles–ci en empêchant l’empiétement des arbustes. Les membres du personnel du parc savent que des populations sont présentes dans les secteurs fauchés et demandent au personnel saisonnier d’éviter de faucher la téphrosie de Virginie (Postma, comm. pers., 2008). Dans le passé, les véhicules tout–terrain ont constitué une menace pour la plupart des colonies de la parcelle Turkey Point de la réserve de conservation St. Williams, mais cette incidence est maintenant moindre, car la parcelle fait officiellement partie d’une réserve de conservation depuis 2002. On a installé des panneaux bien visibles et des clôtures afin de décourager l’utilisation de véhicules tout–terrain dans certains secteurs, et ces mesures ont même éliminé la menace à d’autres endroits. Le ministère des Richesses naturelles maintient également la présence d’employés chargés d’appliquer le règlement ainsi que de surveiller et décourager l’utilisation des véhicules tout–terrain.

Plusieurs colonies du Parc provincial de la Pointe Turkey et une colonie de la réserve de conservation St. Williams se trouvent sous des lignes de transport d’électricité, où elles sont soumises à un débroussaillage mécanique répété, ce qui risque de les endommager. Comme dans le cas du fauchage, cette activité a créé un régime de perturbation artificiel qui a permis de maintenir un milieu dégagé. L’aménagement de plusieurs coupe–feux dans le parc a éliminé au moins une petite colonie de téphrosie de Virginie. Ces secteurs ont été scarifiés à la herse à disques en préparation de brûlages dirigés, et aucune plante n’était présente dans un de ces coupe–feux, alors que l’espèce avait été signalée à cet endroit dans le passé.

Les menaces directes sont beaucoup plus préoccupantes pour la population du cordon dunaire de Vittoria. Cette petite colonie se trouve près de l’emprise d’un chemin, au bord d’un versant de sable instable et escarpé qui s’érode lentement. Il est probable que des plantes ont été éliminées au cours des années par le recul du versant. L’érosion du cordon a été accélérée par des travaux locaux d’extraction de sable. Il est douteux que la population puisse se maintenir à long terme.

L’espèce est sans doute plus gravement menacée à long terme par 2 facteurs influant indirectement sur son habitat : la succession végétale et l’absence de perturbation. Au cours du siècle dernier, la lutte contre les incendies a nui à l’espèce en permettant que son habitat subisse la succession végétale et en augmentant l’accumulation de couches de litière inhibant la germination des graines. Autrefois, les incendies de profondeur de faible intensité jouaient sans doute un rôle important en maintenant des peuplements clairsemés et en limitant l’accumulation de litière. Plusieurs observateurs ont relevé que la succession constituait une menace importante, et Bowles (1994) a abordé cette question dans le premier rapport de situation. Il est d’ailleurs très probable que la succession végétale est responsable de la disparition récente de la population de Spooky Hollow, étant donné la densité et la couverture de la végétation ligneuse observées en 2008, mais on ne sait pas si un réservoir de semences viable pourrait persister à cet endroit, ni combien de temps il pourrait persister, étant donné les conditions défavorables. En 2008, de nombreuses sous–populations paraissaient amoindries et dépourvues de vigueur, subissant la compétition de diverses plantes ligneuses rampantes, soit l’herbe à puce (Rhus radicans ssp. negundo), la vigne des rivages (Vitis riparia) et la ronce à flagelles (Rubus flagellaris), ainsi que d’une dense régénération de gaules de cerisier tardif (Prunus serotina). Cependant, la situation de certaines sous–populations s’est légèrement améliorée. Le ministère des Richesses naturelles a effectué plusieurs brûlages dirigés dans certaines portions du parc et de la réserve de conservation, pour améliorer la qualité de reliques représentatives de la savane à chênes et favoriser l’expansion des espèces rares tolérant ce type de perturbation. Dans le parc, des brûlages printaniers ont été effectués en rotation, dans 6 ou 7 parcelles, en 1994, 1999, 2001, 2004, 2005, 2007, 2008 et 2009 (Postma, comm. pers., 2008; Dobbyn, comm. pers., 2009). Par rapport à la parcelle témoin non brûlée, les parcelles brûlées semblent avoir conservé un milieu beaucoup plus dégagé et plus adéquat pour la téphrosie de Virginie, et les plantes qui s’y trouvaient dans le passé s’y trouvent encore. Inversement, plusieurs colonies qui se trouvaient jusqu’à récemment dans la parcelle témoin ne s’y trouvent plus; de plus, l’habitat est maintenant occupé par une végétation extrêmement dense qui ne convient plus à l’espèce. Des brûlages dirigés ont été entrepris dans la réserve de conservation St. Williams en 2006, et la téphrosie de Virginie semble avoir réagi à court terme par une croissance plus vigoureuse (Gould, comm. pers., 2008).

Les espèces envahissantes constituent une autre menace indirecte pour la téphrosie de Virginie dans la zone naturelle de la pointe Turkey. Deux espèces envahissantes, la petite pervenche (Vinca minor) et le célastre asiatique (Celastrus orbiculata), ont été observées à proximité de plusieurs colonies de téphrosie de Virginie situées dans le parc. Récemment, la petite pervenche a été observée dans une parcelle de savane à chênes de haute qualité, où elle occupait une superficie de 20 × 30 mètres et y éliminait progressivement toute autre plante herbacée. Plusieurs plantes de téphrosie de Virginie parvenaient à pousser dans ce peuplement dense, mais elles semblaient moins vigoureuses que celles poussant à proximité. Le célastre asiatique pose un problème beaucoup plus grave, s’il n’est pas combattu, car il peut se propager plus rapidement et modifier plus profondément la structure du milieu. En ce moment, une seule colonie de téphrosie de Virginie se trouve en contact direct avec le célastre asiatique, dans la partie nord–est du parc, où la plante envahissante demeure relativement contenue.

Importance de l’espèce

Au Canada, la téphrosie de Virginie forme des populations isolées situées à la limite nord de l’aire de répartition nord–américaine de l’espèce. D’autres espèces se rencontrant dans le sud de l’Ontario présentent une répartition semblable et sont préoccupantes sur le plan de la conservation. Or, les populations se trouvant en bordure de l’aire de répartition d’une espèce peuvent être génétiquement distinctes et avoir de l’importance pour la diversité de l’espèce.

La téphrosie de Virginie a été étudiée quant à son potentiel économique comme source importante d’insecticides. Comme d’autres espèces du genre Tephrosia, elle produit de la roténone, composé inodore souvent utilisé comme insecticide ou autre pesticide à large spectre, en raison de ses propriétés toxiques. Cependant, plusieurs études menées par le département de l’Agriculture des États–Unis ont montré que seulement quelques plantes poussant dans certains secteurs renferment des quantités mesurables de roténone, ce qui limite l’utilité de la plante à l’échelle commerciale (Crooks, 1948).

On prête à la téphrosie de Virginie diverses utilisations traditionnelles chez les Premières nations, mais aucune de ces utilisations n’a été signalée en Ontario. Selon, Moerman (2003), aux États–Unis, dans toute l’aire de répartition principale de l’espèce, les racines, les feuilles et les infusions de la plante sont employées contre une vaste gamme de symptômes, dont le rhume, les rhumatismes, l’irrégularité menstruelle, la fièvre et les troubles de vessie, et comme moyen de prévenir la perte de cheveux et de renforcer la santé des enfants. Les chasseurs séminoles s’en servaient pour empoisonner le poisson.

Protection actuelle ou autres désignations de statut

En Ontario, la téphrosie de Virginie est actuellement réglementée à titre d’espèce en voie de disparition aux termes du Règlement 230/08 pris en vertu de la nouvelle Loi de 2007 sur les espèces en voie de disparition. À l’échelle de la province, on lui a attribué la cote S1 (gravement en péril), et elle est considérée comme « à risque » en Ontario selon la liste de la Situation générale des espèces. En mai 2000, à la suite d’une évaluation menée par le COSEPAC, l’espèce a été désignée « en voie de disparition » au Canada et figure à ce titre dans l’annexe 1 de la Loi sur les espèces en péril du gouvernement du Canada. Elle jouit d’une protection particulière à l’intérieur du Parc provincial de la Pointe Turkey, en vertu de la Loi de 2006 sur les parcs provinciaux et les réserves de conservation.

On trouvera au tableau 2 la cote de conservation attribuée à la téphrosie de Virginie aux États–Unis. Dans la plus grande partie de son aire de répartition, l’espèce n’est généralement pas considérée comme très préoccupante sur le plan de la conservation, mais elle est considérée comme possiblement disparue (possibly extirpated) au New Hampshire, gravement en péril (critically imperilled) au Nebraska et au Rhode Island ainsi que rare au Minnesota et en Iowa. Ces États se situent cependant à la limite de l’aire de répartition, et la conservation de l’espèce ne soulève actuellement aucune préoccupation dans la partie centrale de cette aire.

Tableau 2. Statut de la téphrosie de Virginie dans les divers États des États–Unis.
Statut États Source
SH – Possiblement disparue New Hampshire NatureServe (2008)
S1 – Gravement en péril Nebraska, Rhode Island NatureServe (2008)
S3 – Vulnérable Minnesota, Iowa NatureServe (2008)
S4 – Apparemment non en péril New York, New Jersey, Delaware NatureServe (2008)
S5 – Non en péril Kentucky, Virginie, Virginie–Occidentale, Caroline du Nord NatureServe (2008)
Non classée ou à l’étude Michigan, Wisconsin, Massachusetts, Connecticut, Pennsylvanie, Maryland, District de Columbia, Ohio, Indiana, Illinois, Missouri, Arkansas, Texas, Louisiane, Tennessee, Georgie, Caroline du Sud, Alabama, Floride, Mississippi NatureServe (2008)

Résumé technique

Tephrosia virginiana

Téphrosie de Virginie – Virginia Goat’s–rue

Répartition au Canada :
Ontario

Données démographiques

Durée d’une génération (habituellement l’âge moyen des parents dans la population : indiquer si une autre méthode d’estimation
de la durée des générations inscrite dans les lignes directrices
de l’UICN (2008) est employée)
Probablement plusieurs années
Y a–t–il un déclin continu [observé, inféré ou prévu] du nombre total d’individus matures?
Déclin observé dans plusieurs sous–populations de la zone naturelle de la pointe Turkey, et déclins prévus dans le site du cordon dunaire de Vittoria; toutefois, des suivis du nombre d’individus n’ont pas été régulièrement faits.
Inconnu
Pourcentage estimé du déclin continu du nombre total d’individus matures pendant [5 années ou 2 générations].
Inconnu parce que les individus n’ont pas été dénombrés durant les années de suivi précédentes, et par conséquent déclins réels inconnus dus à la disparition de colonies dans les deux localités existantes.
Inconnu
Pourcentage [observé, estimé, inféré ou soupçonné] [du déclin
ou de l’augmentation] du nombre total d’individus matures
pendant les [10 dernières années ou 3 dernières générations].
Inconnu
Pourcentage [prévu ou soupçonné] [du déclin ou de l’augmentation] du nombre total d’individus matures pendant les [10 prochaines années ou 3 prochaines générations].
Inconnu
Pourcentage [observé, estimé, inféré ou soupçonné] de [la réduction ou l’augmentation] du nombre total d’individus matures au cours de toute période de [10 ans ou 3 générations] couvrant une période antérieure et ultérieure.
Inconnu
Est–ce que les causes du déclin sont clairement réversibles et comprises et ont cessé?
Les pertes dues à la succession végétale sont connues, mais on ne sait pas si les tendances sont réversibles et si toutes les menaces peuvent être entièrement éliminées.
Non
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre d’individus matures?
Non

Information sur la répartition

Superficie estimée de la zone d’occurrence
10 km²
Indice de la zone d’occupation (IZO)
< 20 km²
(maillage de 2 km)
16 km²
(maillage de 1 km)
km²
La population totale est–elle très fragmentée?
Seulement deux populations sont existantes, mais la plus grande comprend plus de 95 % de l’effectif total et de la superficie d’habitat occupée.
Non
Nombre de localités (selon la définition fournie à l’égard des menaces)
2
Y a–t–il un déclin continu [observé, inféré ou prévu] de la zone d’occurrence?
Déclin observé et prévu
Y a–t–il un déclin continu [observé, inféré ou prévu] de l’indice
de la zone d’occupation?
(Déclin fondé sur la perte de 3 anciennes populations historiques et de la population de Spooky Hollow, disparue au cours des années 1990 ou vers le début des années 2000)
Déclin observé
Y a–t–il un déclin continu [observé, inféré ou prévu] du nombre
de populations?
(Perte prévue de la petite population du cordon dunaire de Vittoria)
Oui
Y a–t–il un déclin continu [observé, inféré ou prévu] du nombre
de localités?
(Perte prévue de la localité du cordon dunaire de Vittoria)
Oui
Y a–t–il un déclin continu [observé, inféré ou prévu] de [la superficie, l’étendue ou la qualité] de l’habitat?
(Déclin observé et prévu dû aux plantes envahissantes)
Oui
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre de populations?
Non
Y a–t–il des fluctuations extrêmes du nombre de localités
(selon la définition fournie à l’égard des menaces)?
Non
Y a–t–il des fluctuations extrêmes dans la zone d’occurrence?
Non
Y a–t–il des fluctuations extrêmes de l’indice de la zone d’occupation?
Non

Nombre d’individus matures (dans chaque population)

Population
Nombre d’individus matures
Zone naturelle de la pointe Turkey
566 plantes
(comptant 6 958 tiges)
Cordon dunaire de Vittoria
1 plante
(comptant ~ 100 tiges)
Total
567 plantes
(comptant ~ 7 058 tiges)

Analyse quantitative

La probabilité de disparition de l’espèce de la nature est d’au moins [20 % sur 20 ans ou 5 générations, ou 10 % sur 100 ans].
Inconnu

Menaces (réelles ou imminentes pour les populations ou l’habitat)

Menace principale : Succession végétale et absence de perturbation due aux incendies avec le temps.
Aussi : Habitat limité; propagation de plantes exotiques (menace mineure); consommation possible des graines par des insectes.

Immigration de source externe (immigration de l’extérieur du Canada)

Statut des populations de l’extérieur
États–Unis :
Espèce actuellement non préoccupante sur le plan de la conservation dans toute la partie principale de son aire de répartition.
Une immigration a–t–elle été constatée ou est–elle possible?
Inconnu
Des individus immigrants seraient–ils adaptés pour survivre au Canada?
Probablement
Y a–t–il suffisamment d’habitat disponible au Canada pour les individus immigrants?
Très limité
La possibilité d’une immigration de populations externes existe–t–elle?
Non

Statut existant

COSEPAC :
Espèce en voie de disparition (novembre 2009)
Ontario :
Espèce en voie de disparition

Statut et justification de la désignation

Statut
Espèce en voie de disparition
Code alphanumérique
B1ab(i,ii,iii,iv,v)+2ab(i,ii,iii,iv,v); C2a(ii)

Justification de la désignation
Il s’agit d’une espèce dont l’occurrence géographique canadienne est restreinte et qui se présente sous la forme de deux populations dans des habitats restants de savanes et de forêts à chênes noirs dans le sud–ouest de l’Ontario. Ces habitats sont rares à l’échelle mondiale et comptent parmi les communautés écologiques les plus menacées du Canada. La presque totalité des individus (tout près de 600 individus) forme une seule population chevauchant deux aires protégées voisines. Cette population est menacée par la dégradation de son habitat lors des changements successionnels. La seconde population, qui se trouve sur des terres privées, est très petite et risque de disparaître en raison de l’érosion de son habitat de dunes.

Applicabilité des critères

Critère A (déclin du nombre total d’individus matures) : Sans objet
Pourcentage de déclin inconnu, à cause du manque de données de suivi.

Critère B (aire de répartition peu étendue, et déclin ou fluctuation) :
Correspond au critère de la catégorie « espèce en voie de disparition », B1ab(i,ii,iii,iv,v)+2ab(i,ii,iii,iv,v), la zone d’occurrence et l’IZO se situant à l’intérieur des limites du critère; dans la zone naturelle de la pointe Turkey, deux localités sont connues, soumises à des menaces différentes et à la disparition de plusieurs sous–populations; un déclin est également inféré pour le site du cordon dunaire de Vittoria, étant donné l’érosion de l’habitat; on a constaté des pertes quant à la zone d’occupation, à la superficie et à la qualité de l’habitat ainsi qu’au nombre de localités et d’individus dans les deux populations et quant à la population de Spooky Hollow, qui est probablement disparue.

Critère C (nombre d’individus matures peu élevé et en déclin) : Correspond au critère de la catégorie « espèce en voie de disparition », C2a(ii), étant donné la diminution continue observée et prévue de l’effectif total de la population, de moins de 2 500 plantes dont plus de 95 % se trouvent dans une seule des populations.

Critère D (très petite population totale ou répartition restreinte) : Correspond au critère de la catégorie « espèce menacée », D1, avec moins de 1 000 individus.

Critère E (analyse quantitative) : Aucune n’est disponible.

Remerciements et experts contactés

Le rédacteur souhaite remercier Mike Postma, directeur du Parc provincial de la Pointe Turkey, qui lui a donné accès aux cartes du parc et a partagé ses connaissances sur la gestion passée des populations du parc. Ron Gould, biologiste des espèces en péril au ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, a accompagné le rédacteur lors de l’examen des populations de la réserve de conservation St. Williams et a fourni des renseignements sur certains problèmes d’aménagement actuels et passés concernant cette réserve. Le financement du présent rapport a été assuré par Environnement Canada.

Sources d’information

Argus, G.W., K.M. Pryer, D.J. White et C.J. Keddy (éd.). 1982–1987. Atlas des plantes vasculaires rares de l’Ontario, Division de la botanique, Musée national des Sciences naturelles, Ottawa, Canada (feuilles volantes).

Arnold, H., comm. pers. 2008. Coordonnatrice de l’intendance, Région du sud–ouest, Conservation de la nature Canada, mars 2008.

Bakowsky, W.D. 1996. Natural Heritage Resources of Ontario: Vegetation Communities of Southern Ontario, Centre d’information sur le patrimoine naturel, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, Peterborough, document inédit.

Bakowsky, W.D., comm. pers. 2008. Écologiste des communautés, Centre d’information sur le patrimoine naturel, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, avril 2008.

Bakowsky, W.D., et J.L. Riley. 1994. A survey of the prairies and savannas of southern Ontario, pages 7–16, in Proceedings of the 13th North American Prairie Conference, R.G. Wickett, P.D. Lewis, A. Woodliffe et P. Pratt (éd.), Windsor (Ontario), Corporation of the City of Windsor.

Bowles, J.M. 1994. Status report on goat’s–rue (Tephrosia virginiana) in Canada, Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada, ii + 15 p.

Chapman, L.J., et D.F. Putnam. 1984. The Physiography of Southern Ontario, Commission géologique de l’Ontario, vol. spécial No 2, 270 p., accompagné de la carte p. 2715 (en couleurs), échelle 1:600,000.

Crooks, D.M. 1948. Plants for special uses, Economic Botany 2(1):58–72.

Crow, G.E., et I.M. Storks. 1980. Rare and Endangered Plants of New Hampshire: A Phytogeographic Viewpoint, Rhodora 82(829).

Cruise, J.E. 1969. A floristic study of Norfolk County, Ontario, Transactions of the Royal Canadian Institute 35(72):3–116.

Dobbyns, S., comm. pers. 2009. Écologiste, Parcs Ontario, Zone sud–ouest.

Doyle, J.J. 1994. Phylogeny of the legume family: an approach to understanding the origins of nodulation, Annual Review of Ecology and Systematics 25:325–349.

Draper, W.B., M.E. Gartshore et J.M. Bowles. 2002. Life Science Inventory and Evaluation of St. Williams Crown Forest, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, xiv + 1119 p. + 15 cartes pliées, 2 volumes.

Dudley, J.L., et K. Lajtha. 1993. The effects of prescribed burning on nutrient availability and primary productivity in sandplain grasslands, American Midland Naturalist 130:286–298.

Dudley, J.L., B. Michener et K. Lajtha. 1996. The contributions of nitrogen–fixing symbiosis to coastal heathland succession, American Midland Naturalist 135(2):334–342.

Espèces en péril. 2009. Registre public des espèces en péril.

Gartshore, M.E., D.A. Sutherland et J.D. McCracken. 1987. The Natural Areas Inventory of the Regional Municipality of Haldimand–Norfolk, Volume I: Natural Areas, Norfolk Field Naturalists, Simcoe (Ontario).

Gould, R., comm. pers. 2008. Biologiste des espèces en péril, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, juillet 2008.

Grundel, R., et N.B. Pavlovic. 2000. Nectar plant selection by the Karner Blue Butterfly(Lycaeides melissa samuelis) at the Indiana Dunes National Lakeshore, The American Midland Naturalist 144(1):1–10.

Hainds, M.J., R.J. Mitchell, B.J. Palik, L.R. Boring et D.J. Gjerstad. 1999. Distribution of native legumes (Leguminoseae) in frequently burned longleaf pine (Pinaceae) – wiregrass (Poaceae) ecosystems, American Journal of Botany 86:1606–1614.

Hiers, J.K., R.J. Mitchell, L.R. Boring, J.J. Hendricks et R. Wyatt. 2003. Legumes native to longleaf pine savannas exhibit capacity for high Nitrogen fixation rates and negligible impact due to timing of fire, New Phytologist 157:327–338.

Hutchison, L.J., et K. Kavanagh. 1994. The bird’s–foot violet (Viola pedata L.) in Canada: population biology and ecology of a threatened species, The Michigan Botanist 33:3–16.

Abstract from ESA 2002 Annual Meeting (en anglais seulement)
. (Consulté le 9 avril 2008).

Kirk, D.A. 1986. A Life Science Inventory of Spooky Hollow Area of Natural and Scientific Interest, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, District de Simcoe, Simcoe (Ontario), 120 p. + cartes.

Leach, M.K., et L. Ross. 1995. Midwest Oak Ecosystems Recovery Plan: A Call to Action, Midwest Oak Savanna and Woodland Ecosystems Conference, Springfield (Missouri), 111 p.

Mallarino, A.P., W.F. Wedin, C.H. Perdomo, R.S. Goyenola et C.P. West. 1990. Nitrogen transfer from white clover, red clover, and birdsfoot trefoil to associated grass, Agronomy Journal 82:790–795.

McGregor, S.E. 1976. Insect Pollination of Cultivated Crop Plants, Agricultural Handbook No. 496, Department of Agriculture des États–Unis, Government Printing Office des États–Unis, Washington D.C.

Moerman, D. 2003. Native American Ethnobotany: A Database of Foods, Drugs, Dyes and Fibers, Derived from Plants, University of Michigan, Dearborn (en anglais seulement). (Consulté le 7 octobre 2008).

MRNO(ministère des Richesses naturelles de l’Ontario). 1987. Rare species mapping at Turkey Point Provincial Park.

NatureServe. 2008. NatureServe Explorer: An online encyclopedia of life [application Web] (en anglais seulement), Version 6.1, NatureServe, Arlington(Virginie) (consulté le 16 mars 2008), voir aussi : à propos des lignes directrices permettant de définir les occurrences d’élément pour les plantes (en anglais seulement, format PDF).

Noss, R.F. 1989. Longleaf pine and wiregrass: keystone components of an endangered ecosystem, Natural Areas Journal 9:211–213.

Noss, R.F., E.T. LaRoe et J.M. Scott. 1995. Endangered ecosystems of the United States: a preliminary assessment of loss and degradation, Biological Report 28, Department of Interior des États–Unis, National Biological Service, Washington D.C., 58 p.

Nuzzo, V.A. 1986. Extent and status of midwest oak savannah: presettlement and 1985, Natural Areas Journal 6(2):6–36.

Packer, L., J. Grixti, H. Douglas, J. Janjic, R. Sellars et M. Sommers. 2002. Insect Survey of Tall–grass Prairie in southern Ontario with particular reference to the bees of the Manester Tract, rapport inédit, Département de biologie, Université York, North York (Ontario), non paginé.

Postma, M., comm. pers. 2008. Surintendant de parc, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, juillet 2008, dates des brûlages en 2004, 2005, 2007 fournies par le personnel du MRN.

Presant, E.W., et C.J. Acton. 1984. The Soils of the Regional Municipality of Haldimand–Norfolk, Report No. 57 of the Ontario Institute of Pedology, Land Resource Research Institute Contribution No B4–13, Institut de recherche sur les terres, Direction générale de la recherche, Agriculture Canada, Guelph (Ontario).

Raina, S.N., P.K. Srivastav et S. Rama Rao. 1986. Nuclear DNA variation inTephrosia, Genetica 69(1):27–33.

Rodger, L. 1998. Tallgrass communities of southern Ontario: A recovery plan, Fonds mondial pour la nature (Canada) et le ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, février 1998, 66 p.

Rydberg, P.A. 1923. Genera of North American Fabaceae, I. Tribe Galegeae, American Journal of Botany 10(9) 485–498.

Soper, J.H. 1962. Some genera of restricted range in the Carolinian flora of Canada, Transactions of the Royal Canadian Institute34:3–56.

Sutherland, D.A. 1987. The vascular plants of Haldimand–Norfolk, in M.E. Gartshore, D.A. Sutherland et J.D. McCracken, The Natural Areas Inventory of the Regional Municipality of Haldimand–Norfolk, Volume I: Natural Areas, Norfolk Field Naturalists, Simcoe (Ontario).

Sutherland, D.A., comm. pers. 2009. Zoologiste, Centre d’information sur le patrimoine naturel, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, janvier 2009.

Voss, E.G. 1985. Michigan Flora Part II Dicots (Saururaceae–Cornaceae), Cranbrook Institute of Science Bulletin 59, University of Michigan Herbarium, Ann Arbor (Michigan), 727 p.

Welsh, S.L. 1960. Legumes of the North–Central States: Galegeae, Iowa State Journal of Science 35(2):111–250.

Wood, C.E. Jr. 1949. The American barbistyled species of Tephrosia (Leguminosae), Contributions from the Gray Herbarium of Harvard University–No.CLXX, Rhodora 51:193–231, 233–302, 305–364, 369–384.

Zavitz, E.J. 1909. Report on the Restoration of Waste Lands in Southern Ontario, publié par le Department of Agriculture de l’Ontario, Toronto, in E.J. Zavitz, 1962, Fifty Years of Reforestation in Ontario, Department of Lands and Forests de l’Ontario.

Zavitz, E.J. 1928. Appendix 36. In: Ontario Sessional Papers, Volume LX – Part 2, 1928, cité dans W.B. Draper, M.E. Gartshore et J.M. Bowles, 2002, Life Science Inventory and Evaluation of St. Williams Crown Forest, ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, xiv + 1119 p. + 15 cartes pliées, 2 volumes.

Sommaire biographique du rédacteur du rapport

Samuel R. Brinker a obtenu un baccalauréat en études environnementales de l’Université de Waterloo. Il a occupé plusieurs postes au ministère des Richesses naturelles de l’Ontario, où son travail a été axé sur l’évaluation des espèces en péril, la cartographie de la végétation ainsi que les activités d’inventaire et de suivi. À titre de biologiste consultant auprès de municipalités, d’offices de protection de la nature et d’organismes gouvernementaux, il a réalisé des inventaires et des évaluations de zones naturelles ainsi que des projets de cartographie des espèces en péril. M. Brinker est actuellement botaniste au Centre d’information sur le patrimoine naturel, centre de données sur la conservation de la province, où il fournit des expertises et des analyses botaniques et rédige des rapports sur les espèces et communautés végétales préoccupantes sur le plan de la conservation en Ontario.

Collections examinées

Aucun spécimen d’herbier n’a été examiné pour la présente mise à jour.

Détails de la page

Date de modification :