Bar rayé (Morone saxatilis) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 9

Importance de l'espèce

Apprécié pour sa chair blanche et délicate, le bar rayé présente un attrait indéniable pour la pêche commerciale et sportive. Il a été pêché par les Premières nations, puis par les Européens qui ont colonisé le pays. Ses os ont été identifiés sur le site archéologique de Lanoraie, à l'ouest du lac Saint-Pierre, occupé par les Premières nations au 14e siècle, et sur un site voisin de l'Abitation de Champlain, datant du 17e siècle, à Québec (Trépanier et Robitaille, 1995). La pêche de subsistance au bar a aussi été pratiquée dès l'établissement des premiers colons le long des rivières Saint-Jean et Kouchibouguac (Dadswell, 1976; Hogans et Melvin, 1984).

Les prises commerciales du bar rayé signalées dans les eaux canadiennes n'ont jamais dépassé quelques dizaines de tonnes (LeBlanc et Chaput, 1991); elles sont modestes en comparaison à celles enregistrées aux États-Unis, qui ont atteint plus de 6 000 t en 1973 (Melvin, 1991). La plus grande partie des débarquements commerciaux au Canada proviennent du sud du golfe; ils sont constitués de prises accidentelles dans des engins de pêche au gaspareau (Alosa pseudoharengus) ou à l'éperlan arc-en-ciel (Osmerus mordax) (LeBlanc et Chaput, 1991). Il y a cependant quelques endroits où une pêche spécifique au bar a été pratiquée dans le passé.

Dans la baie de Fundy, la pêche commerciale au bar rayé a connu des années fastes, notamment dans la baie BelleIsle, sur la rivière Saint-Jean, au cours de la période de 1885 à 1888, puis de 1959 à 1970. Les prises à cet endroit ont par la suite décliné, et on a dû interdire la pêche en 1978 (Dadswell, 1983; Hooper, 1991).

Dans l'estuaire du Saint-Laurent, les captures commerciales de bars rayés avaient lieu surtout à l'automne (Montpetit, 1897). Sans avoir jamais atteint une importance comparable à celles de l'anguille d'Amérique (Anguilla rostrata), principale espèce commerciale dans cette partie du fleuve, les captures de bars étaient assez rentables pour que les pêcheurs de certaines localités de la rive sud consacrent à l'espèce un effort particulier. Les prises commerciales de bars dans l'estuaire ont atteint un maximum de 53 t en 1943. Le lac Saint-Pierre, un élargissement du fleuve en amont de la zone de marée, semble avoir été pendant longtemps une zone de pêche hivernale au bar (Montpetit, 1897). Après le départ des glaces, on assistait à une recrudescence de la pêche de cette espèce dans le lac. Le coup du bar avait lieu à la fin d'avril et au début de mai (Cuerrier, 1962). La pêche hivernale du bar dans le Saint-Laurent a été interdite en 1951, mais plusieurs personnes ont continué de la pratiquer illégalement.

Le bar rayé est une espèce prisée des pêcheurs sportifs; l'intérêt pour cette activité varie cependant selon les régions. Dans les Maritimes, on pêche le bar à la ligne dans les estuaires et sur les rivières qu'il remonte, mais l'activité a moins d'intensité qu'aux États-Unis, parce que les prises sont en général de plus petite taille. Le nombre d'adeptes de cette pêche sportive a toutefois augmenté au fil des ans. Dans le sud du golfe, l’activité existait tout le long de la côte, mais se concentrait surtout dans les estuaires des rivières Richibucto, Kouchibouguac, Miramichi, Tabusintac et Nepisiguit, en juin, août et septembre (Hooper, 1991).

Dans la baie de Fundy, les prises sportives se concentrent dans une période précise et à un nombre limité de sites. Sur la rivière Annapolis, on pêchait le bar surtout au pied du barrage Royal Annapolis, de la mi-juin au début d'octobre. Par comparaison, les prises sur la Shubénacadie se répartissent sur un plus long tronçon de cours d'eau accessible au bar, mais dans un intervalle de temps plus court, d'avril à juin. Enfin, les captures sportives sur la rivière Saint-Jean durent tout l'été mais se concentrent aux chutes Réversibles (Jessop et Vithayasai, 1979). À cet endroit, on capture surtout des spécimens migrateurs provenant de rivières américaines, plus gros que les bars locaux.

Dans l'estuaire du Saint-Laurent, les meilleurs sites de pêche à la ligne se situaient entre la batture au Loup-Marin, en face de l’Islet, et le cap Tourmente (Montpetit, 1897). Dans les décennies de 1940, 1950 et 1960, la pêche sportive a constitué une activité saisonnière intense dans plusieurs localités riveraines de l’estuaire. Des amateurs s’inscrivaient en grand nombre aux tournois de pêche qui avaient lieu, en août et en septembre de chaque année, à Montmagny, à Rivière-Ouelle, à Château-Richer et à l’île d’Orléans.

Outre son intérêt halieutique et les traditions entourant sa pêche, le bar rayé constitue un élément important de la biodiversité des milieux aquatiques. L'espèce est typiquement associée aux estuaires et aux eaux côtières, où elle est l'un des piscivores les plus importants. Le maintien d'une population abondante de bars constitue jusqu'à un certain point un indicateur du bon état d'une rivière et de son estuaire : l'espèce requiert des habitats de reproduction et d'alevinage en bonne condition et demande aussi une faune aquatique abondante pour son alimentation.

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