Polémoine de Van Brunt (Polemonium vanbruntiae) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

Biologie

Généralités

Les deux facteurs les plus importants pour bien comprendre le statut de conservation de cette espèce sont la reproduction et les conditions climatiques. En effet, les graines de la polémoine de Van Brunt semblent ne pouvoir germer qu’après une période de conditions froides et sèches. D’un autre côté, la plante peut se reproduire végétativement.

Reproduction

Le Polemonium vanbruntiae peut se reproduire de façon végétative ou par voie sexuée. La reproduction asexuée, ou végétative, se fait par les rhizomes horizontaux de cette plante vivace. Au Vermont, E. Thompson (1991) observa que parfois des centaines de tiges se rejoignaient dans le sol, pour former un clone de plusieurs dizaines de « pieds carrés ». Ce phénomène réduirait alors le nombre d’individus génétiquement distincts des populations québécoises, où il semble aussi y avoir des clones.

Quant à la reproduction sexuée, elle se fait par la pollinisation croisée et surtout à l’aide d’insectes. Wherry (1935) et Thompson (1991) disent qu’elle est faite par les abeilles domestiques (Apis mellifera) et les bourdons (Bombus sp.). Nos observations de 1991 et de 1992 (Sabourin et Paquette, 1992, 1994) indiquent qu’il y a plusieurs autres types d’insectes, comme des papillons, et même un oiseau, le colibri à gorge rubis (Archilochus colubris), qui fréquentent les fleurs de cette polémoine. Il se peut donc que l’espèce puisse produire une grande quantité de nectar. Selon NatureServe (2001), la plante est auto-incompatible.

Un facteur très important à considérer est la germination des graines. Ainsi, Brumback (1989) note qu’après diverses expériences, les graines de cette espèce ne germent pas du tout sous des conditions de froid humide. Par contre, cet auteur ajoute que les graines germent très bien après avoir été tenues sous des conditions de froid sec (entre septembre 1986 et avril 1987). Il ne mentionne pas pendant combien de temps les graines ont été conservées avant la germination, ni dans quelles conditions de température, d’humidité et de luminosité elles l’ont été. Par ailleurs, des expériences réalisées au Jardin botanique de Montréal révèlent que l’espèce présente un faible taux de germination, de 0 à 15 p. 100 (A. Meilleur, comm. pers., 2002).

Survie

Peu de renseignements sont disponibles à ce sujet. Nos observations sur le terrain démontrent une petite prédation de la part du cerf de Virginie (Odocoilus virginianus), qui peut parfois brouter quelques tiges, mais ce n’est pas un facteur important au Canada.

Physiologie

Le Polemonium vanbruntiae atteint sa limite septentrionale au Québec, soit autour du 46° de latitude Nord, à Saint-Martyrs-Canadiens. L’altitude de cet emplacement étant aussi la plus haute au Québec pour l’espèce, avec environ 65 mètres de plus que le deuxième, il est possible que cette plante se trouve encore plus au nord.

La faculté d’adaptation de l’espèce aux changements de son environnement semble bonne puisqu’on l’a trouvée dans des fossés de chemins forestiers et des champs humides agricoles abandonnés. Il faut toutefois qu’elle y trouve une humidité suffisante et adéquate, soit sans inondation ni sécheresse prolongées pendant toute la saison végétative. À ce sujet, un phénomène intéressant se produit dans les aulnaies, où la polémoine se trouve souvent sur les monticules formés au pied des aulnes. Selon NatureServe (2001), la plante semble avoir une tolérance écologique relativement grande, même si on indique qu’elle aurait un registre limité au niveau du pH et que les milieux ouverts arrosés par des ruisseaux à pH circumneutre semblent constituer l’habitat idéal. Selon Wherry (1935), le pH varie de circumneutre à légèrement acide.

La polémoine de Van Brunt est une plante vivace qui se rencontre dans les sols riches et profonds. Au Québec, sa floraison va environ du 20 juin au 25 juillet, selon les années, et dure donc environ cinq semaines. Les fruits sont mûrs au moins à partir de la mi-août.

Déplacements et dispersion

La dispersion des graines se fait le plus facilement pendant l’hiver. À cette période de l’année, les tiges dépassent de la couche de neige, et les graines peuvent être dispersées par le vent sur la croûte ou la surface neigeuse; parfois, les tiges peuvent se briser puis rouler au vent. La distance parcourue peut alors aller jusqu'à plusieurs centaines de mètres.

Nutrition et interactions interspécifiques

Le Polemonium vanbruntiae ne vit pas en symbiote ni en parasite avec d’autres espèces. Cependant, les plantes compagnes fournissent, en se décomposant avec l’aide des micro-organismes, la matière organique nécessaire à la formation des sols riches et profonds que fréquente la polémoine. Évidemment, les alluvions apportées par les rivières ou ruisseaux, et le drainage ou ruissellement oblique, sont aussi importants.

À part le cerf de Virginie, la plante peut être broutée par des insectes, mais ces interactions négatives ne semblent pas importantes.

Comportement et adaptabilité

La polémoine de Van Brunt tolère un certain niveau de changement de son habitat, mais ne tolère pas les grands changements, comme les inondations permanentes ou l’assèchement des sols. Au sujet des inondations permanentes, l’exemple se voit à Saint-Adrien, où la population est presque disparue (un seul individu observé en 2001) à la suite de l’élargissement de la route située à proximité, qui a modifié le drainage et provoqué une inondation prolongée.

D’autre part, à la rivière Stoke, un des deux sites, celui au nord, a été fauché et en partie labouré à la fin des années 1990. Plusieurs individus de polémoine disparurent alors. C’est aussi ce qui est arrivé à l’emplacement de Saints-Martyrs, mais cette fois, c’est une coupe forestière et le drainage qui ont été pratiqués.

La transplantation a déjà été effectuée avec succès. Il y a au moins 18 spécimens vivants au Jardin botanique de Montréal. À cet endroit, une équipe a récemment entrepris des travaux de culture et de germination sur les plantes en situation précaire ou en péril au Québec, et le Polemonium vanbruntiae est en tête de leur liste (A. Meilleur, comm. pers. 2002).

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