Dard vert (Etheostoma blennioides) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 5

Habitat

Besoins en matière d’habitat

Le dard vert est largement répandu dans divers milieux, mais il occupe surtout les ruisseaux et les rivières de petite et de moyenne taille qui présentent de nombreux seuils au substrat graveleux ou pierreux (Kuehne et Barbour, 1983; Page et Burr, 1991). L’espèce vit généralement dans les eaux modérées à vives de ces seuils (Smith, 1979; Lee et al., 1980) et est souvent associée à la végétation, plus particulièrement aux algues vertes filamenteuses du genre Cladophora (Fahy, 1954; Kuehne et Barbour, 1983; McCormick et Aspinwall, 1983; Page, 1983; Bunt et al., 1998). Le dard vert occupe normalement des ruisseaux limpides (Jenkins et Burkhead, 1994; Lee et al., 1980), mais peut également être présent dans certains cours d'eau troubles, comme la rivière Ausable, la rivière Sydenham et la rivière Thames au Canada. Poos (2004) a découvert que, dans la rivière Sydenham, ce poisson occupait les tronçons les moins troubles. Les substrats rocheux à forte teneur en fines particules (limon et sable) ne semblent pas lui convenir (Bunt et al., 1998; Stewart et Veliz, 2004). Coker et al. (2001) ont classé le dard vert dans la catégorie des espèces d'eau tiède. Ce poisson est absent des eaux d'amont peu profondes de l’Ohio, en particulier pendant les mois chauds d'été, peut-être en raison de son niveau de tolérance thermique (Hlohowskyj et  Wissing, 1985).

Même si on le trouve surtout dans les seuils des cours d'eau, le dard vert n'est pas confiné à ce type de milieu. Il occupe également la zone côtière de certains grands lacs, comme le lac Sainte-Claire, en Ontario, et les eaux du lac Érié, du côté de l'Ohio, où on le trouve autour des îles dans le bassin ouest et dans les milieux couverts de végétation sur la côte sud du lac (Van Meter et Trautman, 1970). Bunt et al. (1998) n'ont trouvé aucun dard vert dans l'habitat lentique clos situé en amont du déversoir Mannheim de la rivière Grand, en Ontario. Des spécimens ont toutefois été capturés dans le lac Guelph, une grande retenue du même bassin hydrographique (Reid, 2004). On observe souvent le dard vert en train de s'alimenter au-dessus de rochers ou de troncs submergés dans des mouilles à faible courant (Pflieger, 1975).

Plusieurs auteurs ont étudié le profil d’occupation du microhabitat par le dard vert et par des espèces cooccurrentes dans les cours d'eau. Bien qu'il y ait des différences entre les écosystèmes, le dard vert tend à fréquenter davantage que ses conspécifiques les seuils dont le substrat est composé de gros matériaux (Englert et Seghers, 1983; Hlohowskyj et Wissing, 1986; Welsh et Perry, 1998). Bunt et al. (1998) ont observé que les dards verts de la rivière Grand, en Ontario, occupaient principalement les substrats formés de gros cailloux et de rochers non incrustés couverts d'espèces de Cladophora. Dans la rivière Sydenham, Poos (2004) a observé le dard vert dans des milieux où le pourcentage de pierres était élevé. Selon Hlohowskyj et Wissing (1986), le dard vert préférerait les substrats formés de gros cailloux parce qu'ils offrent des sites de fixation idéaux pour les algues épilithiques. Le dard vert semble également préférer les secteurs les plus profonds des seuils (Fahy, 1954; Hlohowskyj et Wissing, 1986; Chipps et al., 1993; Stauffer et al., 1996; Grossman et Ratajczak, 1998).

Dans certains cours d'eau, le profil d’occupation du microhabitat peut varier en fonction de la saison et de l’âge. Grossman et Freeman (1987) n'ont observé aucune différence liée à la taille dans le profil d’occupation du microhabitat dans un cours d'eau de la Caroline du Nord. Dans le ruisseau Salmon, dans l'État de New York, Fahy (1954) a découvert que tous les groupes d'âge des deux sexes étaient présents dans les seuils tout au long de l'année, mais que les juvéniles et les femelles d'un an pouvaient également occuper des eaux plus calmes à la fin de l'automne et en hiver. Schwartz (1965) mentionne également que le dard vert se déplace vers des mouilles pour les mois d'automne et d'hiver. Des jeunes de l'année ont été observés dans des secteurs où le courant était plus faible que dans les tronçons occupés par les adultes (Pflieger, 1975; Smith, 1985; Greenberg et Stiles, 1993).

Le dard vert fraie normalement dans des seuils au substrat caillouteux où les plus grosses pierres sont couvertes d'algues filamenteuses du genre Cladophora ou de mousses du genre Fontinalis (Winn, 1958a). Les œufs sont déposés directement sur la végétation. On a également observé à une occasion des œufs déposés sur de l'herbe à dindes (Myriophyllum sp.) (Winn, 1958b). Schwartz (1965) a signalé des activités de fraye sur du sable fin, en aval de rochers. La fraye peut également se faire en de tels endroits en Virginie, où, bien souvent, le dard vert n'est pas associé à la végétation (Jenkins et Burkhead, 1994).

Les larves fraîchement écloses descendent probablement le cours d'eau pour atteindre des mouilles et des bras morts situés immédiatement en aval des frayères. Fahy (1954) n'a observé aucune larve sur les algues où ont éclos les œufs, et Baker (1979) a capturé un grand nombre de larves dans une mouille située immédiatement en aval d’un seuil ayant servi de frayère.

Tendances en matière d'habitat

Même si le développement urbain et les activités agricoles ont eu une incidence sur les milieux aquatiques et ont probablement contribué au déclin d'autres espèces en péril (poissons et moules) dans les bassins hydrographiques de la rivière Ausable, du ruisseau Big, de la rivière Grand, de la rivière Sydenham et de la rivière Thames (Nelson et al., 2003; Staton et al., 2003; Portt et al., 2004; Taylor et al., 2004), les populations de dards verts semblent être demeurées stables ou même avoir élargi leur aire de répartition. Tous ces bassins hydrographiques sont situés dans des régions principalement agricoles, et les rivières Grand et Thames coulent à proximité de populations urbaines en pleine croissance. L'enrichissement excessif en nutriments et la sédimentation sont considérés comme des problèmes dans la majorité de ces bassins hydrographiques. Toutefois, les grandes quantités de nutriments créées par les activités agricoles peuvent favoriser la croissance de denses populations d'algues filamenteuses qui servent de frayères au dard vert. Tous ces bassins hydrographiques comportent des retenues et sont abondamment drainés pour les activités agricoles (tranchées et tuyaux). L'hydrologie de la rivière Ausable a été particulièrement touchée par la dérivation des lits (Nelson et al., 2003). Des mesures d'intendance et de remise en état ont été prises dans le cadre de plans de rétablissement des écosystèmes des rivières Ausable, Grand, Sydenham et Thames. À la fin des années 1980, l'habitat du lac Sainte-Claire a été modifié en profondeur par l’arrivée de la moule zébrée (Dreissena polymorpha), qui a accru sensiblement la clarté de l’eau et l'abondance des macrophytes (Griffiths, 1993). L’envahissement du lac par la moule zébrée pourrait avoir eu pour effet d’améliorer l'habitat du dard vert. Bien qu'il y ait suffisamment de milieux propices au dard vert dans la rivière Détroit, la majorité d’entre eux sont dégradés ou en péril en raison de l'urbanisation et des activités agricoles et industrielles actuelles et passées (Environnement Canada, 2003). Des plans d'assainissement sont présentement mis en œuvre par le Canada et les États-Unis dans la rivière Détroit dans le cadre d'un programme visant des secteurs préoccupants des Grands Lacs.

La colonisation de cinq nouveaux bassins hydrographiques par le dard vert dans les 15 dernières années a donné lieu à une augmentation de l'habitat disponible. Cela est particulièrement vrai dans la rivière Grand, où le dard vert occupe une grande portion du cours d'eau principal et a colonisé 10 affluents.

Protection et propriété

L'habitat du dard vert bénéficie de la protection générale que confèrent les dispositions de la Loi sur les pêches fédérale. Les terrains adjacents sont protégés par la déclaration de principes adoptée en vertu de la Loi sur l'aménagement du territoire de l’Ontario. Cette déclaration de principes interdit l’aménagement ou la modification des terrains adjacents (jusqu’à 30 mètres (m) de l'habitat des poissons), à moins qu'une étude sur les impacts environnementaux ne prouve que l'habitat en question ne sera pas altéré. Les récentes modifications apportées à la Loi sur l'aménagement du territoire obligent les municipalités à prendre des décisions d'aménagement conformes à la déclaration de principes. La Loi sur l'aménagement des lacs et des rivières de l’Ontario peut également protéger indirectement l'habitat du dard vert lorsque des demandes de permis de construction ou d'entretien de barrages ou d’activités de dragage sont soumises à un examen. Certaines dispositions de la Loi sur la gestion des éléments nutritifs, de la Loi sur la protection de l'environnement, de la Loi sur les ressources en eau de l'Ontario et de la Loi sur la protection des sources d'eau peuvent également protéger indirectement l'habitat du dard vert. Puisque le dard vert est une espèce préoccupante, il n’est assujetti à aucune loi fédérale ou provinciale qui protège directement son habitat.

Les lits des rivières occupées par le dard vert appartiennent en grande partie à l’État, mais la majorité des terrains adjacents appartiennent à des intérêts privés et sont utilisés à des fins agricoles. De nombreux terrains adjacents aux rivières Grand et Thames sont urbanisés. La population de la rivière Détroit se trouve en aval de la grande agglomération de Détroit et de Windsor. Moins de 5 p. 100 des terrains adjacents se trouvent dans des aires protégées. L'habitat actuel ou possible du dard vert chevauche le territoire de cinq Premières nations : Six Nations of the Grand River (rivière Grand), Première nation des Chippewas of the Thames, Nation Munsee-Delaware et Première nation de Oneida (rivière Thames) et Première nation de Walpole Island (lac Sainte-Claire).

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