Chabot des montagnes Rocheuses, populations du versant est (Cottus sp.) programme de rétablissement : chapitre 3

3. Description de l'espèce et de ses besoins

Les efforts de rétablissement doivent reposer sur une bonne compréhension de l'espèce, notamment sa biologie, son écologie et les conditions environnementales qui permettent son existence. Les sections suivantes décrivent le cadre environnemental des bassins des rivières St. Mary et Milk, les connaissances actuelles sur le chabot des montagnes Rocheuses et les conclusions qu'il est possible de tirer à partir de données concernant d'autres espèces apparentées.

3.1 Cadre environnemental

Pour comprendre parfaitement les conséquences des renseignements publiés dans les pages suivantes, il est important de comprendre le contexte dans lequel les bassins des rivières St. Mary et Milk sont gérés en vertu d'ententes internationales. L'entente abordée ci-dessous n'est pas susceptible de nuire au rétablissement du chabot des montagnes Rocheuses (populations du versant est) étant donné que l'objectif en matière de population et de répartition vise la conservation et la protection des populations autonomes. Cela pourrait toutefois ralentir le type et l'ampleur des activités mises en œuvre dans les bassins des rivières St. Mary et Milk.

Le Canada et les États-Unis partagent les bassins des rivières St. Mary et Milk. À ce titre, ils sont soumis aux dispositions du Traité des eaux limitrophes de 1909 (le Traité) conclu entre ces deux pays. Ce Traité est administré par la Commission mixte internationale (CMI), une organisation qui représente les deux pays (International St. Mary-Milk Rivers Administrative Measures Task Force [ISMMRAMTF], 2006; voir aussi Dolan, 2007; Halliday et Faveri 2007a et b; Rood, 2007). Les membres de la Commission mixte internationale (CMI) sont nommés par les gouvernements du Canada et des États-Unis et le Traité lui-même prévoit les principes et les mécanismes de résolution de conflits liés aux eaux transfrontalières. Les bassins des deux rivières ont traditionnellement été gérés à des fins agricoles et sont actuellement exploités de manière intensive (en grande partie pour irriguer les cultures).

En 1921, la CMI a rendu une ordonnance dans laquelle elle a divisé les eaux des bassins des rivières St. Mary et Milk. Le contexte de la répartition est mieux pris en compte lorsqu'il s'inscrit dans une perspective temporelle en lien avec la saison d'irrigation (entre le 1er avril et le 31 octobre) et la saison de drainage (entre le 1er novembre et le 31 mars). Il a été convenu qu'aux fins d'irrigation et de force hydraulique, le Canada et les États-Unis traiteraient les eaux des rivières St. Mary et Milk comme un seul cours d'eau et que ces eaux doivent être prises en charge de manière à ce que chaque pays puisse en tirer le plus grand avantage possible. De manière générale, il a été décidé que, pendant la saison d'irrigation, le Canada a droit aux trois quarts de l'écoulement naturel de la rivière St. Mary et les États-Unis, à l'autre quart. Dans le cas de la rivière Milk, le Canada n'a droit qu'à une prise d'eau correspondant au quart de l'écoulement naturel alors que les États-Unis ont droit aux trois quarts de cet écoulement. L'eau des deux rivières doit être attribuée à parts égales aux deux pays pendant la saison de drainage. Il a aussi été convenu que le canal de la rivière Milk peut être utilisé, à la convenance des États-Unis, pour acheminer l'eau entre la partie ouest du Montana et les réservoirs situés dans la partie est de l'État. Il existe de nombreuses règles et mises en garde concernant l'utilisation de l'eau (p.ex., le rythme et le débit volumétrique de référence, les affluents communs, la tenue de registres, etc.). Les renvois au Traité et à l'ordonnance rendue en 1921 devraient concerner des renseignements précis (ordonnance rendue par la Commission mixte internationale en 1921).

Pour acheminer de l'eau supplémentaire aux dispositifs d'irrigation du bassin de la rivière Milk, on a creusé un grand canal et posé un siphon afin de dériver l'eau de la rivière St. Mary, dans le nord-ouest du Montana, par l'intermédiaire du canal St. Mary en direction de la rivière Milk Nord (ISMMRAMTF, 2006) puis vers le bras principal de la rivière Milk. L'eau descend vers l'est dans le cours principal de la rivière Milk et passe par le sud de l'Alberta avant d'entrer dans le nord-est du Montana, où elle est utilisée pour l'irrigation. Le Canada a un accès limité aux eaux de la rivière Milk qui sont détournées de la rivière St. Mary. Conformément au Traité et à la décision rendue en 1921, il doit laisser la plus grande partie de l'eau détournée à des fins d'usage pénétrer aux États-Unis.

Au cours des deux dernières décennies, le canal St. Mary a détourné un volume moyen d'environ 2,08 x 108 m3 par an dans la rivière Milk Nord (U.S. Bureau of Reclamation, 2004). À l'heure actuelle, la capacité du canal St. Mary est d'environ 18,4 m3/s (<650 pcs), soit beaucoup moins que sa capacité prévue de 24 m3/s. Les débits plus bas et le volume global d'eau préoccupent le Montana qui espère remplacer ou remettre en état l'infrastructure du vieux canal pour le ramener à sa capacité initiale de 24 m3/s (K. Miller, communication personnelle, avril 2010; voir aussi Alberta Environment, 2004; U.S. Bureau of Reclamation, 2004). L'augmentation du jaugeage ne pourrait vraisemblablement servir que pendant la période de ruissellement maximal chaque année. Son utilisation provoquera toutefois une hausse du débit dans la rivière Milk Nord et dans le bras principal de la rivière en juin. Les études prévoient examiner les effets des débits plus élevés sur l'érosion des tronçons canadiens des deux rivières. Les sites les plus susceptibles d'être restaurés et protégés sont situés à Hilmer Bridge, au nord de Del Bonita, sur la rivière Milk Nord, ainsi qu'à Goldsprings Park et à Weir Bridge, sur la rivière Milk.

En résumé, les eaux des rivières Milk et St. Mary sont gérées de manière intensive à des fins d'irrigation au Canada et aux États-Unis. L'approche adoptée pour gérer les bassins des rivières Milk et St. Mary repose essentiellement sur le fait que l'eau (dont le débit volumétrique varie, mais se situe à près de 18,4 m3/s) est détournée de la rivière St. Mary vers la rivière Milk Nord dès le 1er avril (ou avant) au cours d'une année donnée. Le débit hivernal naturel de la rivière Milk est habituellement très bas en cette période de l'année (pourrait atteindre au plus 1 m3/s). L'augmentation du débit serait donc importante et pourrait atteindre au moins 15 m3/s dans un délai relativement court. Ce courant se maintient jusqu'en septembre ou en octobre dans la rivière Milk, puis le cours retrouve son rythme normal ou presque normal à mesure que la fin de la saison d'irrigation approche. Le débit hivernal des deux rivières est faible. Or, celui du bassin de la rivière Milk est naturel alors que celui de la rivière St. Mary est géré par l'intermédiaire des réservoirs situés au Montana (réservoir Sherburne et lac St. Mary).


3.1.1 Rivière St. Mary

Les bassins des rivières St. Mary et Milk prennent leur source au Montana, le long du versant oriental des montagnes Rocheuses, et s'écoulent respectivement vers le nord et le nord-est, en Alberta (Figure 1) (ISMMRAMTF, 2006). La rivière St. Mary se jette dans la rivière Oldman River près de Lethbridge, en Alberta, pour atteindre ensuite la baie d'Hudson en empruntant la rivière Saskatchewan Sud, la rivière Saskatchewan, le lac Winnipeg et la rivière Nelson. La rivière Milk Nord parcourt près de 90 km au sud de l'Alberta avant de se jeter dans la rivière Milk qui suit ensuite vers l'est un parcours à peu près parallèle à la frontière sur 235 km avant de retourner aux États-Unis. La rivière Milk est un affluent de la rivière Missouri qui finit par déboucher dans le Golfe du Mexique en passant par le fleuve Mississippi. Les deux bassins sont bordés de basses-terres propices à l'agriculture, particulièrement lorsqu'elles sont irriguées.

L'aire totale de drainage de la rivière St. Mary couvre environ 3 600 km2, dont près de 2 400 km2 sont situés en Alberta (ISMMRAMTF, 2006). Le niveau de la rivière augmente au lac Gunsight, dans le parc national Glacier, au Montana. Elle coule vers le nord-est sur près 65 km et se jette dans le lac St. Mary et dans son tronçon inférieur avant de traverser la frontière. Swiftcurrent Creek est situé à environ 1 km de la décharge du lac St. Mary, au Montana. On a construit un barrage sur ce ruisseau afin d'aménager le réservoir Sherburne. Il a été canalisé pour qu'il ne se jette plus dans la rivière St. Mary, mais plutôt dans le tronçon inférieur du lac St. Mary, qui se jette à son tour dans la rivière du même nom. La rivière St. Mary sillonne ensuite vers le nord sur près de 55 km et traverse les terres herbeuses en direction du réservoir St. Mary en Alberta. Aux États-Unis, le bassin versant reçoit en moyenne près de 1 200 mm de précipitations par an principalement sous forme de neige (ISMMRAMTF, 2006). En Alberta, la moyenne des précipitations annuelles de ce bassin versant varie entre 470 mm, dans la sous-région naturelle de la prairie à fétuque du piémont qui se situe au sud, et 394 mm dans la sous-région naturelle de la prairie mixte, au nord (Natural Regions Committee, 2006).

Le débit de la rivière St. Mary se maintient en été grâce à l'eau provenant de la fonte des glaciers situés dans le parc national de Glacier (ISMMRAMTF, 2006). À la frontière internationale, le débit moyen mensuel atteint <6 m3/s entre décembre et mars (RHC, 2008c). D'habitude, il augmente brusquement au printemps et culmine en juin à 73,0 m3/s en moyenne. Puis, il diminue soudainement pendant l'été et graduellement à l'automne. Le courant hivernal se maintient grâce au débit des eaux souterraines. Les pratiques d'utilisation des terres ayant une incidence défavorable sur l'habitat du poisson ne semblent pas nombreuses dans le bassin versant de la rivière St. Mary, tant au Montana (Mogen et Kaeding, 2005a) qu'en Alberta.

Le ruisseau Lee est un petit affluent de la rivière St. Mary (Mogen et Kaeding, 2005b). Il prend sa source au Montana à mesure que la neige fond et s'écoule vers le nord sur 13 km avant de traverser la frontière. Il serpente et traverse 64 km de terres herbeuses principalement qui poussent dans le sud de l'Alberta avant de se jeter dans la rivière St. Mary, près de la Ville de Cardston, en amont du réservoir St. Mary. Le débit annuel moyen du ruisseau Lee à Cardston dépasse rarement 1 m3/s entre août et février (RHC, 2008a). Il augmente au printemps et culmine en juin (débit moyen de 5.8 m3/s), puis diminue soudainement pour atteindre le débit saisonnier habituel en août. On récolte du bois dans certains secteurs du bassin versant du ruisseau Lee sur la réserve de la tribu des Blackfeet, au Montana, et le long de son affluent, le ruisseau Tough, en Alberta (Mogen et Kaeding, 2005b; T. Clayton, communication personnelle, 2008).


3.1.2 Rivière Milk

La rivière Milk est un affluent nord du bassin Missouri-Mississippi (en anglais seulement). Ce dernier couvre 6 500 km2. Elle s'écoule vers le nord, du Montana vers l'Alberta, puis vers l'est pour traverser la partie sud de la province et revient au Montana. Le débit annuel moyen de la rivière varie de 1,06 x 108 m3 (à l'entrée) à 1,67 x 108 m3 (à la sortie) lorsqu'elle traverse l'Alberta. La Ville de Milk River est l'une des rares collectivités situées dans la région du bassin de la rivière Milk.

À mesure que la rivière Milk coule vers l'est et s'éloigne de la frontière du Montana, elle traverse les sous-régions naturelles de la prairie à fétuque du piémont, de la prairie mixte et de la prairie mixte sèche de la région naturelle des terres herbeuses (Natural Regions Committee, 2006; Milk River Watershed Council Canada, 2008). Elle traverse les confins d'une vallée délimitée dont l'accès routier est limité. Les sols de la prairie avoisinante sont caractérisés par une végétation semi-aride et courte servant principalement au pâturage du bétail. La rivière est peu profonde et turbide, marquée par une hydrologie dynamique, et ne compte pas de grandes plantes aquatiques en raison de la grande mobilité du lit fluvial (D. Watkinson, communication personnelle, 2006). La moyenne annuelle des précipitations atteint seulement 333 mm, dont 72 % tombe au cours de la saison de croissance (Natural Regions Committee, 2006). Les périodes de ruissellement élevé se produisent brièvement à la fin mars et en avril, en raison de la fonte des neiges, de même qu'en juin et en juillet, à cause des orages intenses qui se forment à cet endroit (McLean et Beckstead, 1980).

La rivière Milk a été lourdement touchée par les changements survenus dans son régime d'écoulement saisonnier. L'eau détournée de la rivière St. Mary, au Montana, augmente le débit de la rivière Milk, en Alberta, entre la fin mars ou le début du mois d'avril et le mois de septembre ou la mi-octobre (ISMMRAMTF, 2006). À l'état naturel, le débit estival de la rivière Milk Nord au Canada varie entre 1 et 2 m3/s. Il varie entre 2 et 10 m3/s au passage transfrontalier est de la rivière Milk (McLean et Beckstead, 1980). Depuis le détournement des eaux, le débit de la rivière Milk, à la hauteur de la Ville de Milk River, varie de 10 à 20 m3/s entre mai et septembre et s'établit autour de 15 m3/s, en moyenne, entre les mois de juin et d'août. Les effets de la crue sont beaucoup plus importants dans la rivière Milk Nord, puisque le bassin de drainage est relativement petit (238 km2 à la jauge 11AA001 de la rivière Milk Nord), qu'ils ne le sont en aval, au passage transfrontalier est, là où la rivière reçoit les eaux de ruissellement d'une zone beaucoup plus importante (6 800 km2 à la jauge 11AA031) (McLean et Beckstead, 1980). À mesure que la rivière Milk coule en Alberta, on observe une augmentation de la turbidité et du niveau de concentration de sédiments en suspension (Spitzer, 1988). Ces niveaux ont tendance à baisser pendant la période de crue malgré un débit relativement invariable.

Lorsque la dérivation des eaux de la rivière St. Mary prend fin (entre la fin septembre et la mi-octobre), la rivière reprend son débit naturel jusqu'à la fin de la saison hivernale (ISMMRAMTF, 2006), bien que le chenal de la rivière soit quelque peu modifié (McLean et Beckstead, 1980; Milk River Watershed Council Canada, 2008). La diminution des eaux de dérivation s'échelonne sur environ une semaine et le courant continue de ralentir au cours des semaines qui suivent. Ce ralentissement est très prononcé dans les tronçons en amont de la rivière. Dans des conditions de sécheresse intenses, telles que celles que l'on a connues en 2001 et en 2002, le débit est faible ou nul et le cours inférieur de la rivière Milk se transforme en une série de bassins isolés qui demeurent jusqu'au printemps, bien que le débit souterrain puisse également se maintenir (K. Miller, communication personnelle, 2006). À la hauteur de la Ville de Milk River, le débit moyen enregistré entre 1912 et 2006 a été de moins de 2 m3/s en novembre et en février et de moins de 1 m3/s en décembre et en janvier (RHC, 2008b).

Pendant le cycle d'étiage, certains tronçons de la rivière Milk connaissent des périodes prolongées pendant lesquelles l'écoulement de surface est faible ou inexistant (K. Miller, communication personnelle). L'écoulement de surface s'assèche parfois de juillet ou août à mars en amont du point de confluence entre la rivière Milk Nord et la frontière du Montana. Le cours principal de la rivière Milk, à l'est d'Aden Bridge, ne s'assèche pas aussi fréquemment. C'est peut-être le cas une fois tous les quinze à vingt ans. Les dernières sécheresses ont eu lieu en 1988 et en 2001.

3.2 Description de l'espèce

Le chabot des montagnes Rocheuses est un poisson de fond muni d'une grosse tête et d'un corps épais qui s'effile vers la queue. Il est dépourvu de vessie gazeuse (Figure 2). Des chabots dont la longueur maximale à la fourche (LF longueur latérale en ligne droite entre le bout du museau et la fourche de la queue) mesurait jusqu'à 114 mm ont été capturés dans la rivière Milk Nord (R.L.&L. Environmental Services Ltd., 2002).


Figure 2. Chabot des montagnes Rocheuses

Chabot des montagnes Rocheuses (voir description longue ci-dessous).

Photo : D. Watkinson, Pèches et Océans Canada (MPO), Winnipeg.

Description pour la figure 2

Le chabot des montagnes Rocheuses présente un motif tacheté de couleurs verte, brune et noire. La nageoire dorsale va du tiers de la partie avant du poisson vers la partie arrière du poisson, jusqu'à la nageoire caudale, soit la nageoire qui fait suite à la queue. Les nageoires latérales, appelées nageoires pectorales, sont aussi larges que la hauteur du corps du poisson.


On connaît de mieux en mieux l'identité taxonomique du chabot des montagnes Rocheuses. Les chabots des bassins des rivières St. Mary et Milk appartiennent à une espèce non encore décrite du genre Cottus très répandue dans le haut bassin du Missouri (Taylor et Gow, 2008; D. Neely, communication personnelle, 2008). Les résultats des analyses morphologiques et génétiques moléculaires récemment menées par Taylor et Gow (2008) et par Neely (communication personnelle) ont permis de démontrer qu'une population distincte de la même espèce occupe des tronçons du bassin de la rivière Flathead en Colombie-Britannique, et qu'elle n'appartient pas au genre Cottus bairdi punctulatus comme cela est suggéré dans les études menées par Troffe (1999) et dans le rapport sur l'état de la situation publié par le gouvernement de l'Alberta (Alberta Sustainable Resource Development [ASRD], 2004). Ces analyses permettent également de faire la distinction entre le chabot des montagnes Rocheuses, le chabot à tête courte (C. confusus), le chabot tacheté de Columbia (C. bairdi hubbsi) et d'autres espèces de chabots présents dans l'ouest de l'Amérique du Nord (Comité sur la situation des espèces en péril au Canada [COSEPAC], 2005; Taylor et Gow, 2008; voir également Peden et coll., 1989). Des efforts sont déployés dans le but de définir les caractéristiques taxinomiques du complexe des chabots de l'Ouest en analysant des échantillons prélevés en Alberta, en Colombie-Britannique et au Montana (D. Neely, communication personnelle).

3.3 Population et répartition

3.3.1 Répartition

Le chabot des montagnes Rocheuses vit uniquement en Amérique du Nord. On l'a observé dans le haut bassin du Missouri, du sud de l'Alberta (c.-à-d. la rivière Milk) au sud du Montana (au moins jusqu'à Great Falls dans le bras principal), et probablement dans le bassin du Bighorn, au Wyoming (D. Neely, communication personnelle). En Alberta, on le recense dans la rivière St. Mary, un cours supérieur affluent du bassin de la rivière Nelson, dans les 24 derniers kilomètres du tronçon inférieur de la rivière Flathead (Colombie-Britannique) et dans les affluents du bassin de la rivière Columbia (Peden et Hughes, 1984; D. Neely, communication personnelle).

Sa présence en Alberta semble se limiter à la rivière St. Mary en amont du réservoir St. Mary et aux tronçons supérieurs de la rivière Milk et Milk Nord. Il s'agit de la seule espèce de chabots présente à cet endroit (ASRD, 2004). La répartition actuelle de l'espèce pourrait s'expliquer par la dispersion postglaciaire et par sa préférence pour les eaux froides en amont (ASRD, 2004; Fullerton et coll., 2004). L'aire de répartition du chabot s'est probablement étendue lors de la construction du canal St. Mary en 1917, puisque ce dernier a permis au poisson de descendre le cours de la rivière St. Mary pour atteindre le tronçon albertain de la rivière Milk Nord et de la rivière Milk (Willock, 1969).

En Alberta, l'aire de répartition du chabot dans le bassin de la rivière St. Mary ne semble couvrir que les 35 derniers kilomètres du cours inférieur du ruisseau Lee, les 500 derniers mètres du cours inférieur du ruisseau Aetna et la rivière St. Mary, en amont du réservoir du même nom (Paetz, 1993; R.L.&L. Environmental Services Ltd., 2002; COSEPAC, 2005; D. Watkinson, données non publiées). Il a été impossible de déterminer si l'espèce a vécu dans les tronçons inférieurs de la rivière St. Mary avant l'aménagement du réservoir. Le déclin soudain de l'abondance du chabot débute toutefois au réservoir, ce qui laisse présager que l'espèce a peut-être disparu de cet endroit et des tronçons qui sont situés en aval. Dans ce cas, le réservoir St. Mary représente probablement un obstacle de taille à la dispersion vers l'aval du chabot dans la rivière St. Mary. Le réservoir comporte une inclinaison latérale très prononcée et la zone littorale est presque absente (English, 1977).

Le chabot des montagnes Rocheuses vit dans la rivière Milk Nord, à la frontière entre l'Alberta et le Montana, en aval du point de confluence avec la rivière Milk, et dans un tronçon de 85 km de la rivière Milk en aval de la frontière (Willock, 1969; Clayton et Ash, 1980; R.L.&L. Environmental Services Ltd., 1987 et 2002; Paetz, 1993; ASRD, 2004; COSEPAC, 2005; T. Clayton et D. Watkinson, données non publiées). L'utilisation des affluents n'a pas été observée étant donné que la plupart des cours d'eau affluents de la rivière Milk Nord et Milk sont des cours d'eau saisonniers (T. Clayton, communication personnelle, 2007). Le chabot des montagnes Rocheuses a été signalé pour la première fois dans la rivière Milk au cours des années 1960 (Willock, 1969). On mentionne également sa présence en aval, à 130 km de la rivière Milk Nord ainsi que très loin à l'intérieur du cours principal de la rivière Milk, en amont de la Ville de Milk River (Clayton et Ash, 1980). Il est impossible de déterminer si cela correspond à une évolution de la répartition ou à un artéfact d'échantillonnage.


3.3.2 Taille et tendances des populations

Une estimation de la population générale de chabots des montagnes Rocheuses en Alberta n'est pas disponible, mais l'espèce serait abondante dans la rivière St. Mary, en amont du réservoir St. Mary; dans les 13 derniers kilomètres du cours inférieur du ruisseau Lee, dans la rivière Milk Nord et dans la rivière Milk en amont du ruisseau Deer jusqu'au point de confluence de la rivière Milk Nord (Paetz, 1993; R.L.&L. Environmental Services Ltd., 1987 et 2002; P.&E. Environmental Consultants Ltd., 2002; D. Watkinson, données non publiées).

Le chabot est relativement abondant dans l'ensemble de son aire de répartition en Alberta, soit dans la rivière St. Mary et dans les tronçons inférieurs du ruisseau Lee (R.L.&L. Environmental Services Ltd., 2002; D. Watkinson, données non publiées). Entre 2006 et 2009, des relevés effectués à l'électropêche dans 2 787 quadrats de la rivière St. Mary ont permis de déterminer une abondance moyenne de 0,62 poisson/m2 dans les habitats situés à moins d'un mètre de profondeur (D. Watkinson, données non publiées). La répartition de ces valeurs au prorata de la superficie d'habitat propice entre la frontière des États-Unis et le réservoir St. Mary suggère que 750 000 chabots des montagnes Rocheuses vivent dans ce tronçon.


Figure 3. Alberta – Aire de répartition du chabot des montagnes Rocheuses et principales caractéristiques de l'habitat.

Carte montrant les endroits où se trouvent les espèces et l'emplacement d'échantillonnage (voir description longue ci-dessous).

Les données des relevés de répartition proviennent du Fisheries and Wildlife Management Information System de l'ARSD en mai 2010.

Description pour la figure 3

Carte montrant les endroits où se trouvent les espèces et l'emplacement d'échantillonnage sur les rivières St. Mary et Milk. La majorité des espèces se trouvent dans les passages supérieurs de la rivière St. Mary et dans les passages centraux à supérieurs de la rivière Milk en Alberta. La figure présente également les caractéristiques de l'habitat des passages centraux à supérieurs des rivières Milk et Milk Nord; ces caractéristiques décrivent les tronçons, la pente d'écoulement et la composition du substrat.


On observe un déclin progressif de l'abondance du chabot des montagnes Rocheuses dans la rivière Milk en aval de la rivière Milk Nord et on note qu'il a complètement disparu à proximité du Ranch Pinhorn. Malgré la terrible sécheresse qui est survenue en 2001, le chabot des montagnes Rocheuses demeure l'une des espèces les plus abondantes dans certains tronçons de la rivière Milk en 2002 (P.&E. Environmental Consultants Ltd., 2002). Cette espèce est généralement plus abondante dans les échantillons prélevés en octobre et en novembre que dans ceux prélevés en juillet et en août, mais cela correspond probablement à un artéfact associé à la hausse du débit et de la turbidité qui survient pendant l'été (T. Clayton, communication personnelle, 2008). Le chabot des montagnes Rocheuses est présent en amont de la rivière Milk, au confluent de la rivière Milk Nord (D. Watkinson, données non publiées), mais sa présence à cet endroit est vraisemblablement limitée par les effets associées au faible courant pouvant survenir de temps à autre à cet endroit entre la fin de l'été et le printemps. La perspective voulant que le poisson descende la rivière St. Mary et atteigne le bassin de la rivière Milk en passant par le canal vient compliquer la possibilité d'établir la taille et la tendance concernant l'abondance des deux populations. Ailleurs, on remarque que la rivière Flathead, en Colombie-Britannique, pourrait subvenir aux besoins d'un grand nombre de chabots des montagnes Rocheuses (Peden et Hughes, 1984). Aucune information n'est disponible concernant les tailles ou les tendances des populations de chabots aux États-Unis.


3.3.3 Populations importantes à l'échelle nationale

Le chabot des montagnes Rocheuses n'a aucune importance directe sur le plan commercial et économique, mais possède une valeur intrinsèque en contribuant à la biodiversité du Canada. Étant donné qu'il semble préférer les eaux froides et les substrats propres, ce poisson pourrait être un excellent bioindicateur de l'état des rivières dans lesquelles il vit (ASRD, 2004).

3.4 Besoins du chabot des montagnes Rocheuses

3.4.1 Biologie et évolution

On dispose de renseignements concernant la biologie et l'évolution du chabot des montagnes Rocheuses en Alberta grâce aux études sur les caractéristiques de la rivière St. Mary menées par Roberts (1988), aux études sur la rivière Milk Nord et Milk menées par R.L.&L. Environmental Services Ltd. (2002) et aux travaux continus portant sur les deux bassins réalisés par T. Clayton, Alberta Sustainable Resource Development (ASRD) et D. Watkinson, Pêches et Océans Canada (MPO). Lorsqu'il subsiste des lacunes, on cite des caractéristiques observées sur d'autres populations de chabot vivant dans des habitats semblables. Cela comprend, entre autres, les données des travaux sur les chabots des montagnes Rocheuses vivant dans la rivière Gallatin Ouest, un affluent de la rivière Missouri, au sud-ouest du Montana (Bailey, 1952), et dans la rivière Flathead, en Colombie-Britannique (Hughess et Peden, 1984; Peden et coll., 1989). On peut également citer des renseignements publiés dans les études menées sur les espèces apparentées comme le chabot à tête courte (Cottus confusus) et le chabot tacheté (Cottus bairdii).

Croissance

Les chabots des montagnes Rocheuses vivant dans la rivière Milk Nord peuvent atteindre une longueur maximale à la fourche (Longueur à la fourche [LF]) de 114 mm (R.L.&L. Environmental Services Ltd., 2002). La longueur maximale à la fourche des individus fraîchement éclos recensés au Montana variait de 5,8 mm à 8,1 mm. On a observé que les jeunes commencent à se nourrir lorsqu'ils atteignent environ 9 mm (Bailey, 1952). Les chabots de la rivière Flathead, en Colombie-Britannique, mesuraient en moyenne 19,2 mm (LF) à la mi-septembre de la première année (jeunes de l'année, âge 0+) et entre 36 mm et 43 mm (LF) à la fin du deuxième été (âge 1+)(McPhail, 2007). La plupart des poissons mâles atteignent la maturité sexuelle à trois ans (âge 2+) et la plupart des femelles, à quatre ans (âge 3+). Les jeunes de l'année des bassins des rivières St. Mary et Milk semblent se développer plus rapidement et mesurent entre 30 et 40 mm (LF) à la fin du premier été (âge 0+) (Hughes et Peden, 1984; Roberts, 1988; D. Watkinson, données non publiées). Cette différence ne semble pas être le fruit d'une erreur entre les caractéristiques des poissons âgés d'un an et plus et celles des jeunes de l'année comme le suggère l'étude réalisée par McPhail (2007). La plus petite femelle mature observée dans les bassins des rivières St. Mary ou Milk mesurait 52,3 mm (LF) (Roberts, 1988).

Reproduction

Des femelles gravides de chabot des montagnes Rocheuses ont été observées dans la rivière St. Mary, en Alberta, à la mi-mai dans une eau à 7,5 ° C (Roberts, 1988). Au même moment, on a observé que des poissons mâles d'un affluent du ruisseau Lee gardaient des œufs dans une eau à 15 ° C. Il semble que les chabots vivant dans les cours d'eau au sud-ouest du Montana fraient en juin alors que la température de l'eau varie entre 7,8 ° C et 12,8 ° C (Bailey, 1952).

On remarque une incidence directe entre le degré de fécondité et la taille du poisson. Ainsi, un chabot femelle appartenant aux populations des bassins des rivières St. Mary et Milk peut pondre entre 100 et près de 750 œufs (Roberts, 1988; D. Watkinson, données non publiées). La longueur des chabots des montagnes Rocheuses de la rivière St. Mary dépasse rarement 87 mm (LF). C'est donc pour cette raison que le nombre d'œufs pondus par la femelle est habituellement inférieur à 400. On ne sait pas grand-chose de la reproduction de cette espèce en Alberta.

Selon des études menées dans le sud-ouest du Montana, il semble que certains chabots mâles soient polygames; ils ont plusieurs partenaires (Bailey, 1952). Ils font un nid sous les rochers ou l'attachent parfois à la végétation aquatique, au bois ou à d'autres débris. Les mâles reproducteurs sont foncés et comportent un rayon jaune-orange sur la nageoire dorsale (McPhail, 2007). Plus d'une femelle peut pondre un chapelet d'œufs sur la surface inférieure du nid fixé sur le rocher. On a recensé 1 884 œufs dans un seul nid (Bailey, 1952). Les œufs, jaune pâle ou jaune-orange, mesurent environ 2,5 mm de diamètre. Après le frai, les mâles agitent leurs nageoires autour des œufs en développement pendant plusieurs semaines afin de prévenir l'envasement. La période d'incubation dépend de la température de l'eau. En observant les dates de frai et d'éclosion, on a déterminé que la période d'incubation des chabots de la rivière Gallatin Ouest varie entre 21 et 28 jours, lorsque la température de l'eau en après-midi atteint entre 7,8 ° C et 17,2 ° C. Les œufs obtenus en milieu artificiel et conservés dans une eau dont la température varie entre 8,9 ° C et 10,0 ° C ont commencé à éclore 30 jours après la fertilisation. L'éclosion s'est poursuivie pendant dix jours. L'absorption du sac vitellin prend environ deux semaines (Bailey, 1952). La longévité et l'intervalle de frai ne sont pas connus, mais on a capturé un chabot mâle qui en était à sa septième saison de croissance (âge 6+) dans le ruisseau Howell, en Colombie-Britannique (McPhail, 2007). Les chabots à tête courte de l'Idaho (Gasser et coll., 1981) fraient chaque année dès qu'ils ont atteint la maturité. Des études menées sur les chabots tachetés suggèrent que seul un petit pourcentage de mâles reproducteurs d'une population de chabot a la capacité de se reproduire avec succès pendant une année donnée (Fiumera et coll., 2002).

L'hybridation est possible entre le chabot des montagnes Rocheuses et le chabot visqueux (Cottus cognatus). Cela a été consigné dans une étude portant sur un secteur de la rivière Flathead, en aval d'un barrage hydroélectrique où la décharge d'eau hypolimnique avait modifié les régimes thermiques et la structure de l'habitat (Zimmerman et Wooten, 1981; voir aussi Taylor et Gow, 2008).

Rôle écologique

Les chabots sortent la nuit à la recherche de nourriture et se nourrissent principalement d'invertébrés de fond. Les jeunes de l'année vivant dans le sud-ouest du Montana se nourrissent principalement de larves de moucherons (Bailey, 1952). À mesure que l'alevin grandit, il ajoute d'autres larves d'insectes aquatiques vivant au fond de la rivière à son alimentation. Pendant la saison des eaux libres, les chabots des montagnes Rocheuses adultes des bassins des rivières St. Mary et Milk se nourrissent principalement de larves de moucherons (famille des moucherons, ordre des diptères) et de nymphes de phryganes (ordre des trichoptères) (D. Watkinson, données non publiées). Ils se nourrissent aussi de nymphes d'éphémères communes (ordre des éphéméroptères), de nématodes (Phylum Nematoda), d'œufs d'invertébrés, d'omisco (Percopsis omiscomaycus), de mollusques (Ph. Mollusca), d'amphipodes (ordre des amphipoda), d'hydrachnidés (sous-ordre des hydracarina), de coléoptères (ordre des Coleoptera) et de larves de tipules (familles des Tipulidae). D'autres taxons comme la physe (mollusques de la famille Physa sp.et Pisidium sp.) et deux sortes de poissons comme le naseux des rapides (Rhinichthys cataractae) et la truite arc­en­ciel (Oncorhynchus mykiss) font également partie du régime alimentaire des chabots adultes (Bailey, 1952; Paetz, 1993; Hughes et Peden, 1984; ASRD, 2004). Ces derniers mangeront également les alevins et les œufs de leur propre espèce (Bailey, 1952).

Le chabot des montagnes Rocheuses vivant en Alberta semble être relativement sédentaire. On estime que l'aire de répartition principale des chabots vivant dans un petit cours d'eau au Montana couvre au plus 46 m de long dans le chenal du cours d'eau. La distance de dispersion maximale observée en amont était de 180 m. Elle atteint 153 m en aval (McCleave, 1964; voir aussi Bailey, 1952). Une période d'observation d'une heure a permis de constater que les petits (<50 mm LF) et les gros (≥ 55 mm LF) chabots mouchetés vivant dans un petit cours d'eau des Appalaches ont évolué dans un secteur qui couvre moins de 0,50 m2 (Freeman et Stouder, 1989). Les renseignements sur les déplacements publiés dans les deux études devraient être interprétés avec prudence étant donné que la portée géographique et la méthode employée dans les deux cas étaient limitées.

Dix-huit espèces de poissons, dont le chabot des montagnes Rocheuses, ont été observées dans les tronçons canadiens du bassin de la rivière St. Mary, en amont du barrage du même nom (T. Clayton, communication personnelle, 2007). Le barrage nuit aux déplacements du poisson vers l'amont. L'aire de répartition de toutes ces espèces empiète sur celle du chabot des montagnes Rocheuses. Le doré jaune (Sander vitreus) introduit dans le réservoir St. Mary a réussi à s'établir (Clements, 1973). Il pourrait y avoir des espèces introduites dans les tronçons de la rivière St. Mary situées aux États-Unis, en amont, qui n'ont pas été recensées dans les tronçons de cette rivière au Canada.

Vingt-trois espèces de poissons, dont le chabot des montagnes Rocheuses, ont été recensées dans le bras principal de la rivière Milk et dans ses affluents au Canada. Dix-neuf d'entre elles occupent la même aire de répartition que le chabot dans la rivière Milk.

La découverte récente d'omiscos, de perchaudes (Perca flavescens), de dorés jaunes et de grands corégones (Coregonus clupeaformis)dans le bassin de la rivière Milk dans le cadre du programme MULTISAR (espèces multiples en péril), un programme d'intendance et d'identification des espèces aquatiques et terrestres présentes dans ce bassin, suggère que ces poissons immigrent du Montana ou se sont introduits dans ce cours d'eau (T. Clayton, communication personnelle, 2007). L'omble à tête plate (Salvelinus confluentus) et le mulet perlé (Margariscus margarita) ont été entraînés dans le canal St. Mary (Mogen et Kaeding, 2002), mais n'ont pas été observés dans la rivière Milk au Canada. [Remarque : le méné de lac (Couesius plumbeus), qui a été observé à maintes reprises dans les deux rivières, mais qui ne fait pas partie des espèces entraînées, est parfois considéré à tort comme le mulet perlé.] Le chabot visqueux observé dans la rivière Milk (Wells, 1977) n'était probablement qu'un chabot des montagnes Rocheuses qui a fait l’objet d’une identification erronée (Roberts, 1988).

La compétition entre le chabot des montagnes Rocheuses et les autres poissons n'a pas été consignée en Alberta. Le chabot des montagnes Rocheuses de la rivière Flathead, en Colombie-Britannique, occupe des habitats en aval de ceux occupés par le chabot visqueux. Il y a peu de chevauchement dans la répartition (Hughes et Peden, 1984). De même, il n'y a aucun chevauchement entre l'aire de répartition du chabot des montagnes Rocheuses et celle du chabot à tête plate (Cottus ricei), vivant dans les rivières Belly, Waterton, Oldman et Castle, dans le ruisseau Willow et dans la rivière St. Mary en aval du réservoir du même nom (T. Clayton, communication personnelle, 2007).

Les prédateurs du chabot des montagnes Rocheuses dans les bassins des rivières Milk et St. Mary n'ont pas été consignés. Le doré noir, le doré jaune, le grand brochet (Esox lucius) et la lotte (Lota lota) sont susceptibles de chasser le chabot des montagnes Rocheuses à toutes les étapes du cycle biologique, alors que d'autres espèces peuvent profiter de la situation pour se nourrir d'œufs ou de larves. Le thamnophis (Thamnophis sp.) a été observé en train de manger le chabot des montagnes Rocheuses (D. Watkinson, communication personnelle).

 

Tableau 1. Espèces de poisson vivant au Canada dans la rivière St. Mary, en amont du barrage St. Mary, ou dans les rivières Milk Nord ou Milk, dont les aires de répartition empiètent (O) ou n'empiètent pas (N) sur celle du chabot des montagnes Rocheuses (Nelson et Paetz, 1992; T. Clayton et D. Watkinson, données non publiées). Les tirets indiquent les espèces qui n'ont pas été recensées.
Nom courant Nom scientifique Rivière St. Mary/ruisseau Lee Bassin de la rivière Milk
Méné laiton Hybognathus hankinsoni ----- O
Épinoche à cinq épines Culaea inconstans O O
Omble à tête plate Salvelinus confluentus O -----
Lotte Lota lota O O
Truite fardée Oncorhynchus clarkii ----Note de bas de page a O
Truite fardée et truite arc-en-ciel hybride Oncorhynchus clarkii x Oncorhynchus mykiss O -----
Chabot des montagnes Rocheuses Cottus sp. S.O. S.O.
Tête-de-boule Pimephales promelas O O
Méné à tête plate Platygobio gracilis ----- O
Dard à ventre jaune Etheostoma exile ----- N
Méné de lac Couesius plumbeus O O
Grand corégone Coregonus clupeaformis O O
Naseux des rapides Rhinichthys cataractae O O
Meunier rouge Catostomus catostomus O O
Meunier des montagnes Catostomus platyrhynchus O O
Ménomini de montagnes Prosopium williamsoni O O
Grand brochet Esox lucius O O
Ventre rouge du nord Chrosomus eos ----- N
Truite arc­en­ciel Oncorhynchus mykiss O -----
Doré noir Sander canadensis ----- O
Queue à tache noire Notropis hudsonius O -----
Barbotte des rapides Noturus flavus ----- O
Omisco Percopsis omiscomaycus O O
Doré jaune Sander vitreus O O
Meunier noir Catostomus commersonii O O
Méné d'argent de l'Ouest Hybognathus argyritis ----- O
Perchaude Perca flavescens ----- N


3.4.2 Habitat

Préférences en matière d'habitat

En Alberta, le chabot des montagnes Rocheuses préfère les cours d'eau modérément froids et clairs (Willock, 1969). Ils ont tendance à être plus nombreux dans les substrats rocheux et propres déposés le long d'un ruisseau au courant faible à modéré que dans les substrats situés au milieu des cours d'eau, là où le courant est plus rapide (Paetz, 1993) (Figure 4). Or, la présence des chabots dans les bassins des rivières St. Mary et Milk suggère que cette espèce tolère des épisodes pendant lesquels la concentration de sédiments suspendus est plus élevée en raison de la crue. On note que le chabot se sert de la végétation émergente ou riveraine pour s'abriter dans les rivières ou ruisseaux dépourvus de structures rocheuses, comme c'est le cas à proximité de Cardston (ruisseau Lee).


Figure 4 . Chabot des montagnes Rocheuses posé sur un substrat de gravier.

Chabot des montagnes Rocheuses (voir description longue ci-dessous).

Photo : T. Clayton, Alberta Sustainable Resource Development, Lethbridge.

Description pour la figure 4

La figure 4 est une photo montrant plusieurs chabots des montagnes Rocheuses, de grande et de petite taille, qui vivent dans des habitats propres dont le substrat rocheux est composé de cristaux de roche et de galets. Les poissons semblent se reposer sur le substrat au fond de l'eau.


On remarque une forte corrélation entre l'aire de répartition du chabot des montagnes Rocheuses dans les bassins des rivières St. Mary et Milk, la pente d'écoulement et le type de substrat (Clayton et Ash, 1980; R.L.&L. Environmental Services Ltd., 2002; D. Watkinson, données non publiées). Entre juin et octobre, cette espèce fréquente des rapides et des ruisselets peu profonds où le substrat est composé de gravier, de galets ou de rochers. On observe que cette espèce préfère les cours d'eau au courant modéré à élevé (de 0,1 à 1,8 m/s), où l'eau est peu profonde (de 0,1 à 1,0 m) et dont le substrat est principalement composé de gravier ou de galets légèrement vaseux (de 0,0 à 0,02 m) (R.L.&L. Environmental Services Ltd., 2002; D. Watkinson, données non publiées). Les jeunes de l'année et les adultes vivent dans des cours d'eau présentant des caractéristiques semblables en ce qui a trait à la vélocité (<1,5 m/s), à la profondeur et à la composition du substrat, mais un plus grand nombre de jeunes de l'année occupent les zones peu profondes au courant plus faible, composées d'un substrat vaseux (D. Watkinson, données non publiées). Il semble que les plus gros poissons préfèrent les substrats offrant de plus grands espaces intercalaires (c.-à-d. présentant moins d'emboîtement).

Le chabot des montagnes Rocheuses vit dans des cours d'eau dont la température peut atteindre 23,6 ° C. Ces cours d'eau affichent un pH basique variant habituellement entre 8,0 et 8,6, une conductance qui se situe entre 100 et 920 μS/cm, une turbidité atteignant entre 0,34 et 10,3 uTN (mais ne dépassant habituellement pas 3,5 uTN) et un taux d'oxygène dissous d'au moins 7,4 mg/L (R.L.&L. Environmental Services Ltd., 2002). L'effet de la turbidité suffisait rarement à offrir une couverture visuelle. La pente d'écoulement change soudainement dans la rivière Milk au confluent du ruisseau Deer (Clayton et Ash, 1980). On note que la population de chabot des montagnes Rocheuses est nombreuse en amont du point de confluence, à l'endroit où la pente varie entre 1,3 et 7 m/km (de 0,13 % à 0,70 %), et absent en aval, où la dénivellation est établie à 0,65 m/km (0,065 %) (Clayton et Ash, 1980). Ces poissons étaient aussi nombreux à l'embouchure du ruisseau que dans la rivière (Willock, 1969).

On dispose de peu de renseignements sur les caractéristiques d'habitat associées aux étapes du cycle biologique. On a remarqué que les spécimens adultes de la rivière Flathead étaient nombreux en été dans les eaux dont la profondeur et la vélocité étaient comparables aux cours d'eau empruntés par les chabots dans les bassins des rivières St. Mary et Milk (McPhail, 2007). Le poisson se cache dans les substrats pendant la journée et sort la nuit pour se nourrir le long des berges, là où l'eau est peu profonde (<30 cm) et le courant est faible (<0,1 m/s). Certaines caractéristiques, comme un déplacement de gros mâles de la rivière Flathead en septembre vers les zones dont le courant superficiel était plus rapide (>0,6 m/s), la recherche de substrats composés de gros rochers et de blocs et la coloration du poisson associée à la période de reproduction, suggèrent que les territoires de reproduction se déterminent peut-être à l'automne (McPhail, 2007). Pendant la période hivernale, le chabot de la rivière Gallatin Ouest, au sud-ouest du Montana, vit dans des cours d'eau dont la température varie entre 0 et 2,2 ° C (Bailey, 1952). Au printemps, plus de 30 cm d'eau recouvrent l'endroit où ils construisent leurs nids dans un cours d'eau dont la vitesse superficielle varie entre 0 et 1,4 m/s. Les nids sont habituellement construits sous les roches et mesurent entre 12 et 38 cm de diamètre.

Les juvéniles de la rivière Flathead vivent dans des habitats semblables à ceux des adultes, mais ils semblent privilégier les endroits situés près des berges, dans une eau moins profonde et au cours plus tranquille (McPhail, 2007). Ils adoptent peut-être ce comportement en réponse à la prédation par le chabot adulte et à la compétition avec ce dernier pour les ressources disponibles dans les cours d'eau plus rapides et plus profonds plutôt que par préférence, étant donné que les poissons plus petits et plus gros aiment mieux les microhabitats en eau profonde (Freeman et Stouder, 1989). Les juvéniles de cette espèce peuvent être nombreux dans les secteurs vaseux et peu inclinés de la rivière Milk (D. Watkinson, données non publiées) où ils peuvent remuer la vase pour se cacher (Bailey, 1952; Willock, 1969).

À l'automne, les jeunes de l'année de la rivière Flathead vivent dans les substrats sablonneux et couverts de détritus des cours d'eau tranquilles comme les bassins, les enchevêtrements de racines, les chenaux secondaires et les baies peu profondes (McPhail, 2007).

Disponibilité de l'habitat

Il y a peu de renseignements disponibles concernant le type d'habitat particulier au bassin hydrographique de la rivière Milk et l'utilisation qu'en fait le chabot des montagnes Rocheuses. En novembre 1979, on a recensé des chabots qui hivernaient dans la plupart des sites recensés sur la rivière Milk Nord, de 14 km à 80 km en amont du point de confluence avec la rivière Milk, et dans la rivière Milk, à proximité de la frontière entre l'Alberta et le Montana, en aval de la coulée Verdigris (Clayton et Ash, 1980). Aucun chabot n'a été recensé plus loin en aval de la rivière Milk, au pont du ruisseau Deer ou à un point situé à 12 km en amont de la frontière. De manière générale, on a capturé un nombre élevé de chabots dans des secteurs situés dans la rivière Milk Nord. Les sites d'hivernage ne semblent pas gêner les populations de chabots des montagnes Rocheuses dans le bassin de la rivière Milk dans les conditions naturelles d'écoulement du cours d'eau en hiver (R.L.&L. Environmental Services Ltd., 2002). La disponibilité de ce type d'habitat en période de sécheresse est moins certaine. Ces périodes sont fréquentes dans le bassin de la rivière Milk et les espèces qui y vivent se sont probablement adaptées aux conditions. Nous en savons très peu sur l'habitat d'hivernage dans la rivière St. Mary. Les effets des faibles débits se font également sentir dans la rivière St. Mary, mais ils ne sont pas aussi prononcés puisque l'eau s'écoule sans interruption toute l'année.

L'habitat de reproduction et de croissance ne semble pas gêner le chabot des montagnes Rocheuses dans le bassin de la rivière Milk étant donné que la crue offre une source continue d'eau froide et propre (R.L.&L. Environmental Services Ltd., 2002). Les modifications apportées au régime d'écoulement actuel liées au canal St. Mary pourraient avoir des répercussions sur la disponibilité de ce type d'habitat dans le bassin de la rivière Milk, mais elles auront probablement moins d'effets sur la rivière St. Mary. Les modifications ne devraient avoir aucun effet sur le ruisseau Lee.

Des études permanentes sur l'habitat ont permis de démontrer que le chabot des montagnes Rocheuses était commun et largement établi dans la rivière St. Mary, entre la frontière et le croisement de l'autoroute 5 (D. Watkinson, données non publiées). À l'heure actuelle, on étudie l'utilisation des types d'habitat par le poisson aux étapes précises du cycle biologique du chabot des montagnes Rocheuses.

Tendances relatives à l'habitat et facteurs de restriction

L'aménagement du canal St. Mary aux États-Unis en 1917 (ISMMRAMTF>, 2006) et la construction du barrage et du réservoir St. Mary en Alberta en 1951 (Gilpin, 2000) ont considérablement modifié les conditions hydrauliques des bassins des rivières St. Mary et Milk, altérant du même coup la disponibilité de l'habitat du chabot. Le détournement de la rivière St. Mary a gonflé le volume saisonnier des rivières Milk Nord et Milk et ralenti le débit de la rivière St. Mary. Étant donné la taille relative des cours d'eau, on note que les effets sont plus prononcés dans les rivières Milk Nord et Milk, aux endroits où le volume du débit a décuplé (McLean et Beckstead, 1980). La construction du barrage et du réservoir St. Mary a transformé les habitats lotiques (riverains) en habitats lentiques (lacustres) qui ne conviennent pas au chabot des montagnes Rocheuses. Aucun chabot n'a été recensé dans les ouvrages de retenues ou en aval de ceux-ci. Leur disparition semble avoir été causée par la dégradation et le morcellement de l'habitat. Les effets du détournement des tronçons en amont de la rivière St. Mary sont moins prononcés et n'ont pas été recensés en ce qui concerne l'habitat du chabot des montagnes Rocheuses. Le ruisseau Lee n'est pas touché par la régulation du débit. Le détournement se fait donc au niveau local.

Même si l'élargissement du lit de la rivière, l'augmentation du nombre d'interruptions du débit et la hausse de la quantité de dépôt de sédiments ont été consignés, les caractéristiques générales des rivières Milk Nord et Milk sont demeurées pour ainsi dire inchangées depuis 1917 (McLean et Beckstead, 1980). Ces effets se font clairement sentir dans les plus petits cours d'eau de la rivière Milk Nord, où la fréquence des inondations a doublé et les eaux de crues ont gagné en importance depuis les activités de dérivation. La crue continue à éroder les rives de la rivière Milk et à détruire les habitats de fond composés de sédiments fins à cet endroit (McLean et Beckstead, 1980).

La disponibilité de l'habitat dans les rivières Milk Nord et Milk varie d'une année à l'autre selon le débit de l'eau, particulièrement lorsque le volume n'a pas connu de hausse à la fin de l'été, à l'automne et en hiver. L'Alberta examine la possibilité de stocker de l'eau dans la rivière Milk. Les études de faisabilité sont terminées. La province devrait consulter les États-Unis. Cependant, on n'envisage pas de construire de réservoir sur la rivière Milk au Canada et les effets d'un tel ouvrage n'ont pas fait l'objet d'une évaluation. Étant donné que les réservoirs ne peuvent servir d'habitat au chabot des montagnes Rocheuses, on doit prévoir que l'espèce sera touchée par les conséquences néfastes entraînées par l'aménagement d'un tel projet sur l'une ou l'autre des rivières. En outre, on pourrait changer l'habitat du chabot pourraient vraisemblablement se produire dans les rivières St. Mary, Milk Nord et Milk si le canal St. Mary était restauré et que cette activité favorisait une augmentation du débit qui varie de 18,4 m3/s à 24,1 (Alberta Environment, 2004; U.S. Bureau of Reclamation, 2004).

Protection de l'habitat

Le chabot des montagnes Rocheuses (populations du versant est) jouit d'un éventail de mesures de protection directe ou indirecte de son habitat par l'entremise de lois ou de programmes en place.

Au niveau fédéral, la Loi sur les pêches (R.S. 1985, c. F-14) interdit d'exploiter des ouvrages ou entreprises entraînant la détérioration, la destruction ou la perturbation de l'habitat du poisson, sauf lorsque ceux-ci possèdent une autorisation du ministre (ch. 35). L'article 3 du chapitre 36 de la Loi sur les pêches protège la santé du milieu aquatique en interdisant l'immersion d'une substance nocive dans des eaux où vivent des poissons (son habitat). La Loi canadienne de la protection de l'environnement (L.C. 1999, c. 33) contribue au développement durable et protège la santé humaine et l'environnement grâce à des mesures de prévention de la pollution. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (L.C. 1992, c. 37) exige que certaines mesures réglementaires fédérales prescrites, dont l'autorisation de modifier, de déranger ou de détruire l'habitat du poisson, soient soumises à un processus d'examen environnemental. La Loi sur les espèces en péril (L.C. 2002, c. 29) interdit de tuer, de blesser, de harceler, de capturer ou de prendre des espèces inscrites sur la liste des espèces disparues du pays, en péril ou menacées (article 1 du ch. 32). L'article 58 prévoit que l'habitat essentiel des animaux inscrits sur la liste des espèces en péril est légalement protégé, soit aux termes d'une ordonnance d'interdiction en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP), soit par des dispositions de la LEP ou de toute autre loi fédérale, ou d'une mesure prise sous leur régime.

Au niveau provincial, la Wildlife Act de l'Alberta (R.S.A. 2000, W-10) exige que le ministre compétent crée un comité de conservation des espèces en péril qui offrira son expertise au ministre pour l'étude des questions concernant les espèces en péril et formulera des recommandations, notamment en ce qui a trait à l'attribution d'une désignation aux espèces et à l'élaboration/adoption de plans de rétablissement aux termes de cette loi. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement (R.S.A. 2000, c. E-12) assure la protection des terres, des eaux et de l'air en exigeant de ceux qui exploitent ou proposent des projets d'aménagement qu'ils assument leurs responsabilités environnementales. L'Alberta Public Lands Act (R.S.A. 2000, c. P-40) prend en charge la désignation des différents types d'utilisation des terres de la Couronne, que ce soit des utilisations à des fins agricoles, d'exploitation pétrolière ou gazière ou, encore, de valorisation d'autres ressources. L'Alberta Water Act (chapitre/règlement : R.S.A. 2000, c. W-3) se concentre sur la gestion et la protection des eaux de la province et réglemente l'allocation des ressources en eau.

En vertu du programme « Eau pour la vie » (Water For Life), l'Alberta appuie la formation de conseils consultatifs et de conseils de planification des bassins versants de même que l'élaboration de plans pour la gestion de ces mêmes bassins. Ces plans servent à définir des stratégies relatives aux bassins versants et peuvent influencer la politique du gouvernement de l'Alberta sur l'utilisation de l'eau. On peut tenir compte des besoins du poisson au stade d'élaboration de ces plans, mais la protection des milieux aquatiques ne représente qu'une partie de l'objectif établi. Le Milk River Watershed Council of Canada a dressé un rapport sur l'état du bassin et procède actuellement à l'élaboration d'un plan de gestion. Le Oldman Watershed Council prodigue des conseils sur la gestion de l'eau dans le bassin de la rivière St. Mary (S. Petry, communication personnelle, 2007).

Au moment de rédiger le présent document, 56 % du territoire qui longe la rivière Milk Nord et Milk sont des terres publiques; les autres sont privées (T. Clayton, communication personnelle, 2006). Seules 11 % des terres publiques et 14 % des terres privées doivent respecter un plan de conservation prévoyant des mesures de protection des rives (plans créés en partie par les propriétaires et les utilisateurs dans le but de protéger le mode de vie fondé sur l'agriculture et l'environnement). Les autres terres servent principalement au pâturage ou comme petites zones réservées à l'aménagement du territoire municipal (comme c'est le cas de la Ville de Milk River). Six pour cent des terres publiques longeant la rivière ont une vocation récréative. Elles sont ouvertes au public pendant l'été, mais elles sont visées par des restrictions concernant leur aménagement. La plupart des terres en bordure du ruisseau Lee (79 %) et de la rivière St. Mary (75 %) sont privées (T. Clayton, communication personnelle, 2007). Les autres terres sont publiques ou sont situées sur la réserve de la tribu Blood. Nous ne connaissons pas la proportion de terres devant respecter un plan de conservation prévoyant des mesures de protection des rives.

L'approbation de la municipalité est exigée pour l'aménagement riverain sur des terrains visés par une servitude de conservation municipale. Les autres initiatives ou organismes qui formulent des recommandations sur la qualité ou le débit de l'eau, sur la gestion riveraine et sur d'autres aspects de la conservation du bassin hydrographique comprennent : Agriculture Canada, Alberta Agriculture, Alberta Environment, Alberta Health and Wellness, Alberta Riparian Habitat Management Society (Cows and Fish), Canards Illimités, Environnement Canada, Programme de planification environnementale à la ferme, Pêches et Océans Canada, Santé Canada, Programme MULTISAR, Conservation de la nature et Operation Grassland Community.


3.4.3 Résidence du chabot des montagnes Rocheuses

Dans le sud de l'Alberta, le chabot des montagnes Rocheuses fraie habituellement entre mai et juin, au moment où la température de l'eau varie entre 7 et 13 ° C (Bailey, 1952; Watkinson, données non publiées). Les chabots mâles construisent des nids sous les roches ou les fixent à la végétation aquatique, au bois et à d'autres débris, et les femelles peuvent pondre une grappe d'œufs adhérents dont la couleur varie du jaune à l'orangé (voir la section 3.4.1). Lorsqu'il construit un nid, le mâle demeure à cet endroit pendant plusieurs semaines, soit avant la ponte, pendant l'incubation et pendant les premiers stades embryonnaires (Peden, 2000; Bailey, 1952). Il agitera énergiquement l'eau autour des œufs fraîchement pondus afin de prévenir l'envasement et aussi protéger les œufs et les alevins des prédateurs. Il semble que le mâle reste près du nid jusqu'à l'absorption du sac vitellin.

La Loi sur les espèces en péril définit la résidence comme un « gîte (terrier, nid ou autre aire ou lieu semblable) occupé ou habituellement occupé par un ou plusieurs individus pendant toute leur vie ou pendant une partie de leur vie, notamment pendant la reproduction, l'élevage, les haltes migratoires, l'hivernage, l'alimentation ou l'hibernation ».

Les nids construits et utilisés par cette espèce pour le frai indiquent que le chabot des montagnes Rocheuses met beaucoup d'efforts dans la construction et l'entretien de son abri. Par conséquent, les nids sont considérés comme la résidence de cette espèce. La notion de résidence s'applique uniquement au nid lui-même ainsi qu'à la période de frai pendant laquelle le chabot mâle entretient le nid. Cela désigne également la période pendant laquelle le nid contient des œufs ou des alevins.

Le chabot est une espèce plutôt sédentaire dont la répartition est relativement uniforme dans les cours d'eau albertains. Il est donc probable de trouver des nids dans le chenal du cours d'eau lorsque les structures existent. On pense que la plupart des activités de frai dans les bassins des rivières St. Mary et Milk se produisent sous les roches, les blocs ou les débris puisque la végétation riveraine utilisable est presque absente en raison de la dynamique et de la nature érosive des bassins hydrographiques. Il semble que le chabot soit plus susceptible de frayer sur la végétation riveraine ou les débris du ruisseau Lee.


3.4.4 Facteurs de restriction

On connaît peu la physiologie du chabot des montagnes Rocheuses ou sa capacité d'adaptation à différentes conditions pour être en mesure de relever les facteurs qui pourraient limiter la survie et le maintien de la population. Cependant, les modifications apportées à ces conditions auront probablement des conséquences néfastes sur la survie de cet animal puisqu'il s'agit d'une espèce riveraine qui s'est adaptée pour survivre dans les cours d'eau clairs et frais. La régularisation du débit ou l'augmentation de la clarté de l'eau pourraient, par exemple, leur faire perdre l'avantage par rapport à leurs concurrents ou augmenter leur vulnérabilité face aux prédateurs. Bon nombre de chabots ne survivent pas à la transition vers un habitat lacustre lorsqu'on aménage des bassins de retenue dans leurs cours d'eau, sans que nous en connaissions les raisons précises (Peden, 2000).

Même si cela n'est pas confirmé, le chabot des montagnes Rocheuses vivant au Montana peut avoir colonisé les rivières Milk Nord et Milk en passant par le canal St. Mary et pourrait continuer à le faire si les populations des rivières Milk Nord et Milk venaient à disparaître. Or, il semble que le mode de vie sédentaire des espèces de chabots apparentées (Bailey, 1952; McCleave,1964; Peden, 2000) limite la possibilité de recoloniser les habitats en amont comme le ruisseau Lee ou la rivière Milk en amont du point de confluence avec la rivière Milk Nord. La recolonisation de la rivière St. Mary à partir de la rivière Milk Nord n'est pas possible étant donné les cinq chutes, mesurant 30 m de long et dont la pente atteint 30 degrés, et les deux siphons inversés créant des barrières infranchissables pour la migration en amont (K. Miller, communication personnelle, 2007). L'absence apparente de cette espèce dans le bassin de la rivière Missouri, en aval de la rivière Milk, semble indiquer que la recolonisation à l'intérieur de ce bassin est impossible (Stash, 2001).

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