Souris des moissons (Reithrodontomys megalotis) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 6

Biologie

La souris des moissons n’a pas été étudiée de manière approfondie; la plupart des données proviennent d’études menées aux États-Unis. Au Canada, les seules études donnant un aperçu de la biologie de l’espèce sont celles menées par Sullivan (p. ex. Sullivan, 2004; Sullivan et Sullivan, 2006a) et par Klenner (données inédites). Nagorsen (2005) a résumé la biologie de l’espèce.  

Cycle vital et reproduction 

La souris des moissons est nocturne et recherche principalement sa nourriture au sol, soit des graines et des invertébrés (p. ex. des chenilles et des papillons nocturnes; Cahalane, 1961; Whitaker et Mumford, 1972; Meserve, 1977; Johnson et Gaines, 1988; Jekanoski et Kaufman, 1995). Elle grimpe fréquemment dans les arbustes (à une hauteur pouvant atteindre 1 m) à la recherche de graines, de fleurs et d’invertébrés, et dans les tiges herbeuses pour récolter des graines (Cahalane, 1961; Meserve ,1977; Jekanoski et Kaufman, 1995). Sur la côte californienne, jusqu’à 50 p. 100 de sa nourriture printanière est composée de fleurs et de graines (Meserve, 1976). Les anthropodes (principalement des lépidoptères) composent jusqu’à 30 p. 100 de son régime alimentaire (Meserve, 1976).  

La souris des moissons peut vivre jusqu’à 18 mois à l’état sauvage, mais peu d’individus survivent plus de six mois (Nagorsen, 2005). Les femelles peuvent se reproduire lorsqu’elles sont âgées entre quatre et douze mois. La gestation dure de 21 à 24 jours et donne en moyenne 4,1 embryons (soit de 1 à 9 embryons) et 2,6 jeunes (soit de 1 à 7 jeunes; Hayssen et al., 1993; Nowak, 1999). Le nombre maximal de portées par saison est de quatre ou cinq (Hayssen et al., 1993). À la naissance, les souriceaux pèsent de 1 g à 1,5 g et mesurent de 7 mm à 8 mm de long (Jackson, 1961); ils sont sevrés à 20 jours environ (Hayssen et al., 1993). La durée d’une génération est estimée à six mois. 

Selon une étude approfondie menée en Colombie-Britannique, les souris des moissons se sont reproduites de mars à novembre et ont eu un nombre variable de portées par année. La proportion de mâles accouplés dans trois champs abandonnés et dans les habitats d’armoise était de 75 p. 100 et celle dans un verger biologique était de 42,9 p. 100 (Sullivan et Sullivan, 2005 et 2006b). Le taux de survie au début du stade juvénile (un indice établissant le rapport entre le recrutement des jeunes dans la population pouvant être piégée et le nombre de femelles en lactation) variait de trois jeunes par femelle gestante dans les champs abandonnés à cinq jeunes dans le verger biologique et à six jeunes dans les habitats d’armoise (Sullivan et Sullivan, 2005 et 2006b).

Les nids sont sphériques ou cupuliforme, d’un diamètre d’environ 7,5 cm à 12,5 cm (Webster et Jones, 1982; Wilson et Ruff, 1999), et généralement situés dans des arbustes jusqu’à une hauteur d’un mètre du sol (Webster et Jones, 1982), mais ils sont parfois situés dans un terrier ou au sol (Birkinholz, 1967). En général, les nids se trouvent dans des arbustes et sont composés d’éléments végétaux, dont une couche extérieure d’herbes et de végétaux fibreux grossièrement tissés et une couche intérieure de végétaux plus doux comme du duvet ou du duvet de pissenlit (Wilson et Ruff, 1999).

Prédateurs 

Les prédateurs possibles de la souris des moissons sont notamment les strigidés (Marti, 1974; Cannings, 1987), les éperviers, les geais, les pies-grièches, les crotales des prairies, les ratons laveurs, les renards, les belettes, les mouffettes, les blaireaux et les coyotes (Brant, 1962; Kaufman et al., 1993; Brillhart et Kaufman, 1994; Forsyth, 1999; Wilson et Ruff, 1999).  Cannings (1987) a trouvé que la souris des moissons composait jusqu’à moins de 5 p. 100 du régime alimentaire de la Petite Nyctale (Aegolius acadicus) dans le sud de la Colombie-Britannique. 

Physiologie 

La souris des moissons tombe dans un état léger de torpeur lorsqu’elle est affamée et exposée à des températures froides en laboratoire (Thompson, 1985). Il est probable que sa capacité à entrer en torpeur dans des conditions naturelles est importante pour sa survie au Canada en raison des températures froides qu’elle doit endurer à la périphérie nord de son aire de répartition (Nagorsen, 2005). Bien que l’hypothèse qu’elle soit capable d’hiberner ait été émise (O’Farrell, 1974), elle a été capturée pendant toute l’année en Colombie-Britannique (Sullivan et Sullivan, 2004).

Déplacements et dispersion 

O’Farrell (1978) a estimé la superficie moyenne du domaine vital à 1,12 ha, mais Meserve (1977) a trouvé des domaines vitaux d’une superficie variant de 0,44 ha à 0,56 ha. Les distances de dispersion de la souris des moissons sont en général inférieures à 300 m (Brant, 1962; Clark et al., 1988; Skupski, 1995). On signale toutefois des déplacements sur de longues distances allant de 375 m à 3 200 m pour certains individus (Clark et al., 1988). Les mâles se déplacent généralement plus loin que les femelles (Clark et al., 1988; Skupski, 1995). Parmi cinq individus parcourant plus d’un kilomètre, la distance moyenne de déplacement quotidien pour atteindre le nouveau site était de 135 m (distance linéaire directe; Clark et al., 1988). 

Les individus ayant été déplacés sur une distance allant jusqu’à 300 m sont retournés à leur domaine vital (Fisler, 1966). Cependant, Kozel et Fleharty (1979) ont constaté qu’aucune souris n’est retournée d’où elle venait après avoir été transportée de l’autre côté d’une route en bordure de son domaine vital.

Les expansions démontrées de l’aire de répartition de la souris des moissons dans l’Illinois et l’Indiana indiquent un potentiel de dispersion lorsque des habitats appropriés sont présents, par exemple le long des emprises routières (Whitaker et Mumford, 1972; Ford, 1977). La souris des moissons a eu les taux de recrutement et d’immigration les plus élevés de l’ensemble des petits mammifères piégés au cours d’une étude effectuée près de Summerland en Colombie-Britannique (Sullivan et Sullivan, 2006b). Cela semble indiquer qu’elle devrait être en mesure de coloniser de nouveaux territoires d’habitat propice.

La souris des moissons a été observée en train d’utiliser les pistes tracées par des rongeurs sympatriques, y compris les genres Microtus et Sigmodon (Hall, 1946).  Toutefois, elle ne semble pas contribuer à l’entretien des pistes (Pearson, 1959).

Relations interspécifiques 

La souris des moissons est parfois en compétition avec des rongeurs de taille semblable, tels que la souris sylvestre, la souris commune et le campagnol montagnard (Microtus montanus) (Johnson et Gaines, 1988; Heske et al., 1994; Fa et al., 1996; Stapp, 1997). Dans les communautés des prairies de la Californie, Heske et al. (1984) ont constaté que dans les années où le campagnol de Californie (Microtus californicus) était abondant, la souris des moissons avait localement disparue. Le retrait de rats-kangourous (Dipodomys spp.) en Arizona a entraîné une augmentation de la densité de souris des moissons (Skupski, 1995). En Colombie-Britannique, le campagnol montagnard est peut-être une espèce compétitrice importante (Sullivan et Sullivan, 2004). La compétition avec la souris sylvestre, qui est la souris dominante dans les habitats de la souris des moissons, est moins probable, étant donné que cette espèce semble exploiter des microhabitats différents (Cahalane, 1961; Kaufman et al., 1988).

Le pâturage par le bétail domestique diminue l’accessibilité au couvert et à la nourriture, ce qui influe donc négativement sur l’habitat de la souris des moissons. Dans l’est du Colorado, Moulton et al. (1981) ont constaté que la souris des moissons était absente dans les habitats d’armoise pâturée, mais qu’elle était commune dans ceux qui étaient non pâturés. Bien qu’elle semble préférer la couverture offerte dans les habitats non pâturés, elle est présente sur des sites pâturés en Colombie-Britannique lorsqu’il y a un couvert arbustif abondant (W. Klenner, comm. pers.).

Adaptabilité 

La capacité de la souris des moissons à entrer en torpeur lorsqu’elle doit composer avec un manque de nourriture ou un très grand froid (Thompson, 1985), ses taux élevés de reproduction (Bancroft, 1967; Hayssen et al., 1993) et de recrutement (Sullivan et Sullivan, 2006b) et sa capacité de dispersion (Whitaker et Mumford, 1972; Ford, 1977) lui permettent de s’adapter aux phénomènes stochastiques dans son milieu. Étant donné la connectivité adéquate des parcelles d’habitat, l’espèce semble résistante aux événements pouvant entraîner sa disparition locale. Par exemple, malgré qu’elle soit sensible au feu (Kaufman et al., 1988), elle est une espèce résidente commune dans l’ensemble des prairies dépendantes du feu de la majeure partie de l’Amérique du Nord et a été observée en densité relativement élevée (jusqu’à 13 individus par hectare) seulement trois ans après un feu dans le sud de la Colombie-Britannique (W. Klenner, comm. pers.).

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