Naseux moucheté (Rhinichthys osculus) évaluation et rapport de situation du COSEPAC : chapitre 8

Facteurs limitatifs et menaces

Haas (1998) a cité la répartition limitée et la petite taille de la population totale comme facteurs de risque importants pour le naseux moucheté au Canada. Parmi les autres menaces énumérées figuraient l’exploitation forestière, la perte des habitats, l’introduction d’espèces exotiques, l’urbanisation, la pollution agricole et industrielle, le développement hydroélectrique (voir à ce sujet la section Tendances en matière d’habitat) et les accumulations de particules solides de charbon dans la rivière Granby, à Grand Forks (Colombie-Britannique).

Toute l’aire de répartition du naseux moucheté au Canada se trouve dans un seul réseau hydrographique (étendue d’occurrence connue de 7,47 km²). Au sein de l’habitat échantillonné jusqu’ici, c’est le tronçon de 11,4 km juste en amont des chutes Cascade qui abritait les plus grandes densités de naseux mouchetés. De plus, ce tronçon pourrait représenter une proportion importante de la population d’adultes au Canada (Peden, 2002). Cette hypothèse doit être confirmée par d’autres échantillonnages de l’habitat, dans la zone supérieure du bassin versant. Un phénomène catastrophique majeur, capable d’avoir des effets en aval, pourrait menacer une importante portion de la population dans cette zone (Peden, 2002). Il est peu probable, toutefois, qu’un seul désastre affecte tous les naseux mouchetés vivant au Canada puisque l’on trouve des individus dans plus d’une rivière. La recolonisation serait sans doute possible à partir des portions non perturbées de l’aire de répartition.

En raison des faibles débits estivaux, de la présence dominante des petites particules (gravier et sable) et de la faible couverture en rivière, l’habitat des adultes peut constituer un facteur limitatif pour plusieurs espèces de poissons des rivières Kettle et Kettle Ouest (Sebastian, 1989). L’habitat du cours inférieur de la rivière Granby est semblable. Les gros naseux mouchetés n’ont été repérés en grand nombre que dans des zones offrant une couverture (berges sapées et substrats grossiers tels que les galets et les roches) sans matériau fin, et une profondeur et un courant adéquats (Peden, 1981 et 2002).

Le réseau de la rivière Kettle est considéré comme un système sensible aux débits et vulnérable aux prélèvements d’eau. Il se trouve dans une écorégion où le ruissellement unitaire normal est relativement faible (265 mm/an). Ce problème s’est aggravé avec l’augmentation des prélèvements d’eau pour répondre aux besoins urbains, agricoles et industriels dans le bassin hydrographique. Le réchauffement climatique peut aussi exacerber ces conditions. D’après la fréquence observée de sécheresse dans le réseau (figures 5 et figure6), des prélèvements d’eau additionnels empêchent de répondre aux besoins des poissons (R.A. Ptolemy, comm. pers.). La méthode de Tennant, qui permet d’évaluer le débit courant, décrit les débits minimaux correspondant à 10 p. 100 du DMA comme des habitats médiocres ou minimaux pour les poissons et les autres espèces sauvages (survie à court terme seulement dans la plupart des cas); à des débits inférieurs à 10 p. 100 du DMA, l’habitat est considéré comme gravement dégradé (Tennant, 1976; Annear et al., 2004). Tennant a décrit les débits équivalent à 30 p. 100 du DMA comme le seuil générique auquel la profondeur et la vitesse dans les radiers sont adéquates pour les poissons et les insectes aquatiques; à moins de 10 p. 100 du DMA, la profondeur, la vitesse du courant et la largeur des radiers sont jugées gravement dégradées. La figure 5 montre que pendant la sécheresse de 2003 les débits ont chuté en deçà du minimum enregistré pendant une période prolongée (des semaines). En plus de la perte des habitats de radiers, les conditions de faible débit peuvent élever la température de l’eau, réduire le potentiel de dilution et dégrader la qualité de l’eau (rejets de déchets), abaisser les teneurs en oxygène dissous et augmenter la vulnérabilité aux prédateurs terrestres et aquatiques. En hiver, les conditions de faible débit peuvent accroître le risque de gel et la baisse des teneurs en oxygène dissous. La hausse de la température de l’eau ne devrait pas avoir d’effets sur les naseux mouchetés; ce sont les autres conditions citées qui peuvent influer sur l’abondance par la perte d’habitats et les effets sur les sources de nourriture.

La hausse des allocations d’eau n’est peut-être pas l’unique facteur de la réduction des débits : le changement climatique peut aussi jouer un rôle dans la baisse des débits déjà faibles observés entre les années antérieures à 1963 et la période postérieure à 1981 (Aqua Factor Consulting Inc., 2004). Les organismes fédéral et provincial chargés des pêches craignent que les faibles débits, combinés à des températures élevées, causent un stress excessif, réduisent la capacité de fraye et entraînent la mort des poissons dans le réseau de la rivière Kettle.

Le réchauffement climatique peut accroître la gravité, la durée et la fréquence des sécheresses. Les débits mesurés dans le Fraser, à Hope, indiquent que les débits correspondant au tiers et à la moitié du débit annuel cumulatif sont enregistrés respectivement onze et neuf jours plus tôt chaque siècle (Aqua Factor Consulting Inc., 2004). Les cours d’eau du centre-sud de la Colombie-Britannique affichent une tendance similaire, la crue printanière survenant plus tôt et les débits s’affaiblissant à la fin de l’été et au début de l’automne (Aqua Factor Consulting Inc., 2004).

Des mortalités massives de poissons survenues en été dans les tronçons occupés par les naseux mouchetés ont été signalées dans la rivière Kettle en 1991, 1992 et 1998 (Aqua Factor Consulting Inc., 2004). Parmi les poissons morts figuraient des ménominis, des truites et des meuniers. Trois incidents de cette nature, qui semblaient localisés, ont eu lieu avant la période de faible débit de la fin de l’été et du début de l’automne. On n’a pas pu déterminer la cause de ces mortalités massives.

Peden et Hughes (1981) ont constaté que les naseux mouchetés étaient absents ou peu abondants dans des zones apparemment de qualité en aval de la station d’épuration des eaux usées de Grand Forks ainsi que dans des zones potentiellement utilisables près de la scierie de Midway. Cela permet de croire que des changements survenus dans la qualité de l’eau peuvent avoir eu des effets dans ces zones. Peden (2002) a cité d’autres menaces, notamment les activités qui se déroulent aux États-Unis (en amont des chutes Cascade) et qui sont susceptibles d’avoir des effets nocifs en aval, au Canada, la construction de routes et les pratiques agricoles qui peuvent causer l’envasement du substrat et/ou la contamination chimique.

On s’est penché sur le projet de centrale proposé dans le cadre des tendances en matière d’habitat indiquées dans les pages précédentes. Cependant, on devrait prendre note que l’on s’attend à ce que la proposition actuelle ait des répercussions seulement sur une très petite proportion de l’habitat des naseux mouchetés dans le réseau de la rivière Kettle.

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